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19/03/1999 | FRANCE | N°1997-2329

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19 mars 1999, 1997-2329


FAITS ET PROCEDURE,

Par acte sous sein privé en date du 8 juin 1990, la Société "GAN INCENDIE ACCIDENT" a donné à bail à Monsieur et Madame X... un appartement sis à PUTEAUX. Par exploits d'huissier en date du 28 septembre 1995 signifiés à mairie, la société bailleresse a fait citer Monsieur et Madame X... devant le tribunal d'instance de PUTEAUX aux fins de les voir condamner à lui payer la somme de 47.318 francs au titre du solde locatif, déduction faite du dépôt de garantie, et arrêté à fin février 1995, celle de 2.000 francs à titre de dommages et intérêts pou

r résistance abusive et celle de 5.000 francs sur le fondement de l'article...

FAITS ET PROCEDURE,

Par acte sous sein privé en date du 8 juin 1990, la Société "GAN INCENDIE ACCIDENT" a donné à bail à Monsieur et Madame X... un appartement sis à PUTEAUX. Par exploits d'huissier en date du 28 septembre 1995 signifiés à mairie, la société bailleresse a fait citer Monsieur et Madame X... devant le tribunal d'instance de PUTEAUX aux fins de les voir condamner à lui payer la somme de 47.318 francs au titre du solde locatif, déduction faite du dépôt de garantie, et arrêté à fin février 1995, celle de 2.000 francs à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et celle de 5.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Monsieur et Madame X... ont sollicité la condamnation de la SOCIETE GENERALE à leur payer la somme de 45.000 francs en raison des troubles de jouissance par eux subis, ont sollicités des délais de paiement pour le surplus ainsi que la somme de 6.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Par jugement contradictoire en date du 10 décembre 1996, le tribunal d'instance de PUTEAUX a condamné Monsieur et Madame X... à payer à la Société GAN la somme de 47.318 francs avec intérêts au taux légal à compter du 16 juin 1996, a autorisé les défendeurs à se libérer de leur dette en 24 mensualités égales, le 10 de chaque mois à compter de la signification de la décision ; dit qu'en cas de non paiement d'une seule échéance la totalité de la dette serait immédiatement exigible ; débouté les parties du surplus de leurs demandes ; condamné les époux X... aux dépens.

Le 24 février 1997, Monsieur et Madame X... ont relevé appel de cette décision. Ils font grief à la décision entreprise d'avoir considéré que les lieux n'ont été libérés qu'en février 1995 et que la preuve de trouble de jouissance n'était pas rapporté alors que, selon eux, ils ont donné congé pour le mois de novembre 1994 afin d'habiter le pavillon qu'ils venaient d'acquérir, ce qui a été accepté par le bailleur ; que la restitution des clefs à la gardienne, salarié de la société bailleresse, équivaut à une restitution de l'appartement, que s'ils ont effectivement conservé un jeu de clefs c'est uniquement en raison des plantations de la terrasse et dans l'attente d'une proposition d'indemnisation par le propriétaire en raison de l'amélioration apportée au local ; que le fait qu'ils aient continué à retirer le courrier n'affecte en rien la libération effective de l'appartement ; qu'il ressort clairement, tant des déclarations de la concierge que de celles d'autres locataires, que l'ascenseur a été plusieurs fois en panne entraînant un trouble de jouissance ; qu'il ne peut être déduit de la poursuite du paiement des loyers et de l'absence de réclamations écrites qu'ils auraient renoncé à se prévaloir des troubles de jouissances occasionnés par la réfection de la terrasse.

Par conséquent, ils prient la Cour de : - d'infirmer purement et simplement le jugement du tribunal d'instance de PUTEAUX du 10 décembre 1996 et, en conséquence : - débouter le GAN de l'ensemble de ses demandes au titre des loyers arriérés, - condamner le GAN à payer aux époux X... la somme de 45.000 Francs de dommages-intérêts compte tenu d'une part, des divers troubles de jouissance subis et, d'autre part, de la faute commise en n'ayant pas averti que l'appartement serait ultérieurement revendu et laissé croire que les aménagements de la terrasse seraient négociés avec le prochain

locataire, Très subsidiairement, en cas de condamnation au paiement de loyers et pour le cas où il existerait un différentiel avec les dommages intérêts sollicités à l'encontre du GAN, accorder un délai de grâce d'un an aux époux X... puis des règlements échelonnés sur l'année subsistante ou des délais sur une période de deux ans en application de l'article 1244 du Code civil compte tenu de leur situation financière, - condamner le GAN au paiement d'une somme de 6.000 Francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens dont recouvrement au profit de la SCP JULLIEN LECHARNY ROL dans les termes de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

La Société GAN INCENDIE ACCIDENT fait valoir qu'en raison de l'absence de diligence des époux X... pour établir l'état des lieux de sortie, ils sont revenus, selon elle, sur leur décision de libérer les lieux pour le 9 novembre 1994 ; que la prétendue remise des clefs à la gardienne ne peut constituer, en tout état de cause, une restitution du local loué d'autant plus que Monsieur et Madame X... reconnaissent avoir conservé par devers eux un jeu de clefs ; qu'ils ne peuvent valablement prétendre avoir conserver les dites clefs dans l'attente d'une proposition d'indemnisation en raison des travaux par eux réalisés sur la terrasse puisqu'il résulte expressément des clauses du bail (article 31 b) que les embellissements fait par le preneur profiteront au bailleur, sans qu'aucune indemnité de sa part ; que les lieux n'ont donc été valablement libérés qu'en février 1995 les loyers étant dus pour la période de novembre 1994 à février 1995 ; que la preuve des prétendus troubles de jouissance n'est pas rapportée ; qu'enfin, Monsieur et Madame X... ne sont pas fondés à solliciter des délais de paiement, ayant déjà bénéficié d'un délai de plus de trois ans et demi.

Par conséquent, la Société GAN INCENDIE ACCIDENT prie la Cour de : - dire Monsieur et Madame X... mal fondés en leur appel, - les en débouter, - confirmer le jugement rendu par le tribunal d'instance de PUTEAUX le 10 décembre 1996 en ce qu'il a :

- les condamner à verser à la Société GAN INCENDIE ACCIDENT à la somme de 47.318 Francs au titre des loyers impayés des mois de septembre 1994 à février 1995 augmentée des intérêts au taux légal depuis le 16 juin 1996, - les a déboutés de leur demande d'indemnisation en réparation des troubles de jouissance prétendument subis, - infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a accordé 24 mois de délais à Monsieur et Madame X..., - constater que Monsieur et Madame X... ont bénéficié de trois ans et demi de délais, - les débouter de leur demande à ce titre, - les condamner à verser à la Société GAN INCENDIE-ACCIDENTS la somme de 25.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - condamner Monsieur et Madame X... aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP KEIME ET GUTTIN, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

L'ordonnance de clôture a été signée le 7 janvier 1999 et l'affaire appelée à l'audience du 19 février 1999 où elle a été plaidée pour les deux parties.

SUR CE, LA COUR,

A) I/ Considérant qu'il est certes constant que, par acte notarié du 7 novembre 1994, les époux X... ont acheté une maison dans la commune de BOIS-COLOMBES et que cet acte parlait (page 4 "PROPRIETE ET JOUISSANCE") d'une "prise de possession réelle" par les

acquéreurs, le lien étant libre de toute occupation ou de toute location ; qu'il demeure cependant que les époux X... qui prétendent avoir déménagé entre le 7 et le 9 novembre 1994 ne communiquent aucune facture de déménagement et qu'à ce jour, plus de quatre années après les faits invoqués, ils ne démontrent toujours pas qu'ils avaient effectivement occupé leur nouvelle maison de BOIS-COLOMBES entre le 7 et le 9 novembre 1994, comme ils le prétendent ; que, notamment, ils ne produisent pas de facture de téléphone, d'eau et d'électricité, ni de courriers reçus à ce nouveau domicile, dès novembre 1994, ni de changement d'adresse auprès de la Poste ou de déclarations de changement de domicile (article 104 du code civil), ni aucune autre pièce justificative établissant la réalité et la date de la prise de possession effective de leur nouveau bien ;

Considérant, par ailleurs, qu'en tout état de cause, les époux X... ayant donné congé, devaient procéder à la remise complète de toutes les clés qu'ils détenaient, entre les mains d'un mandataire de leur bailleresse, ce que manifestement ils n'ont pas fait, puisqu'il est constant que les intéressés ont cru pouvoir conserver un double de ces clés qu'ils ont utilisé et ce, selon eux, afin de pouvoir venir arroser les 30 arbres existant sur la terrasse de l'appartement, dans l'attente de la décision à prendre par le GAN au sujet du sort à donner à ces arbres ; que, ce faisant, les époux X... se sont arrogé un droit d'occupation et d'usage, de fait, sur ces lieux dont ils n'étaient plus locataires ; qu'il n'y a donc pas eu de libération effective et complète des locaux litigieux, en novembre 1994 ;

Considérant que c'est donc, à bon droit, et par une exacte analyse des circonstances de la cause que le premier juge a retenu que les

époux X... n'avaient libéré effectivement les lieux ; qu'en février 1995 ; que le jugement est donc confirmé, de ce chef ;

Considérant par ailleurs, qu'en application de l'article 3 de la loi du 6 juillet 1989, les époux X... devaient restituer les clés -sans donc avoir le droit d'en conserver un double qu'ils ont utilisé à leur convenance- et que de plus, cette restitution devait être faite entre les mains de la bailleresse ou du mandataire de celle-ci ; que les époux X... n'ont pas respecté cette obligation, puisqu'ils ont remis les clés à la concierge qui est une salariée et dont rien ne démontre qu'elle aurait reçu le mandat spécial de recevoir les clés restituées par les locataires quittant les lieux ; que les appelants ne sont donc pas fondés à se prévaloir, à ce sujet, d'un prétendu usage en vertu duquel, selon eux, les locataires ou anciens locataires pouvaient retirer ou déposer les clés auprès de la concierge, ou "chez la concierge", cette dernière expression impliquant d'ailleurs qu'il pourrait même ne pas avoir de remise de ces clés, de la main à la main, mais simplement leur dépôt dans la boîte aux lettres de la concierge ; que ce dépôt de clés "chez" la concierge ne répond donc pas aux exigences de l'article 3 de la loi du 6 juillet 1989 ;

Considérant que les appelants sont donc déboutés de toute leur argumentation au sujet de cette restitution des clés, et que le jugement déféré est confirmé en ce qu'il les a, à bon droit, condamnés à payer au GAN la somme de 47.318 Francs correspondant à leur occupation des lieux jusqu'au 1er mars 1995 ;

II/ Considérant que pour les besoins manifestes de leur défense, les époux X... qui n'avaient jamais adressé de lettres de réclamations

ou de doléances à leur bailleresse, invoquent de prétendus "troubles de jouissance" qu'ils ne semblent avoir découverts que tardivement, devant le premier juge, et uniquement pour chercher à opposer une prétendue compensation aux demandes en paiement formulées contre eux ;

Considérant que devant la Cour, plus de quatre années après les faits, les époux X... ne font toujours pas la preuve qui leur incombe ; que les trois attestations, conformes aux exigences de l'article 202 du Nouveau Code de Procédure Civile et dignes d'avoir une valeur probante, qui sont produites, émanant de l'ancienne concierge, ainsi que de Monsieur Pascal Y... et de Monsieur Z..., anciens locataires de cet immeuble entre octobre 1988 et octobre 1993, font certes état de "très nombreuses pannes d'ascenseur à répétition", mais qu'il demeure que ces pannes ne paraissent pas avoir gêné les appelants qui n'ont jamais adressé de lettres de réclamations, à ce sujet ; que de même, les intéressés ne se sont jamais plaints par écrit auprès du GAN, en temps utile, de travaux de remise en état de la terrasse du 5ème étage, qui auraient eu, selon eux, une durée anormalement longue, et auraient été source de troubles de jouissance pour eux ;

Considérant que la demande de dommages et intérêts des époux X... de ces deux chefs est injustifiée, qu'ils en sont donc déboutés ; que le jugement déféré est confirmé de ce chef ;

III/ Considérant en ce qui concerne les aménagements de la terrasse, que, là encore, les époux X... n'avaient adressé au GAN aucune lettre de réclamations, et qu'il ne semble même pas que cette prétention ait été expressément formulée devant le premier juge ;

Considérant que le jugement déféré indique dans son exposé des faits et des moyens et prétentions des parties, que les époux X... "affirmaient avoir récupéré l'ensemble des aménagements de la terrasse, le 18 février 1995", et que, devant la Cour, les appelants ne remettent pas en cause cet état de fait et qu'ils ne démontrent pas quel préjudice certain et direct ils auraient subi au sujet de ces 30 arbres ; qu'ils sont donc déboutés de leur demande de dommages et intérêts de ce chef ;

Considérant, de plus, qu'aucun document émanant du GAN ne démontre que ce bailleur aurait commis une quelconque faute pour ne pas avoir indiqué immédiatement aux époux X... que cet appartement serait revendu et qu'ainsi -toujours selon la thèse des appelants- le GAN leur aurait laissé croire qu'il négocierait ces aménagements de la terrasse avec le locataire suivant ; qu'aucune faute n'est donc démontrée et retenue à la charge du GAN sur ce point ;

IV/ Considérant enfin que les époux X... sollicitent subsidiairement un délai de grâce d'un an, compte tenu de leur situation financière, mais qu'ils n'ont pas communiqué de documents complets et suivis au sujet de leur situation actuelle, de sorte que rien n'est entièrement démontré sur les charges et les revenus de ce couple pour les années 1995, 1996, 1997, 1998 et 1999 ; que, notamment, leurs avis d'imposition et leurs déclarations de revenus ne sont pas produits, et que Monsieur X... qui prétend être au chômage n'a produit qu'un seul document des ASSEDIC qui remonte à février 1996 ;

Considérant que les appelants sont donc déboutés de leur demande en

octroi de délais de paiement,et que le jugement est réformé sur ce point ;

V/ Considérant enfin que, compte tenu de l'équité, les époux X... qui succombent en leur appel sont déboutés de leur demande en paiement de la somme de 6.000 Francs en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

B) Considérant par contre que, compte tenu de l'équité, les époux X... sont condamnés à payer au GAN la somme de 13.000 Francs en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

. DEBOUTE les époux Fabrice X... des fins de leur appel et de toutes les demandes que celui-ci comporte ;

. CONFIRME le jugement déféré (à l'exception de l'octroi de délais de paiement, les appelants étant déboutés de ce chef de demande) ;

AJOUTANT AU JUGEMENT :

. CONDAMNE les époux X... à payer à la SA GAN la somme de 13.000 Francs (TREIZE MILLE FRANCS) en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

CONDAMNE les époux X... à tous les dépens de première instance et

d'appel qui seront recouvrés directement contre eux par la SCP d'avoués KEIME ET GUTTIN, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET : Le Greffier,

Le Président, Marie Hélène EDET

Alban CHAIX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1997-2329
Date de la décision : 19/03/1999

Analyses

BAIL (règles générales) - Preneur - Obligations - Restitution de la chose louée en fin de bail - Remise des clefs par le preneur ou refus du bailleur de les recevoir

Le locataire qui donne congé doit remettre les clefs qu'il détenait au bailleur ou au mandataire de celui-ci pour libérer effectivement les lieux, en application de l'article 3 de la loi du 6 juillet 1989. En conséquence, ne peut prétendre qu'il y a eu libération effective des lieux loués le locataire qui a remis les clefs au concierge de l'immeuble en l'absence de tout mandat spécial donné par le bailleur à ce salarié


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1999-03-19;1997.2329 ?
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