FAITS ET PROCEDURE
Monsieur X... et madame Y... se sont mariés en 1969 à SIDI SLIMANE au MAROC, mariage authentifié par acte du 18 novembre 1973 du Tribunal d'Instance de SIDI SLIMANE.
Ils ont eu cinq enfants de ce mariage :
- MOHAMED né le 18 avril 1971,
- TAMOU née le 22 avril 1972,
- MALIKA née le 31 octobre 1973,
- AOUINYA née le 20 avril 1978
et YAMIN né le 11 octobre 1982.
Le divorce a été prononcé par un tribunal marocain le 21 septembre 1992 puis les époux ont repris la vie commune jusqu'en 1994.
Sur une requête en divorce présentée par la forme le 25 novembre 1994, une ordonnance de non-conciliation a été rendue le 2 mars 1995 précisant que les parents exerceront en commun l'autorité parentale sur les enfants mineurs avec résidence habituelle chez la mère, condamnant le père à régler une contribution de 2.400 francs soit 600 francs par enfant, accordant à la femme une pension alimentaire de
1.000 francs et organisant le droit de visite et d'hébergement du père.
Par une ordonnance du 19 mars 1996, le Juge de la mise en état a supprimé à compter de cette date la contribution alimentaire pour l'entretien de Malika et Mohammed et la pension alimentaire versée au profit de la femme qui avait trouvé des revenus dans le cadre d'un contrat emploi solidarité.
Sur une assignation délivrée par la femme, le Juge aux Affaires Familiales du Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES a par jugement rendu le 14 janvier 1997 :
- prononcé le divorce aux torts du mari et l'a condamné à régler une prestation compensatoire à la femme sous la forme d'une rente mensuelle "viagère" de 2.000 francs pendant quinze ans indexée (sic),
- attribué à la femme les droits locatifs sur le local ayant constitué le domicile conjugal
et accordé l'autorisation de continuer à porter le nom de son mari. Il était encore fixé une contribution 2.600 francs, soit 800 francs par enfant.
Le premier Juge a retenu à l'encontre du mari le fait d'avoir quitté le domicile conjugal au mois de mai 1994 sans donner à la femme connaissance de sa nouvelle adresse, de l'avoir répudiée unilatéralement au Maroc le 18 septembre 1992, et de s'être remis en
ménage avec une autre femme dont il avait eu d'autres enfants.
Il écartait les griefs allégués par le mari à l'encontre de la femme qui lui reprochait de l'avoir mis à la porte et de s'être montré violent à son égard à plusieurs reprises.
Il relevait que la femme âgée de 43 ans s'était mariée à l'âge de 15 ans et s'était consacré à l'éducation des enfants n'ayant aucune qualification professionnelle, son dernier emploi ayant été obtenu dans le cadre d'un contrat Solidarité à mi-temps.
Monsieur X... a relevé appel de cette décision et sollicite son infirmation, le prononcé du divorce aux torts exclusifs de son épouse, son débouté de toute prestation compensatoire et la fixation d'une contribution de 600 francs par enfant soit 1.200 francs au
total,
Il demande le débouté de son épouse de sa demande tendant à conserver l'usage du nom marital et lui réclame une somme de 5.000 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Il soutient que le divorce a été légalement prononcée par le Tribunal marocain compétent le 21 septembre 1992 mais indique que les époux avaient ensuite repris la vie commune ; dans les seuls motifs de ces écritures il expose que l'acte de répudiation et l'acte de divorce marocain sont opposables à la femme et rendent dès lors irrecevable sa demande en divorce en vertu de la loi française.
Il précise qu'il s'était marié conformément à la loi coranique et que le couple avait la nationalité marocaine.
Il indique que sa femme avait retiré le 3 août 1994 l'indemnité compensatoire pour elle-même et la pension alimentaire pour les enfants.
Il maintient avoir été mis à la porte du domicile conjugal par son épouse qui connaissait parfaitement par la suite sa nouvelle adresse. Il lui reproche également de s'être montrée violente à son égard à plusieurs reprises ce qui résulte de deux certificats médicaux datant de 1989 et 1992.
Sur la prestation compensatoire il indique en tout état de cause qu'il présente des problèmes de santé et qu'il devra arrêter le travail de nuit supplémentaire pour la SNCF alors que sa femme est en bonne santé et a un emploi.
Il estime que sa femme ne justifie pas d'un intérêt à conserver l'usage de son nom.
Sur un incident introduit par le mari à l'effet de devoir réduire la pension alimentaire qu'il verse pour les enfants, le Conseiller de la mise en état a, par une ordonnance en date du 7 avril 1998, débouté le demandeur de son incident et la femme de sa demande reconventionnelle tendant à obtenir pour elle-même une pension alimentaire de 1.000 francs et l'augmentation de la contribution du père à l'entretien de ses enfants à 1.000 francs par mois et par enfant.
Il notait que le mari perçoit 8.662 francs par mois et vit en foyer alors que son épouse perçoit en tant qu'agent de restauration un salaire de 5.520 francs en réglant un loyer de 2.844 francs.
Madame Y... a formé un appel incident tendant à voir fixer la contribution à l'entretien et l'éducation des enfants à 1.000 francs par mois et par enfant indexée et demande de préciser que la prestation compensatoire sous forme de rente sera versée à vie,
Elle sollicite encore le versement d'une somme de 4.332 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Elle rappelle que la répudiation prononcée au Maroc est contraire à l'ordre public français en matière internationale car elle ne respecte pas l'égalité entre les époux selon un arrêt récent de la cour de cassation et ne peut donc produire aucun effet en France.
Elle en déduit que le fait pour son mari d'y avoir eu recours alors qu'il avait déjà obtenu la nationalité française et dans l'intention de la priver de ses droits légitimes constitue un grief.
Elle reproche également à son mari l'abandon de domicile et l'adultère qui n'est pas même contesté puisque dans ses conclusions d'incident de décembre 1997 il a reconnu être le père d'un enfant de trois ans.
Elle conteste comme non justifiés les griefs allégués à son encontre. Sur la prestation compensatoire elle indique que son mari qui a obtenu la nationalité française profite d'un emploi stable à la SNCF alors qu'elle même, toujours de nationalité marocaine et illettrée, vient de trouver un contrat d'un an tout en restant dans une situation extrêmement précaire et n'ayant pratiquement aucun droit à la retraite.
Sur le nom elle s'en rapporte à justice.
Par des dernières écritures Monsieur X... a indiqué que sa fille AOUYNA perçoit 50% du SMIC ce qui justifie sa demande de réduction de
la pension alimentaire à 400 francs.
Il reconnaît percevoir un salaire de 9.800 francs et conteste toute disparité dans les conditions de vie respectives.
SUR CE,
Considérant préalablement que les parties s'accordent pour considérer qu'une erreur purement matérielle s'est glissée dans le jugement entrepris en ce sens que le mot "viagère" a été malencontreusement accolé à la formule relative à la fixation de la prestation compensatoire sous forme d'une rente mensuelle de 2.000 Francs par mois durant 15 ans,
Que l'erreur sera donc réparée par la suppression du mot "viagère".
Considérant sur le prononcé du divorce qu'en premier lieu sur le moyen d'irrecevabilité opposé par l'appelant à la demande en divorce présentée par son épouse et tiré du jugement de divorce prononcé le 21 septembre 1992 par une juridiction marocaine, qu'il apparaît à présent bien établi qu'une répudiation constatée dans les formes de la loi marocaine ne saurait produire d'effet en France, dès lors qu'elle se heurte aux exigences de l'ordre public international parmi lesquelles figure le principe de l'égalité des droits et responsabilités des époux lors de la dissolution du mariage consacré à l'article 5 du protocole n°7 additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, même si comme en l'espèce, la femme avait accepté les pensions accordées par le juge marocain, l'acquiescement de cette dernière ne pouvant se déduire de ce seul fait,
Que dans ces conditions, le moyen d'irrecevabilité présenté par l'appelant dans les motifs de ses écritures ne saurait être retenu,
Qu'en second lieu, l'appelant ne saurait déduire, ainsi que l'a parfaitement indiqué le premier juge, de la seule production de deux certificats médicaux établis en 1989 et 1992 se bornant à constater un hématome de la région sacro coccygienne, et un syndrome dépressif, la preuve de la réalité des violences qu'il reproche à son épouse,
Qu'il ne justifie pas plus avoir été en 1994 chassé du domicile conjugal,
Que par contre et en troisième lieu madame Y... établit à tout le moins l'adultère de son mari, père d'un enfant SIHEM né le 24 novembre 1993 des oeuvres de madame Z... pour lequel il a été condamné par le Tribunal de Grande Instance d'ALES à régler une contribution de 600 francs indexée.
Considérant que les faits établis exclusivement à l'encontre de monsieur X... constituent des violations graves et renouvelées des devoirs et obligations du mariage rendant intolérable le maintien de la vie commune, et justifient le prononcé du divorce aux torts exclusifs du mari.
Considérant sur la prestation compensatoire qu'il apparaît que monsieur X... âgé de 46 ans agent à la SNCF avait perçu en 1995 un salaire mensuel net de 9.309 francs,
Que son avis d'imposition 1997 fait ressortir des revenus mensuels de 9.813 francs,
Qu'il vit en foyer et règle un loyer de 1.070 francs par mois, ses repas en restaurant d'entreprise lui revenant à 2.325 francs,
Qu'il règle un crédit automobile de 782 francs et paie une pension alimentaire pour l'enfant SIHEM, ainsi que 500 francs à sa propre mère,
Que de son côté madame Y..., âgée de 44 ans travaille dans le cadre d'un contrat d'emploi solidarité en qualité d'agent de restauration pour un salaire de 5.520 francs par mois et règle un loyer de 3.160 francs par mois dont il faut déduire 1.639 francs d'APL,
Qu'elle n'avait cependant déclaré en 1997 qu'un revenu de 3.220 francs par mois,
Qu'elle assume la charge de ses deux enfants;
Que sa situation professionnelle reste précaire ce d'autant qu'elle n'a aucune formation professionnelle,
Que le mariage a duré près de 30 années et que cinq enfants sont issus de cette union,
Que la femme s'est mariée à l'âge de 15 ans et s'est consacrée à
l'éducation de ses enfants,
Qu'au vu de ces éléments, il convient de constater que la rupture du lien conjugal crée une disparité au détriment de madame Y... qui sera réparée par l'allocation d'une prestation compensatoire sous forme d'une rente mensuelle indexée de 1.500 francs pendant 15 ans.
Considérant qu'au vu des éléments financiers ci-dessus décrits, il convient de fixer mais à compter du prononcé de la présente décision, la contribution de monsieur X... à l'entretien des enfants restant à la charge de madame Y... à la somme de 400 francs pour AOUINYA, enfant majeure qui perçoit la moitié du SMIC dans le cadre d'un contrat de qualification, et de maintenir la contribution fixée par le premier juge pour YAMIN à 800 francs indexée.
Considérant que madame Y... n'établit pas un intérêt professionnel ou familial, compte tenu notamment de l'âge des enfants, justifiant qu'elle soit autorisée à conserver l'usage du nom de son mari,
Que sur ce point la décision sera infirmée,
Qu'il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge des parties les frais non compris dans les dépens et qu'il y a lieu de les débouter de leurs demandes formées en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement, après débats en chambre du conseil :
RECTIFIE l'erreur matérielle contenue dans le jugement par la suppression du terme "viagère" relatif à la rente accordée à madame Y... à titre de prestation compensatoire,
CONFIRME la décision entreprise sur le prononcé du divorce et sur la contribution du père à l'entretien et l'éducation de YAMIN ainsi que sur l'attribution des droits locatifs à la femme,
L'INFIRME sur le surplus et STATUANT À NOUVEAU :
CONDAMNE monsieur X... à payer à madame Y... une prestation compensatoire sous forme d'une rente mensuelle indexée de 1.500 francs (228,67 Euros) durant 15 ans,
FIXE à 400 francs (60,98 Euros) à compter du prononcé de la présente décision la contribution de monsieur X... à l'entretien et l'éducation de l'enfant AOUINYA,
DIT que cette contribution et la prestation compensatoire seront l'objet d'une réévaluation annuelle en fonction de l'indice mensuel INSEE des prix à la consommation des ménages urbains dont le chef de famille est ouvrier ou employé (série FRANCE hors tabac) et pour la première fois le 1er mars 2000,
DÉBOUTE madame Y... de sa demande tendant à être autorisée à continuer à porter le nom de son mari,
CONDAMNE monsieur X... en tous les dépens, qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle, autorisation étant accordée à la SCP GAS de les recouvrer en application de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.
ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET
Le Greffier,
Le Président,
L. LABUDA
T. FRANK