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05/03/1999 | FRANCE | N°1997-1450

France | France, Cour d'appel de Versailles, 05 mars 1999, 1997-1450


FAITS ET PROCEDURE,

Par ordonnance rendue le 20 février 1996 par le Président du Tribunal d'Instance de MANTES LA JOLIE, Marc X... a été condamné à payer à la SARL GUEREMOND la somme de 6.709,56 francs majorée des intérêts au taux légal. Par lettre parvenue au greffe le 11 avril 1996, Monsieur X... a formé opposition à cette ordonnance à lui signifier à la mairie de son domicile certifié certain par lettre parvenue au Greffe le 11 avril 1996.

A l'audience du tribunal d'instance de MANTES LA JOLIE tenue le 29 novembre 1996, la SARL GUEREMOND a exposé que le 26 j

uin 1994, Monsieur X... a souscrit un contrat prévoyant l'insertion d'une pu...

FAITS ET PROCEDURE,

Par ordonnance rendue le 20 février 1996 par le Président du Tribunal d'Instance de MANTES LA JOLIE, Marc X... a été condamné à payer à la SARL GUEREMOND la somme de 6.709,56 francs majorée des intérêts au taux légal. Par lettre parvenue au greffe le 11 avril 1996, Monsieur X... a formé opposition à cette ordonnance à lui signifier à la mairie de son domicile certifié certain par lettre parvenue au Greffe le 11 avril 1996.

A l'audience du tribunal d'instance de MANTES LA JOLIE tenue le 29 novembre 1996, la SARL GUEREMOND a exposé que le 26 juin 1994, Monsieur X... a souscrit un contrat prévoyant l'insertion d'une publicité de son activité de chauffeur de taxi sur des marques pages distribués à des abonnés du téléphone moyennant le prix de 9.962, 40 francs ; que Monsieur X... reste redevable de la somme de 6.709 francs.

Elle a donc sollicité du premier juge la confirmation de l'ordonnance dont opposition, la condamnation de Monsieur X... au paiement de 805,15 francs représentant les frais de recouvrement contractuellement prévus et celle de 5.000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Monsieur X... a fait valoir que le contrat du 28 juin 1994 ne respecte pas les dispositions de la loi du 22 décembre 1972 et devait donc être annulé.

Par conséquent, il a demandé au premier juge, outre la rétractation de l'ordonnance, la condamnation de la SARL GUEREMOND à lui

rembourser la somme déjà versée soit 3.280,80 francs et à lui payer la somme de 3.000 francs à titre de dommages-intérêts, celle de 5.000 francs sur le fondement de l'article 700 nouveau code de procédure civile ainsi que la publication de la présente décisions dans deux revues spécialisées.

Par jugement contradictoire en date du 3 janvier 1997, le tribunal d'instance de MANTES LA JOLIE a rendu la décision suivante : - reçoit Marc X... en son opposition contre l'ordonnance délivrée le 20 février 1996, - substituant le présent jugement à l'ordonnance ci-dessus évoquée : - prononce la nullité du contrat conclu le 28 juin 1994 entre la SARL GUEREMOND et Marc X..., - condamne la SARL GUEREMOND à rembourser à Marc X... la somme de 3.320,80 Francs, - condamne la SARL GUEREMOND à payer à Marc X... la somme de 3.000 Francs à titre de dommages et intérêts et celle de 5.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, - déboute la SARL GUEREMOND de l'ensemble de ses demandes et Marc X... du surplus de ses demandes, - ordonne l'exécution provisoire de la présente décision sauf en ce qui concerne les sommes allouées au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - condamne la SARL GUEREMOND aux dépens.

Appelante de cette décision, le 27 février 1997, la SARL GUEREMOND fait grief à la décision entreprise d'avoir fondé sa décision en considération des dispositions de la loi de 1972, alors que pendant 20 mois, Monsieur X... n'a jamais revendiqué l'application de ladite loi et qu'il n'a pas usé de sa faculté de rétractation.

Elle fait valoir ensuite que Monsieur X... ne rapporte pas la preuve des manoeuvres dolosives pratiquées par le représentant ;

qu'au contraire, il ressort de différentes pièces, notamment du contrat lui-même, que la publicité serait effectuée sur trois années sur trois cantons moyennant un prix global de 8.400 francs HT, qu'aucune confusion n'était possible avec les publicités de la Société "FRANCE TELECOM" dans les pages jaunes et blanches de l'annuaire ; que, conformément à une jurisprudence bien établie de la Cour de cassation visant à définir le champ d'application des dispositions protectrices du droit de la consommation, le contrat passé par Monsieur X... avait pour but d'étendre son activité professionnelle l'excluant ainsi du domaine de la loi de 1972 ; que dès lors, le contrat passé avec Monsieur X... étant parfaitement valable, elle est fondée à obtenir le paiement des redevances dues au titre dudit contrat soit 6.709,56 francs, outre les intérêts dus sur cette somme à compter de la mise en demeure du 9 octobre 1995 et les frais de recouvrement forfaitairement prévus au contrat soit 805,15 francs.

Par conséquent, la SARL GUEREMOND demande à la Cour de : - déclarer recevable et fondé l'appel interjeté par la SARL GUEREMOND, Y faisant droit, - réformant le jugement du tribunal d'instance de MANTES LA JOLIE : - débouter Monsieur X... de toutes ses demandes, - dire que l'ordonnance sortira son plein et entier effet, En conséquence, condamner Monsieur X... à restituer à la SARL GUEREMOND la somme de 6.320,80 Francs réglée au titre de l'exécution provisoire, outre les intérêts, - le condamner également à verser à la SARL GUEREMOND la somme principale de 6.709,56 Francs, Faisant droit à la demande reconventionnelle de la SARL GUEREMOND, condamner, en outre, Monsieur X... à verser à la SARL GUEREMOND les intérêts sur la somme de 6.709,56 Francs à compter de la mise en demeure du 9 octobre 1995, - condamner, en outre, Monsieur X... à verser à la SARL GUEREMOND la

somme de 805,15 Francs au titre des frais de recouvrement et une somme de 10.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, - le condamner en tous les dépens dans lesquels seront compris les frais d'injonction avec application au profit de Maître BINOCHE, avoué à la Cour des dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

Monsieur X... fait valoir qu'il a été démarché d'abord téléphoniquement, puis à son domicile, par la SARL GUEREMOND ; que le contrat passé le 28 juin 1994 encourt la nullité, faute de respecter les dispositions des articles L121-1 et L121-21 et suivants du Code de la consommation ; que le contrat litigieux n'a pas de rapport direct avec son activité au sens des dispositions de l'article L121-22.4° du Code de la consommation, dès lors que l'opération conclue avec la SARL GUEREMOND n'avait pas pour but de permettre l'exercice de son activité, qu'en conséquence, les règles protectrices relatives au démarchage à domicile ont bien vocation à s'appliquer en l'espèce ; qu'en outre, le représentant de la SARL GUEREMOND s'est rendu coupable de manoeuvres frauduleuses ayant entraîné un dol au sens de l'article 1116 du Code civil constitutif d'un vice du consentement, que le contrat doit donc être déclaré nul et la SARL GUEREMOND condamnée à lui payer la somme de 3.000 francs à titre de dommages-intérêts.

Par conséquent, Monsieur X... prie la Cour de : - dire la SARL GUEREMOND irrecevable et en tout mal fondée en son appel, - la débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions, - confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions, A titre subsidiaire, - constater le dol dont Monsieur X... a été victime de la part de la SARL GUEREMOND, - prononcer, en conséquence, la nullité du contrat

conclu le 28 juin 1994, par application des dispositions de l'article 1116 du code civil, - condamner la SARL GUEREMOND à restituer à Monsieur X... la somme de 3.280,80 Francs, - la condamner également à lui payer la somme de 3.000 Francs à titre de dommages et intérêts, - condamner la SARL GUEREMOND à payer à Monsieur X... la somme de 10.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel, - la condamner en tous les dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés, pour ceux la concernant, par la SCP JULLIEN LECHARNY ROL, société titulaire d'un office d'avoué conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été signée le 7 janvier 1999 et l'affaire plaidée à l'audience du 4 février 1999.

SUR CE, LA COUR,

1) Sur l'application des dispositions législatives relatives au démarchage à domicile,

Considérant qu'aux termes de l'article L.121-22 du Code de la consommation, ne sont pas soumises aux dispositions protectrices des consommateurs en cas de démarchage à domicile, les ventes, locations ou locations-ventes de biens ou les prestations de services, "lorsqu'elles ont un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation agricole, industrielle, commerciale ou artisanale ou de toute autre profession" ;

Considérant qu'en souscrivant le contrat litigieux, Monsieur X..., artisan taxi, souhaitait assurer la promotion de son activité de service et ainsi étendre sa clientèle ;

Considérant que la souscription d'un contrat de publicité destiné à promouvoir et à développer l'activité professionnelle d'artisan taxi du souscripteur est en rapport direct avec cette activité ; que par conséquent, c'est à tort que le jugement déféré a fait application des articles L.121-23 à L.121-29 du Code de la consommation relatifs à la protection des consommateurs en cas de démarchage à domicile ; que la nullité du contrat n'est pas encourue de ce chef ;

2) Sur le dol,

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article 1116 alinéa 2 du Code civil, le dol doit être prouvé par le contractant qui s'en prévaut comme cause de nullité du contrat ;

Considérant qu'en l'espèce, Monsieur X... a signé le contrat litigieux le 28 juin 1994, lequel contrat a commencé à recevoir exécution, puisqu'il n'est pas contesté qu'une première expédition de marque-page-annuaire a eu leu le 3 novembre 1994 et que Monsieur X... a réglé le solde de la redevance afférente à cette distribution ; qu'il ressort des pièces versées aux débats par les parties, notamment d'un courrier du 20 septembre 1995 adressé par la SARL GUEREMOND à Monsieur X..., que, c'est au cours d'un entretien téléphonique du 12 septembre 1995 que celui-ci a demandé à l'appelante de justifier de l'exécution de ses obligations contractuelles relativement à l'expédition des marque-page- annuaire ;

Considérant que dans un courrier daté du 9 novembre 1995, adressé à Maître LEGRAIN, huissier de justice, Monsieur X... a indiqué que le représentant de la SARL MEDIA PAGE avait pris contact avec lui par téléphone et que rendez-vous avait été pris pour le lendemain, alors

que dans sa lettre au Président du tribunal en date du 19 novembre 1996, il a écrit que ce représentant l'avait persuadé de le recevoir le soir même; que Monsieur X... prétend que ce représentant serait resté plus de trois heures chez lui, mais ne produit aucun élément de preuve étayant cette affirmation ;

Considérant qu'il est précisé au recto du contrat litigieux que "MEDIA PAGE", fabricant et distributeur des marque-page-annuaire, ne peut être confondu avec l'office d'annonces et n'a aucun lien avec les PTT ; que, dans ces conditions, la seule mention du mot annuaire n'est pas ambiguù ; que de même, le logo de "MEDIA PAGE", un cadran téléphonique stylisé dans un rectangle, ne peut être confondu avec celui de FRANCE TELECOM, un ensemble de 9 touches disposées en diagonale et en losange au sein de demi-cercles non reliés entre eux ; que Monsieur X... ne démontre pas que le représentant de la SARL GUEREMOND aurait affirmé agir en accord avec la Société "FRANCE TELECOM" ;

Considérant que tout publicitaire a intérêt à évoquer pour son client éventuel, les retombées économiques et financières du contrat envisagé ; que Monsieur X... n'apporte pas la preuve que le représentant de la SARL GUEREMOND ait dépassé en ce domaine les limites de la pratique commerciale ; que d'ailleurs, il ne produit aucune pièce comptable à l'appui de son affirmation selon laquelle la

publicité par marques-pages n'aurait eu aucun impact sur son activité ;

Considérant que les procédures initiées par d'autres commerçants contre la SARL GUEREMOND ne constituent pas une preuve des manoeuvres dolosives qui auraient été entreprises par celle-ci vis-à-vis de l'intimé ;

Considérant que par conséquent, la cour déboute Monsieur X... de sa demande subsidiaire de nullité pour dol ;

3) Sur la créance de la SARL GUEREMOND,

Considérant qu'en raison du défaut de paiement par Monsieur X... du montant de la deuxième redevance prévue au contrat, la SARL GUEREMOND était fondée à se prévaloir de la déchéance du terme par lettre du 9 octobre 1995 ; qu'elle est également fondée à réclamer le paiement du solde des redevances prévues au contrat, (la deuxième et

la troisième échéance) soit la somme de 5.600 Francs HT et 6.641,16 F TTC ; qu'en revanche, le montant de la clause pénale contractuelle, "pour frais de recouvrement", fixée à 12 % des sommes restant dues, soit 805,15 Francs, sera réduit à la somme de 200 Francs, compte tenu à son montant manifestement excessif eu égard à l'économie du contrat ; que la Cour condamne Monsieur X... à payer ces sommes à la SARL GUEREMOND, outre les intérêts au taux légal sur le principal à compter de la mise en demeure du 9 octobre 1995 ;

Considérant que l'appelante n'établit pas avoir versé à Monsieur X... la somme de 3.320,80 Francs, en vertu de l'exécution provisoire attachée au jugement déféré ; que si tel est le cas, en tant que de besoin, la cour condamne Monsieur X... à restituer cette somme à la SARL GUEREMOND ;

4) Sur l'application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

Considérant qu'il n'apparaît pas contraire à l'équité de laisser à la charge de la SARL GUEREMOND les frais irrépétibles de l'instance ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

ET STATUANT A NOUVEAU :

CONDAMNE Monsieur X... à payer à la SARL GUEREMOND la somme principale de 6.641,16 Francs (SIX MILLE SIX CENT QUARANTE ET UN FRANCS SEIZE CENTIMES) TTC, outre les intérêts au taux légal à compter du 9 octobre 1995 et celle de 200 Francs (DEUX CENTS FRANCS) au titre de la clause pénale contractuelle ;

En tant que de besoin,

CONDAMNE Monsieur X... à restituer à la SARL GUEREMOND la somme de 3.320,80 Francs (TROIS MILLE TROIS CENT VINGTS FRANCS QUATRE-VINGT CENTIMES), si cette somme a été réglée en vertu de l'exécution provisoire attachée au jugement déféré, outre les intérêts au taux

légal à compter de ce jour ;

DEBOUTE Monsieur X... des fins de toutes ses demandes ;

DEBOUTE la SARL GUEREMOND de sa demande sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

CONDAMNE Monsieur X... à tous les dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés directement contre lui par Maître BINOCHE, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Et ont signé le présent arrêt:

Le Greffier qui a assisté

Pour le Président empêché au prononcé,

(article 456 du NCPC)

Sylvie RENOULT

Marie Christine LE BOURSICOT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1997-1450
Date de la décision : 05/03/1999

Analyses

PROTECTION DES CONSOMMATEURS - Démarchage et vente à domicile - Exclusion - Existence d'un rapport direct entre l'activité exercée et le contrat proposé - Contrat de publicité - /.

Il résulte de l'article L. 121-22 du Code de la consommation, que ne sont pas soumises aux dispositions protectrices des consommateurs, en cas de démarchage à domicile, les ventes locations ou locations-ventes de biens ou de prestations de service, lorsqu'elles ont un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation agricole, industrielle, commerciale ou artisanale ou de toute autre profession. Un contrat publicitaire souscrit par un artisan-taxi dans le cadre de la promotion de son activité professionnelle étant en rapport direct avec cette activité, c'est à tort que le premier juge a fait application au contrat litigieux des articles L. 121-3 à L. 121-29 du Code de la consommation, alors que la nullité de celui-ci ne pouvait être encourue de ce chef

CONTRATS ET OBLIGATIONS CONVENTIONNELLES - Consentement - Dol - Manoeuvres d'une partie.

En application de l'article 1116 alinéa 2 du Code civil, celui qui se prévaut du dol comme cause de nullité d'un contrat doit le prouver. Lorsqu'il n'est pas contesté qu'un contrat a commencé à recevoir exécution, qu'il précise sans ambigu'té qu'il ne saurait y avoir confusion entre le prestataire et un opérateur de téléphonie, la circonstance que tout publicitaire a intérêt à évoquer, auprès de son client éventuel, les retombées économiques et financières du contrat envisagé, ne peut suffire à établir que le représentant commercial d'une entreprise publicitaire aurait dépassé les limites de la pratique commerciale, pas plus que l'existence de procédures initiées par d'autres commerçants à l'encontre dudit publicitaire ne constituent la preuve de manoeuvres dolosives qui auraient viciées le contrat litigieux


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1999-03-05;1997.1450 ?
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