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05/03/1999 | FRANCE | N°1997-1307

France | France, Cour d'appel de Versailles, 05 mars 1999, 1997-1307


FAITS ET PROCEDURE

Suivant bail en date du 27 février 1939, la SCI LES RENTIERS DE L'AVENIR a donné en location à Monsieur Edmond DURNERIN un appartement situé au 3ème étage sur entresol d'un immeuble sis 43 rue de Lille à Paris 7ème.

Le 9 mai 1967, un congé de pure forme a été délivré à Monsieur et Madame DURNERIN, lesquels sont depuis décédés.

Le 11 avril 1995, la SCI LES RENTIERS DE L'AVENIR a fait délivrer à Madame Jacqueline DURNERIN, fille de Monsieur Edmond DURNERIN et de son épouse, un congé avec dénégation de tout droit au maintien dans l

es lieux, pour le 9 mai 1995, en vertu des articles 10-2 et 10-3 de la loi du 1er septem...

FAITS ET PROCEDURE

Suivant bail en date du 27 février 1939, la SCI LES RENTIERS DE L'AVENIR a donné en location à Monsieur Edmond DURNERIN un appartement situé au 3ème étage sur entresol d'un immeuble sis 43 rue de Lille à Paris 7ème.

Le 9 mai 1967, un congé de pure forme a été délivré à Monsieur et Madame DURNERIN, lesquels sont depuis décédés.

Le 11 avril 1995, la SCI LES RENTIERS DE L'AVENIR a fait délivrer à Madame Jacqueline DURNERIN, fille de Monsieur Edmond DURNERIN et de son épouse, un congé avec dénégation de tout droit au maintien dans les lieux, pour le 9 mai 1995, en vertu des articles 10-2 et 10-3 de la loi du 1er septembre 1948, aux motifs que l'appartement du 43 rue de Lille n'est plus occupé par Madame Jacqueline DURNERIN, qui habite un autre appartement répondant à ses besoins, situé 36 rue du Bac à Paris 7ème.

Par ordonnance sur requête du 9 juin 1994, le président du tribunal d'instance de Paris a désigné Maître Marcel DYMANT, huissier de justice, avec mission de constater les conditions d'occupation de l'appartement situé 43 rue de Lille, 75007 Paris et celles de l'appartement du 36 rue du Bac. Par ordonnance du 2O novembre 1994, le président du tribunal d'instance de Paris a prorogé la mission de

Maître DYMANT jusqu'au 30 novembre 1994. L'huissier a effectué sa mission et déposé un rapport en date des 14, 15 et 28 novembre 1994. Le 11 avril 1995, la SCI LES RENTIERS DE L'AVENIR a fait assigner Madame Jacqueline DURNERIN devant le tribunal d'instance de Neuilly sur Seine, en validation de congé et déchéance du droit au maintien dans les lieux des locaux situés 43 rue de Lille 75007 Paris.

Madame DURNERIN, avocat, ayant invoqué les dispositions de l'article

47 du nouveau code de procédure civile, le tribunal d'instance de Paris 7ème, sur le fondement de l'exception de privilège de juridiction a, par jugement du 4 juillet 1995, ordonné le renvoi devant le tribunal d'instance de Neuilly sur Seine.

Devant ce tribunal, Madame Jacqueline DURNERIN a soulevé la nullité du constat de la société DYMANT, comme ayant été établi par Maître Marc DYMANT, alors que c'est Maître Marcel DYMANT qui avait été désigné et de surcroît hors délai. Elle n'a pas conclu au fond.

Par jugement contradictoire en date du 24 avril 1996, le tribunal d'instance de Neuilly sur Seine a rejeté l'exception de nullité opposée en défense et au fond, a déclaré la SCI LES RENTIERS DE L'AVENIR mal fondée en son action en validation de congé (article 10 de la loi du 1er septembre 1948) et l'a déboutée de toutes ses demandes à l'encontre de Madame Jacqueline DURNERIN.

Le 22 janvier 1997, la SCI LES RENTIERS DE L'AVENIR a interjeté appel.

Par ordonnance contradictoire du 13 août 1997, rendue sur incident soulevé par l'appelante et malgré l'opposition de l'intimée, le conseiller de la mise en état a désigné Maître X..., huissier de justice, avec pour mission de constater les conditions d'occupation de l'appartement situé 43 rue de Lille, 75007 Paris et celles de l'appartement situé 36 rue du Bac 75007 Paris et d'y pénétrer afin de décrire les conditions d'occupation.

Par ordonnance du 21 octobre 1997, le même conseiller, en sa qualité de conseiller chargé du contrôle de la mesure d'instruction, a accordé à Maître X..., sur sa demande, un délai complémentaire jusqu'au 15 décembre 1997 pour déposer son rapport.

Par une nouvelle ordonnance du 11 décembre 1997, le conseiller de la mise en état a rejeté la requête de Madame DURNERIN en rétractation de l'ordonnance du 21 octobre 1997, a prolongé le délai imparti à Maître X... pour accomplir sa mission jusqu'au 31 mars 1998, a dit qu'il pourra se faire assister du commissaire de police et du serrurier et que le conseiller de la mise en état, chargé du contrôle de la mesure d'instruction, assistera à celle-ci, assisté du greffier de la 1ère chambre B de la cour de céans.

L'huissier a procédé à deux visites sur place: la première fois, le 30 octobre 1997, il n'a pu pénétrer dans les lieux; la deuxième fois, le 6 mars 1998, il a pénétré dans les lieux en présence du conseiller de la mise en état, chargé du contrôle de la mesure, du greffier, de l'appelante, des avocats des parties et d'un avocat membre du conseil

de l'ordre, désigné par le Bâtonnier. Le 31 mars 1998, Maître X... a déposé le second original de son procès-verbal de constat d'audience. Par ailleurs, un procès-verbal du transport sur les lieux du 6 mars 1998 a été établi et signé par le conseiller et le greffier de la chambre.

La SCI LES RENTIERS DE L'AVENIR demande à la Cour de:

- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté la SCI LES RENTIERS DE L'AVENIR de sa demande de déchéance de droit au maintien dans les lieux à l'encontre de Madame DURNERIN,

- juger que Madame DURNERIN est déchue de tout droit au maintien dans les lieux concernant les locaux situés 43 rue de Lille à Paris 7ème (appartement 3ème étage sur entresol, 3 chambres de bonne situées au 6ème étage et 2 caves), en application des articles 10-2 et 10-3 de la loi du 1er septembre 1948, aux motifs qu'elle n'habite pas les lieux du 43 rue de Lille et qu'elle dispose d'un local correspondant à ses besoins et qu'elle habite au titre de son occupation régulière et principale au 36 rue du Bac à Paris 7ème,

- en conséquence, valider le congé délivré par la SCI LES RENTIERS DE L'AVENIR à Madame DURNERIN par exploit d'huissier de Maître MOCCI, le 11 avril 1995 pour le 9 mai 1995 des lieux dont s'agit,

- ordonner l'expulsion de Madame DURNERIN et de tous occupants de son chef de l'appartement et des trois chambres de bonne situées au 43 rue de Lille 75007 Paris, avec l'assistance du commissaire de police et du serrurier,

- ordonner la séquestration des biens, objets et mobiliers se trouvant dans les lieux aux frais de Madame DURNERIN dans tel garde-meuble choisi par la SCI LES RENTIERS DE L'AVENIR,

- dire et juger que Madame DURNERIN paiera entre les mains de la SCI LES RENTIERS DE L'AVENIR une indemnité d'occupation égale à l'indemnité d'occupation actuelle et charges payées pour lesdits locaux jusqu'à sa libération effective des lieux,

- condamner Madame DURNERIN à verser à la SCI LES RENTIERS DE L'AVENIR la somme de 5.000 Francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et la condamner aux entiers dépens,

- condamner Madame DURNERIN aux entiers dépens de première instance et d'appel dont le recouvrement sera effectué pour ceux la concernant par la SCP JULLIEN LECHARNY ROL, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

et dans ses conclusions additionnelles de:

- lui adjuger le bénéfice de ses précédentes conclusions,

Vu le procès-verbal de constat d'audience de Maître X..., huissier en date du 31 mars 1998,

- dire que Madame DURNERIN n'occupe pas l'appartement du 43 rue de Lille 75007 Paris,

- condamner Madame DURNERIN à lui payer la somme de 10.000 Francs en vertu des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

et dans ses conclusions en réponse de:

- adjuger à la concluante le bénéfice de ses précédentes conclusions, - juger que l'ordonnance du 13 août 1997 de Madame le conseiller de la mise en état avait parfaitement pouvoir d'ordonner un constat et

ce en vertu notamment de l'article 146 alinéa 2 du nouveau code de procédure civile, ainsi que des articles 771 alinéa 5 et 910 du nouveau code de procédure civile,

- dire et juger que le constat de Maître X... est parfaitement valide,

- juger que les ordonnances des 31 octobre et 11 décembre 1997 rendues par Madame le conseiller de la mise en état sont parfaitement régulières en la forme et au fond,

- juger que les constats établis par Maître DYMANT et par Madame X... le 31 mars 1998 sont parfaitement valides et doivent remplir leur plein et entier effet,

- juger que le principe du contradictoire a été parfaitement respecté,

- juger que notamment le constat de Maître X..., ainsi que le procès-verbal de transport sur les lieux rapportent de manière évidente la preuve du défaut d'occupation par Madame DURNERIN de l'appartement du 43 rue de Lille au sens des articles 10-2 et 10-3 de la loi du 1er septembre 1948, défaut d'occupation datant au moins du 9 mai 1995.

Madame Jacqueline DURNERIN demande à la cour de:

- dire et juger qu'en application de l'article 775 du nouveau code de procédure civile, l'ordonnance rendue le 13 août 1997 par Madame le conseiller de la mise en état n'a pas autorité de la chose jugée et ne pouvait ordonner un constat sans méconnaître l'article 146 alinéa 2 du nouveau code de procédure civile,

- en conséquence, écarter des débats tous actes découlant de cette décision,

- dire et juger qu'en application des dispositions de l'article 775 du nouveau code de procédure civile, les ordonnances rendues les 21 octobre et 11 décembre 1997 par Madame le conseiller de la mise en état n'ont pas autorité de chose jugée,

- dire et juger nuls et de nul effet les constats établis par Maître DYMANT les 14, 15 et 28 novembre 1994 et par Maître X... le 31 mars 1998,

- subsidiairement, dire et juger nuls et de nul effet les opérations et actes intervenus en exécution des ordonnances des 13 août et 11 décembre 1997, et notamment le procès-verbal de constat de Maître X... du 31 mars 1998, le principe du contradictoire n'ayant pas été respecté,

- très subsidiairement, dire et juger qu'aucun de ces constats ne rapporte la preuve dont la charge incombe à la société appelante d'une occupation insuffisante ou d'une pluralité d'habitation au sens des articles 10-2 et 10-3 de la loi du 1er septembre 1948 antérieurement à la date du 9 mai 1995, ni même après cette date,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la SCI LES RENTIERS DE L'AVENIR de ses demandes,

- condamner celle-ci au paiement des entiers dépens dont distraction au profit de la SCP MERLE CARENA DORON, ainsi qu'au paiement d'une somme de 10.000 Francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été signée le 15 octobre 1998. L'affaire a été appelée à l'audience du 27 octobre 1998. Madame DURNERIN ayant présenté une requête en suspicion légitime, la cour a décidé de surseoir à statuer jusqu'à ce qu'il soit statué sur la demande de renvoi pour cause de suspicion légitime.

Par arrêt du 2 décembre 1998, la Cour de cassation, deuxième chambre civile a rejeté la requête de Madame DURNERIN.

L'affaire a de nouveau été appelée à l'audience du 2 février 1999 et plaidée à cette date.

SUR CE LA COUR

1) Sur la nullité des opérations de Maître DYMANT

Considérant que dans son ordonnance sur requête du 9 juin 1994, le président du tribunal d'instance de Paris 16ème a commis Maître Marcel DYMANT, huissier de justice, en qualité de constatant; que dans son ordonnance du 20 novembre 1994, également sur requête, le même juge a prorogé la mission de "Maître DYMANT" jusqu'au 30 novembre 1994;

Considérant que si l'article 251 du nouveau code de procédure civile dispose que le juge qui prescrit des constatations fixe un délai pour le dépôt du constat, aucun texte ne prévoit qu'à l'issue de ce délai, la mesure est caduque de plein droit; qu'à défaut pour le juge d'avoir constaté cette caducité, il conserve la possibilité de proroger le délai fixé initialement;

Considérant qu'en l'espèce, l'expiration du délai initialement fixé n'a pas rendu irrégulière l'ordonnance de prorogation du délai, laquelle s'est, comme l'a retenu à juste titre le premier juge, substituée à celle du 9 juin 1994;

Considérant que cependant, le défaut de mention du prénom du constatant désigné dans cette ordonnance du 20 novembre 1994 ne répond pas aux exigences de l'article 233 du nouveau code de procédure civile; qu'en effet, en vertu de cet article, tout technicien doit remplir personnellement la mission qui lui est confiée et s'il est une personne morale, il doit soumettre à l'agrément du juge le nom de la personne physique chargée d'assurer l'exécution de la mesure; que l'ordonnance du 20 novembre 1994 ne précise pas que la mission est confiée à la SCP DYMANT; que c'est pourtant Maître Marc DYMANT, huissier de justice associé, membre de la SCP "Marcel DYMANT et Marc DYMANT" qui a exécuté la mission, alors même qu'il est précisé dans l'exposé de la mission initiale que celle-ci a été confiée à Maître Marcel DYMANT; qu'il s'ensuit que n'ont pas été respectées les dispositions de l'article 233 précitées;

Considérant que néanmoins, l'article 175 du nouveau code de procédure civile dispose que la nullité des décisions et actes d'exécution relatifs aux mesures d'instruction est soumise aux dispositions qui régissent la nullité des actes de procédure; que l'irrégularité tenant à ce que la mesure de constat ait été effectuée par Maître Marc DYMANT, huissier associé au sein de la SCP DYMANT, constitue une irrégularité de forme, dont Madame DURNERIN n'allègue pas ni ne justifie qu'elle lui ait causé un quelconque grief; que par conséquent, la cour rejette sa demande de nullité des opérations de constat de Maître Marc DYMANT, huissier associé au sein de la SCP DYMANT;

2) Sur la nullité des opérations de Maître X...

Considérant que Madame DURNERIN invoque différents griefs à l'encontre de la régularité tant de ces opérations elles-mêmes, que des ordonnances du conseiller de la mise en état de cette chambre, également chargé du contrôle de la mesure d'instruction, dans le cadre desquelles le constatant a exécuté sa mission;

Considérant, en premier lieu, pour répondre au grief selon lequel la mesure de constat confiée à Maître X... serait irrégulière comme contraire au principe du droit au respect de la vie privée de chacun, que si l'adresse du domicile ou de la résidence d'une personne constitue à l'évidence l'un de ses éléments de sa vie privée, de sorte que sa divulgation dans la presse sans le consentement de l'intéressée constituerait une atteinte illicite à sa vie privée, il n'en demeure pas moins que, ainsi que l'a retenu le conseiller de la mise en état dans sa décision du 13 août 1997, la vérification du domicile réel d'une personne peut être autorisée dans le cadre d'une mesure d'instruction, lorsqu'elle doit permettre de déterminer si cette personne respecte ses obligations contractuelles, notamment en matière de bail; qu'en effet, le locataire ne saurait s'opposer aux mesures d'investigation concernant son domicile, dans le but de faire échec au droit du bailleur de vérifier qu'il occupe les lieux aux conditions définies par la loi du 1er septembre 1948; qu'il est de droit constant que la désignation d'un huissier ou d'un expert est la mesure la plus appropriée pour vérifier les conditions d'occupation d'un local loué; qu'enfin, en tout état de cause, il y a lieu de préciser qu'en vertu de l'article 248 du nouveau code de procédure civile, les mentions du constat qui porteraient atteinte à l'intimité de la vie privée de l'intimée ne pourront être utilisées en dehors de cette instance;

Considérant que par conséquent, la mesure ordonnée n'était pas de nature à constituer une atteinte illicite à l'intimité de la vie privée;

Considérant en second lieu, que l'intimée n'est pas davantage fondée à invoquer les dispositions de l'article 146 alinéa 2 du code civil et la carence totale de l'appelante dans l'administration de la preuve, dans la mesure où à l'appui de sa demande de nouveau constat, celle-ci se prévalait des constatations de Maître Marc DYMANT, (faisant état de dires de tiers) dont le premier juge a estimé qu'elles ne constituaient qu'un moyen de preuve insuffisant, à défaut

de toute constatation à l'intérieur de l'appartement; qu'une mesure d'instruction pouvait donc être ordonnée sur le fondement du 1er alinéa du même article 146;

Considérant en troisième lieu, qu'il résulte des articles 241 et 251

du nouveau code de procédure civile, que le juge qui prescrit des constatations tout aussi bien que celui chargé du contrôle des opérations d'instruction, ont tous deux compétence pour fixer des délais à la personne missionnée; que de toute évidence, le conseiller de la mise en état, qui a la charge du contrôle des mesures d'instruction au sein de la chambre de cette cour, a compétence pour fixer le délai initial ou en impartir de nouveaux;

Considérant, ainsi qu'il l'a été précisé ci-dessus, qu'aucun texte ne prévoit la sanction de la caducité de plein droit à l'issue des délais impartis par le magistrat prescripteur de la mesure ou chargé de son contrôle; que l'article 239 du nouveau code de procédure civile énonce seulement que le technicien doit respecter les délais impartis, ce qui permet au juge d'en tirer toutes conséquences de droit et notamment de pourvoir à son remplacement; que par ailleurs, l'article 250 précise que des constatations peuvent être prescrites à tout moment y compris en conciliation ou au cours du délibéré, auquel cas les parties en sont avisées;

Considérant qu'il résulte à l'évidence de l'ensemble des articles du chapitre V du Titre VII du code civil (L'administration judiciaire des preuves) consacré aux mesures d'instruction exécutées par des techniciens, que de telles décisions de prorogation de délais ou de remplacement d'un technicien sont des mesures d'administration judiciaire, ne nécessitant pas un débat contradictoire préalable;

Considérant que par conséquent, le délai imparti à Maître X... a été régulièrement prorogé par ordonnance du conseiller chargé du contrôle des mesures d'instruction, en date du 21 octobre 1997; que c'est donc à juste titre que Madame DURNERIN a été déboutée par l'ordonnance subséquente du 11 décembre 1997 de du contrôle des mesures d'instruction, en date du 21 octobre 1997; que c'est donc à juste titre que Madame DURNERIN a été déboutée par l'ordonnance subséquente du 11 décembre 1997 de sa demande de rétractation de celle du 21 octobre 1997;

Considérant en quatrième lieu que l'article 241 édicte que le juge chargé du contrôle peut assister aux opérations du technicien; qu'il s'agit là également d'une simple mesure d'administration judiciaire, car il lui appartient en effet de déterminer si sa présence lors des opérations de constat est nécessaire pour exercer son contrôle; que partant, il peut décider d'office d'y assister personnellement dans le cadre même de ses fonctions; que l'intimée n'est donc pas fondée à reprocher au conseiller de la mise en état et chargé du contrôle, d'avoir statué ultra petita en décidant d'assister à la mesure d'instruction;

Considérant en cinquième lieu, sur le grief de non respect du contradictoire lors du rendez-vous sur place du 6 mars 1998, qu'il ressort du procès-verbal de constat de Maître X... que cette date du 6 mars 1998 a été fixée après concertation avec l'ensemble des conseils des parties; que ces conseils, ainsi que les parties

elles-mêmes, ont été régulièrement avisés du rendez-vous fixé à cette date pour la visite des lieux; que d'ailleurs, ainsi que son avocat en avait informé l'huissier constatant, Madame DURNERIN lui a permis l'accès de l'appartement (ainsi qu'au conseiller de la mise en état chargé du contrôle, à la greffière de la chambre et aux conseils), en confiant les clefs des deux appartements à Monsieur Y..., ce qui a évité au constatant de se faire assister du commissaire de police et du serrurier, ainsi qu'il y était autorisé par ordonnance du 11 décembre 1997;

Considérant qu'il ne résulte pas des dispositions de l'article 161 du nouveau code de procédure civile que les parties soient obligées de se rendre aux opérations d'instruction, si la mesure n'implique pas leur audition personnelle, ce qui est le cas en l'espèce, s'agissant de constatations matérielles sur les conditions d'occupation d'un logement et de recueils de témoignages; qu'en vertu de l'article suivant du même code, celui qui représente une partie devant la juridiction qui a ordonné la mesure, peut en suivre l'exécution et formuler des observations, même en l'absence de la partie; que dès lors, le conseil de Madame DURNERIN a pu être présent régulièrement

aux opérations de constat et non pas seulement, par déférence vis-à-vis du conseiller de cette chambre, comme il l'a déclaré en préliminaire aux opérations; qu'il aurait pu présenter ses observations et que ce n'est que volontairement qu'il s'en est abstenu;

Considérant que la présence de Madame DURNERIN, régulièrement informée de la tenue des opérations de même que son conseil qui a pu régulièrement les suivre, n'était donc pas requise pour que soit respecté le principe du contradictoire; qu'elle n'est pas fondée à se prévaloir de son absence, même résultant d'un empêchement, pour conclure à son non respect;

Considérant que le procès-verbal de Maître X..., qui relate l'ensemble de ses diligences et opérations, notamment les constatations faites aussi bien lors du rendez-vous du 30 octobre 1997 que lors de celui du 6 mars 1998, démontre que le constatant a accompli sa mission avec conscience, objectivité et impartialité;

Considérant que par conséquent, la cour rejette la demande de nullité du constat de Maître X...;

3) Sur le fond

Considérant qu'il s'agit de déterminer si Madame DURNERIN occupait effectivement l'appartement situé 43 rue de Lille 75007, à la date pour laquelle le congé a été donné, soit le 9 mai 1995, l'occupation devant avoir duré au moins 8 mois dans l'année précédant la date d'effet du congé; qu'il est de droit constant que cette occupation doit être régulière et continue et qu'elle n'est pas réalisée par le simple fait pour le locataire de se rendre dans son appartement de temps à autre, durant quelques heures de la journée;

Considérant qu'il résulte du procès-verbal de constat de Maître X... (compte rendu des constatations effectuées sur place les 30 octobre 1997 et 6 mars 1998), de même que de celui établi par le conseiller de la mise en état, chargé du contrôle de la mesure, qu'à la date du 6 mars 1998, l'état de l'appartement du 43 rue de Lille était manifestement incompatible avec une présence humaine, même par périodes; que l'ensemble des meubles et des éléments de décoration était non seulement poussiéreux, mais crasseux, à l'état de réel abandon, le tout présentant une odeur de renfermé; que certes, dans le courrier non ouvert, le plus récent datait du 25 août 1997; que cependant, les constatations faites dans la cuisine démontrent une inoccupation très ancienne; qu'en effet, outre la très grande difficulté pour ouvrir la porte d'accès au sas de la cuisine et de l'office, l'huissier a constaté que sur le tuyau souple de raccordement de la cuisinière à gaz, il était indiqué qu'il devait être remplacé avant 1988; que le compteur à gaz, d'aspect neuf, était à zéro; qu'il n'y avait pas de réfrigérateur, ni trace de nourriture fraîche; que surtout, des boites de conserves périmées depuis plus de dix ans étaient trouvées dans l'armoire de la cuisine; que l'eau était coupée;

Considérant que lors des opérations de constat du 6 mars 1998, Madame DURNERIN était présente dans l'appartement du 36 rue du Bac, dans sa chambre qu'elle n'a pas quittée; qu'il ressort du compte rendu de Maître X..., aussi bien que de celui du conseiller et de la greffière de cette chambre, que de toute évidence, Madame DURNERIN habite cet appartement, qui constituait auparavant son cabinet professionnel et ce, malgré son relatif inconfort; qu'en effet, il ne comporte ni salle de bains, ni cabinet de toilette, Madame DURNERIN effectuant sa toilette dans la cuisine, comme le montrent les serviettes et gants tendus sur un bâton de bois, les cuvettes et savons décrits dans les procès-verbaux; que le concierge de l'immeuble du 36 rue du Bac avait déclaré à Maître Marc DYMANT que l'appartement où elle avait son cabinet était également son domicile personnel;

Considérant qu'au contraire, Madame Z..., gardienne de l'immeuble

sis 43 rue de Lille, a déclaré à deux reprises à Maître X... que depuis qu'elle occupait ses fonctions, c'est-à-dire depuis 1989, Madame DURNERIN n'a jamais habité en permanence dans l'immeuble, mais qu'elle vient chercher son courrier assez régulièrement, restant environ 1/4 d'heure à chaque fois; que Madame Z... a ajouté le 6 mars 1998 ne plus l'avoir revue depuis la visite de l'huissier le 30 octobre 1997; que Madame Z... a également précisé que Madame DURNERIN donnait rendez-vous aux préposés de l'EDF et venait exprès pour leur permettre de relever le compteur;

Considérant que Madame A..., locataire de l'appartement sis au 4ème étage du bâtiment sur cour de l'immeuble du 43 rue de Lille, (juste face aux fenêtres de Madame DURNERIN), entendue le 30 octobre 1997, a déclaré le 30 octobre 1997 qu'elle connaissait Madame DURNERIN depuis environ trente ans et qu'elle la croisait de temps en temps dans le quartier; qu'elle ne situait pas exactement la date à laquelle elle avait cessé d'habiter l'immeuble du 43 rue de Lille, tout en affirmant que c'était depuis plus d'un an;

Considérant que Madame Yvonne B..., qui habite l'appartement situé au 43 rue de Lille, dans le bâtiment sur cour au 3ème étage, depuis 1966/67, a déclaré le 6 mars 1998, plus précisément, que Madame DURNERIN n'habitait plus l'immeuble depuis "une bonne dizaine d'années", c'est-à-dire depuis le décès de sa mère et "du temps de l'ancienne gardienne Madame C..."; que ce témoin a ajouté qu'elle savait que Madame DURNERIN était avocat et habitait rue du Bac, depuis son départ de l'immeuble;

Considérant que ces déclarations précises et concordantes ne sont pas contredites par celles de Monsieur Y..., à qui Madame DURNERIN

avait confié les clefs des deux appartements pour en permettre l'accès le 6 mars 1998, puisque celui-ci a déclaré que Madame DURNERIN était bloquée dans son appartement de la rue du Bac depuis le 21 août 1997 et qu'auparavant, elle venait au 43 rue de Lille dans la crainte de cambriolages;

Considérant qu'il résulte ainsi, tant de l'état intérieur de l'appartement du 43 rue de Lille, que des témoignages précis et concordants de la gardienne de l'immeuble et de deux voisines habitant ce même immeuble, que des constatations faites dans l'appartement "professionnel" de Madame DURNERIN du 36 rue du Bac, que celle-ci a cessé d'occuper de façon continue et effective l'appartement propriété de la SCI LES RENTIERS DE L'AVENIR depuis au moins 1989, se contentant de visites passagères, pour prendre son courrier, faire procéder au relevé du compteur d'électricité et vérifier que l'appartement n'avait pas été cambriolé (comme cela est arrivé pour les chambres de service de cet appartement il y a quelques années selon les déclarations de témoins);

Considérant que par conséquent, faute d'une occupation régulière et continue des lieux dans l'année ayant précédé le congé du 11 avril 1995, Madame DURNERIN n'a pas droit au maintien dans les lieux en application des dispositions des articles 10-2 et 10-3 de la loi du 1er septembre 1948; que le congé délivré à cette date pour le 9 mai 1995 est donc régulier en la forme et justifié quant au fond; que la cour, infirmant le jugement déféré, le valide et ordonne l'expulsion de Madame DURNERIN et de tous occupants de son chef, si besoin est avec le concours de la force publique, de l'appartement et des trois chambres de service qui en dépendent, situés 43 rue de Lille 75007 Paris; qu'il convient également d'ordonner la séquestration des biens et objets mobiliers se trouvant dans les lieux et de fixer le montant de l'indemnité d'occupation à l'indemnité d'occupation actuelle augmentée des charges, laquelle sera dure jusqu'à la libération des lieux;

4) Sur l'application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile

Considérant qu'il n'apparaît pas contraire à l'équité de laisser à la charge de la SCI LES RENTIERS DE L'AVENIR les frais irrépétibles de l'instance;

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort:

- DEBOUTE Madame DURNERIN de ses demandes de nullité des mesures de constat de Maître Marc DYMANT et de Maître Noùl X...;

- INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions;

Et statuant à nouveau:

- DIT Madame DURNERIN n'a pas droit au maintien dans les lieux en

application des dispositions des articles 10-2 et 10-3 de la loi du 1er septembre 1948;

- VALIDE le congé délivré le 11 avril 1995 par la SCI LES RENTIERS DE L'AVENIR à Madame DURNERIN pour le 9 mai 1995;

- ORDONNE l'expulsion de Madame DURNERIN et de tous occupants de son chef, si besoin est avec le concours de la force publique, de l'appartement et des trois chambres de service qui en dépendent, situés 43 rue de Lille 75007 Paris;

- ORDONNE la séquestration des biens et objets mobiliers se trouvant dans les lieux;

- FIXE le montant de l'indemnité d'occupation à l'indemnité d'occupation actuelle augmentée des charges, laquelle indemnité sera due jusqu'à la libération des lieux;

- DEBOUTE Madame DURNERIN des fins de toutes ses demandes;

- DEBOUTE la SCI LES RENTIERS DE L'AVENIR de sa demande sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile;

- CONDAMNE Madame DURNERIN à tous les dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés directement contre elle par la SCP JULLIEN LECHARNY ROL, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

Et ont signé le présent arrêt:

Le FF Greffier qui a assisté au prononcé,

Le Président,

S. LANGLOIS

A. CHAIX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1997-1307
Date de la décision : 05/03/1999

Analyses

MESURES D'INSTRUCTION.

Si l'article 251 du nouveau Code de procédure civile dispose que le juge qui prescrit des constatations fixe un délai pour le dépôt du constat, aucun texte ne prévoit qu'à l'issue de ce délai, la mesure est caduque de plein droit. A défaut pour le juge d'avoir constaté cette caducité, il conserve la possibilité de proroger le délai fixé initialement

MESURES D'INSTRUCTION - Technicien - Mission - Exécution - Exécution en personne - Nécessité - /.

Selon l'article 233 du nouveau Code de procédure civile, le technicien, investi de ses pouvoirs par le juge en raison de sa qualification, doit remplir personnellement la mission qui lui est confiée. La mission confiée par ordonnance à l'un des membres d'une société civile professionnelle d'huissiers de justice ne peut valablement être exécutée par un autre membre de cette société

PROCEDURE CIVILE - Acte de procédure - Nullité - Vice de forme - Conditions - Préjudice - Application.

L'irrégularité tirée du fait que la mission n'a pas été exécutée par l'huissier de justice désigné dans l'ordonnance fixant la mission initiale, mais par un autre huissier, membre de la société civile professionnelle et portant le même patronyme est une irrégularité de forme qui ne peut entraîner la nullité de la mesure que si la partie qui l'invoque justifie d'un préjudice

PROTECTION DES DROITS DE LA PERSONNE - Respect de la vie privée - Atteinte - Exclusion - Cas.

Ne constitue pas une atteinte illicite à la vie privée la mesure d'instruction ordonnée en vue de vérifier les conditions d'occupation d'un logement par le locataire d'un logement dans le cadre d'un litige relatif à l'application des dispositions de la loi du 1er septembre 1948

MESURES D'INSTRUCTION.

L'article 241 du nouveau Code de procédure civile édicte que le juge chargé du contrôle des mesures d'instruction peut assister aux opérations du technicien, la décision prise sur ce fondement constituant une simple mesure d'administration judiciaire. Dès lors, une partie n'est pas fondée à reprocher au juge chargé du contrôle des mesures d'instruction d'avoir statué ultra petita en décidant d'assister aux opérations

MESURES D'INSTRUCTION - Expertise - Parties - Assistance aux opérations d'expertise.

Il résulte des dispositions de l'article 161 du nouveau Code de procédure civile que les parties ne sont pas tenues d'assister aux opérations d'instruction, lorsque la mesure n'implique pas leur audition personnelle. En l'espèce, s'agissant de constatations matérielles sur les conditions d'occupation d'un logement et de recueils de témoignages, une partie ne peut invoquer une violation du principe de la contradiction, dès lors que, régulièrement avisée de la date des opérations, elle s'est abstenu d'y assister et que son conseil a pu en suivre le déroulement

BAIL A LOYER (loi du 1er septembre 1948) - Maintien dans les lieux - Exclusion - Défaut d'occupation effective.

Il résulte du procès-verbal de constat établi par l'huissier de justice que l'état de l'appartement était manifestement incompatible avec une présence humaine, même périodique, notamment du fait que l'ensemble des meubles et des éléments de décoration étaient non seulement poussiéreux, mais crasseux, à l'état de réel abandon, que l'eau était coupée, que le compteur de gaz indique une consommation nulle, que l'eau est coupée et qu'il n'y avait pas de réfrigérateur, ni trace de nourriture fraîche, ainsi que de déclarations précises et concordantes de plusieurs témoins que le locataire a cessé d'occuper les lieux de façon continue et effective depuis plusieurs années, se contentant de visites passagères pour prendre son courrier. Dès lors, le locataire ne peut prétendre, faute d'occupation régulière et continue des lieux dans l'année ayant précédé la délivrance du congé, au droit au maintien dans les lieux, en application des dispositions des articles 10-2° et 10-3° de la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948. Il s'ensuit que le congé donné par le bailleur, régulier en la forme, est justifié au fond


Références :

N 1 nouveau Code de procédure civile, article 251
N 2 nouveau Code de procédure civile, article 233
N 3 nouveau Code de procédure civile, articles 175, 114, alinéa 2
N 5 nouveau Code de procédure civile, article 241
N 6 nouveau Code de procédure civile, article 161
N 7 Loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948, articles 10-2°, 10- 3°

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1999-03-05;1997.1307 ?
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