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05/03/1999 | FRANCE | N°1996-6584

France | France, Cour d'appel de Versailles, 05 mars 1999, 1996-6584


FAITS ET PROCEDURE,

Par acte d'huissier en date du 22 mai 1995, signifié à personne, Monsieur Christian X... a fait citer Monsieur Pierre X..., son frère, devant le tribunal d'instance de CHARTRES aux fins notamment d'obtenir une créance de salaire différé d'un montant de 369.824 Francs, suite au décès de sa mère, Madame Raymonde X..., qui était agricultrice exploitante à THIVARS (28), ainsi que le paiement de la somme de 5.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Il a exposé que, dès son plus jeune âge et jusqu'en 1985, i

l a travaillé pour la ferme familiale sans être associé au bénéfice de cel...

FAITS ET PROCEDURE,

Par acte d'huissier en date du 22 mai 1995, signifié à personne, Monsieur Christian X... a fait citer Monsieur Pierre X..., son frère, devant le tribunal d'instance de CHARTRES aux fins notamment d'obtenir une créance de salaire différé d'un montant de 369.824 Francs, suite au décès de sa mère, Madame Raymonde X..., qui était agricultrice exploitante à THIVARS (28), ainsi que le paiement de la somme de 5.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Il a exposé que, dès son plus jeune âge et jusqu'en 1985, il a travaillé pour la ferme familiale sans être associé au bénéfice de celle-ci.

Monsieur Pierre X... a fait valoir, quant à lui, que son frère ne rapportait pas la preuve que sa mère ait été exploitante agricole, ni qu'il avait eu une activité directe et effectivement rémunérée dans l'exploitation familiale.

Par jugement contradictoire en date du 30 avril 1996, le tribunal d'instance de CHARTRES a rendu la décision suivante : - déclarer Monsieur Christian X... fondé à faire valoir sa créance de salaire différé à l'encontre de la succession de Madame Raymond Y... épouse X... née le 3 décembre 1906, décédée le 7 octobre 1992, à raison de dix années, - renvoie les parties devant le notaire chargé de liquider la succession de Madame Raymonde Y... épouse X... aux fins d'évaluation de la créance de salaire différé de Monsieur Christian X... selon les conditions et modes de calcul prévus aux articles L.321-13 et suivants du Code rural, - dit n'y

avoir lieu à application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - dit que chaque plaideur supportera ses dépens.

Le 7 juin 1996, Monsieur Pierre X... a relevé appel de cette décision. Il fait valoir qu'une créance de salaire différé n'est payable que par la succession de l'exploitant lui-même ; que pourtant, il résulte des pièces versées aux débats (attestation de la MSA en date du 3 avril 1996, contrats de bail, paiements des fermages, polices d'assurances...) que Madame X... n'a jamais eu la qualité d'exploitant, seul son époux Prosper X... ayant eu cette qualité ; qu'en conséquence, la succession de Madame X... ne peut supporter le paiement d'une créance de salaire différé.

Il expose, par ailleurs, que le demandeur du paiement d'une créance de salaire différé doit rapporter la preuve de sa participation directe et effective à l'exploitation, preuve qui n'est, en l'espèce, établie par aucune attestation au sens de l'article 202 du Nouveau Code de Procédure Civile ; que, selon l'article L.321-13 du Code rural, le bénéfice du salaire différé est conditionné par l'absence de rémunération et que Monsieur Christian X... doit donc rapporter la preuve de l'absence de contrepartie.

Par conséquent, il prie la Cour de : - recevoir Monsieur Pierre X... en son appel et l'y déclarer fondé, - réformer le jugement entrepris, - débouter Monsieur Christian X... de sa demande en fixation d'une créance de salaire différé, - le condamner à payer la somme de 8.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Monsieur Christian X... fait valoir que, si sa mère n'avait pas

eu, elle-même, la qualité d'exploitante agricole, elle n'aurait pas pu bénéficier d'un avantage vieillesse versé par la MSA ; qu'il ne peut être tiré argument du fait que les factures, contrats étaient au seul nom de son père, les époux étant mariés sous le régime de la communauté légale, demeurant en tant que tels solidaires des dettes ménagères ; que la preuve de sa participation effective aux travaux d'exploitation -qui peut être rapportée par tous moyens selon les dispositions de l'article L.321-9 du Code rural- est suffisamment rapportée par les différentes pièces versées aux débats.

En conséquence, il demande à la Cour de : - déclarer Monsieur Pierre X... irrecevable et mal fondé en son appel, l'en débouter, - confirmer l'intégralité du jugement entrepris, - condamner Monsieur Pierre X... à payer à Monsieur Christian X... la somme de 10.000 Francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - le condamner aux dépens, de première instance et d'appel, dont distraction au profit de Maître Laurent BOMMART, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

L'ordonnance de clôture a été signée le 17 décembre 1998 et l'affaire plaidée à l'audience du 4 février 1999.

SUR CE, LA COUR,

1) Sur la qualité d'exploitante agricole de Madame Raymonde X..., Considérant que certes, il ressort de diverses pièces communiquées par l'appelant, notamment des polices d'assurances, des factures

d'acquisition ou de réparation du matériel agricole, d'avis de taxes, libellées au seul nom de Monsieur Prosper X..., que celui-ci, conjoint de Madame Raymonde X... et père des parties, était le chef de l'exploitation agricole ; que, dans sa lettre adressée à l'appelant le 3 avril 1996, la Mutualité Sociale Agricole l'informe qu'elle servait une retraite à Madame Raymonde X... en qualité de conjointe de chef d'exploitation ;

Considérant que néanmoins, le texte de l'article L.321-13 du Code rural, qui prévoit les conditions au bénéfice d'un salaire différé, énonce que la créance correspondante peut être utilement invoquée lors du partage consécutif au décès de l'exploitant, et non pas exclusivement du chef d'exploitation ;

Considérant qu'en l'espèce, les baux à ferme produits par l'intimé ont tous été consentis à Monsieur Prosper X... et à son épouse, en qualité de preneurs conjoints et solidaires, tenus de labourer, cultiver, ensemencer...la terre ; que le versement d'une retraite par la Mutualité Sociale Agricole à Madame X... implique la reconnaissance de sa qualité de travailleur non salarié et partant, d'exploitant agricole sous l'autorité du chef d'exploitation ; que ce schéma d'une exploitation commune sous l'autorité du mari était conforme à celui de la communauté légale, régime matrimonial des époux, dont le mari était alors le seul administrateur et ce,

jusqu'en 1985 (ancien article 1421 du Code civil) ; que dans le cadre de ce régime, qui enfermait l'épouse dans une semi incapacité, il était donc normal que ce soit le mari qui contracte les assurances et règle les factures, de sorte qu'il ne peut en être tiré argument pour dénier la qualité d'exploitante à Madame X... ;

2) Sur la participation directe et effective de Monsieur Christian X... à l'exploitation,

Considérant que, par application de l'article L.321-9 du Code rural, la preuve de cette participation peut se faire par tous moyens ; que, c'est à juste titre que le premier juge a dit que les déclarations de Mesdames Paulette PELLETIER, âgée de 68 ans, demeurant à THIVARS, Madame Georgette Z..., née en 1921, demeurant à THIVARS, celles de Maurice HUVETTE, âgé de 61 ans et Marcel AUBERT, âgé de 75 ans, résidant tous deux à THIVARS, recueillies par le maire de la commune les 26 et 27 octobre 1994, apportaient la preuve de la participation en qualité d'aide familial de Monsieur Christian X... à la ferme familiale, du 1er avril 1951 au 31 décembre 1985, à l'exception de sa période de service militaire ; que c'est également, à juste titre, que le premier juge a relevé que la loi n'exigeant pas que cette participation soit exclusive de toute autre occupation, la qualité de Monsieur Christian X... d'agent titulaire au Ministère de la Justice, n'excluait pas son droit à rémunération au titre de son activité d'aide familial ;

3) Sur l'absence de rémunération de Monsieur Christian X...,

Considérant que les déclarations précises et concordantes des habitants de THIVARS susvisées font état de la qualité d'aide familial de Monsieur Christian X..., ce qui fait référence dans le monde agricole à un travail gratuit non rémunéré ; que le courrier de la Mutualité Sociale Agricole du 20 mars 1989 et les relevés de carrière établis par celle-ci démontrent qu'aucune cotisation n'a été versée pour la période pendant laquelle il était aide familial, ce qui fait donc présumer également qu'il n'était pas rémunéré ; que par ailleurs, ainsi que l'a retenu, à bon droit, le premier juge, les avantages inhérents à la communauté de vie avec ses parents (logement, argent de poche, nourriture) ne peuvent faire échec au droit à rémunération ;

Considérant que par conséquent, la cour confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions;

4) Sur l'application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

Considérant qu'eu égard à l'équité, il y a lieu d'allouer à Monsieur Christian X... la somme de 5.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

ET Y AJOUTANT :

DEBOUTE Monsieur Pierre X... des fins de toutes ses demandes ;

CONDAMNE Monsieur Pierre X... à payer à Monsieur Christian X... la somme de 5.000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

LE CONDAMNE à tous les dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés directement contre lui par la SCP BOMMART-MINAULT, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Et ont signé le présent arrêt :

Le Greffier qui a assisté au prononcé,

Le Président,

Sylvie RENOULT

Alban CHAIX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1996-6584
Date de la décision : 05/03/1999

Analyses

SUCCESSION - Salaire différé - Demande - Recevabilité - Moment.

Selon les dispositions de l'article L. 321-13 du Code rural, relatives aux conditions du salaire différé, une telle créance peut être utilement invoquée lors du partage consécutif au décès de l'exploitant et non pas exclusivement du chef d'exploitation

SUCCESSION - Salaire différé - Conditions - Descendant d'un exploitant agricole - Participation directe et effective à l'exploitation - Définition.

En matière de salaire différé, la loi n'exige pas que la participation à l'exploitation soit exclusive de toute autre occupation. Dès lors, la qualité d'agent de l'administration n'exclut pas le droit à rémunération au titre de l'activité d'aide familial


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1999-03-05;1996.6584 ?
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