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05/03/1999 | FRANCE | N°1994-8729

France | France, Cour d'appel de Versailles, 05 mars 1999, 1994-8729


FAITS ET PROCEDURE

Par acte en date du 7 mars 1994, Monsieur Alain X... a fait assigner Monsieur et Madame Jean-Marc Y... devant le tribunal d'instance de COLOMBES, aux fins d'entendre :

- dire que les époux Y... devront lui payer les sommes de 66.936 Francs en principal, montant des indemnités d'occupation et 948 Francs de la taxe d'ordures ménagères,

- les condamner à payer 6.000 Francs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Les époux Y... formaient une demande reconventionnelle en dommages-intérêts au motif que le congé

avait été délivré pour une cause autre que celle y figurant.

En effet, le cong...

FAITS ET PROCEDURE

Par acte en date du 7 mars 1994, Monsieur Alain X... a fait assigner Monsieur et Madame Jean-Marc Y... devant le tribunal d'instance de COLOMBES, aux fins d'entendre :

- dire que les époux Y... devront lui payer les sommes de 66.936 Francs en principal, montant des indemnités d'occupation et 948 Francs de la taxe d'ordures ménagères,

- les condamner à payer 6.000 Francs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Les époux Y... formaient une demande reconventionnelle en dommages-intérêts au motif que le congé avait été délivré pour une cause autre que celle y figurant.

En effet, le congé daté du 31 mai 1989, indiquait que le bailleur lui-même était le bénéficiaire de l'exercice de droit de reprise. Or, ils soulignaient qu'un permis de démolir avait été demandé et déposé à la mairie de la GARENNE COLOMBES le 3 septembre 1993.

Les époux Y... sollicitaient donc des dommages-intérêts en raison de cette procédure intentée en infraction à la loi du 6 juillet 1989. Ils estimaient que leur préjudice, n'était pas inférieur à la somme qui leur était réclamée.

Ils sollicitaient donc 67.884 Francs de dommages-intérêts.

Par le jugement déféré, en date du 13 septembre 1994, le tribunal d'instance de COLOMBES a condamné les époux Y... à payer aux époux X... les sommes de 66.936 Francs et 948 Francs, celle de 67.884 Francs aux époux Y....

Au soutien de l'appel qu'ils ont interjeté contre cette décision, les époux X... font valoir en premier lieu que le congé qu'ils ont délivré aux époux Y... ayant été validé par jugement passé en force de chose jugée, il ne saurait être remis en cause. Subsidiairement, ils soulignent qu'il résulte des divers documents qu'ils produisent, que le bien repris a effectivement toujours été occupé, de puis la reprise, par Monsieur X... père, d'une part, et par Mademoiselle Valérie X... - l'existence de récents travaux en témoignant -. Ils soulignent par ailleurs, que si une partie de l'entrée du pavillon sert de dégagement pour le stationnement de véhicules de personnes travaillant à la clinique X..., cette

circonstance ne saurait être considérée comme démontrant le caractère frauduleux du congé qu'ils avaient délivré. Ils précisent que le dallage actuellement dans cet emplacement n'est pas neuf et demandent condamnation des époux Y... à leur payer, outre les 67.884 Francs d'indemnités d'occupation, celle de 5.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Les époux Y... soulignent que le juge dispose d'un contrôle a posteriori de la sincérité du congé, dans la mesure où des éléments postérieurs au départ des locataires permettent d'établir le caractère frauduleux dudit congé qui "était motivé par la reprise du bien par Valérie et Henri X...". Ils précisent que ce caractère frauduleux résulte notamment de ce que les époux X... ont fait déposer une demande de permis de démolir, immédiatement après leur départ.

Ils demandent, dans ces conditions, confirmation de la décision déférée sauf à ce que les époux X... soient déboutés de toutes leurs demandes et à ce qu'ils soient, en outre, condamnés à leur payer 15.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code

de procédure civile.

Par arrêt rendu le 31 janvier 1997, la Cour de céans a :

- dit recevable la demande des époux Y...,

- constaté que le montant de l'indemnité d'occupation n'est pas contesté mais dit n'y avoir lieu, en l'état, à condamnation,

Avant dire plus ample droit,

- invité les parties à s'expliquer sur l'objet du congé délivré par les époux X... aux époux Y... et sur les conséquences de droit que pourrait avoir le fait que ce congé aurait été donné pour habitation par les bailleurs eux-mêmes,

- dit que les conclusions qui seront déposées seront récapitulatives (article 954 du nouveau code de procédure civile),

- réservé les dépens.

Postérieurement à cet arrêt, Monsieur et Madame X... ont demandé à la Cour de :

- condamner in solidum les époux Y... à payer la somme de 67.884 Francs globalement, outre la somme de 50.000 Francs à titre de dommages-intérêts, et celle de 10.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

- en tant que de besoin, valider le congé du 27 mars 1992 avec toutes conséquences de droit,

- dire et juger n'y avoir lieu à allocation du moindre dommages-intérêt à Monsieur et Madame Y...,

- infirmer d'autant la décision dont appel et la confirmer pour le reste,

- fixer le point de départ des intérêts sur le capital précité à compter de l'acte introductif d'instance du 7 mars 1994 et ordonner la capitalisation desdits intérêts,

- débouter les époux Y... de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

- condamner les époux Y... en tous les dépens qui seront directement recouvrés par la SCP X... DEBRAY CHEMIN, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de

procédure civile.

Monsieur et Madame Y..., quant à eux, ont prié la Cour de :

- déclarer les époux X... autant irrecevables que mal fondés en leur appel,

- les en débouter, ainsi que de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

- conformer le jugement déféré en ce qu'il a condamné les époux X... à payer aux époux Y... la somme de 67.884 Francs à titre de dommages-intérêts,

Y ajoutant,

- infirmer la décision déférée en ce qu'elle a dit que Monsieur et Madame Y... devaient payer les sommes de 66.936 Francs et celle de 948 Francs aux époux X...,

Statuant à nouveau,

Vu le caractère particulièrement frauduleux du congé,

Vu la mauvaise foi des époux X...,

- dispenser les époux Y... de tout paiement d'indemnités d'occupation,

- en tout état de cause,

- condamner solidairement les époux X... au paiement de la somme de 20.000 Francs en vertu des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

- les condamner solidairement aux entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés pour ceux la concernant par la SCP JULLIEN LECHARNY ROL, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été signée le 7 janvier 1999 et l'affaire plaidée le 2 février 1999.

SUR CE LA COUR

Considérant que le 31 mai 1989, les époux X... ont fait délivrer aux époux Y... un congé à effet du 30 novembre 1989, aux fins de reprise en vue d'habiter eux-mêmes les lieux ;

Que ce congé a été suivi d'une deuxième congé délivré le 27 mai 1992 aux fins de reprise du pavillon pour le faire occuper par Mademoiselle Valérie X... et Monsieur Henri X... respectivement fille et père des propriétaires ;

Considérant que saisi par les époux X..., le tribunal d'instance de COLOMBES, par jugement du 16 juin 1992, a validé le premier congé, ordonné l'expulsion des locataires et fixé l'indemnité d'occupation

au montant des loyers en cours à compter du 16 juin 1992 ;

Que cette décision qui n'a pas été frappée d'appel est désormais définitive ;

Considérant que les époux Y... ont quitté les lieux en juillet 1993 ;

Sur la demande relative au paiement de l'indemnité d'occupation :

Considérant que les époux X... sont fondés à réclamer aux époux Y... le paiement des indemnités d'occupation mises à la charge de ces derniers par une décision ayant autorité de la chose jugée et

non acquittées à ce jour ;

Que le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné Monsieur et Madame Y... au paiement de la somme de 66.936 et celle de 948 Francs ;

Sur la demande de dommages-intérêts :

Considérant que Monsieur et Madame Y... contestent la sincérité des congés qui leur ont été délivrés ;

Considérant qu'il n'est pas contesté que les époux X..., lorsqu'ils ont repris le bien, après le départ des époux Y... ne l'ont pas occupé personnellement ;

Qu'ils ne démontrent pas plus avoir installé dans cet immeuble leur fille et père conformément au second congé qu'ils ont fait délivrer ; Considérant que Mademoiselle X... ne peut valablement soutenir qu'elle a occupé les lieux durant l'année universitaire 1992/1993, alors qu'il est établi et non contesté que les époux Y... ne sont partis qu'en juin 1993 ;

Considérant que l'attestation délivrée par Monsieur Henri X...

n'est étayée par aucune pièce, facture de consommation d'eau, électricité, téléphone ;

Qu'elle ne suffit pas à établir que Monsieur X... s'est effectivement installé dans le pavillon appartenant à ses enfants après le départ de Monsieur et Madame Y... ;

Considérant en revanche qu'il résulte sans ambigu'té des pièces produites par ces derniers, notamment de photographies et d'un constat d'huissier en date du 16 septembre 1996, que les époux X... lorsqu'ils ont délivré le congé validé par le tribunal de même que le second congé, souhaitaient en réalité récupérer leur immeuble dans un souci d'agrandissement de la clinique située à proximité et dont Monsieur X... est directeur ;

Considérant qu'en effet, les époux X... ont transformé les lieux, supprimé le jardin pour y installer un parking, et mis en place des salles de préparation à l'accouchement, et une salle de cours ;

Considérant que les congés délivrés revêtent donc un caractère frauduleux ;

Que les époux Y..., contraints de déménager, ont subi un préjudice direct et certain que le premier juge a exactement apprécié ;

Considérant qu'il convient, par conséquent, de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Sur la demande de dommages-intérêts :

Considérant que les époux X... eu égard à la mauvaise foi dont ils ont fait preuve, sont particulièrement mal fondés à réclamer aux époux Y... des dommages-intérêts ;

Sur l'application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile :

Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge des époux Y... les sommes exposées par eux qui ne sont pas comprises dans

les dépens ;

Qu'il y a lieu de lui allouer la somme de 8.000 Francs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort :

Vu l'arrêt de ce siège en date du 31 janvier 1997 :

- CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 13 septembre 1994 ;

Y ajoutant,

- CONDAMNE Monsieur et Madame X... à payer à Monsieur et Madame Y... la somme de 8.000 Francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

- LES CONDAMNE en outre aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés par la SCP JULLIEN LECHARNY ROL, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET :

LE GREFFIER qui a assisté au prononcé

LE PRESIDENT

S. LANGLOIS

A. CHAIX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1994-8729
Date de la décision : 05/03/1999

Analyses

BAIL A LOYER (loi du 6 juillet 1989) - Congé - Congé pour habiter - Nullité - Fraude

Lorsqu'un bailleur délivre un congé pour habiter à son locataire, en application de l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989, il doit avoir l'intention réelle de venir habiter les lieux, sous peine d'engager sa responsabilité pour délivrance d'un congé frauduleux. En conséquence, dès lors qu'il résulte sans ambigu'té des pièces produites par le locataire que le propriétaire n'avait aucune intention d'habiter les lieux mais souhaitait, en réalité les récupérer afin d'agrandir sa clinique située à proximité, le congé délivré doit être considéré comme frauduleux


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1999-03-05;1994.8729 ?
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