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19/02/1999 | FRANCE | N°1996-9236

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19 février 1999, 1996-9236


FAITS ET PROCEDURE,

Par assignation en date du 11 juillet 1994, la SA B.N.P a fait citer devant le tribunal de grande instance de NANTERRE, Monsieur X... et Madame Y... née Z... pour les voir condamner à lui payer, avec exécution provisoire, la somme de 195.079,12 Francs, au titre du solde débiteur d'un compte-chèque ouvert dans ses livres, à l'agence du PLESSIS ROBINSON, outre les intérêts au taux légal à compter du 24 août 1992, date de la clôture du compte, et la somme de 6.000 Francs sur le fondement de l'article 700 Nouveau Code de Procédure Civile ; Par jugement du 1

1 avril 1995 le tribunal de grande instance de NANTERRE s'est décl...

FAITS ET PROCEDURE,

Par assignation en date du 11 juillet 1994, la SA B.N.P a fait citer devant le tribunal de grande instance de NANTERRE, Monsieur X... et Madame Y... née Z... pour les voir condamner à lui payer, avec exécution provisoire, la somme de 195.079,12 Francs, au titre du solde débiteur d'un compte-chèque ouvert dans ses livres, à l'agence du PLESSIS ROBINSON, outre les intérêts au taux légal à compter du 24 août 1992, date de la clôture du compte, et la somme de 6.000 Francs sur le fondement de l'article 700 Nouveau Code de Procédure Civile ; Par jugement du 11 avril 1995 le tribunal de grande instance de NANTERRE s'est déclaré incompétent au profit du tribunal d'instance d'ANTONY.

Devant cette juridiction, la SA B.N.P a réduit sa demande à la somme de 171.217,12 Francs en principal après substitution du taux légal au taux conventionnel pour le calcul des agios.

Par jugement contradictoire en date du 18 juillet 1996 ledit tribunal a : - écarte des débats, la jurisprudence produite par la B.N.P non communiquée à Monsieur Jean-Pierre X... et Madame Nicole Y... née Z..., - dit que la B.N.P n'est pas forclose en son action et rejette l'exception d'irrecevabilité soulevée par Monsieur Jean-Pierre X... et Madame Nicole Y... née Z..., - condamne Monsieur Jean-Pierre X... et Madame Nicole Y... née Z... à payer à la B.N.P la somme de 140.345,01 Francs avec intérêts au taux légal à compter du 11 juillet 1994, - déboute Monsieur Jean-Pierre X... et Madame Nicole Y... née Z... de leur demande à titre

de dommages-intérêts, - déboute les parties de toute autre demande plus ample ou contraire, - condamne Monsieur Jean-Pierre X... et Madame Nicole Y... née Z... aux dépens.

Le 8 novembre 1996, Monsieur X... (aide juridictionnelle totale) a relevé appel de cette décision. Il fait grief au jugement entrepris d'avoir déclaré que l'action de la banque n'était pas forclose, alors qu'il résulte des dispositions de l'article 311-37 du Code de la consommation que le délai biennal de forclusion court à compter du premier incident de paiement non régularisé, c'est-à-dire en l'espèce, à compter du jour où le compte est devenu débiteur, soit au mois d'octobre 1990 ; que la date d'introduction de l'instance à prendre en compte n'est pas celle du 11 juillet 1994, la juridiction saisie s'étant déclarée incompétente, mais celle à compter de laquelle la juridiction de renvoi a été saisie, soit le 11 avril 1995 ; qu'en conséquence, et en tout état de cause, la demande en paiement a été introduite après l'expiration du délai de forclusion.

Subsidiairement, il expose qu'il est fondé a solliciter la condamnation de la SA B.N.P à lui payer la somme de 50.000 Francs en réparation du préjudice qu'il a subi, suite à l'imprudence de la banque dans la gestion de son compte.

En conséquence, il prie la Cour de : - déclarer Monsieur X... recevable en son appel, y faire droit et l'y dire bien fondé, - infirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions, Et statuant à nouveau, Vu l'article L.311-37 du Code de la consommation : - déclarer forclose l'action introduite par la SA B.N.P, Subsidiairement, pour le cas où, par impossible, la Cour ne déclarerait pas forclose l'action engagée par la SA B.N.P, -

condamner la SA B.N.P à payer à Monsieur X... la somme de 50.000 Francs à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi suite à la faute d'imprudence commise par la SA B.N.P dans la gestion du compte de Monsieur X..., - condamner la SA B.N.P au paiement de la somme de 5.000 Francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - condamner la SA B.N.P en tous les dépens, dont le recouvrement sera poursuivi par Maître Bernard JOUAS, avoué, conformément à la loi sur l'aide juridictionnelle.

La SA B.N.P fait valoir, quant à elle, qu'en matière de solde débiteur de compte, comme en l'espèce, le délai de forclusion biennal de l'article 311-37 du Code de la consommation ne court qu'à compter de la clôture du compte par la banque, soit en l'espèce le 24 août 1992 ; que l'assignation en date du 11 juillet devant le tribunal de grande instance de NANTERRE, juridiction incompétente, a cependant interrompu le délai de forclusion, l'article 2244 du Code civil -dans sa rédaction postérieure à la loi du 5 juillet 1985- n'exigeant pas que la citation en justice soit délivrée devant une juridiction compétente ; que de plus, le tribunal de grande instance de NANTERRE ayant renvoyé l'affaire devant la juridiction compétente, l'instance s'est poursuivie devant le juge ainsi désigné, sans qu'il y ait lieu, selon elle, à nouvelle assignation (articles 96 et 97 du Nouveau Code de Procédure Civile) ; qu'il résulte de tout ce qui précède, selon elle, que son action a bien été introduite dans le délai de forclusion de deux ans. Subsidiairement elle expose, contrairement à ce que soutient Monsieur X..., qu'il ne peut être retenu contre elle aucune faute ; qu'en tout état de cause, aucun préjudice, ni aucun lien de causalité avec la prétendue faute ne sont établis.

En conséquence, la SA B.N.P demande à la Cour de : - constater que le

point de départ du délai de forclusion court en matière de découvert en compte à compter de la clôture du compte, soit en l'espèce, à compter du 24 août 1992, - constater que l'assignation a été délivrée par la SA B.N.P à Monsieur X... avant l'expiration du délai forclusion, - dire que ce délai préfix est un délai pour agir lequel peut être interrompu par une citation en justice, - dire que l'article 2244 du Code civil n'exige pas que la citation en justice ait été portée devant une juridiction compétente pour interrompre les délais pour agir, - constater, en tout état de cause, que l'instance engagée devant le tribunal de grande instance se poursuit devant le tribunal d'instance, En conséquence, juger l'action de la SA B.N.P non forclose, - constater qu'aucune faute susceptible d'engager la responsabilité de la banque n'est démontrée et débouter Monsieur X... de sa demande de dommages et intérêts, En conséquence, - confirmer le jugement rendu par le tribunal d'instance d'ANTONY le 18 juillet 1996 : Y ajoutant, - condamner solidairement Monsieur X... et Madame Y... à payer à la SA B.N.P la somme de 140.345,01 Francs outre les intérêts au taux légal à compter du 11 juillet 1994, - condamner Monsieur X... à payer à la SA B.N.P la somme de 6.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - condamner Monsieur X... aux entiers dépens d'appel au profit de la SCP JUPIN ALGRIN, titulaire d'un office d'avoué près la Cour d'appel, qui pourra les recouvrer dans les conditions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Madame Y... (aide juridictionnelle totale) développe les mêmes arguments que Monsieur X... et demande en conséquence à la Cour de : - Vu L.311-37 du Code de la consommation, - déclarer forclose l'action introduite par la SA B.N.P, - débouter la SA B.N.P de toutes ses demandes, fins et conclusions, Subsidiairement, - condamner la SA

B.N.P à payer à Madame Z... la somme de 50.000 Francs à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la faute commise par la SA B.N.P dans la gestion du compte, - condamner la SA B.N.P au paiement de la somme de 5.000 Francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile en cause de première instance et 5.000 Francs en cause d'appel, - condamner la SA B.N.P en tous les dépens dont le recouvrement sera poursuivi par la SCP GAS conformément sur l'aide juridictionnelle.

Dans ses conclusion signifiée le 28 octobre 1998 la SA B.N.P demande à la Cour de : - confirmer le jugement rendu par le tribunal d'instance d'ANTONY le 18 juillet 1996 : Y ajoutant, - condamner solidairement Monsieur X... et Madame Y... à payer à la SA B.N.P la somme de 140.345,01 Francs outre les intérêts au taux légal à compter du 11 juillet 1994, - condamner Madame Y... à payer à la SA B.N.P la somme de 6.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - condamner Monsieur X... aux entiers dépens d'appel au profit de la SCP JUPIN-ALGRIN, titulaire d'un office d'avoué près la Cour d'appel, qui pourra les recouvrer dans les conditions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. Dans ses dernières conclusions, Monsieur X... entend tirer argument du fait de l'absence d'offre préalable de crédit pour solliciter le prononcé de la déchéance du droit aux intérêts de la SA B.N.P.

Il demande donc à la Cour de : - adjuger de plus fort, au concluant le bénéfice de ses précédentes écritures, Y ajoutant, subsidiairement, prononcer la déchéance du droit a tout droit à intérêt de la SA B.N.P, - statuer comme précédemment requis quant aux

dépens.

Produisant le même argument, Madame Y... demande à la Cour de : - adjuger à Madame Y... le bénéfice de ses précédentes écritures, - débouter la SA B.N.P de toutes ses demandes, fins et conclusions, A titre subsidiaire, - dire que la SA B.N.P est déchue du droit aux intérêts, - statuer sur les dépens ainsi que précédemment requis.

Dans ses conclusions signifiées le 19 novembre 1998 et le 1er décembre 1998, la SA B.N.P demande à la Cour de : - constater qu'il n'y a pas lieu à répétition des intérêts inscrits en compte, le tribunal les ayant déjà déduits, ce qui a ramené la créance de a SA B.N.P à la somme de 140.345,01 Francs, constater que la SA B.N.P, en application de l'article 1153 alinéa 3 du Code civil, est en droit de percevoir les intérêts au taux légal à compter de l'assignation, soit à compter du 11 juillet 1994, - adjuger de plus fort à la SA B.N.P le bénéfice de ses précédentes écritures, - statuer comme précédemment requis sur les dépens.

L'ordonnance de clôture a été signée le 3 décembre 1998 et l'affaire plaidée à l'audience du 21 janvier 1999.

SUR CE, LA COUR,

I/ Considérant que postérieurement à l'ordonnance de clôture signée le 3 décembre 1998, la banque B.N.P a communiqué le 20 janvier 1999, un décompte actualisé de sa créance, mais sans faire signifier de nouvelles conclusions pour formuler expressément une demande en paiement de ce nouveau montant ; que ce décompte qui n'a pas la valeur d'une demande est donc déclaré irrecevable, en application de

l'article 783 alinéa 1 et 2 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

II/ Considérant quant à la forclusion biennale de l'article L.311-37 du Code de la consommation, qu'il est constant, en la présente espèce, que ce crédit a été consenti à Monsieur X... et Madame Z... épouse Y... sous la forme d'un découvert en compte, et qu'en Droit, dans ce cas, le délai de cette forclusion biennale court à compter du jour où le solde débiteur devient exigible, c'est-à-dire donc la date de la résiliation de la convention d'ouverture de crédit, à l'initiative de l'une des parties ; qu'ici, il est constant que c'est la banque B.N.P qui a pris cette initiative en prononçant cette clôture, le 24 août 1992, cette date, non contestée, ayant été exactement retenue par le premier juge ;

Considérant quant à la date de saisine de la juridiction compétente, c'est-à-dire le tribunal d'instance d'ANTONY, qu'il est certain que la date du 11 juillet 1994, retenue à tort par ce tribunal dans son jugement déféré, ne correspond pas à une assignation délivrée par la SA B.N.P devant lui, mais qu'en réalité, il s'agissait d'une assignation délivrée, devant une juridiction incompétente, en l'espèce le tribunal de grande instance de NANTERRE ; que dans un tel cas, il est de Droit constant que cette assignation du 11 juillet 1994 n'a pu interrompre ce délai de forclusion biennale, et que c'est à la date du jugement d'incompétence et de renvoi rendu par la première que s'est trouvé saisi le tribunal d'instance compétent ; que dans la présente espèce, il est constant que le tribunal de grande instance de NANTERRE s'est déclaré incompétent et a renvoyé devant le tribunal d'instance d'ANTONY par jugement du 11 avril 1995 ; qu'à cette date, donc plus de deux années s'étaient écoulées depuis la clôture du compte intervenue le 24 août 1992 et ayant rendu

exigible le solde débiteur du compte ;

Considérant qu'à cette date du 11 avril 1995, la forclusion biennale avait donc déjà joué, et que le jugement déféré est infirmé sur ce point ; que la Cour constate cette forclusion et déclare donc irrecevables toutes les demandes en paiement formulées par la banque B.N.P contre Monsieur X... et Madame Y... ;

III/ Considérant quant aux demandes en paiement de dommages intérêts formées par Madame Z... épouse Y... et par Monsieur X... contre la banque B.N.P, qu'il ne peut être reproché à cette banque d'avoir commis une prétendue "faute" en laissant s'accroître le découvert de leur compte, à partir du mois d'octobre 1990, alors que les intéressés, eux-mêmes, ne se sont jamais plaints de cet état de choses et que, bien au contraire, c'est délibérément, et en toute connaissance de cause, que tous deux ont laissé leur dette augmenter, sans jamais prendre l'initiative de faire clôturer leur compte, en temps utile, comme ils avaient la faculté de le faire, s'ils avaient eu l'intention sincère de gérer sainement leurs propres affaires et d'honorer leurs obligations d'emprunteurs ;

Considérant que, compte tenu de l'équité, Monsieur X... et Madame Y... sont déboutés de leurs demandes respectives en paiement de sommes, en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

I/ VU l'article 783 alinéa 1 et 2 du Nouveau Code de Procédure Civile :

DECLARE irrecevable le décompte signifié par la banque B.N.P, postérieurement à l'ordonnance de clôture ;

II/ VU l'article L.311-37 du Code de la consommation :

CONSTATE la forclusion biennale qui affecte l'action au fond engagée par la B.N.P devant le tribunal d'instance compétent ;

PAR CONSEQUENT : DECLARE irrecevables toutes les demandes en paiement formulées par la SA B.N.P contre Monsieur X... et Madame Z... épouse Y... ;

III/ DEBOUTE Madame Y... et Monsieur X... de leurs demandes en paiement de dommages et intérêts contre la SA B.N.P ;

IV/ DEBOUTE les parties de leurs demandes respectives en paiement de sommes, en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

CONDAMNE la banque B.N.P à tous les dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés directement contre elle par Maître JOUAS, avoué, et par la SCP d'avoués GAS, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile et à celles de la loi sur l'aide juridictionnelle.

ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET : Le Greffier,

Le Président, Marie Hélène EDET

Alban CHAIX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1996-9236
Date de la décision : 19/02/1999

Analyses

PROTECTION DES CONSOMMATEURS - Crédit à la consommation - Défaillance de l'emprunteur - Action - Délai de forclusion - Interruption ou suspension - Saisine d'un tribunal incompétent

Lorsqu'un crédit est consenti sous forme de découvert en compte, le point de départ du délai biennal de forclusion de l'article L. 311-37 du Code de la consommation, se situe au jour où le solde du compte devient exigible, c'est à dire à la date de résiliation de la convention d'ouverture de crédit, à l'initiative de l'une ou l'autre des parties. Dès lors qu'en droit une assignation délivrée devant une juridiction incompétente n'interrompt pas le délai de forclusion, lequel ne peut l'être qu'au jour où la juridiction saisie se déclare incompétence et renvoie devant un autre tribunal, l'assignation de l'emprunteur devant une juridiction qui déclare son incompétence plus de deux ans après la résiliation de la convention d'ouverture de compte, a pour effet de rendre l'établissement bancaire forclos


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1999-02-19;1996.9236 ?
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