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18/02/1999 | FRANCE | N°1997-7057

France | France, Cour d'appel de Versailles, 18 février 1999, 1997-7057


FAITS ET PROCEDURE

Depuis 1991, la SA LES LABORATOIRES PROCTER ET GAMBLE PHARMACEUTICALS FRANCE - P.G.P. - commercialise un médicament dénommé DIDRONEL 400 mg prescrit dans le "traitement curatif de l'ostéoporose post-ménopausique, avec au moins un tassement vertébral, en administration cyclique avec du calcium".

Le 15 mai 1997, la S.A. LES LABORATOIRES MERCK SHARP ET DOHME CHIBRET - M.S.D. - a obtenu l'inscription sur la liste des médicaments remboursables publiée au journal officiel du 24 mai 1997, de sa spécialité pharmaceutique "FOSAMAX" dont l'indication est le "

traitement de l'ostéoporose post-ménopausique avérée", après avoir bé...

FAITS ET PROCEDURE

Depuis 1991, la SA LES LABORATOIRES PROCTER ET GAMBLE PHARMACEUTICALS FRANCE - P.G.P. - commercialise un médicament dénommé DIDRONEL 400 mg prescrit dans le "traitement curatif de l'ostéoporose post-ménopausique, avec au moins un tassement vertébral, en administration cyclique avec du calcium".

Le 15 mai 1997, la S.A. LES LABORATOIRES MERCK SHARP ET DOHME CHIBRET - M.S.D. - a obtenu l'inscription sur la liste des médicaments remboursables publiée au journal officiel du 24 mai 1997, de sa spécialité pharmaceutique "FOSAMAX" dont l'indication est le "traitement de l'ostéoporose post-ménopausique avérée", après avoir bénéficié d'une autorisation de mise sur le marché le 12 décembre 1996.

Les 23, 27 et 28 mai 1997, la société P.S.P. a diffusé un document publicitaire destiné aux professionnels de la santé faisant état de l'efficacité reconnue de DIDRONEL pour un coût minimal.

Estimant que cette publicité ne respectait pas les prescriptions légales prévues en la matière par les codes de la consommation et de la santé publique et s'avérait un acte de concurrence déloyale par dénigrement et parasitisme envers elle, la société M.S.D. a saisi le juge des référés du Tribunal de Commerce de NANTERRE aux fins d'en obtenir l'arrêt immédiat sur le fondement de l'article 873 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Par décision rendue le 25 juin 1997, ce magistrat a considéré que la publicité présentant le DIDRONEL violait les dispositions du code de la consommation et constituait un acte de concurrence déloyale à l'encontre de la société M.S.D. et qu'elle était illicite pour violation de l'article L.121.8 du même code, comme n'étant ni loyale, ni véridique et de nature à induire en erreur le corps médical, a ordonné, en conséquence, à la société P.G.P. la cessation de sa diffusion sous quelque forme que ce soit, sous astreinte de 1.000 francs par manquement à cette interdiction, alloué à la société M.S.D. une indemnité de 6.000 francs en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et condamné la défenderesse aux dépens.

Appelante de cette ordonnance, la société P.G.P. fait grief au premier juge d'avoir outrepassé les limites du contrôle qu'il lui appartenait d'exercer en tant que juge de l'évidence alors que le caractère comparatif de la publicité DIDRONEL était formellement contesté et que l'article L-121.8 du code de la consommation était inapplicable en l'espèce, ainsi que ses pouvoirs, en préconisant un mode de calcul du coût de traitement journalier relevant de la seule compétence de l'administration ou, à titre subsidiaire, de la juridiction du fond.

Elle soutient que la promotion en cause est une publicité factuelle sur le coût du médicament en soulignant que le coût de traitement journalier fait partie des mentions obligatoires devant figurer sur les publicités destinées aux professionnels de la santé en faveur d'une spécialité remboursable.

Elle ajoute qu'il n'y a aucun lien entre le prix libre d'un médicament non remboursable et le prix de ce même médicament devenu remboursable par la sécurité sociale et dément toute tromperie dans l'élaboration de la publicité concernée ;

Elle sollicite, en conséquence, l'infirmation intégrale de la décision déférée et une indemnité de 24.120 francs T.T.C. au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

La société M.S.D. conclut pour sa part, à la confirmation totale de l'ordonnance entreprise, sauf à y ajouter une indemnité de 24.120 francs T.T.C. pour frais irrépétibles.

Elle indique en premier lieu que le FOSAMAX a une propriété spécifique de réduction du risque fracturaire qui lui est propre induisant un coût plus élevé que d'autres médicaments d'indication thérapeutique similaire.

Elle estime que le message publicitaire sur le coût diffusé par la société P.G.P. comporte une formulation trompeuse et dénigrante dans la mesure où il ne tient pas compte de l'administration complémentaire du calcium dont le montant aurait dû être adjoint et où elle n'a de sens que parce que le coût de traitement journalier de

7,70 francs correspondant au plus élevé de ceux comparés et suggéré comme inacceptable, représente le coût de traitement journalier présumé de FOSAMAX.

Elle fait valoir que le message publicitaire sur les propriétés du DIDRONEL comprend une indication volontairement incomplète et la revendication d'un élément non reconnu au profit de ce médicament et que possède FOSAMAX en violation de l'article L.551.1 du Code de la Santé Publique.

Elle relève que la publicité en cause est bien comparable et ne répond pas aux exigences de loyauté, de vérité et d'absence de nature à induire en erreur posées par la disposition précitée et l'article L.121.1 du code de la consommation.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 22 octobre 1998.

MOTIFS DE L'ARRET

Considérant que la publicité pour le DIDRONEL diffusée par voie postale les 23, 27 et 28 mai 1997 auprès des médecins généralistes par la société P.G.P. se présente sous la forme d'une plaquette en dépliant comprenant en première page, la mention "une efficacité reconnue pour un coût minimum", en page centrale les indications de "ostéoporose post-ménopausique vaincre le temps qui casse" assorties sur la gauche de deux statues dont l'une atteinte par la foudre est fracturée au niveau dorsal et la seconde est sur le point d'être entièrement restaurée et sur la droite, un tableau intitulé "découvrez le coût journalier de DIDRONEL 400 mg" grattez "comparez", quatre montants étant proposés de haut en bas pour le coût de traitement journalier "CTJ" : 7,70 francs, 3,72 francs, 2,55 francs et 1,51 francs, le mot "NON" apparaissant après grattage des trois premiers chiffres, puis la formule "DIDRONEL 400 mg" en face de 1,51 francs et en dernière page la phrase "il y a une différence entre traiter l'ostéoporose à tout prix et la traiter à n'importe quel prix ! " ;

Considérant qu'un tel document s'inscrit dans le champ d'application de la règlementation propre à la publicité des médicaments prévue par les articles L.551 à L.551.6 et R.5047 à R.5048 du code de la santé publique puisqu'il incite les praticiens à prescrire le médicament présenté, impliquant notamment en vertu de l'article L.551.1 que la

publicité ne doit pas être trompeuse, ni porter atteinte à la protection de la santé publique, doit présenter le produit de façon objective, favoriser son bon usage et respecter les dispositions de l'autorisation de mise sur le marché ;

Que cette promotion dudit produit pharmaceutique doit également respecter les règles de droit commun en matière de publicité en ne comportant pas d'allégations, d'indications ou de présentations fausses ou de nature à induire en erreur au titre des éléments définis à l'article L.121.1 du code de la consommation dont la portée est générale ;

Considérant que la publicité en cause est aussi soumise aux règles édictées en matière de publicité comparative par les articles L.121.8 et suivants du code de la consommation stipulant qu'elle doit être loyale, véridique et non de nature à induire en erreur, contrairement à ce que soutient la société P.G.P., ces dispositions étant applicables à la publicité visant les consommateurs comme les professionnels et même si le produit, le service ou la personne, objet de la comparaison n'est pas cité pourvu qu'il soit identifiable ;

Or considérant qu'à cet égard, l'objectif même de la publicité

litigieuse est d'inciter son destinataire à la comparaison puisque la société P.G.P. emploie le terme de "comparez" et présente un tableau comparatif sur lequel figurent des CTJ qui correspondant effectivement à des médicaments au vu des "fiches de transparence" versées aux débats ainsi que celui de 7,70 francs qui même s'il ne constitue pas le montant du CTJ du FOSAMAX dans son conditionnement en plaquettes de 28 comprimés de 8,24 francs, représente celui d'un conditionnement de 30 comprimés attestant que la société P.M.P. qui a procédé à la diffusion de la publicité incriminée concomitamment à l'inscription de FOSAMAX sur la liste des spécialités remboursables était déjà auparavant informée du prix de ce médicament qui avait fait l'objet d'une autorisation de mise sur le marché six mois auparavant et de son caractère nettement supérieur par rapport au sien ;

Considérant que la société P.G.P. ne peut limiter l'impact de sa publicité à la seule volonté alléguée de rappeler par le biais d'un jeu le coût de traitement journalier de DIDRONEL ;

Qu'il s'infère, en effet, des termes du document publicitaire que le message diffusé affirme que le DIDRONEL "traite l'ostéoporose pour un coût minimal" qui est son CTJ de 1,51 francs expressément rappelé à deux reprises et comparé avec les CTJ d'autres médicaments à même visée thérapeutique pouvant être déterminés par ces références techniques connues des praticiens de la santé à qui ils s'adressent ;

Considérant que cette formulation s'avère trompeuse dans la mesure où le DIDRONEL ne traite pas seul l'ostéoporose pour 1,51 francs par jour, chiffre au demeurant faux puisqu'il s'avère être de 1,53 francs, mais doit être administré conjointement avec un autre médicament le calcium dont le coût ne peut être loyalement occulté et ce, à la différence de FOSAMAX dont le CTJ se suffit à lui seul en représentant effectivement le coût du traitement de la maladie, ce qui a pour résultat d'aboutir à une comparaison mensongère au détriment de ce dernier médicament dont les conséquences sont d'autant plus néfastes que le message publicitaire en question se situe dans un contexte de maîtrise des dépenses de santé imposé aux médecins et que le CTJ du FOSAMAX est plus élevé que le DIDRONEL ;

Que si la société P.G.M. est certes obligée légalement comme tous les laboratoires pharmaceutiques de préciser le CTJ de ses médicaments dans la publicité dont ils sont l'objet, cela ne saurait la dispenser d'omettre d'indiquer, en l'espèce, le coût supplémentaire du médicament qui était nécessairement associé à la spécialité en cause lors de sa diffusion et dont il est encore mention dans la nouvelle rédaction de l'autorisation de mise sur le marché ;

Considérant de surcroît, que le DIDRONEL présenté sous l'indication

"ostéoporose post-ménopausique" et avec l'accroche "Vaincre le temps qui casse" ne correspond pas aux dispositions de l'autorisation de mise sur le marché dans la mesure où l'indication thérapeutique du DIDRONEL est celle du "traitement curatif de l'ostéoporose post-ménopausique avec au moins un tassement vertébral en administration cyclique avec du calcium" ;

Qu'elle est donc de nature à élargir à tort la prescription du DIDRONEL à l'ensemble des patientes ostéoporotiques dans le cadre d'une action préventive qu'il ne vise pas, et à inciter à une prescription incomplète en créant le risque d'en remettre en cause les effets ;

Qu'elle fait, en outre, état d'une propriété de réduction du risque fracturaire qui ne lui est pas reconnue ;

Considérant dans ces conditions, que la publicité objet du litige qui ne répond pas aux prescriptions légales des articles L.121.1 et L.121.8 du code de la consommation et L.551.1 et R.5047 du code de la santé publique étant constitutive d'un trouble manifestement illicite, le premier juge a, à juste titre, ordonné la cessation de sa diffusion sous astreinte ;

Que la décision déférée sera, en conséquence, confirmée ;

Considérant que l'équité commande d'allouer à l'intimée, une indemnité supplémentaire de 16.000 francs en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile laquelle, eu égard à sa nature n'étant pas soumise à la T.V.A., n'a pas lieu d'être prononcée H.T. ou T.T.C. ;

Que la société P.G.P. qui succombe en son appel et supportera les dépens, n'est pas fondée en sa prétention au même titre.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

- CONFIRME l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;

- CONDAMNE la S.A. LES LABORATOIRES PROCTER ET GAMBLE PHARMACEUTICALS FRANCE à verser à la SA LABORATOIRES MERCK SCHARP ET BOHME-CHIBRET, une indemnité supplémentaire de 16.000 francs en application de

l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

- LA CONDAMNE aux dépens d'appel qui seront recouvrés par la SCP JUPIN etamp; ALGRIN, Avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

ARRET REDIGE PAR MADAME LAPORTE, CONSEILLER PRONONCE PAR MONSIEUR ASSIÉ, PRESIDENT ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET

LE GREFFIER

LE PRESIDENT

M. Thérèse X...

F. ASSIÉ


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1997-7057
Date de la décision : 18/02/1999

Analyses

PUBLICITE COMMERCIALE - Publicité comparative.

En application des articles L. 551-1 du code de la santé publique, L. 121-1 et L 121-8 du code de la consommation, une plaquette publicitaire adressée à des médecins qui emploie le terme "comparez" et présente un tableau comparatif en forme de cases à "gratter" comportant différents coûts de traitement journalier correspondant à des spécialités concurrentes, notamment un produit récemment mis sur le marché et caractérisé par un coût de traitement journalier nettement supérieur a pour objet d'inciter son destinataire à la comparaison sans que sa portée puisse être limitée au seul souci de rappeler par le biais d'un jeu le coût de traitement journalier du produit promu

PUBLICITE COMMERCIALE - Publicité comparative.

La diffusion d'un message publicitaire affirmant qu'une spécialité "traite (une affection déterminée) pour un coût minimal", lequel est indiqué et comparé à celui d'autres produits, à même visée thérapeutique, identifiables par les praticiens de la santé auxquels ce message est adressé, constitue une formulation trompeuse lorsqu'il s'avère que cette spécialité contrairement à celle ayant ayant le coût de traitement journalier le plus élevé du comparatif, doit être administrée conjointement avec un autre médicament dont le coût a été, de manière déloyale, occulté, aboutissant ainsi à une comparaison mensongère. Lorsque, de surcroît, la présentation du produit lui attribue un champ d'action ne co'ncidant pas avec l'autorisation de mise sur le marché, ou le pare d'une propriété que celle-ci ne lui reconnaît pas, la publicité litigieuse ne répond pas aux prescriptions légales des articles L. 121-1 et L. 121-8 du code de la consommation et L. 551-1 et R. 5047 du code de la santé publique et est constitutive d'un trouble manifestement illicite


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1999-02-18;1997.7057 ?
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