FAITS ET PROCEDURE,
Suivant offre préalable du 7 décembre 1990, la SA FRANFINANCE a consenti à Monsieur et Madame X... une ouverture de crédit utilisable par fractions, d'un montant de maximum de 30.000 Francs.
Par acte d'huissier en date du 13 décembre 1996, la SA FRANFINANCE a fait assigner Monsieur et Madame X... devant le Tribunal d'instance d'ECOUEN en paiement des sommes de 32.625,85 Francs avec intérêts au taux conventionnel de 15,96 % l'an à compter du 28 mars 1996, sur le fondement du crédit sus mentionné, celle de 1.100 Francs au titre de l'article 700 Nouveau Code de Procédure Civile, le tout avec le bénéfice de l'exécution provisoire.
Régulièrement cités en mairie, Monsieur et Madame X... n'ont pas comparu et ne se sont pas fait représenter.
Par jugement réputé contradictoire en date du 8 avril 1997, le Tribunal d'Instance d'ECOUEN a débouté la SA FRANFINANCE de l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée aux dépens.
Le 27 août 1997, la SA FRANFINANCE a interjeté appel de cette décision. Elle fait valoir qu'elle a parfaitement informé Madame X..., à l'occasion de chaque renouvellement annuel, des conditions de reconduction de son contrat de crédit permanent conformément aux dispositions de l'article 311-9 alinéa 2 du Code de la consommation et ce par courrier spécial joint au relevé mensuel de compte ; que l'article 311-33 du code précité n'est, en tout état de cause, pas applicable à l'espèce étant donné qu'il n'est pas démontré que Monsieur et Madame X... n'ont pas souscrit à une offre
préalable ne satisfaisant pas aux conditions fixées notamment par l'article 311-9 du même code, que de surcroît, l'offre préalable du 24 juillet 1992 remplit parfaitement les conditions de forme énoncées par ledit article ; que l'obligation d'information dont s'agit ne prend sa source que dans la convention des parties et non dans la loi elle-même et dont le non-respect constitue la violation d'une obligation contractuelle, si bien que le premier juge ne pouvait relever d'office le moyen tiré du non-respect de cette obligation d'information ne constituant pas un moyen d'ordre public.
En conséquence, elle prie la Cour de : - s'entendre déclarer autant recevable que bien fondée la SA FRANFINANCE en son appel du jugement du tribunal d'instance d'ECOUEN en date du 8 avril 1997, En conséquence, - voir infirmer le jugement en toutes ses dispositions, - s'entendre condamner solidairement Monsieur Gérald X... et Madame Nadia X... née Y... à payer à la SA FRANFINANCE, pour les causes ci-dessus énoncées, la somme de 32.620,85 Francs avec intérêts de retard courus au taux de 15,96 % l'an, sur la somme en principal de 31.019,31 Francs à compter du 28 mars 1996 jusqu'au jour du parfait paiement, Subsidiairement, - s'entendre condamner solidairement Monsieur Gérald X... et Madame Nadia X... née Y... à payer à la SA FRANFINANCE la somme de 29.778,60 Francs avec intérêts de retard au taux légal courus à compter du 15 mai 1996 jusqu'au jour du parfait paiement, A titre infiniment subsidiaire, - s'entendre condamner solidairement Monsieur Gérald X... et Madame Nadia X... née Z... à payer à la SA FRANFINANCE la somme de 10.375,80 Francs avec intérêts de retard au taux légal courus à compter du 15 mai 1996 jusqu'au jour du parfait paiement, En tout état de cause, - s'entendre condamner solidairement les époux X... à payer
à la SA FRANFINANCE la somme de 10.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - s'entendre, en outre, condamner solidairement les époux X... au paiement des entiers dépens, tant de première instance que d'appel, dont le recouvrement sera poursuivi par Maître BOMMART, avoué, dans les conditions posées à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Monsieur et Madame X..., régulièrement assignés selon procès-verbal de recherches infructueuses, établi conformément à l'article 659 du Nouveau Code de Procédure Civile, n'ont pas constitué avoué. L'arrêt sera donc rendu par défaut.
L'ordonnance de clôture a été signée le 17 décembre 1998 et l'affaire plaidée pour l'appelante à l'audience du 8 janvier 1999.
SUR CE, LA COUR,
A) I/ Considérant que le Code de la consommation (livre troisième - titre premier - chapitre premier) édicte au sujet du crédit à la consommation des dispositions d'ordre public dont une des finalités est la protection des consommateurs, et que le juge a donc, en cette matière, le pouvoir et le devoir de relever d'office le moyen-tiré d'une éventuelle inobservation de l'obligation d'information de l'emprunteur, prévue par l'article L.311-9-alinéa 2 du ce code ; que cette obligation est une obligation légale qui s'impose directement au prêteur, sans qu'il y ait lieu d'exiger que cette information ait été expressément prévue par l'offre préalable de crédit ; que ce moyen d'ordre public a donc, à bon droit, été, en la présente espèce,
soulevé d'office par le premier juge dont la décision est confirmé sur ce point ;
II/ Considérant, quant à l'exécution même de cette obligation légale d'information pesant sur le prêteur, qu'en Droit, la loi n'impose aucun formalisme, et qu'il appartient donc à la Société FRANFINANCE de faire cette preuve qui lui incombe, par tous moyens, et notamment par la preuve de l'envoi d'une lettre simple ; que de plus, cette information doit être claire et complète, et que le contenu même de cette lettre doit être démontré par cette société ; qu'il doit, notamment, correspondre aux exigences de l'article L.311-9 alinéa 2 du Code de la consommation ;
Considérant que la Société FRANFINANCE ne fait pas la preuve qui lui incombe de cet envoi d'une lettre d'information, adressée personnellement, et en temps utile, aux époux X..., et de son contenu précis ; qu'elle se borne à indiquer, en termes très généraux que cette information se fait lors de l'envoi de chaque relevé mensuel du compte, étant souligné de plus, que la date précise de l'envoi de cette lettre personnelle ou de ce relevé mensuel n'est ni précisée, ni démontrée en la présente espèce, et que le fait matériel lui-même de l'expédition de l'un de ces documents n'est pas prouvé ; que le procès-verbal de constat par huissier que la Société FRANFINANCE a fait établir, le 26 août 1998, ne permet pas de démontrer qu'à la date considérée de la reconduction du contrat de prêt dont s'agit, de telles pratiques existaient déjà au sein de cette société, et qu'en tout état de cause, l'appelante ne fait toujours pas la preuve qui lui incombe qu'à la date précise légale (trois mois avant l'échéance), elle avait adressé personnellement aux époux X... une lettre simple comportant toutes les
indications exigées par la loi, relatives aux conditions de reconduction de leur contrat ;
III/ Considérant que, faute par le prêteur, de faire cette preuve lui incombant, il doit être retenu que cette absence d'information légale de l'article L.311-9 alinéa 2 équivaut à un défaut de reconduction de l'offre ; qu'en droit, cette méconnaissance de ces dispositions légales et d'ordre public doit donc être sanctionnée par la déchéance du droit aux intérêts sur les sommes prêtées, en vertu de l'article L.311-33 ;
IV/ Considérant enfin, quant à la forclusion alléguée par la Société FRANFINANCE, qu'il sera d'abord souligné que l'arrêt de la Cour de céans (1ère chambre 2ème section), du 3 mai 1996 ne peut être utilement invoqué par l'appelante, puisqu'il est patent que cette décision a statué à l'occasion d'une nullité d'une offre préalable de prêt, alors qu'ici, il ne s'agit pas de nullité mais de déchéance du droit aux intérêts (article L.311-33) et que, donc, la solution retenue par cet arrêt au sujet de la forclusion biennale n'est pas applicable en la présente espèce ; que le moyen d'ordre public, tiré de la déchéance du droit aux intérêts, soulevé d'office par le juge, ne constitue pas une "action engagée", au sens de l'article L.311-37 alinéa 1er, et que la forclusion biennale n'a donc pas à s'appliquer à cette sanction de la déchéance ;
Considérant que la Société FRANFINANCE est, par conséquent, déboutée de son moyen tendant à faire juger qu'une forclusion serait, selon elle, encourue depuis le 14 septembre 1993 et que -toujours selon sa thèse- la déchéance aux intérêts de l'article L.311-33 ne pouvait être prononcée qu'à compter du 14 décembre 1995 ;
B) Considérant, quant au montant de la créance invoquée par la Société FRANFINANCE, que celle-ci justifie que sa créance, en principal, est de 31.019,31 Francs et que, compte tenu de la déchéance du droit aux intérêts ci-dessus retenu, c'est ce seul principal qui est dû ; que les époux X... sont donc solidairement condamnés à payer ce principal à la Société FRANFINANCE et que le jugement déféré est infirmé à ce sujet ;
Considérant enfin que, compte tenu de l'équité, les époux X... sont condamnés in solidum à payer à la Société FRANFINANCE la somme de 6.000 Francs en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
PAR CES MOTIFS,
LA COUR statuant publiquement, par arrêt par défaut, et en dernier ressort :
VU l'article L.311-9 alinéa 2 du Code de la consommation :
DIT ET JUGE que la Société FRANFINANCE est déchu du droit aux intérêts ;
REFORMANT ET STATUANT A NOUVEAU :
. CONDAMNE solidairement les époux Gérald X... à payer à la Société FRANFINANCE le principal dû, de 31.019,31 Francs (TRENTE ET UN MILLE DIX NEUF FRANCS TRENTE ET UN CENTIMES) ;
. CONDAMNE in solidum les deux intimés à payer à la Société FRANFINANCE la somme de 6.000 Francs (SIX MILLE FRANCS) en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
CONDAMNE les époux X... à tous les dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés directement contre eux par la SCP d'avoués BOMMART ET MINAULT, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.
ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET : Le Greffier,
Le Président, Marie Hélène EDET
Alban CHAIX