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04/02/1999 | FRANCE | N°1998-1239

France | France, Cour d'appel de Versailles, 04 février 1999, 1998-1239


FAITS ET PROCEDURE :

Prétendant avoir consenti à compter du 1er février 1995 à la société SERANE, aux droits de laquelle se trouve la société POROUX AUTOMOBILES, un bail verbal sur un local d'une surface d'environ 320 mètres carrés, situé 4 rue des Entrepreneurs à CLAYES SOUS BOIS, en vue de l'exposition de véhicules neufs et avoir régulièrement dénoncé, pour le 1er décembre 1997, ce bail qui ne relevait pas des dispositions du décret du 30 septembre 1953, par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 24 septembre 1997, réitérée par une deuxième l

ettre recommandée avec accusé de réception du 08 octobre 1997, la SCI VANESSA, ...

FAITS ET PROCEDURE :

Prétendant avoir consenti à compter du 1er février 1995 à la société SERANE, aux droits de laquelle se trouve la société POROUX AUTOMOBILES, un bail verbal sur un local d'une surface d'environ 320 mètres carrés, situé 4 rue des Entrepreneurs à CLAYES SOUS BOIS, en vue de l'exposition de véhicules neufs et avoir régulièrement dénoncé, pour le 1er décembre 1997, ce bail qui ne relevait pas des dispositions du décret du 30 septembre 1953, par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 24 septembre 1997, réitérée par une deuxième lettre recommandée avec accusé de réception du 08 octobre 1997, la SCI VANESSA, propriétaire desdits locaux, a saisi le juge des référés du Tribunal de Commerce de VERSAILLES, pour obtenir notamment la validation du congé, l'expulsion de la société POROUX et la fixation d'une indemnité d'occupation, à compter du 1er décembre 1997 et jusqu'à la libération effective des lieux, à hauteur de 20.000 francs Hors Taxes par mois.

La société POROUX a soulevé avant toute défense au fond, l'incompétence ratione matériae de la juridiction saisie et, subsidiairement, elle a conclu à l'existence d'une contestation sérieuse quant à la nature juridique du bail ainsi qu'à l'influence de cette qualification sur la validité du congé, question qui relevait, selon elle, de la seule compétence du juge du fond.

Par ordonnance du 14 janvier 1998, le juge des référés a :

[* rejeté l'exception d'incompétence invoqué par la société POROUX,

*] dit que le bail n'était pas soumis au statut instauré par le décret du 30 septembre 1953,

[* validé en conséquence le congé à effet du 1er décembre 1997,

*] ordonné l'expulsion de la société POROUX, ainsi que celle de tous occupants de son chef, dans les 15 jours de la signification de l'ordonnance et ce, avec si besoin est l'assistance de la force

publique,

* fixé l'indemnité due par la société POROUX, à compter du 1er décembre 1997 et jusqu'à complète libération des lieux, à 15.000 francs HT par mois,

* ordonné l'exécution provisoire des dispositions qui précèdent,

* dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

* condamné la société POROUX aux dépens.

*

Appelante de cette décision, la société POROUX fait à nouveau essentiellement valoir, après s'être livrée à une analyse des relations entretenues par les parties ou leurs ayants-cause, qu'elle bénéficie d'un bail commercial ou qu'il existe pour le moins sur ce point une contestation sérieuses qu'il n'appartenait pas au premier juge, statuant en référé, de trancher. Elle ajoute que c'est au mépris de cette contestation que le premier juge a ordonné son expulsion immédiate, ce qui a entraîné pour elle des conséquences irrémédiables, dès lors que cette mesure a été mise à ce jour à exécution, et elle réclame, en réparation du préjudice financier et commercial qui en est résulté pour elle, une indemnité provisionnelle de 1.000.000 francs. Dans le dernier état de ces écritures, elle prétend avoir été victime de manoeuvres dolosives émanant des époux X..., principaux associés de la SCI VANESSA, lesdites manoeuvres ayant consisté à lui avoir laissé espérer la régularisation d'un bail commercial, ce qui l'a elle-même amenée à acquérir les parts que détenaient lesdits époux de la SARL SERANE AUTOMOBILE pour un prix de trois millions de francs, et elle demande à la Cour de constater cet état de fait.

Enfin, elle réclame une indemnité de 30.000 francs au titre de

l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

*

La SCI VANESSA estime tant irrecevables que mal fondées les prétentions adverses, faisant essentiellement valoir en réplique que la nature du bail et la régularité du congé ne souffrent aucune contestation, et elle conclut à la confirmation en toutes ses dispositions de l'ordonnance déférée, sauf à se voir allouer une indemnité de 30.000 francs en couverture des frais qu'elle a été contrainte d'exposer. MOTIFS DE LA DECISION

Considérant qu'il sera tout d'abord observé que le juge des référés commerciaux a retenu à tort sa compétence en relevant que le défendeur était commerçant et que la location litigieuse se rattachait à l'exercice de son commerce.

Considérant en effet que les règles de compétence, fixées par l'article 29 du décret du 30 septembre 1953, présentent un caractère d'ordre public et que les juridictions autres que le Tribunal de Grande Instance, telles que le Tribunal d'Instance et le Tribunal de Commerce, saisies d'un litige mettant en jeu, à titre principal, le statut instauré par le décret précité, doivent se déclarer incompétentes au profit du Tribunal de Grande Instance, lorsque une des parties soulève, comme en l'espèce, l'exception dans les conditions prévues par les articles 75 et suivants du Nouveau Code de Procédure Civile.

Considérant toutefois que la Cour d'Appel de ce siège, qui est juridiction d'appel aussi bien du Tribunal de Commerce qui a rendu la décision querellée, que du Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES dont la compétence était revendiquée, a plénitude de juridiction ; qu'il s'ensuit qu'il est désormais sans intérêt de critiquer l'erreur commise par le premier juge quant à l'étendue de sa compétence dès

lors que la Cour est valablement saisie par le seul effet dévolutif du recours exercé et qu'elle doit vider l'entier litige qui lui est soumis ; qu'au demeurant, et même si elle fait grief dans ses écritures au premier juge d'avoir outrepassé sa compétence, la société POROUX ne demande pas à la Cour d'en tirer d'autres conséquences de droit.

Considérant qu'en ce qui concerne la validation du congé et la mesure d'expulsion ordonnée, il apparaît des pièces des débats qu'il existe en la cause des motifs sérieux de contestation qu'il n'appartenait pas au premier juge, pas plus qu'à la Cour statuant avec les seuls pouvoirs du juge des référés, de trancher.

Considérant qu'à cet égard, il sera tant observé que l'infirmation ou la validation du congé, délivré par lettre recommandée par la SCI VANESSA à la société POROUX, suppose nécessairement que soit apprécié au préalable la nature juridique exacte du contrat liant les parties ; qu'en effet, de cette qualification doit dépendre l'application et le respect du formalisme prévu en la matière à peine de nullité par les dispositions du décret du 30 septembre 1953.

Or, considérant que cette qualification préalable impose nécessairement une analyse approfondie des diverses relations entretenues par les parties ou leurs ayants-cause avant la mise à disposition des locaux pris en location par la société POROUX ; que, plus particulièrement, pour qualifier le bail, il y aura lieu de rechercher si Monsieur X..., principal associé de la SCI, a pu valablement engager celle-ci alors en cours de formation, en promettant à la société POROUX de lui louer les locaux litigieux sous forme d'un bail commercial (3, 6, 9 années) ; que, de même et toujours en vu de qualifier le bail, il y aura lieu de rechercher la nature exacte de l'activité exercée dans les locaux loués par la société POROUX et d'établir s'il s'agit de locaux accessoires

indispensables à l'exercice de son commerce ou d'un simple hall d'exposition.

Que toutes ces questions, particulièrement complexes et étayées de part et d'autre, ne sauraient ressortir de la compétence du juge des référés, juge de l'évidence, alors qu'elles impliquent non seulement une analyse approfondie des éléments du litige, mais encore la nécessité pour la juridiction saisie de prendre partie sur le fond de droit revendiqué par la société POROUX ; que, dans ces conditions, et en raison de l'existence de contestations sérieuses ci-dessus caractérisées, l'ordonnance déférée ne pourra être qu'infirmée en toutes ses dispositions et, les parties renvoyées à se mieux pourvoir devant le juge du fond.

Considérant que la société POROUX ne saurait cependant valablement réclamer une provision en réparation du préjudice subi du fait de l'expulsion ; qu'en effet, s'il n'est pas contestable que la mesure d'expulsion, mise en exécution par la SCI VANESSA alors que la Cour n'avait pas encore statué, a entraîné des conséquences préjudiciables pour la société POROUX, il n'en reste pas moins que, en l'état, aucun abus de droit n'a été commis par la SCI bailleresse qui a seulement agi, certes à ses risques et périls, mais en vertu de l'exécution provisoire attribuée à l'ordonnance querellée ; que, le présent arrêt infirmatif n'étant pas revêtu quant au fond de l'autorité de la chose jugée, et étant observé que la juridiction du fond ultérieurement saisie garde toute latitude pour valider ou non le congé, la demande de provision formée par l'appelante ne pourra être que rejetée.

Considérant par ailleurs que la Cour n'a pas qualité, sauf à outrepasser sa saisine, pour se prononcer sur les manoeuvres dolosives imputés par la société POROUX aux consorts X... ou à des sociétés animées par ces derniers ; que ce chef de demande sera également rejeté sans examen de son bien fondé.

Considérant qu'à ce stade de la procédure, l'équité ne commande pas qu'il soit fait application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Considérant enfin que la SCI VANESSA, qui succombe pour avoir mal orientée son action, supportera les entiers dépens exposés jusqu'à ce jour. PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

- REOEOIT la SA POROUX AUTOMOBILES en son appel,

Y faisant partiellement droit,

- CONSTATE qu'il existe en la cause des contestations sérieuses, quant à la qualification du bail consenti à la SA POROUX AUTOMOBILES, susceptibles d'influer sur la validité du congé,

- INFIRMANT en toutes ses dispositions l'ordonnance déférée et statuant à nouveau,

- DIT n'y avoir lieu à référé et renvoie les parties à se mieux pourvoir devant la juridiction du fond,

- REJETTE les prétentions complémentaires émises par la SA POROUX AUTOMOBILES et dit n'y avoir lieu également à référé sur lesdites prétentions,

- DIT encore n'y avoir lieu à application, à ce stade de la procédure, de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

- LAISSE les entiers dépens de première instance et d'appel à la SCI VANESSA et autorise la SCP JUPIN-ALGRIN à en poursuivre directement le recouvrement, comme il est dit à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. ARRET PRONONCE PAR MONSIEUR ASSIÉ, PRESIDENT ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET LE GREFFIER

LE PRESIDENT M.T. GENISSEL

F. ASSIÉ


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1998-1239
Date de la décision : 04/02/1999

Analyses

BAIL COMMERCIAL - Compétence - Compétence matérielle - Tribunal de grande instance.

Les règles de compétence fixées par l'article 29 du décret du 30 septembre 1953 ayant un caractère d'ordre public, les juridictions, autres que le tribunal de grande instance, saisies d'un litige mettant en jeu à titre principal le statut instauré par le décret précité, doivent se déclarer incompétentes au profit de celui-ci chaque fois que l'une des parties soulève, comme en l'espèce, l'exception dans les conditions prévues par les articles 75 et suivants du NCPC

BAIL COMMERCIAL - Domaine d'application.

L'infirmation ou la validation d'un congé repose sur l'appréciation préalable de la nature juridique du contrat liant les parties, laquelle commande, le cas échéant, l'application et le respect du formalisme, prescrit à peine de nullité, par le décret du 30 septembre 1953. Dès lors cette qualification préalable implique une analyse approfondie des relations entretenues par les parties antérieurement à la mise à disposition des locaux. Cette recherche oblige la juridiction saisie à prendre partie sur le fond du droit, et ne saurait relever, en raison de l'existence de contestations sérieuses caractérisées, de la compétence du juge des référés ou de la cour statuant du chef de ces pouvoirs


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1999-02-04;1998.1239 ?
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