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04/02/1999 | FRANCE | N°1997-6245

France | France, Cour d'appel de Versailles, 04 février 1999, 1997-6245


FAITS ET PROCEDURE

Pendant plus de vingt années, Monsieur Irwin X..., photographe, a collaboré avec la société ELF pour la couverture d'événements sportifs "sponsorisés" par cette dernière et a photographié pour elle de nombreux sites pétroliers.

La rémunération était effectuée sous forme d'honoraires forfaitaires. Le 18 avril 1996, Monsieur Irwin X... a fait assigner la société ELF ANTAR FRANCE à laquelle il reproche, d'une part, d'avoir conservé au cours des vingt et une années de collaboration, les diapositives originales qu'il avait réalisées et, d'autr

e part, d'avoir utilisé des clichés lui appartenant notamment dans les deux édit...

FAITS ET PROCEDURE

Pendant plus de vingt années, Monsieur Irwin X..., photographe, a collaboré avec la société ELF pour la couverture d'événements sportifs "sponsorisés" par cette dernière et a photographié pour elle de nombreux sites pétroliers.

La rémunération était effectuée sous forme d'honoraires forfaitaires. Le 18 avril 1996, Monsieur Irwin X... a fait assigner la société ELF ANTAR FRANCE à laquelle il reproche, d'une part, d'avoir conservé au cours des vingt et une années de collaboration, les diapositives originales qu'il avait réalisées et, d'autre part, d'avoir utilisé des clichés lui appartenant notamment dans les deux éditions françaises et anglaises du livre intitulé "CHAMPIONS DU MONDE", ainsi que dans un rapport d'activité pour 1975, sans son autorisation, ce qui selon Monsieur X... constitue une violation de l'article L.122-4 du code de la propriété intellectuelle.

Par jugement en date du 5 février 1997, le tribunal de grande instance de NANTERRE a :

- dit Monsieur X... mal fondé en toutes ses demandes,

- débouté la société ELF ANTAR FRANCE de sa demande de dommages-intérêts,

- condamné Monsieur X... à payer à cette dernière la somme de 10.000 francs par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Le tribunal a retenu que les clichés réalisés durant plus de vingt années étaient des oeuvres de commande payées par la société ELF ANTAR FRANCE et que pour chaque reportage une facture était éditée comprenant les honoraires du photographe et ses frais divers, ce qui correspondait à un contrat de louage d'ouvrage et que par ailleurs, la cause de l'engagement de la société ELF ANTAR FRANCE n'était pas

la constitution d'une photothèque confidentielle, mais la possibilité de disposer de supports photographiques, ainsi que de leur droit de reproduction. Le tribunal a relevé que durant plus de vingt années, Monsieur X... n'avait jamais émis aucune contestation quant aux modalités d'exécution du contrat de louage d'ouvrage qui unissait les parties.

Appelant de cette décision, Monsieur X... rappelle qu'aucun contrat écrit n'est intervenu entre les parties et que les factures n'indiquaient nullement qu'elles portaient cession des négatifs.

Il fait encore valoir les éléments et arguments suivants :

- la société ELF ANTAR FRANCE lui restituait certains négatifs sur simple demande alors qu'elle en conservait d'autres ;

- s'étonnant de voir reproduire certaines de ses photographies, sans son autorisation, dans trois ouvrages "PASSION DE LA VITESSE", "TOUR DE FRANCE" et "SOUVENIRS EN BLEU", une transaction est intervenue entre les parties, le 15 avril 1993, aux termes de laquelle il était rappelé que les droits de reproduction et de représentation des clichés litigieux n'avaient fait l'objet d'aucune cession écrite ; par cet accord, Monsieur X... licitait à posteriori les reproductions litigieuses et cédait à la société ELF ANTAR FRANCE, à titre exclusif, le droits de reproduction et de représentation desdites photographies jusqu'au 31 décembre 1997, l'article 3 alinéa 2 du protocole précisant que : "La société ELF s'interdit dorénavant toute exploitation de toutes autres photographies en sa possession appartenant au cédant." ;

- en contrepartie de la cession, une somme de 100.000 francs HT lui était versée et la société ELF ANTAR FRANCE s'engageait en outre à lui restituer la totalité des négatifs des photographies reproduites dans les trois ouvrages litigieux ;

- il a été amené à constater, par ailleurs, que la société ELF ANTAR

FRANCE avait reproduit, en 1970, dans un autre ouvrage paru en français et en anglais, sous le titre "CHAMPION DU MONDE", plusieurs de ses clichés, sans autorisation, étant précisé que les ouvrages portaient la mention "COPYRIGHT C 1970 BY ELF", ce qui signifie bien que la société a vendu ses droits de reproduction des photographies à l'éditeur de l'ouvrage sans son accord ;

- contactée à nouveau, la société ELF ANTAR FRANCE a refusé, nonobstant les termes du protocole, de restituer les négatifs et de s'expliquer sur son attitude ;

- le tribunal a retenu à tort que le règlement des honoraires comportait à la fois le prix du transfert de la propriété matérielle des négatifs originaux et le coût de la cession des droits d'auteur ; - il résulte tant de l'article L.131-3 du code de la propriété intellectuelle que de la jurisprudence constante que toute cession de droits doit faire l'objet d'une mention distincte et que le domaine d'exploitation des droits cédés soit délimité quant à son étendue et à sa destination ainsi que quant au lieu et à la durée ;

- en l'absence d'écrit, il appartient au juge d'analyser la nature des relations entre les parties ; or, en l'espèce, les factures démontrent que les relations entre les parties relevaient du contrat de commande, ce qui n'entraîne pas ipso facto la cession de l'ensemble des droits patrimoniaux afférents à l'oeuvre réalisée au titre de la commande, ni la cession de la propriété matérielle de l'oeuvre elle-même ;

- s'il accepte de reconnaître qu'il était convenu entre les parties que la société ELF ANTAR FRANCE puisse utiliser les clichés dans le cadre de sa politique interne et externe de communication, il insiste sur le fait qu'il ne résulte d'aucune pièce qu'il ait également donné l'autorisation de publier ses oeuvres dans d'autres supports.

Monsieur X... prie en conséquence la Cour de :

- infirmer le jugement déféré,

- condamner la société ELF ANTAR FRANCE à lui remettre l'ensemble des négatifs encore en sa possession sous astreinte de 1.000 francs par jour de retard, pour chaque cliché concerné, faute d'exécution spontanée dans les quinze jours de la signification de la décision, étant précisé que la société ELF ANTAR FRANCE détient encore 429 négatifs correspondant aux clichés communiqués sous les numéros 17 à 445,

- condamner la société ELF ANTAR FRANCE à lui verser la somme de 69.000 francs à titre de dommages-intérêts pour la reproduction sans son autorisation de ses photographies dans l'ouvrage "CHAMPION DU MONDE",

- condamner la société ELF ANTAR FRANCE à lui payer la somme de 200.000 francs en réparation de son préjudice moral et la somme de 50.000 francs au titre des frais irrépétibles.

Pour conclure à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions et à l'allocation de la somme de 50.000 francs au titre des frais irrépétibles, la société ELF ANTAR FRANCE développe l'argumentation qui suit :

- il n'est pas douteux qu'il y ait eu cession des supports matériels et des droits d'exploitation, ce qu'établissent clairement les factures, les relations entre les parties et l'absence de toute réclamation durant plusieurs années de la part de Monsieur X... ;

- Monsieur X... ne peut admettre qu'il y a eu oeuvre sur commande et contester la cession du support matériel ;

- il y a eu accord tacite qui s'induit naturellement des relations ayant existé entre les parties durant vingt années et du fait que la détention des clichés sans possibilité d'utilisation n'était d'aucune utilité pour la société ELF ANTAR FRANCE ;

- le tribunal a jugé à bon droit que la cession des supports matériels commandés et des droits patrimoniaux d'exploitation y afférents ne comportait pas de limitation dans la commune volonté tacitement exprimée par les parties pendant la durée de leurs relations contractuelles ;

- si le principe instauré par la loi du 11 mars 1957 et inchangé par la loi du 3 juillet 1985 est que la conclusion d'un contrat de louage d'ouvrage n'emporte que le transfert de la propriété matérielle de cette réalisation, sans transfert automatique des droits d'exploitation, il appartient aux magistrats d'interpréter, dans chaque cas d'espèce, les conventions ambiguùs et de déterminer la commune intention des parties ;

- lors de la préparation du protocole transactionnel du 13 avril 1993, il avait été prévu les dispositions suivantes : "Par ailleurs, ELF s'engage également à retourner au cédant au fur et à mesure de la réalisation de l'archivage de leur patrimoine photographique, l'ensemble des originaux appartenant au cédant et notamment ceux concernant les reportages suivants : - "BORD DE MER", - "JACKY STEWART", - "FORMULE 1 DE 1969 À 1973", alors que par courrier du 9 février 1993, Monsieur X... a accepté la suppression de cet alinéa, ce qui démontre clairement que dans son esprit la société ELF ANTAR FRANCE conservait ses autres archives photographiques.

En réplique, Monsieur X... rappelle les dispositions des articles 2048 et 2049 du code civil et que rien ne permet de dire que par ce protocole il a renoncé à réclamer les autres clichés détenus.

Il précise encore que vainement la société ELF ANTAR FRANCE conteste l'origine des clichés réclamés qu'elle attribue parfois et par erreur à d'autres photographes alors que les photographies communiquées sous les numéros 17 à 445 établissent clairement l'identité de chaque cliché concerné.

DISCUSSION ET MOTIFS DE LA DECISION

Considérant qu'il n'est pas contesté que les parties ont été en relation au cours des années 1967 à 1988 et que pour chaque événement couvert ou chaque reportage photographique effectué par Monsieur X..., une facture était établie comportant des "honoraires" et les frais exposés par Monsieur X... ;

Considérant qu'il ressort des pièces produites que les photos réalisées par Monsieur X..., comme par les autres photographes qui travaillaient dans le même contexte, étaient utilisées librement par la société ELF ANTAR FRANCE dans le cadre de la publication de ses rapports d'activités, de ses plaquettes de communication, ainsi qu'elles l'ont été lors d'une exposition qui s'est tenue au GRAND PALAIS à PARIS sur le thème "100 ANS D'AUTOMOBILE FRANCAISE", ainsi que lors d'une exposition intitulée "LE TEMPS D'UN MOUVEMENT" ;

Considérant qu'à l'occasion de la publication de certains clichés pris par Monsieur X... dans trois ouvrages "PASSION DE LA VITESSE", "TOUR DE FRANCE 1982" et "SOUVENIR EN BLEU 1984", un protocole transactionnel est intervenu entre les parties le 15 avril 1993, lequel protocole est notamment ainsi rédigé : "Les droits de reproduction et de représentation desdites photographies n'ayant pas fait l'objet d'une cession écrite, la présente a pour objet de fixer les modalités de rémunération concernant les utilisations passées ainsi que les utilisations à venir pour la durée prévue à l'article 3 des présentes." "IL A ETE ARRETE CE QUI SUIT : "ARTICLE 1 : OBJET "Par la présente, le cédant cède à ELF, à titre exclusif, les droits de reproduction et de représentation des photographies sus-visées. "ARTICLE 2 : CESSION "Sous réserve de l'exécution intégrale des clauses des présentes et entier paiement des sommes fixées ci-après, ELF devient cessionnaire de la totalité des droits d'exploitation découlant de l'oeuvre du cédant. Ces droits concernent, sans

restrictions ni réserves, le droit de reproduction et de représentation, pour la France et la CEE. "Le droit de reproduction comporte : "- le droit de reproduction au sein des ouvrages sus-référencés, sans modification des photographies en tel nombre qu'il plaira à ELF. "Le droit de représentation comporte : "- le droit exclusif d'exploiter ou de faire exploiter lesdits ouvrages sur tous réseaux de distribution. "ARTICLE 3 : DUREE "Le présent protocole prendra fin le 31 décembre 1997. Toute prorogation ferait l'objet d'un avenant aux présentes. "Etant d'ores et déjà entendu entre les parties que la société ELF s'interdit dorénavant toute exploitation de toutes autres photographies en sa possession appartenant au cédant." ... "ARTICLE 5 : RESTITUTION DES ORIGINAUX "ELF s'engage à restituer au cédant la totalité des originaux des oeuvres visées au préalable au jour de la signature des présentes." ; Considérant que Monsieur X... fait valoir, sans être contredit, que devant les premiers juges, le conseil qui le représentait alors n'aurait pas versé aux débats ce protocole d'accord ;

Considérant que postérieurement à cet accord, Monsieur X... soutient avoir eu connaissance de la parution, en 1970, de six de ses photographies effectuées pour la société ELF ANTAR FRANCE dans un ouvrage intitulé "CHAMPION DU MONDE" paru en français et en anglais ; Considérant que les parties admettent de part et d'autre que les règles protectrices énoncées par l'article L.131-3 et les articles suivants du code de la propriété intellectuelle ne sont exigées qu'au regard du droit de la preuve et non essentielles à la validité de la convention entre les parties et que le régime instauré par la loi du 11 mars 1957 est inchangé dans la loi du 3 juillet 1985 sur les points en litige ; que pareillement, elles reconnaissent qu'il

appartient au juge, en l'absence d'un écrit clair et précis, d'examiner et de déterminer la nature des relations entre les parties, preuve qui conformément au droit commun est libre, dès lors qu'il existe un commencement de preuve par écrit ;

Considérant que les factures et les pièces produites établissent que durant une vingtaine d'années, Monsieur X... a effectué pour le compte de la société ELF ANTAR FRANCE des oeuvres de commandes destinées tant à des publications internes qu'à des publications faites par la société, diffusées dans le public, comme support de ses opérations de promotion, notamment dans le cadre de ses activités de sponsoring ; que durant les vingt années de relations, la société ELF ANTAR FRANCE n'a pas fait d'autres usages des oeuvres commandées, à l'exception des publications objet du protocole transactionnel et du présent litige ; que nulle partie ne conteste l'existence d'un accord tacite sur ce point ;

Considérant qu'il convient de rappeler que dans le contrat de commande, l'objet est la réalisation d'une oeuvre future et que ce contrat n'entraîne en lui-même aucune cession des droits d'exploitation ;

Considérant qu'est en cause présentement essentiellement le droit de représentation, c'est-à-dire celui d'exploiter ou de faire exploiter les oeuvres, et plus particulièrement l'usage fait par la société ELF ANTAR FRANCE de six clichés reproduits dans l'ouvrage "CHAMPION DU MONDE" paru en 1970, tant en version française qu'en version anglaise ;

Considérant que l'examen de cette situation ne peut être fait sans référence au protocole d'accord du 15 avril 1993 sus-rappelé qui, concernant certains de ces clichés et des clichés originaux, a clairement énoncé que "les droits de reproduction et de représentation desdites photographies n'(avaient) pas fait l'objet

d'une cession écrite" et que l'objet de la transaction était la cession par Monsieur X... à la société ELF ANTAR FRANCE, à titre exclusif, des droits de reproduction et de représentation des clichés litigieux, convention qui avait pour but principalement de "liciter" à posteriori la reproduction de différents clichés dans des ouvrages externes à la société ELF ANTAR FRANCE ;

Considérant encore que le protocole a précisé qu'il était "d'ores et déjà entendu entre les parties que la société ELF s'interdit dorénavant toute exploitation de toutes autres photographies en sa possession appartenant au cédant" ;

Considérant que les termes clairs et non ambigus de ce protocole, certes limités à certains clichés et à certaines représentations, seraient dénués de sens s'il y avait eu antérieurement une cession tacite et constante des droits de reproduction et de représentation de Monsieur X... hors le cadre limité qui a toujours régi les relations entre les parties ; que vainement encore la société ELF ANTAR FRANCE fait valoir que ce protocole permet de dire qu'il y avait eu cession des autres clichés dès lors que la convention est intervenue ponctuellement pour régulariser une situation irrégulière et que les parties y ont pris le soin de préciser que la société ELF ANTAR FRANCE s'interdisait dorénavant toute exploitation de toutes autres photographies ;

Considérant qu'aux termes de ce protocole, la société ELF ANTAR FRANCE s'est également engagée à restituer les clichés litigieux, ce qui démontre suffisamment qu'elle ne s'en considérait pas comme légitime cessionnaire, au regard du support matériel ; que vainement, sur ce point, la société intimée fait valoir la clause projetée et finalement supprimée avec l'accord de Monsieur X... concernant la restitution de l'ensemble des clichés au fur et à mesure de leur archivage ; que le premier alinéa maintenu de l'article 5 stipule que

"ELF s'engage à restituer au cédant la totalité des originaux des oeuvres visées au préalable au jour de la signature des présentes", alors que le projet comportait un second alinéa ainsi rédigé "par ailleurs, ELF s'engage également à retourner au cédant au fur et mesure de la réalisation de l'archivage de leur patrimoine photographique, l'ensemble des originaux appartenant au cédant notamment ceux concernant les reportages suivants ..." ;

Considérant que la société ELF ANTAR FRANCE ne s'explique pas sur le sens de l'expression "oeuvres visées au préalable au jour de la signature des présentes" ; qu'en tout état de cause, la suppression sus-rappelée ne permet nullement de dire que Monsieur X... a renoncé à la restitution de l'ensemble de ses clichés alors que le protocole contient une clause ambiguù et que la société ELF ANTAR FRANCE a, à tout le moins, reconnu qu'elle n'avait pas acquis les supports litigieux ;

Considérant que le fait pour Monsieur X... de ne pas s'être manifesté durant plusieurs années n'est nullement déterminant : que d'une part, la société ELF n'avait pas - à sa connaissance - outrepassé les droits convenus entre les parties, jusqu'à la publication des ouvrages objet du protocole et de l'ouvrage "CHAMPION DU MONDE", et que d'autre part, les parties continuant à être en relation de travail, toujours dans le cadre limité de la convention qui les unissait, rien ne justifiait une demande de restitution des supports matériels ;

Considérant qu'il ressort de ce qui précède que les premiers juges ont, à tort, rejeté comme non fondées les demandes formées par Monsieur X... ;

Considérant qu'à bon droit celui-ci demande indemnisation au titre de la reproduction et de la représentation, sans son accord, des clichés figurant dans l'ouvrage "CHAMPION DU MONDE" et qu'à ce titre une

somme de 50.000 francs doit lui être allouée ;

Considérant qu'il doit être également fait droit à la demande de restitution de l'ensemble des clichés encore détenus par la société ELF ANTAR FRANCE, oeuvre de Monsieur X..., sur la base de la liste par lui communiquée et portant les numéros 17 à 445, les objections formulées par l'intimée concernant l'origine de certains clichés n'étant pas établies ;

Considérant que tant la reproduction irrégulière que l'attitude de la société ELF ANTAR FRANCE à la suite des réclamations légitimes formulées postérieurement au protocole et durant la présente instance, ont causé un préjudice moral à Monsieur X... qu'il convient de réparer par l'allocation de la somme de 50.000 francs ;

Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de Monsieur X... les frais irrépétibles exposés ; que la somme de 20.000 francs doit lui être allouée pour les frais exposés tant en première instance qu'en cause d'appel ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

DECLARE Monsieur Irwin X... recevable en son appel ;

LE DIT BIEN FONDE,

INFIRME en toutes ses dispositions le jugement déféré ;

STATUANT A NOUVEAU,

DIT que dans le cadre de la convention d'oeuvres de commandes qui unissait les parties, Monsieur X... n'a pas implicitement cédé les droits de reproduction et de représentation attachés à ses oeuvres pas plus que la matérialité de leur support, autorisant la société ELF ANTAR FRANCE à procéder aux publications litigieuses dans l'ouvrage "CHAMPION DU MONDE" paru en 1970 ;

DIT que la société ELF ANTAR FRANCE a refusé à tort la restitution du

support matériel des oeuvres de Monsieur X... ;

EN CONSEQUENCE :

CONDAMNE la société ELF ANTAR FRANCE à payer à Monsieur Irwin X... la somme de CINQUANTE MILLE FRANCS (50.000 francs) à titre de dommages-intérêts pour la reproduction sans autorisation de six clichés dans l'ouvrage "CHAMPION DU MONDE" ;

ORDONNE la restitution des clichés appartenant à Monsieur Irwin X... et objets des photographies communiquées sous les numéros 17 à 445 dans le cadre de la présente procédure ;

DIT que cette restitution devra avoir lieu dans les trois mois de la signification de la présente décision et que, passé ce délai, la restitution devra avoir lieu sous astreinte journalière de CINQ CENTS FRANCS (500 francs) ;

CONDAMNE la société ELF ANTAR FRANCE à payer à Monsieur X... la somme de CINQUANTE MILLE FRANCS (50.000 francs) à titre de dommages-intérêts, en réparation de son préjudice moral ;

LA CONDAMNE au paiement de la somme de VINGT MILLE FRANCS (20.000 francs) au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel ;

LA CONDAMNE aux dépens et dit que la SCP JUPIN etamp; ALGRIN pourra recouvrer directement contre elle les frais exposés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

ARRET REDIGE PAR :

Madame Colette GABET-SABATIER, Président,

ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET :

Le Greffier qui

a assisté au prononcé,

Le Président,

Catherine CONNAN

Colette GABET-SABATIER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1997-6245
Date de la décision : 04/02/1999

Analyses

PROPRIETE LITTERAIRE ET ARTISTIQUE - Droits patrimoniaux - Droit de reproduction - Cession - Acte de cession - Défaut - Portée - /.

Dans le contrat de commande, l'objet du contrat porte sur la réalisation d'une oeuvre future et une telle convention n'entraîne en elle-même aucune cession des droits d'exploitation de l'oeuvre dès lors que les parties reconnaissent éga- lement que les règles protectrices posées par les articles L 131-3 et suivants du Code de la proriété intellectuelle, notamment l'exigence d'un écrit, ne sont exigées qu'ad probationem et nom ad validitatem et que l'existence d'un com- mencement de preuve par écrit permet, conformément au droit romain, de prouver par tous moyens qu'il appartient au juge de déterminer la nature des relations entre les parties au regard des éléments produits aux débats. Un protocole d'accord, relatif à des clichés photographiques commandés antérieu- rement par un client, dont les termes clairs et non ambigus ont pour objet de "liciter" a posteriori la reproduction de certains d'entre eux, hors du cadre limité ayant préalablement régi, de manière non écrite, les relations entre les parties, en l'occurrence la communication institutionnelle, tant interne qu'externe du cli- ent, d'interdire à celui-ci toute exploitation de tous autres clichés encore en sa possession, appartenant au cédant et de restituer à ce dernier certains ori- ginaux spécialement énumérés, exclut, sauf à le priver de sens, l'existence pour la période antérieure à cet accord, d'une cession tacite et constante par l'auteur, de ses droits de reproduction et de représentation ; c'est donc à bon droit que cet auteur demande indemnisation au titre de la reproduction sans son accord, de certains clichés dans un ouvrage destiné au public. Sur l'étendue de la restitution envisagée par les parties, l'ambiguité des termes employés, n'établissant pas que l'auteur aurait renoncé à la restitution de l'ensemble des clichés livrés à son client durant la période de leur collabo- ration, qui, de facto, a reconnu ne pas les avoir acquis et, enfin, la circonst- ance pour l'auteur de ne pas

avoir réclamé la restitution des supports matériels durant plusieurs années n'étant plus déterminante d'une renonciation de sa part, puisque à sa connaissance, les droits convenus n'étaient pas outrepass- és et que les relations de travail se poursuivaient, il doit être fait droit à la de- mande de restitution de l'ensemble des clichés encore détenus par le client


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1999-02-04;1997.6245 ?
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