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23/01/1999 | FRANCE | N°1996-1073

France | France, Cour d'appel de Versailles, 23 janvier 1999, 1996-1073


LES FAITS

Simone X... épouse Y... et Vsevolod Y..., dits Serge et Anne Z..., sont les auteurs d'un ensemble romanesque de treize volumes connu sous le titre des "ANGELIQUE", du nom de leur héro'ne principale. Les quatre premiers volumes ont fait, à la fin des années soixante, l'objet de cinq adaptations cinématographiques où l'actrice Michèle MERCIER tenait le rôle d'Angélique.

Par une convention de "packaging", en date du 8 septembre 1994, la société TF1 EDITIONS, devenue société TF1 PUBLICATIONS, a confié à la société EDITIONS DU COLLECTIONNEUR le soin de con

cevoir, réaliser et fabriquer un album iconographique consacré à Michèle MER...

LES FAITS

Simone X... épouse Y... et Vsevolod Y..., dits Serge et Anne Z..., sont les auteurs d'un ensemble romanesque de treize volumes connu sous le titre des "ANGELIQUE", du nom de leur héro'ne principale. Les quatre premiers volumes ont fait, à la fin des années soixante, l'objet de cinq adaptations cinématographiques où l'actrice Michèle MERCIER tenait le rôle d'Angélique.

Par une convention de "packaging", en date du 8 septembre 1994, la société TF1 EDITIONS, devenue société TF1 PUBLICATIONS, a confié à la société EDITIONS DU COLLECTIONNEUR le soin de concevoir, réaliser et fabriquer un album iconographique consacré à Michèle MERCIER, intitulé "MICHELE MERCIER, MERVEILLEUSE ANGELIQUE", conçu à partir des plus belles photos de Michèle MERCIER et de textes signés Robert HOSSEIN, Raymond A... et Henri-Jean SERVAT. La société EDITIONS DU COLLECTIONNEUR a, dans la même convention, cédé à TF1 le droit d'éditer l'ouvrage par elle ainsi conçu et la société TF1 s'est engagée à en commander 30.000 exemplaires.

L'ouvrage "MICHELE MERCIER, MERVEILLEUSE ANGELIQUE" fut publié, à compter du mois de novembre 1994, sous la forme d'un album iconographique conçu en trois parties :

o

page 28 : Préface de Robert HOSSEIN ; Introduction de Raymond A... ; Interview de Michèle MERCIER par Henri-Jean SERVAT,

o

pages 28 à 150 : Résumé illustré de nombreuses photos de chacun des films de la série "ANGELIQUE" :

.

"ANGELIQUE MARQUISE DES ANGES",

.

"MERVEILLEUSE ANGELIQUE",

.

"ANGELIQUE ET LE ROY",

.

"INDOMPTABLE ANGELIQUE",

.

"ANGELIQUE ET LE SULTAN",

o

pages 157 à 167 : Fiches techniques des films ; Filmographies de Michèle MERCIER, de Robert HOSSEIN et de Bernard BORDERIE.

Anne Z... et ses enfants (venant aux droits de leur père décédé), estimant que l'ouvrage portait atteinte aux droits moraux et patrimoniaux des auteurs, ont assigné la société TF1 EDITIONS devant le tribunal de grande instance de NANTERRE. La société TF1, après avoir obtenu du Président du tribunal de grande instance l'autorisation d'assigner la société EDITIONS DU COLLECTIONNEUR en intervention forcée, a appelé en garantie ladite société, dont elle tient ses droits, se fondant sur la clause de garantie insérée dans la convention de packaging. En raison de la présence de la société EDITIONS DU COLLECTIONNEUR à l'instance, les consorts Z... ont demandé une condamnation in solidum de cette société avec la société TF1 PUBLICATIONS.

Par un jugement en date du 31 janvier 1996, le tribunal de grande instance de NANTERRE a :

- déclaré la société TF1 et la société EDITIONS DU COLLECTIONNEUR responsables d'une contrefaçon à l'égard des consorts Y... par la publication de l'ouvrage "MICHELE MERCIER, MERVEILLEUSE ANGELIQUE", en violation de l'article L.122-4 du code de la propriété intellectuelle,

- condamné la société TF1 au retrait de tous les exemplaires disponibles de l'ouvrage et à la remise de ceux-ci comme de ceux en stock aux demandeurs en vue de leur destruction, le tout dans un délai d'un mois à compter de la signification du jugement, sous peine d'une astreinte de 5.000 francs par infraction constatée après ce délai,

- condamné in solidum la société TF1 et la société EDITIONS DU COLLECTIONNEUR à payer aux consorts Y... les sommes de :

o

150.000 francs du chef de contrefaçon, estimant que l'ouvrage litigieux était une adaptation non pas des romans, mais des films, la contrefaçon se réalisant du seul défaut d'autorisation des consorts Z... qui sont assimilés aux auteurs des oeuvres audiovisuelles, jugeant également que la seule utilisation du terme "ANGELIQUE" dans le titre de l'album en cause constituait également une atteinte au titre, le contenu de l'ouvrage étant lui exempt de tout grief sur le terrain des droits moraux des auteurs,

o

15.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

- rejeté la demande fondée sur la concurrence déloyale,

- condamné la société EDITIONS DU COLLECTIONNEUR à garantir la société TF1 de toutes les condamnations qui seraient exécutées contre elle,

- ordonné l'exécution provisoire.

MOYENS ET DEMANDES DES PARTIES

Par déclaration au greffe en date du 5 février 1997, la société EDITIONS DU COLLECTIONNEUR a interjeté appel de cette décision, à laquelle elle fait grief :

- d'avoir mal interprété la clause 2.3 de la "convention de

packaging" concernant l'étendue de la garantie due par elle à la société TF1, et notamment d'avoir invoqué l'article L.113-7 du code de la propriété intellectuelle, aux termes desquels l'auteur de l'oeuvre originelle est assimilé à l'auteur de l'oeuvre audiovisuelle dont est tiré l'ouvrage litigieux, pour en déduire qu'en garantissant détenir tous les droits relatifs aux textes et photos de l'ouvrage litigieux, la société EDITIONS DU COLLECTIONNEUR garantissait détenir les consentements de tous les auteurs concernés, et donc des consorts Y...,

- d'avoir ainsi dénaturé la clause pourtant claire et précise, laquelle n'instituerait pas une obligation générale de garantie mais au contraire ne garantirait que des recours intentés par les personnes limitativement énumérées dans les alinéas 2 et 3 de la clause, à savoir les recours des personnes figurant sur les clichés, les photographes, les auteurs des textes et de la préface, toute personne physique ou morale ayant participé à quelque titre que ce soit à la conception, la réalisation et la fabrication, notamment les illustrateurs et les maquettistes,

- d'avoir, en se fondant sur l'article 113-7 du code de la propriété intellectuelle, assimilé les consorts Y... aux auteurs de l'oeuvre cinématographique alors que la doctrine et la jurisprudence s'accordent à considérer que l'auteur de l'oeuvre originale n'acquiert la qualité de co-auteur de l'oeuvre audiovisuelle que s'il a concouru de manière effective à la réalisation de cette oeuvre, ce que n'allèguent même pas les consorts Y...,

- de lui avoir dénié la possibilité de se prévaloir des limites de sa garantie au motif qu'un courrier lui avait été adressé par la SOCIETE DES AUTEURS ET COMPOSITEURS DRAMATIQUES, le 19 août 1994, l'informant de la nécessité de recueillir l'accord des consorts Y..., alors qu'il appartenait à l'éditeur, la société TF1 EDITIONS, de

recueillir cet accord.

Subsidiairement, sur le fond du litige, la société EDITIONS DU COLLECTIONNEUR fait valoir que l'action des consorts Y... est, du fait de la cession de l'intégralité de leurs droits à la société ARCHANGE INTERNATIONAL, irrecevable, les consorts Y... ayant notamment cédé le droit de défendre, protéger et représenter leurs droits par devant toute instance officielle à ladite société ; que les consorts Y... seraient d'autant plus irrecevables après l'intervention volontaire de la société ARCHANGE INTERNATIONAL puisque, ne s'étant pas désistés, il ne saurait y avoir deux titulaires pouvant réclamer concurremment réparation de préjudices différents à raison des mêmes faits.

Encore plus subsidiairement, la société EDITIONS DU COLLECTIONNEUR demande l'infirmation de la décision entreprise en ce qu'elle a retenu que l'ouvrage en cause était contrefaisant du fait du défaut d'autorisation des consorts Y..., alors que l'album en question constituerait une oeuvre originale à part entière, et donc non soumise à une quelconque autorisation des consorts Z..., dont l'objet est l'évocation de la carrière de l'actrice Michèle MERCIER, la référence à "ANGELIQUE" étant nécessaire par le caractère marquant que ce rôle a eu dans la carrière de cette comédienne.

Que loin de constituer une adaptation de l'oeuvre littéraire des consorts Y... sous forme d'un roman photo, l'album serait une biographie de Michèle MERCIER, dont l'originalité se traduit par la composition de l'ouvrage, l'ordonnancement des chapitres et le choix iconographique, et plus particulièrement dans la combinaison des techniques littéraire (la préface), journalistique (interview) et cinématographique (photos de plateaux, fiches techniques, filmographies), l'ouvrage ayant de surcroît une valeur pédagogique et documentaire certaine de par la reproduction de nombreuses photos de

plateau, de quatorze affiches de films, de filmographies complètes.

Que pas davantage, l'album ne constituerait une adaptation de l'oeuvre cinématographique, et ce parce qu'il ne se réduit pas à la simple reproduction des photos de tournage, qu'au contraire de nombreux développements sont consacrés à la personne de Michèle MERCIER, qui serait le propos essentiel de l'oeuvre, qu'en tout état de cause, les premiers juges, qui ont convenu que l'ouvrage n'était pas une adaptation de l'oeuvre littéraire, n'ont pu sans se contredire dire que l'ouvrage était "l'adaptation de l'adaptation cinématographique des romans."

Que quand bien même la Cour déciderait que l'album litigieux constitue une adaptation de l'oeuvre cinématographique et considérerait les consorts Y... comme des co-auteurs des oeuvres audiovisuelles, ce qui supposerait la démonstration de leur participation effective à la réalisation de l'oeuvre cinématographique, les consorts Y... auraient dû mettre en cause le réalisateur du film puisqu'ils ne peuvent, en application de l'article 113.3 du code de la propriété intellectuelle, exercer leurs prétendus droits qu'en accord avec lui.

Qu'en tout état de cause, l'atteinte au titre de l'oeuvre des consorts Z..., reconnue par le tribunal comme également constitutive d'une contrefaçon, ne serait en l'espèce pas avérée par le seul emploi du nom "ANGELIQUE" dans une partie du titre, surtout pour une oeuvre d'un genre différent.

La société EDITIONS DU COLLECTIONNEUR sollicite en outre la confirmation de la décision attaquée :

- en ce qu'elle a rejeté les demandes des consorts Y... fondées sur les atteintes à leurs droits moraux, tant celle fondée sur l'atteinte au droit à la paternité - l'album comportant de nombreuses références aux noms des auteurs et à leur oeuvre - que

celle fondée sur l'atteinte à l'intégrité de l'oeuvre littéraire - l'ouvrage litigieux n'ayant pas vocation à reproduire l'oeuvre et ne comportant aucun élément de nature à déprécier la valeur littéraire du roman,

- en ce qu'elle a rejeté la demande des consorts Y... fondée sur la concurrence déloyale, puisque leurs romans n'étant plus en librairie à l'époque de la publication de l'ouvrage litigieux, il n'y a pu avoir détournement de clientèle au détriment des consorts Z..., lesquels ne justifient d'aucun fait distinct de ceux avancés sur le terrain de la contrefaçon. A titre subsidiaire, la société EDITIONS DU COLLECTIONNEUR fait valoir que l'album ne contient aucun dénigrement susceptible d'engendrer un détournement de clientèle au détriment des consorts Z..., tandis que le grief de parasitisme développé par les consorts Z... ne serait fondé sur aucune justification sérieuse.

La société EDITIONS DU COLLECTIONNEUR demande donc à la Cour de :

à titre principal :

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société EDITIONS DU COLLECTIONNEUR à garantir la société TF1 de toutes condamnations qui seraient exécutées contre elle au titre de dommages-intérêts,

- condamner la société TF1 à lui rembourser la somme de 150.000 francs augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date du versement,

à titre subsidiaire :

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré la société TF1 et la société EDITIONS DU COLLECTIONNEUR solidairement responsables d'une contrefaçon à l'égard des consorts Y...,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande des consorts Y... fondée sur la concurrence déloyale,

- condamner les consorts Y... à lui rembourser la somme de 150.000 francs avec intérêts au taux légal à compter du 20 février 1996 et à lui verser la somme de 35.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.

La société TF1 EDITIONS, devenue société TF1 PUBLICATIONS, intimée et appelante incidente à l'encontre des consorts Y..., reprenant des arguments similaires à ceux développés par la société EDITIONS DU COLLECTIONNEUR, conclut à l'irrecevabilité de l'action des consorts Y... du fait de la cession de leurs droits à la société ARCHANGE INTERNATIONAL, et subsidiairement, à l'irrecevabilité de l'action en contrefaçon intentée tant par les consorts Y... que par la société ARCHANGE INTERNATIONAL, l'ouvrage litigieux constituant une oeuvre originale, ne nécessitant de ce fait aucune autorisation des consorts Z..., et ce à quelque titre que ce soit.

Quand bien même une autorisation aurait été nécessaire, la société TF1 PUBLICATIONS fait valoir que les condamnations prononcées au titre de la contrefaçon, et notamment le retrait de la vente, sont excessives au regard du préjudice qui pourrait être retenu.

La société TF1, reprenant la même argumentation que la société EDITIONS DU COLLECTIONNEUR, conteste ainsi toute atteinte aux droits moraux de consorts Z... - atteinte à l'intégrité de l'oeuvre, à la paternité, au droit au nom, atteinte au titre - ajoutant que les consorts Y... ne sauraient se plaindre du défaut d'autorisation d'un ouvrage consacré à une série de films pour lesquels ils avaient donné tous les accords nécessaires.

La société TF1 PUBLICATIONS demande en revanche la confirmation de la décision entreprise en ce qu'elle a rejeté la demande fondée sur l'action en concurrence déloyale, aux motifs que :

o

l'action fondée sur le dénigrement reviendrait pour les consorts Z... à se plaindre d'une véritable diffamation, les consorts Z... employant ce terme dans leurs propres écritures, alors qu'une action en diffamation se prescrit par trois mois, étant admis qu'il n'est pas possible d'invoquer la responsabilité civile pour échapper à la prescription propre aux infractions de presse,

o

les consorts Z... auraient utilisé l'action en concurrence déloyale comme succédané de l'action en contrefaçon puisqu'ils fondent leur demande sur les mêmes faits que ceux ayant fondé leur action en contrefaçon,

o

le dénigrement ne serait de toute façon pas fondé en l'espèce, les consorts Z... se plaignant notamment d'une description, par Michèle MERCIER, du personnage de Joffrey DE PEYRAC, alors que, selon la société TF1, de nombreuses pages du livre permettent une interprétation du personnage qui va dans le sens de celle de Michèle MERCIER, et qu'en outre les propos de Michèle MERCIER ne signifient absolument pas que le film était meilleur que le livre, plusieurs autres passages de l'album rendant d'ailleurs hommage aux auteurs,

o

les consorts Z... ne pourraient en tout état de cause justifier d'aucun préjudice résultant d'une éventuelle concurrence déloyale, leurs romans n'étant plus en librairie au moment de la publication de l'album en cause, pas plus qu'ils ne peuvent accuser la société TF1 de parasitisme à défaut de la volonté de la société TF1 de profiter de la notoriété des oeuvres des consorts Z...

Enfin, la société TF1 PUBLICATIONS sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il ordonné la mise en jeu de la garantie de la société EDITIONS DU COLLECTIONNEUR, titulaire à l'origine des

droits d'édition et ayant matériellement réalisé l'ouvrage, la clause 2.3 du contrat de packaging n'excluant pas l'obligation pour la société EDITIONS DU COLLECTIONNEUR, de garantir une utilisation paisible des droits cédés.

La société TF1 PUBLICATIONS demande donc à la Cour de :

- dire qu'elle ne s'est pas rendue coupable de contrefaçon,

- débouter les consorts Z... de l'ensemble de leurs demandes,

- les condamner à lui rembourser la somme de 151.688 francs avec intérêts au taux légal à compter du 20 février 1996,

subsidiairement :

- infirmer le jugement en ce qu'il a ordonné le retrait de la vente de l'ouvrage et ramener les dommages-intérêts à de plus justes proportions,

- confirmer le débouté des consorts Z... au titre de leur action en concurrence déloyale, dire que les demandes sur ce fondement sont prescrites, irrecevables, qu'en toute hypothèse elle n'a pas commis d'acte de concurrence déloyale,

- condamner les consorts Z... au paiement de la somme de 20.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, et à l'intégralité des dépens,

subsidiairement :

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société EDITIONS DU COLLECTIONNEUR à la garantir.

Les consorts Y..., intimés, ont formé appel incident et exposé leurs demandes dans deux jeux de conclusions, l'un destiné à répondre à la société EDITIONS DU COLLECTIONNEUR, l'autre à la société TF1 PUBLICATIONS. Faisant suite à l'exception d'irrecevabilité soulevée tant par la société EDITIONS DU COLLECTIONNEURS que par la société TF1 PUBLICATIONS, la société ARCHANGE INTERNATIONALE, cessionnaire des droits relatifs à l'oeuvre

"ANGELIQUE" est volontairement intervenue à l'instance, reprenant les mêmes demandes et moyens que les consorts Y... et déclarant reprendre à son compte l'intégralité de leurs écritures concernant la demande fondée sur la concurrence déloyale.

Dans leurs propres écritures, les consorts Y... demandent à la Cour :

- que soient portés à un million de francs les dommages-intérêts du chef de contrefaçon sur les quatre premiers tomes de l'oeuvre,

- que soit retenu le chef de concurrence déloyale et demandent à cet égard la somme de 500.000 francs de dommages-intérêts,

- que soit portée à la somme de 50.000 francs l'indemnité due au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

- de confirmer les interdictions et retraits et d'ordonner le paiement de l'astreinte de 5.000 francs par infractions constatées,

- de condamner solidairement la société TF1 et la société EDITIONS DU COLLECTIONNEUR de tous les chefs d'accusation présentés en première instance et à verser aux consorts Z... l'intégralité des recettes provenant de la vente,

- d'ordonner la résiliation du contrat d'édition entre Monsieur A..., auteur de l'album litigieux, et la société EDITIONS DU COLLECTIONNEUR, origine de tous les délits, lesquels risquent de proliférer au vu de l'étendue des droits cédés, contrat qui n'apporte pas la preuve par sa lecture que l'ouvrage qui en fait l'objet et dont le titre provisoire ou définitif est "ALBUM ANGELIQUE", est consacré à la carrière de Michèle MERCIER mais évoque 300 à 500 photos des films dont Monsieur A... se dit propriétaire.

Aux termes de l'ensemble de leurs conclusions, qui bien que n'étant pas exactement semblables se rejoignent sur les moyens et arguments soulevés, les consorts Y... tendent à démontrer que :

o

l'album "MICHELE MERCIER, MERVEILLEUSE ANGELIQUE" est contrefaisant de leur oeuvre littéraire en ce qu'il constituerait une adaptation non autorisée des quatre premiers tomes sous forme d'un roman photo, l'album reprenant pour l'essentiel les péripéties, les personnages et les titres de leur oeuvre sous une forme grossièrement résumée, notamment en utilisant :

o

le personnage Angélique, dont le nom est utilisé et mis en valeur dans le titre même de l'ouvrage, où il apparaît de façon beaucoup plus voyante que le nom de l'actrice à laquelle est censé être consacré l'ouvrage, l'album étant d'ailleurs dans sa plus grande partie constitué de scènes et de personnages directement issus des romans, et retraçant bien l'histoire d'Angélique DE SANCE et présenté comme tel dans les diverses publicités le concernant,

o

des photos extraites pour la plupart d'entre elles d'adaptation d'une oeuvre dont les droits sont redevenus propriété des auteurs,

o

des textes qui ne seraient pas issus des films mais seraient une adaptation vulgarisée du roman, retraçant sommairement les principales péripéties de l'oeuvre et en reprenant certains titres.

Ainsi, la réunion des ces divers éléments feraient de l'album, non pas une biographie exclusivement consacrée à Michèle MERCIER, mais un roman photo dérivé de leur oeuvre originale et, de par les reproductions utilisées, sous-dérivé des films, exploitant ainsi sans autorisation le sujet "ANGELIQUE MARQUISE DES ANGES", alors que les consorts Y... sont, depuis 1983, redevenus propriétaires des droits cédés pour l'adaptation cinématographique, et ce en vertu d'une clause du contrat de cession ; que s'ils tolèrent encore la diffusion des films, les produits dérivés de l'oeuvre "ANGELIQUE" ne

peuvent se faire sans leur accord, l'adaptation comme les sous-adaptations d'un roman devant être autorisées par les auteurs de l'oeuvre originaire, la mise en oeuvre de la fiction juridique assimilant les auteurs de l'oeuvre originaire à des co-auteurs du film étant donc superflue.

Qu'en tout état de cause, les consorts Y..., ayant participé activement au scénario, sont de ce seul fait coauteurs des oeuvres cinématographique, étant d'ailleurs cités dans les fiches techniques du film comme auteurs des livres et adaptateurs.

Que l'album litigieux porte atteinte à leurs droits moraux, notamment au titre de leur oeuvre - le titre principal de l'ouvrage étant "ANGELIQUE", nom de l'héro'ne inventée par les consorts Z..., écrit en gros caractères et désolidarisé du reste du titre, à savoir le nom de l'actrice dont l'ouvrage est censé évoquer la carrière, le contrat d'édition liant Serge A... à la société EDITIONS DU COLLECTIONNEUR précisant que le titre de l'ouvrage commandé sera "ALBUM ANGELIQUE", - à leur droit à la paternité - leur nom n'étant pas cité en couverture de l'ouvrage et peu cité dans le texte - à l'intégrité de l'oeuvre, les textes et titres illustrant les photos des films, loin de constituer de simples légendes des images choisies, étant en fait simplement extraits du roman et grossièrement remaniés sous forme de "résumés".

Que l'ouvrage litigieux comporte plusieurs dénigrements de l'oeuvre et de ses auteurs, qu'il classe dans la catégorie des auteurs disparus des années 40 et 50 et dont le personnage "ANGELIQUE" n'aurait acquis une célébrité planétaire que par l'interprétation de Michèle MERCIER, et notamment dans les propos de Michèle MERCIER concernant le personnage de Joffrey DE PEYRAC dans le roman, qu'elle décrit comme un bossu et un vieillard monstrueux, alors que les Z..., qui ne contestent pas le fait que le personnage est balafré,

boiteux, estiment avoir conféré à cette figure, au demeurant âgée de seulement 32 ans, un charme fascinant et ce dès les premières pages du roman ; qu'ainsi, les termes présentant le personnage DE PEYRAC comme un monstre sont diffamatoires.

Que l'album litigieux serait de ce fait constitutif d'une concurrence déloyale vis-à-vis de l'oeuvre des consorts Z..., et notamment vis-à-vis de la bande dessinée "ANGELIQUE MARQUISE DES ANGES - MONTELOUP", sortie en même temps que l'album en cause, soit durant la campagne publicitaire du spectacle de Robert HOSSEIN "ANGELIQUE", sortie dont la société TF1 aurait été informée lors d'un entretien avec les consorts Z... où aurait été discuté un projet de réédition, par la société TF1, de la série littéraire des "ANGELIQUE".

Que la concurrence déloyale serait également constituée par la confusion que l'album contribuerait, tant par sa forme que par le fond, à former dans l'esprit du public quant à l'antériorité et la paternité initiale de l'oeuvre, risque de confusion qui serait notamment entretenu par l'utilisation, par la société TF1, des jaquettes originales des romans des consorts Z..., lesquelles auraient pour but de faire croire que leur roman est adapté des oeuvres cinématographiques, et non l'inverse.

Qu'en publiant en toute connaissance de cause un album à la même période que la sortie de la bande dessinée "ANGELIQUE", la société TF1 s'est rendue coupable d'un véritable parasitisme.

Enfin, les consorts Y... demandent à la Cour de prononcer la résiliation du contrat d'édition signé entre l'auteur, Monsieur Raymond A..., et la société EDITIONS DU COLLECTIONNEUR, en ce qu'il serait l'origine de tous les délits et atteintes ci-dessus mentionnés, aux motifs que ce contrat n'apporte pas la preuve que le thème de l'ouvrage commandé serait la carrière de Michèle MERCIER, le titre provisoire ou définitif auquel il y est fait référence "ALBUM

ANGELIQUE" n'évoquant pas l'actrice en particulier mais 300 à 500 photos du tournage des films de la série des "ANGELIQUE" que Monsieur A... transmet, alors que ces photos ne peuvent être utilisées pour réaliser un livre ou un album à des fins d'exploitation, l'ensemble de prises de plateaux réunies dans un album sous le titre "ANGELIQUE" devenant, sans autorisation des consorts Z..., une contrefaçon.

La société EDITIONS DU COLLECTIONNEUR s'oppose à cette dernière demande, faisant valoir qu'elle est irrecevable en ce qu'elle constitue une demande nouvelle, demande qui, en tout état de cause, est contraire au principe de l'effet relatif des conventions posé par l'article 1165 du code civil.

Intervenant volontairement, la société ARCHANGE, cessionnaire de l'intégralité des droits d'auteur des consorts Z..., et chargée, en outre, de défendre, protéger et représenter les droits des auteurs de la série des "ANGELIQUE", reprend les arguments des consorts Z..., faisant sienne leurs précédentes écritures concernant la demande fondée sur la concurrence déloyale, et y ajoutant, fait valoir que le but de la société TF1 serait de faire disparaître l'oeuvre littéraire au profit de l'oeuvre cinématographique, que de surcroît, l'album porterait atteinte à la marque "ANGELIQUE MARQUISE DES ANGES", déposée le 24 mars 1994.

Elle demande à la Cour de :

- dire que l'album litigieux constitue une contrefaçon des quatre premiers tomes de la série "ANGELIQUE" et condamner solidairement la société EDITIONS DU COLLECTIONNEUR et la société TF1 au paiement de un million de francs en réparation du préjudice résultant tant de la contrefaçon que de l'atteinte à l'intégrité de l'oeuvre, ainsi qu'à la paternité,

- ordonner le retrait définitif des albums litigieux, et ce sous astreinte de 5.000 francs par jour de retard,

- condamner solidairement la société EDITIONS DU COLLECTIONNEUR et la société TF1 à lui payer les sommes de :

o

200.000 francs au titre de l'atteinte à la marque,

o

500.000 francs au titre de la concurrence déloyale résultant d'un dénigrement et d'un détournement de clientèle, concurrence dont aurait pâti la bande dessinée "ANGELIQUE",

o

300.000 francs au titre de la réparation du préjudice résultant des pertes enregistrées par la bande dessinée, pertes dues au détournement de clientèle,

- condamner la société TF1 à lui verser l'intégralité des recettes du livre,

- condamner la société TF1 et la société EDITIONS DU COLLECTIONNEUR à payer, chacune, une somme de 50.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

- ordonner la publication de l'arrêt dans cinq quotidiens et cinq hebdomadaires de son choix mais aux frais des appelants,

- condamner la société TF1 et la société EDITIONS DU COLLECTIONNEUR à l'intégralité des dépens.

La société TF1 PUBLICATIONS et la société EDITIONS DU COLLECTIONNEUR concluent à l'irrecevabilité des demandes de la société ARCHANGE INTERNATIONAL concernant l'atteinte à la marque et la concurrence déloyale dont aurait pâti la bande dessinée, au motif que ces deux demandes seraient nouvelles, qu'au surplus, s'agissant de la bande dessinée "ANGELIQUE", la société ARCHANGE INTERNATIONAL n'aurait aucun intérêt à agir, n'ayant pas édité l'ouvrage.

La société TF1 et la société EDITIONS DU COLLECTIONNEUR demandent en outre à la Cour de déclarer la société ARCHANGE INTERNATIONAL mal

fondée en toutes ses autres prétentions.

SUR CE, SUR L'IRRECEVABILITE DE L'ACTION DES CONSORTS Y...

Considérant que la société TF1 et la société EDITIONS DU COLLECTIONNEUR ont soulevé l'irrecevabilité des demandes des consorts Y... au motif que ceux-ci auraient cédé à la société ARCHANGE INTERNATIONAL l'intégralité de leurs droits d'auteur et lui auraient confié la charge de la défense de ses droits en justice ; que ce faisant, les consorts Y... auraient perdu le droit d'agir eux-mêmes ;

Considérant que la société ARCHANGE INTERNATIONAL est intervenue volontairement à l'instance et a repris les mêmes moyens que les consorts Y..., que malgré cela la société EDITIONS DU COLLECTIONNEUR a maintenu son exception d'irrecevabilité au motif que les consorts Y... ne s'étant pas désistés, il ne saurait y avoir deux titulaires pouvant réclamer concurremment réparation de préjudices distincts à raison des même chefs ;

Qu'il apparaît aux termes de l'acte de cession du 16 novembre 1995 que Madame Simone Y... a cédé à la société ARCHANGE INTERNATIONAL tous les droits d'exploitation et de commercialisation de la série des treize volumes des "ANGELIQUE", ainsi que "l'entière gérance de ses droits d'auteurs" et lui donne le droit de "défendre, protéger et représenter ses droits et ceux de Vsevolod Y...", qu'aux termes de l'acte de cession du 24 mai 1996, les héritiers de Monsieur Y... ont également cédé à la société ARCHANGE INTERNATIONAL tous leurs droits d'exploitation concernant l'oeuvre des "ANGELIQUE" et lui ont donné pouvoir d'intervenir en leurs noms et place devant toute instance juridique ou judiciaire ;

Que l'étendue des droits cédés par les consorts Y... ne concerne que leurs droits patrimoniaux sur l'oeuvre "ANGELIQUE", qu'ils demeurent donc titulaires de leurs droits moraux, lesquels

sont en tout état de cause inaliénables ;

Qu'ainsi, si la cession de leurs droits patrimoniaux les rend effectivement irrecevables pour la défense desdits droits, elle ne leur interdit pas, pas plus que le mandat qu'ils ont confié à la société ARCHANGE INTERNATIONAL, de défendre les droits afférents à l'oeuvre "ANGELIQUE", de défendre eux-mêmes leurs droits moraux ;

Que de ce fait, il y a lieu de déclarer les consorts Y... recevables en leurs demandes tendant au respect de leurs droits moraux, leur non désistement à l'instance rendant la société ARCHANGE INTERNATIONAL irrecevable sur ce point, mais de les déclarer irrecevables pour leurs demandes tendant à la défense de leurs droits patrimoniaux ; SUR LA CONTREFACON 1°/ SUR L'EXISTENCE DE LA CONTREFACON

Considérant que la société ARCHANGE INTERNATIONAL fait grief à la société TF1 PUBLICATIONS et à la société EDITIONS DU COLLECTIONNEUR d'avoir édité et publié un ouvrage intitulé "MICHELE MERCIER, MERVEILLEUSE ANGELIQUE" sans solliciter au préalableà la société EDITIONS DU COLLECTIONNEUR d'avoir édité et publié un ouvrage intitulé "MICHELE MERCIER, MERVEILLEUSE ANGELIQUE" sans solliciter au préalable l'autorisation des auteurs de l'oeuvre "ANGELIQUE", alors que ledit album serait une adaptation des quatre premiers tomes de la série des "ANGELIQUE", se rendant ainsi coupable de contrefaçon ;

Que tant la société EDITIONS DU COLLECTIONNEUR que la société TF1 font valoir que cette autorisation n'avait pas à être sollicitée, l'album en cause constituant non pas une adaptation de l'oeuvre littéraire mais une évocation de la carrière de Michèle MERCIER, interprète du rôle titre dans les cinq adaptations cinématographiques tirées des quatre premiers tomes de la saga des "ANGELIQUE", qu'en cela l'album en cause constituerait une oeuvre originale, ce qui se traduit par la composition de l'ouvrage, le choix iconographique,

l'ordonnancement des chapitres et surtout dans la combinaison de techniques littéraire, journalistique et cinématographique, que si le personnage d'Angélique est effectivement évoqué, il ne pouvait en être autrement dans un ouvrage consacré à Michèle MERCIER, dont le sommet de la carrière est justement son interprétation du personnage d'Angélique, que c'est donc à tort que les premiers juges ont considéré que l'album en cause était une adaptation des oeuvres cinématographiques et non une oeuvre originale ;

Considérant cependant que l'ouvrage en cause n'apparaît consacré à Michèle MERCIER qu'en ce qu'elle a incarné le personnage d'Angélique, les références au reste de sa carrière, et notamment à la trentaine d'autres films auxquels elle a participé, étant des plus brèves, quasiment réduites à la mention de sa filmographie ;

Que la majorité des photos de l'actrice la représente dans son interprétation du rôle d'Angélique, y compris d'ailleurs celle de la couverture de l'album litigieux ;

Que la quasi-totalité de l'interview de Michèle MERCIER, d'ailleurs intitulée "ANGELIQUE en question", est centrée sur cette interprétation, de même que la préface de Robert HOSSEIN, véritable apologie des rôles d'Angélique et Joffrey DE PEYRAC ;

Que l'introduction de Monsieur A..., loin de retracer les grandes étapes de la carrière de l'actrice, vise avant tout à replacer la genèse des cinq films dans le contexte social et artistique de l'époque de leur sortie ;

Qu'enfin, la plus grande partie de l'ouvrage (pages 28 à 159, soit 131 pages sur 168) est consacrée au résumé en images des cinq films de la série "ANGELIQUE", composé de nombreuses photos représentant la comédienne dans ce rôle et accompagné d'un texte résumant brièvement les péripéties de chaque film, films qui reprennent celles du roman et à plusieurs reprises le titre même de certains tomes de la saga

des "ANGELIQUES" ;

Considérant en outre que le titre de l'album dans sa composition graphique, "MICHELE MERCIER, MERVEILLEUSE ANGELIQUE" ne fait qu'accréditer le fait que l'ouvrage est centré sur le personnage d'Angélique puisque le terme "ANGELIQUE" figure sur la couverture de l'ouvrage en caractères dorés, soulignés d'une arabesque et quatre fois plus gros que celui de l'actrice ;

Que l'emploi dans le titre de l'album du mot "ANGELIQUE" est en lui même constitutif d'une atteinte au titre de l'oeuvre des consorts Z..., au motif que douze des treize tomes de leur saga ont un titre composé d'une proposition composée du radical "ANGELIQUE" suivi d'un suffixe particulier, que cet élément commun crée un lien entre les oeuvres, dont l'ensemble est connu sous l'expression série ou saga des "ANGELIQUE" ;

Qu'il n'est pas contestable, ni contesté, que l'oeuvre littéraire des consorts Z... a connu un immense succès populaire, faisant du prénom "ANGELIQUE", un titre susceptible d'appropriation puisqu'il évoque nécessairement pour le public l'héro'ne créée par les consorts Z... ;

Considérant donc que l'album "MICHELE MERCIER, MERVEILLEUSE ANGELIQUE" a pour objet, non pas l'évocation de la carrière de Michèle MERCIER, mais la présentation au public des secrets de conception, des acteurs principaux ainsi que des personnages et péripéties les plus représentatifs des cinq films de la série des "ANGELIQUE" ;

Que par ailleurs les nombreuses coupures de presse et publicités communiquées par les parties attestent que l'ouvrage n'a jamais été perçu par le public comme par les organes chargés de sa promotion comme une biographie de Michèle MERCIER, mais bien comme un livre dédié à la relation des meilleurs moments de la série de films des

"ANGELIQUE" ;

Considérant de ce fait que l'ouvrage incriminé est une adaptation de la série de films "ANGELIQUE", eux-mêmes adaptés de l'oeuvre littéraire des consorts Z... ;

Que par voie de conséquence, l'album en cause ne peut être, particulièrement dans la partie résumant les cinq oeuvres cinématographiques, qu'une adaptation de l'oeuvre des consorts Z... ;

Qu'en effet, si l'on peut voir dans l'album en cause une certaine originalité, notamment dans sa composition d'ensemble, qui fait appel à plusieurs techniques - littérature, journalisme, iconographie -, il n'en demeure pas moins que l'ouvrage en son entier est consacré au personnage d'Angélique, création des consorts Z..., et que sa plus grande partie, résumé illustré des oeuvres cinématographiques, emprunte, fut-ce par l'intermédiaire d'une autre adaptation, la composition d'ensemble, les péripéties, l'intégralité des personnages et plusieurs titres des romans des consorts Z... ;

Considérant donc que l'album "MICHELE MERCIER, MERVEILLEUSE ANGELIQUE" est une oeuvre dérivée de la saga littéraire des consorts Z... connue sous le titre d'"ANGELIQUE" ; qu'à cet égard, elle ne pouvait se réaliser qu'avec le consentement des auteurs de l'oeuvre originaire ou de leurs ayants droit ;

Que du seul fait de l'absence d'autorisation, alliée à l'atteinte portée au titre de leur oeuvre, la contrefaçon est constituée ; 2° / SUR LES CONSEQUENCES DE LA CONTREFACON

Considérant que les premiers juges ont alloué la somme de 150.000 francs aux consorts Z... ; qu'ils demandent un million de francs en cause d'appel ; que pareille demande est formée par la société ARCHANGE INTERNATIONAL ;

Considérant que sur le fondement de la contrefaçon, seule la société

ARCHANGE INTERNATIONAL est recevable, ainsi qu'il a été dit plus haut ; que nonobstant l'exécution provisoire, les ouvrages litigieux n'ont pas été retirés de la vente ;

Qu'il convient de porter à la somme de 250.000 francs la réparation du préjudice subi par la société ARCHANGE INTERNATIONAL, les consorts Z... devant restitution de la somme de 150.000 francs perçue en vertu de l'exécution provisoire avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

Considérant que le retrait des ouvrages litigieux ordonné par les premiers juges doit être confirmé dans la mesure où il concourt à la cessation de l'infraction, donc du préjudice ;

Considérant que la société ARCHANGE INTERNATIONAL demande en outre l'attribution de l'intégralité des recettes réalisées par la société TF1 à raison de la vente de l'ouvrage ; que cette demande n'est pas fondée, comme étant sans relation avec l'infraction reprochée et la réalité du préjudice ;

Considérant enfin, en ce qui concerne la demande de publication de l'arrêt, que cette mesure, par la notoriété de l'oeuvre, est de nature à participer à la réparation intégrale du préjudice ;

Qu'il convient d'ordonner la publication du dispositif du présent arrêt dans les conditions prévues ci-après ; SUR LA CONCURRENCE DELOYALE

Considérant que la société ARCHANGE INTERNATIONAL, se référant aux écritures des consorts Y..., fait grief à l'album litigieux de constituer une concurrence déloyale, consistant à la fois en un risque de confusion sur la couverture et sur le fond de l'ouvrage qui contribuerait à faire croire que l'oeuvre des consorts Z... serait tirée des oeuvres cinématographique des "ANGELIQUE" et non l'inverse, en dénigrement de l'oeuvre littéraire visant à détourner la clientèle de l'oeuvre littéraire "ANGELIQUE" et de bandes dessinées consacrées

à "ANGELIQUE MARQUISE DES ANGES", publiées à la même période que l'album litigieux ;

Considérant que l'action en concurrence déloyale trouve son fondement dans l'article 1382 du code civil qui implique l'existence d'une faute, mais aussi d'un préjudice souffert par le demandeur ; qu'il est constant que si le demandeur est dans l'incapacité de faire la preuve d'un dommage, la demande doit être rejetée ;

Que s'agissant de l'oeuvre littéraire des consorts Z..., la société ARCHANGE INTERNATIONAL n'apporte aucun élément susceptible de prouver un détournement de clientèle, et par conséquent un préjudice, que de surcroît elle ne conteste pas le fait qu'au moment de la sortie de l'album litigieux en librairie, les romans des consorts Z... n'étaient plus disponibles, ce qui exclut de facto toute possibilité de concurrence ;

Qu'il n'y a donc pas lieu d'examiner les moyens fondés sur le dénigrement et le risque de confusion concernant la saga littéraire "ANGELIQUE" ;

Considérant que la société ARCHANGE INTERNATIONAL considère que l'album litigieux constitue également une concurrence déloyale pour la bande dessinée de Nadia Y..., fille des auteurs de la saga "ANGELIQUE", et intitulée "ANGELIQUE MARQUISE DES ANGES" ;

Que la société TF1 PUBLICATIONS et la société EDITIONS DU COLLECTIONNEUR soulèvent l'irrecevabilité de cette demande aux motifs, d'une part, qu'il s'agirait d'une demande nouvelle au sens des articles 564 et suivants du nouveau code de procédure civile, et d'autre part, du fait du défaut d'intérêt à agir de la société ARCHANGE INTERNATIONAL ;

Considérant que si cette demande ne peut être considérée comme nouvelle, notamment en ce qu'elle précise la demande initiale des consorts Y..., dont la société ARCHANGE INTERNATIONAL est

cessionnaire, il n'en demeure pas moins que la bande dessinée visée n'est pas éditée par la société ARCHANGE INTERNATIONAL mais par l'association "BELIER L'ECLATISME", devenue en 1996 association "BELIER EDITIONS" ;

Qu'il résulte de ce fait que la société ARCHANGE INTERNATIONAL, qui n'est pas cessionnaire des droits patrimoniaux de la bande dessinée "ANGELIQUE MARQUISE DES ANGES", est, faute d'intérêt à agir, irrecevable en sa demande concernant la concurrence déloyale qu'aurait subie ladite bande dessinée ;

Considérant que le grief de parasitisme n'étant étayé d'aucun moyen, il n'y a pas lieu de l'examiner ; SUR L'ATTEINTE A LA MARQUE "ANGELIQUE MARQUISE DES ANGES"

Considérant que la société ARCHANGE INTERNATIONAL, intervenant volontairement en lieu et place des consorts Y... pour la défense des droits patrimoniaux relatifs à l'oeuvre "ANGELIQUE", présente une demande concernant une atteinte à la marque "ANGELIQUE MARQUISE DES ANGES" déposée par les consorts Y... pour divers produits ;

Que cette demande est totalement nouvelle, présentée pour la première fois en cause d'appel par la société ARCHANGE INTERNATIONAL ; que selon l'article 565 du nouveau code de procédure civile, elle ne tend pas "aux mêmes fins" que les prétentions soumises aux premiers juges ;

Qu'elle doit donc à ce titre être déclarée irrecevable ; SUR LA DEMANDE TENDANT A LA RESILIATION DU CONTRAT D'EDITION LIANT MONSIEUR A..., AUTEUR DE L'ALBUM EN CAUSE, ET LA SOCIETE EDITIONS DU COLLECTIONNEUR

Considérant que les consorts Y... ont, pour la première fois en appel, demandé à voir ordonner la résiliation du contrat liant l'auteur de l'album litigieux à la société EDITIONS DU COLLECTIONNEUR

;

Que cette demande est totalement nouvelle ;

Qu'elle tend de surcroît à défendre et protéger les droits patrimoniaux afférents à leur série "ANGELIQUE", droits qu'ils ont cédé à la société ARCHANGE INTERNATIONAL, qui ne reprend pas cette demande ;

Considérant en conséquence que les consorts Y... doivent être déclarés irrecevables en leur demande de résiliation du contrat d'édition liant Monsieur A... à la société EDITIONS DU COLLECTIONNEUR, tant au titre de l'article 122 du nouveau code de procédure civile que de l'article 564 du nouveau code de procédure civile ; SUR L'ATTEINTE AUX DROITS MORAUX DES CONSORTS Y...

Considérant que les consorts Y... reprochent à l'album "MICHELE MERCIER, MERVEILLEUSE ANGELIQUE" de porter atteinte à leur droit à la paternité, qu'il font ainsi valoir que leur nom ne figurerait pas de façon claire dans l'ouvrage, laissant croire que leur oeuvre serait dérivée de l'oeuvre cinématographique ;

Considérant cependant que leur nom et la référence à leur paternité sont mentionnés dès les premières lignes de l'introduction de Monsieur A..., lequel précise clairement, et à plusieurs reprises que c'est l'oeuvre des époux Z... qui a été adaptée au cinéma, et non l'inverse (page 12 "On commença à parler de l'adaptation du roman d'Anne et Serge Z..." ; page 14, page 15 "S'inspirant du quatrième tome ... les deux producteurs") ;

Que leur nom est également cité à deux reprises dans l'interview de Michèle MERCIER par Henri-Jean SERVAT ;

Que dans la partie consacrée au résumé des cinq films, chacune des chaque têtes de chapitre mentionne très clairement les auteurs, dans des caractères identiques à ceux utilisés pour citer le réalisateur et le producteur ;

Que les auteurs figurent également dans toutes les fiches techniques ;

Considérant ainsi qu'il ne peut échapper au lecteur, même d'attention moyenne, que les cinq films de la série des "ANGELIQUE" sont adaptés de l'oeuvre originale d'Anne et Serge Z... ;

Que de ce fait l'atteinte au droit à la paternité n'est pas constituée ;

Considérant que les consorts Y... estiment que les textes résumant l'action des films constitueraient une réécriture grossière de leur oeuvre, la transformant, par leur rapprochement avec les images tirées des oeuvres cinématographique, en un roman photo vulgaire et sans style ; que loin de constituer de simples légendes, les textes en cause portent, par leur caractère lapidaire, atteinte à l'esprit de leur oeuvre ;

Considérant cependant que la plus grande partie de l'album litigieux consiste à présenter les cinq films de la série "ANGELIQUE" sous forme de cinq résumés composés essentiellement de photos tirées desdits films et accompagnées de textes résumant l'action, ce qui en fait une sous-adaptation de l'oeuvre des époux Z... visant non pas à reproduire directement leur oeuvre littéraire mais à présenter l'adaptation cinématographique de cette oeuvre, laquelle a reçu l'agrément des consorts Z..., sous la forme d'une album iconographique ;

Que dès lors, le genre de l'album commande une mise en retrait du texte au profit des photographies, que sa réduction à une trame lapidaire constitue donc un changement nécessaire à l'adaptation, qui, ne comportant aucune dénaturation de l'oeuvre originaire, ne peut s'analyser en une atteinte à l'intégrité et à l'esprit de l'oeuvre ; SUR LA GARANTIE DUE PAR LA SOCIETE EDITIONS DU COLLECTIONNEUR À LA SOCIETE TF1 PUBLICATIONS

Considérant que la société EDITIONS DU COLLECTIONNEUR fait grief à la décision attaquée de l'avoir condamnée à garantir la société TF1 PUBLICATIONS de toutes les condamnations qui seraient exécutées contre elle, aux motifs notamment que les consorts Y... seraient assimilés aux co-auteurs des oeuvres audiovisuelle, dont l'album est l'adaptation et qu'à ce titre, la société EDITIONS DU COLLECTIONNEUR aurait dû recueillir leur autorisation ;

Considérant que la clause 2.3 du contrat de packaging signé avec la société TF1, le 8 septembre 1994, dispose : "Le propriétaire garantit l'éditeur de ce qu'il détient tous les droits d'édition relatifs aux textes et photos de l'ouvrage qu'il cède à l'éditeur, pour les besoins de la publication de l'ouvrage. En conséquence, le propriétaire fera son affaire des recours de toutes personnes du fait de la publication desdites photos, en particulier au niveau de toute personnes figurant sur lesdits clichés et de leur droit à l'image, ainsi que des photographes les ayant réalisés. De même, le propriétaire fera son affaire des recours des auteurs des textes et de la préface de l'ouvrage, ainsi que de toute personne physique ou morale ayant participé à quelque titre que ce soit à la réalisation, la conception et la fabrication de l'ouvrage, notamment les illustrateurs et les maquettistes."

Que selon la société EDITIONS DU COLLECTIONNEUR, cette clause n'instituerait pas une obligation générale de garantie, mais une garantie limitée aux personnes énumérées dans les alinéas 2 et 3 de ladite clause, dont ne font pas partie les auteurs de l'oeuvre littéraire "ANGELIQUE", lesquels ont par erreur été assimilés par les premiers juges à des co-auteurs de l'oeuvre audiovisuelle dont est adapté l'album alors que cette assimilation, prévue par l'article 113.7 du code de la propriété intellectuelle, ne jouerait que lorsque l'auteur de l'oeuvre originale a concouru de manière effective à la

réalisation de l'oeuvre audiovisuelle, ce qui ne serait pas le cas s'agissant des époux Z... ;

Qu'en tout état de cause, la société EDITIONS DU COLLECTIONNEUR fait valoir que c'était à la société TF1, cessionnaire des droits d'édition afférents à l'ouvrage en cause, de recueillir l'accord des consorts Y... ;

Mais considérant qu'en cédant les droits d'édition exclusifs de l'album "MICHELE MERCIER, MERVEILLEUSE ANGELIQUE", la société EDITIONS DU COLLECTIONNEUR était tenue de garantir à l'éditeur l'exercice paisible et exclusif des droits cédés ;

Que de surcroît, elle garantit expressément l'éditeur de ce qu'elle détient tous les droits d'édition relatifs aux textes et photos de l'ouvrage cédé ;

Qu'elle peut d'autant moins opposer à la société TF1 l'éventuel caractère limitatif des alinéas 1 et 2 de la clause litigieuse qu'un courrier du 19 août 1994, soit antérieur à la conclusion du contrat de packaging, de la SOCIETE DES AUTEURS ET COMPOSITEURS DRAMATIQUES l'avait informée de la nécessité de recueillir l'accord des consorts Z... ;

Qu'il y a donc lieu de condamner la société EDITIONS DU COLLECTIONNEUR à garantir la société TF1 PUBLICATIONS de toutes les condamnations qui seraient exécutées contre elle au titre des dommages-intérêts, de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ou des dépens ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

INFIRME le jugement en ce qu'il a déclaré les consorts Y... recevables en leur action en contrefaçon et leur a alloué à ce titre la somme de 150.000 francs ;

ORDONNE le remboursement par les consorts Y... de ladite somme avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

DECLARE la société ARCHANGE INTERNATIONAL recevable et bien fondée en son action en contrefaçon dirigée contre la société TF1 PUBLICATIONS et la société EDITIONS DU COLLECTIONNEUR ;

CONDAMNE en conséquence, in solidum, la société TF1 PUBLICATIONS et la société EDITIONS DU COLLECTIONNEUR à payer à la société ARCHANGE INTERNATIONAL la somme de DEUX CENT CINQUANTE MILLE FRANCS (250.000 francs) à titre de dommages-intérêts ;

ORDONNE la publication, à titre de réparation complémentaire, du dispositif du présent arrêt dans cinq publications au choix de la société ARCHANGE INTERNATIONAL, dans la limite de DIX MILLE FRANCS (10.000 francs) par publication ;

DEBOUTE la société ARCHANGE INTERNATIONAL de sa demande d'attribution des recettes ;

CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a ordonné le retrait des ouvrages encore mis en vente ou se trouvant en stock, sous astreinte de CINQ MILLE FRANCS (5.000 francs) pour chaque point de vente ou lieu de stockage des ouvrages ;

DECLARE la société ARCHANGE INTERNATIONAL irrecevable en ses demandes fondées sur l'atteinte à la marque "ANGELIQUE MARQUISE DES ANGES", d'une part, sur la concurrence déloyale qu'aurait subie la bande dessinée "ANGELIQUE MARQUISE DES ANGES - MONTELOUP", d'autre part ;

CONFIRME la décision attaquée en ce qu'elle a :

- déclaré les consorts Y... irrecevables en leur demande tendant à faire prononcer la résiliation du contrat d'édition liant Monsieur A... à la société EDITIONS DU COLLECTIONNEUR,

- rejeté les demandes des consorts Y... fondées sur l'atteinte portée à leur droit à la paternité et à l'intégrité de leur oeuvre,

- rejeté la demande fondée sur la concurrence déloyale,

- condamné la société EDITIONS DU COLLECTIONNEUR à garantir la société TF1 PUBLICATIONS de toutes les condamnations qui seraient exécutées contre elle au titre des dommages-intérêts, de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ou des dépens ;

CONDAMNE solidairement la société TF1 PUBLICATIONS et la société EDITIONS DU COLLECTIONNEUR à payer à la société ARCHANGE INTERNATIONAL la somme de VINGT MILLE FRANCS (20.000 francs) au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

CONDAMNE solidairement la société TF1 PUBLICATIONS et la société EDITIONS DU COLLECTIONNEUR aux entiers dépens de première instance et d'appel, lesquels pourront être directement recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET :

Le Greffier,

Le Président,

Catherine CONNAN

Colette GABET-SABATIER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1996-1073
Date de la décision : 23/01/1999

Analyses

CONTREFAOEON - Propriété littéraire et artistique - Oeuvre littéraire

L'album est une oeuvre dérivée de la saga littéraire et ne pouvait se réaliser qu'avec le consentement des auteurs de l'oeuvre originaire ou de leurs ayants droit. De surcroît, l'emploi dans le titre de l'album du prénom de l'héro'ne de la série littéraire porte atteinte au titre de l'oeuvre littéraire. En l'occurence, du seul fait de l'absence d'autorisation, alliée à l'atteinte portée au titre de l'oeuvre, la contrefaçon est constituée


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1999-01-23;1996.1073 ?
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