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22/01/1999 | FRANCE | N°1997-1368

France | France, Cour d'appel de Versailles, 22 janvier 1999, 1997-1368


FAITS ET PROCEDURE,

Suivant acte sous seing privé en date du 10 décembre 1986, la Société FINAREF a consenti à Madame X... née Y... et Monsieur X... en qualité de conjoint, une offre préalable de crédit "Kangourou" accessoire à des contrats de vente, utilisable par fractions, assortie d'une carte de crédit et ouvrant droit à un crédit de 4.000 Francs au taux contractuel de base de 23,40 % l'an.

Suite à des échéances impayées et des mises en demeure infructueuses, la Société FINAREF a obtenu, suite à sa requête en date du 23 novembre 1995, une ordonnance du

Président du tribunal d'instance de SAINT GERMAIN EN LAYE en date du 3 janvier 1...

FAITS ET PROCEDURE,

Suivant acte sous seing privé en date du 10 décembre 1986, la Société FINAREF a consenti à Madame X... née Y... et Monsieur X... en qualité de conjoint, une offre préalable de crédit "Kangourou" accessoire à des contrats de vente, utilisable par fractions, assortie d'une carte de crédit et ouvrant droit à un crédit de 4.000 Francs au taux contractuel de base de 23,40 % l'an.

Suite à des échéances impayées et des mises en demeure infructueuses, la Société FINAREF a obtenu, suite à sa requête en date du 23 novembre 1995, une ordonnance du Président du tribunal d'instance de SAINT GERMAIN EN LAYE en date du 3 janvier 1996, enjoignant à Monsieur et Madame X... de lui payer la somme de 17.994,76 Francs avec intérêts au taux légal à compter du 23 novembre 1995.

Madame X... a formé opposition à cette ordonnance. Elle a exposé que les pièces produites par la Société FINAREF et, notamment, le défaut de relevés de compte depuis l'origine, ne permettaient pas de vérifier si le formalisme imposé par la loi du 10 janvier 1978 avait été respecté ; qu'il convenait de lui accorder de larges délais de paiement ; que Monsieur X... devait être tenu des sommes à elle réclamées.

Monsieur X... a exposé que, n'étant pas signataire des contrats, il devait être mis hors de cause ; il a sollicité la condamnation de la Société FINAREF à lui payer la somme de 2.000 Francs sur le fondement de l'art 700 Nouveau Code de Procédure Civile.

La Société FINAREF a fait valoir que l'action en contestation de

régularité de l'offre était forclose ; que s'agissant de dettes communes, Monsieur X... avait la qualité de co-débiteur ; elle a sollicité la condamnation des époux X... à lui payer la somme de 5.000 Francs sur le fondement de l'art 700 Nouveau Code de Procédure Civile.

Par jugement contradictoire en date du 31 octobre 1996, le tribunal d'instance de SAINT GERMAIN EN LAYE a : - condamne solidairement Madame Brigitte X... née Y... et Monsieur Pierre-Henri X... à payer à la SA FINAREF, au titre de contrat "Kangourou" n° 001483441605, les sommes de : 1.439,58 Francs avec itnérêts au taux légal, à compter du 23 novembre 1995, date de réception de la mise en demeure, - dit que Madame Brigitte X... née Y... et Monsieur Pierre-Henri X... pourront s'acquitter du montant de la dette par 24 versements mensuels égaux et successifs, à compter du 5 du mois suivant la signification de la présente décision, puis le 5 de chaque mois, - dit qu'à défaut de paiement d'une seule mensualité à son échéance, la totalité de la dette sera immédiatement exigible, - déboute les parties du surplus de leurs demandes, - ordonne l'exécution provisoire, - condamne solidairement Madame Brigitte X... née Y... et Monsieur Pierre-Henri X... à payer à la SA FINAREF la somme de 1.500 Francs sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - condamne solidairement Madame Brigitte X... née Y... et Monsieur Pierre-Henri X... aux dépens.

Le 30 décembre 1996 Monsieur X... a interjeté appel de cette décision. Il fait grief au jugement entrepris de l'avoir condamné solidairement avec Madame X... à rembourser les sommes dues à la

Société FINAREF, alors que ladite société n'a pas rapporté la preuve de ce que les dépenses faites par Madame X... à l'aide de sa carte de crédit étaient nécessaires à la vie courante du ménage qui, de plus, vit séparé. Il fait valoir que ces achats, contractés par Madame X... seule, pour un montant de 24.000 Francs ne peuvent se voir appliquer les dispositions de l'art 220 alinéa 3 du code civil. En conséquence, il prie la Cour de : - le déclarer recevable et bien fondé, - confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a retenu que Monsieur X... n'a pas signé l'offre de crédit et ne peut donc être tenu au paiement en qualité de co-emprunteur, - l'infirmer pour le surplus, Et statuant à nouveau, Vu l'article 1315 du Code civil, - constater que la Société FINAREF n'établit pas que les conditions d'application de l'article 220 alinéa 3 du Code civil sont satisfaites, en l'espèce, En conséquence, - prononcer la mise hors de cause de Monsieur X..., - débouter la Société FINAREF et Madame X... de toutes leurs demandes, fins et conclusions, Subsidiairement, et si par extraordinaire, la Cour devait confirmer la décision entreprise en son principe, réduire le montant de la clause pénale dans de notables proportions, - confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a octroyé les plus larges délais de paiement à Monsieur X..., - condamner la Société FINAREF à verser à Monsieur X... 5.000 Francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - condamner la Société FINAREF aux entiers dépens de première instance et d'appel qui seront directement recouvrés par la SCP KEIME ET GUTTIN, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Madame X... fait valoir, quant à elle, que Monsieur X... ne

peut prétendre ne pas avoir signé l'offre de crédit litigieuse, alors que le compte a fonctionné pendant huit années et que les remboursements ont été effectués par chèques, émis sur leur compte-joint ; que les achats effectués pour un montant de 24.000 Francs sont compatibles avec leurs revenus et portent sur des biens de consommation courante.

En conséquence elle prie la Cour de : - donner acte à la SCP DELCAIRE-BOITEAU, avoués associés, de sa constitution aux lieu et place e Maître DELCAIRE, avoué, - dire et juger Monsieur X... mal fondé en son appel, l'en débouter, - dire et juger, en conséquence, Monsieur X... tenu solidairement, avec son épouse du règlement de toute somme qui pourrait être due à la Société FINAREF du fait de la signature de l'offre de crédit "Kangourou", - le dire et juger, en tout état de cause, tenu solidairement au paiement de ces sommes en application des dispositions de l'article 220 du Code civil, - dire et juger Monsieur X... bien fondé en sa demande tendant à voir supprimer ou, à tout le moins, réduire dans de sensibles proportions l'indemnité de 8 % réclamée par la Société FINAREF, sur le fondement des dispositions de l'article 1152 du Code civil, - confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a accordé à Madame X... les plus larges délais de paiement sur le fondement des dispositions de l'article 1244-1 du Code civil, - condamner Monsieur X... à régler à Madame X... une somme de 6.000 Francs sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - le condamner aux entiers dépens dont le montant sera recouvré par la SCP DELCAIRE-BOITEAU, avoués associés, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

La Société FINAREF expose que le découvert dont s'agit a été utilisé

pour un montant de 21.719,90 Francs ce qui correspond aux besoins de trésorerie d'un ménage et rentrant dans le champ d'application des dispositions de l'art 220 alinéa 3 du code civil.

En conséquence elle demande à la Cour de : - déclarer Monsieur X... irrecevable et en tout cas mal fondé en son appel, En conséquence, - confirmer la décision déférée, - débouter Monsieur X... de toutes demandes, fins et conclusions contraires et notamment pour ce qui concerne l'octroi de délais supplémentaires, - condamner Monsieur X... au paiement de la somme de 5.000 Francs à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, outre 5.000 Francs par application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - condamner Monsieur X... en tous les dépens, dont le recouvrement sera poursuivi par Maître Bernard JOUAS, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

L'ordonnance de clôture a été signée le 19.11.1998 et les dossiers déposés à l'audience du 10 décembre 1998.

SUR CE, LA COUR,

1) Sur la demande de mise hors de cause de Monsieur X...,

Considérant que le principe énoncé par l'alinéa 3 de l'article 220 du code civil est que la solidarité entre époux n'a pas lieu pour les emprunts, s'ils n'ont été conclus du consentement des deux époux, à moins qu'ils ne portent sur des sommes modestes nécessaires aux besoins de la vie courante ; qu'il incombe donc au prêteur de rapporter la preuve que les sommes prêtées correspondent à des dépenses ménagères modestes, pour faire échec à la non solidarité ;

Considérant qu'il résulte des extraits de compte "KANGOUROU" et du détail des achats effectués sur ce compte, produits par la Société FINAREF, que la somme empruntée, pour un montant capitalisé de 28.000 Francs, a été utilisée pour des dépenses ménagères auprès de la société de vente par correspondance "LA REDOUTE", notamment linge de maison, vêtements courants pour homme et femme ; que par ailleurs, l'emprunt litigieux est d'un montant modeste, eu égard aux ressources du ménage ; qu'en effet, lors de l'ouverture du compte, il a été déclaré que Madame X... exerçait la profession d'agent technique à EDF-GDF, pour un salaire mensuel de 9.000 Francs net et que son mari était Training Manager à la Société EKSA, pour un salaire mensuel de 16.000 Francs net ; que ces déclarations n'ont pas été contestées par Monsieur X... ; qu'au surplus, il convient de souligner que le compte "KANGOUROU", ouvert en janvier 1987, a fonctionné pendant huit ans et que les relevés de ce compte ont été adressés au domicile des époux, sans provoquer de réaction ou de protestations de la part de

Monsieur X... ; que par conséquent, la Société FINAREF est fondée à opposer à l'appelant la solidarité entre époux prévue par l'article 220 du Code civil ;

2) Sur la demande de réduction de la clause pénale,

Considérant que Monsieur et Madame X..., qui forment tous deux cette demande, n'établissent pas que la clause pénale contractuelle, d'un montant de 1.439,58 Francs, est manifestement excessive ; qu'il n'y a donc pas lieu de la réduire ;

3) Sur la demande de délais de paiement,

Considérant que Monsieur X..., qui sollicite la confirmation du jugement déféré quant à l'octroi de délais de paiement, ne communique aucune pièce pour justifier de sa situation financière actuelle ;

Considérant qu'il ressort des bulletins de paye de juillet, août et septembre 1998, produits par Madame X..., que son salaire net imposable s'est élevé pour chacun de ces mois à 15.574,83 Francs ; que certes, elle justifie également de ses charges, notamment celles liées au handicap de l'un de ses deux enfants ; que néanmoins, elle ne démontre pas avoir effectué un quelconque règlement auprès de la Société FINAREF depuis le jugement déféré, pourtant assorti de l'exécution provisoire ;

Considérant que Monsieur et Madame X... ont, d'ores et déjà, bénéficié d'un délai de fait de plus de deux ans en raison de la durée de la procédure ; qu'ils ne formulent aucune offre précise de paiement et n'indiquent pas comment ils entendent régler leur dette dans le délai de deux ans prévu par l'article 1244-1 du code civil, ni même à l'issue de ces deux ans dans l'hypothèse d'un report ; que la Cour les déboute donc de leur demande de délais de paiement ;

4) Sur les demandes en paiement de dommages-intérêts et sur

le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure

civile,

Considérant que la Société FINAREF ne rapporte pas la preuve d'un préjudice distinct du retard dans le paiement que lui aurait causé l'attitude dite "dolosive" de l'appelant ; que la cour la déboute donc de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Considérant qu'en revanche, eu égard à l'équité, il y a lieu de condamner Monsieur X... à payer à la Société FINAREF la somme de 4.000 Francs et à Madame X... la somme de 4.000 Francs, sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

CONFIRME le jugement déféré en ses dispositions non contraires à celles du présent arrêt ;

ET Y AJOUTANT ET REFORMANT :

DIT que la Société FINAREF est fondée à opposer à Monsieur X... la solidarité entre époux prévue par l'article 220 du Code civil ;

DEBOUTE Monsieur X... et Madame X... des fins de toutes leurs demandes, notamment de réduction de la clause pénale et de délais de paiement ;

DEBOUTE la Société FINAREF de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

CONDAMNE Monsieur X... à payer à la Société FINAREF la somme de 4.000 Francs (QUATRE MILLE FRANCS) sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

CONDAMNE Monsieur X... à payer à Madame X... la somme de 4.000 Francs (QUATRE MILLE FRANCS) sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

LE CONDAMNE à tous les dépens d'appel qui seront recouvrés directement contre lui par Maître JOUAS et la SCP DELCAIRE BOITEAU, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

Et ont signé le présent arrêt :

Le Greffier,

Le Président,

Marie Hélène EDET

Alban CHAIX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1997-1368
Date de la décision : 22/01/1999

Analyses

MARIAGE - Effets - Dette contractée pour l'entretien du ménage ou l'éducation des enfants - Solidarité entre époux - Condition - /

Selon l'article 220 alinéa 3 du Code civil, la solidarité entre époux n'a pas lieu pour les emprunts qui n'ont pas été conclus du consentement des deux époux, sauf s'ils portent sur des sommes modestes nécessaires aux besoins de la vie courante.Lorsqu'un seul des époux s'est engagé, il incombe au prêteur d'établir que les sommes prêtées correspondent à des dépenses modestes de la vie courante pour faire échec à la non solidarité.Un organisme de crédit qui démontre que le capital emprunté a été utilisé pour des dépenses ménagères, notamment linge et vêtements et démontre que l'emprunt contracté est modeste au regard des ressources du ménage -alors qu'en outre, le compte a fonctionné pendant plusieurs années sans que l'autre époux ne réagisse ou ne s'alarme des relevés de compte adressés au domicile commun- est fondé à opposer à l'époux non signataire du contrat la solidarité entre époux prévue par l'article 220 précité


Références :

Article 220 alinéa 3 du Code civil

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1999-01-22;1997.1368 ?
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