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21/01/1999 | FRANCE | N°1998-4335

France | France, Cour d'appel de Versailles, 21 janvier 1999, 1998-4335


RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

La société SPIE TRINDEL, titulaire d'un marché conclu avec le Ministère de la Défense et concernant une centrale de secours, a assigné, devant le tribunal de commerce de NANTERRE, la société SOFFIMAT en réparation du préjudice que lui ont occasionné les manquements de cette dernière, qui devait livrer deux groupes électrogènes, à ses obligations contractuelles. La société SOFFIMAT a appelé en garantie sa compagnie d'assurance, l'UNION DES ASSURANCES DE PARIS, et la société TOROMONT, de droit canadien, à laquelle elle avait comman

dé les deux groupes électrogènes, livrés avec retard et non conformes aux ...

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

La société SPIE TRINDEL, titulaire d'un marché conclu avec le Ministère de la Défense et concernant une centrale de secours, a assigné, devant le tribunal de commerce de NANTERRE, la société SOFFIMAT en réparation du préjudice que lui ont occasionné les manquements de cette dernière, qui devait livrer deux groupes électrogènes, à ses obligations contractuelles. La société SOFFIMAT a appelé en garantie sa compagnie d'assurance, l'UNION DES ASSURANCES DE PARIS, et la société TOROMONT, de droit canadien, à laquelle elle avait commandé les deux groupes électrogènes, livrés avec retard et non conformes aux normes.

Par jugement rendu le 12 mai 1998, le tribunal de commerce de NANTERRE a débouté la société TOROMONT de son exception d'incompétence, en se fondant sur la clause attributive de compétence au profit "des tribunaux de commerce de NANTERRE" contenue dans les conditions générales de la société SOFFIMAT et à laquelle la société TOROMONT ne s'est pas opposée. En outre, il a observé que les groupes électrogènes ont été expédiés franco de port sur le territoire français.

La société TOROMONT a formé un contredit, reçu au greffe le 27 mai 1998, expose que le tribunal a, sans débat contradictoire, retenu sa

compétence, à l'issue d'une audience consacrée à la disjonction des instances. Elle fait valoir que la société SOFFIMAT n'a pas rapporté la preuve que ses conditions générales lui ont bien été adressées et qu'elles figuraient au dos de la commande. Elle indique également que l'argument tiré de l'expédition franco de port des matériels et retenu par le tribunal au visa de l'alinéa 5 de l'article 46 du NCPC, qui n'existe pas, n'a pas été soulevé par la société SOFFIMAT. Elle précise que la vente a été conclue "départ usine", de sorte que la livraison est intervenue à la sortie de l'usine, sur le territoire canadien. Elle soutient que le tribunal compétent est soit celui de son siège, soit celui du lieu de la livraison. Elle demande à la cour de :

- Vu les articles 80 et suivants du NCPC,

- Infirmer le jugement du Tribunal de Commerce de NANTERRE

prononcé le 12 mai 1998 en ce qu'il a retenu sa compétence,

- dire et juger que la juridiction canadienne, ONTARIO COURT

(Général division), est seule compétence pour connaître de l'appel en

garantie dirigé contre la société Toromont,

- condamner Spie Trindel et Soffimat, solidairement aux entiers

dépens et au paiement de la somme de 20 000 F au titre de l'article

700 du NCPC.

Par conclusions déposées le 30 novembre 1998, la société SOFFIMAT rappelle la pluralité de défendeurs pour invoquer l'article 42 du NCPC, et soutient que, en application de l'article 333 du NCPC, la société TOROMONT, tiers mis en cause, ne peut décliner la compétence territoriale de la juridiction saisie de la demande originaire. Elle invoque également les dispositions des articles 14 et 15 du code civil pour affirmer la compétence de la juridiction de NANTERRE. Elle ajoute que les dispositions contractuelles relatives au transfert des risques, est sans effet sur la détermination du lieu de la livraison effective, à TOULON. Elle fait également état de la clause attributive de juridiction figurant dans son bon de commande. Elle demande à la cour de :

Vu l'article 14 et 15 du Code Civil et les articles 46, 48 et 333 du NCPC,

- Dire et juger le Tribunal de Commerce de NANTERRE compétent

pour statuer sur l'instance introduite par SOFFIMAT à l'encontre de

la Sté TOROMONT,

En conséquence,

- Dire et juger mal fondé le contredit de compétence formé par la Sté TOROMONT,

- Renvoyer le litige devant le Tribunal de Commerce de NANTERRE,

en , application de l'article 86 du NCPC.

Par conclusions en réponse, déposées à l'audience du 2 décembre 1998, la société TOROMONT conteste la pluralité de défendeurs en faisant

remarquer que celle-ci procède de la décision de jonction prise dans le même jugement que celui qui a statué sur la compétence, alors que les deux instances ne sont pas les mêmes. Elle conteste l'indivisibilité du litige pour faire échec à l'application des dispositions de l'article 333 du NCPC, en soulignant, au demeurant, que ce texte a été invoqué pour la première fois devant la cour et n'est pas applicable dans l'ordre international. Elle relève le caractère subsidiaire des dispositions de l'article 14 du code civil pour soutenir qu'il convient de les écarter dès lors que la société SOFFIMAT prétend justifier la compétence du tribunal de commerce de NANTERRE par les dispositions de l'article 46 du NCPC. Elle fait valoir que dans la mesure où la livraison effective a eu lieu à TOULON, le tribunal de commerce de NANTERRE ne peut être, en tout cas, compétent. Elle réfute la connaissance, et partant, l'acceptation de la clause attributive de juridiction contenue dans les conditions générales d'achat de la société SOFFIMAT, qui ne lui ont pas été communiquées. Elle demande donc, comme dans ses écritures antérieures, l'infirmation du jugement du tribunal de commerce de NANTERRE et la désignation de la juridiction canadienne, ONTARIO Court (général division) comme étant seule compétente.

Par conclusions reçues à l'audience, le 2 décembre 1998, la société AXA, venant aux droits de la compagnie d'assurance U.A.P., s'en rapporte à l'appréciation de la cour.

Par conclusions également reçues à l'audience, la société SPIE

TRINDEL souligne n'avoir aucun lien contractuel avec la société TOROMONT, et demande à la cour de :

- constater que la Société SPIE TRINDEL, demanderesse au principal, a attrait en justice devant le tribunal de commerce NANTERRE, la seule SOFFIMAT, son unique cocontactant ;

- constater que le contredit formé par la société TOROMONT est fondé sur l'appel en garantie formulé par la Société SOFFIMAT, qui a abouti à une décision prononcée par le tribunal de commerce de NANTERRE du 12 mai 1998, joignant l'action récursoire de la société SOFFIMAT à l'instance principale initiée par la société SPIE TRINDEL ;

- donner acte à la société SPIE TRINDEL du fait qu'elle s'en rapporte à justice sur le bien fondé dudit contredit ;

- lui donner acte également de ce qu'elle n'est que seule lésée par la multiplication des actes procéduraux (appel en garantie,

contredit, etc) qui retardent inutilement la conclusion de cette affaire ;

- débouter la société TOROMONT de sa demande formulée à l'encontre de la société SPIE TRINDEL, en paiement de la somme de 20.000 F au titre de l'article 700 du NCPC ainsi qu'aux entiers dépens ;

- Bien au contraire, condamner les sociétés SOFFIMAT, TOROMONT ET UAP au paiement de la somme de 50.000 F au titre de l'article 700 du NCNC, au bénéfice de la société SPIE TRINDEL ainsi qu'aux entiers dépens ;

Sur ce, la cour :

Considérant que, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, il n'est aucunement établi que la société TOROMONT ait eu connaissance de la clause attributive de juridiction figurant dans les conditions générales d'achat de la société SOFFIMAT ;

qu'en effet, cette dernière, qui ne produit que le recto de sa commande n° 2391 adressée par fax à la société TOROMONT, ne justifie pas de l'envoi du verso comportant lesdites conditions générales d'achat ; que le seul renvoi à ces conditions générales, sous la forme de la mention "voir conditions générales d'achat au verso" portée au recto de la commande, n'instaure aucune présomption de connaissance, et, a fortiori, d'acceptation de leur contenu par le cocontractant qui conteste les avoir recues ; qu'aucun autre élément, soumis à l'appréciation de la cour, n'établit que la société TOROMONT ait connu les conditions générales de la société SOFFIMAT, étant relevé qu'il n'est pas démontré ni même prétendu qu'elles entretenaient des relations d'affaires habituelles et suivies ;

Mais attendu que, selon l'article 333 du NCPC, "le tiers mis en cause est tenu de procéder devant la juridiction saisie de la demande originaire, sans qu'il puisse décliner la compétence territoriale de cette juridiction, même en invoquant une clause attributive de compétence" ;

que, si ce texte n'est pas applicable dans les litiges d'ordre international lorsque le tiers étranger mis en cause invoque une

clause attributive de juridiction, il doit, en revanche, recevoir application en l'absence d'une telle clause, dès lors que l'application des règles françaises de compétence n'est pas contestée et qu'aucune disposition n'attribue une compétence exclusive à une autre juridiction ;

que les parties étant libres de présenter des moyens nouveaux dans la procédure d'appel, la société SOFFIMAT est recevable à invoquer, pour la première fois devant la cour, les dispositions de cet article ;

Considérant, en l'espèce, que la société SOFFIMAT se trouve elle-même assignée par la société SPIE TRINDEL devant le tribunal de commerce de NANTERRE en réparation du préjudice allégué par cette dernière par suite de la non conformité et du retard de livraison des groupes électrogènes ; que la société SOFFIMAT, défenderesse, ayant son siège social dans le ressort du tribunal de commerce de NANTERRE, la compétence de cette juridiction n'est pas contestable ni contestée, au regard des dispositions de l'article 42 du NCPC ; qu'il faut relever que l'appel en garantie de la société SOFFIMAT à l'encontre de la société TOROMONT, en sa qualité de fournisseur des groupes électrogènes, aux fins de voir cette dernière condamnée à l'indemniser de toutes les condamnations éventuellement prononcées contre elle, marque, par son objet, le lien étroit entre les deux instances, caractérisant en l'occurence leur connexité, qui commande,

pour une bonne administration de la justice, que celles-ci soient jugées ensemble ;

qu'aucune disposition n'est invoquée qui confèrerait à une autre juridiction une compétence exclusive pour connaître du litige opposant la société SOFFIMAT à la société TOROMONT ; qu'en admettant même que la livraison puisse être considérée comme effectuée au départ usine, sur le territoire canadien, cette circonstance ne peut faire échec aux dispositions ci-dessus évoquées qui consacrent la compétence du tribunal régulièrement saisi de l'instance principale ; qu'en conséquence, pour ces motifs, substitués à ceux des premiers juges, il convient de confirmer le jugement entrepris ;

Considérant que l'équité ne commande pas l'application de l'article 700 du NCPC ;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

- déclare recevable le contredit formé par la société TOROMONT à l'encontre du jugement rendu le 12 mai 1998 par le tribunal de commerce de NANTERRE,

- le dit mal fondé,

- confirme le jugement en ce que le tribunal de commerce de NANTERRE a retenu sa compétence pour connaître de l'instance introduite par la société SOFFIMAT à l'encontre de la société TOROMONT,

- renvoie les parties devant le tribunal de commerce de NANTERRE,

- condamne la société TOROMONT aux entiers dépens du contredit,

- déboute les parties de leurs autres conclusions contraires ou plus amples.

ET ONT SIGNE LE PRESENTE ARRET :

LE GREFFIER,

LE PRESIDENT,

M. LE X...

J-L GALLET.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1998-4335
Date de la décision : 21/01/1999

Analyses

CONFLIT DE JURIDICTIONS - Compétence internationale - Application des règles françaises internes à l'ordre international

Aux termes de l'article 333 du nouveau Code de procédure civile, "le tiers mis en cause est tenu de procéder devant la juridiction saisie de la demande originaire, sans qu'il puisse décliner la compétence territoriale de cette juridiction, même en invoquant une clause attributive de compétence". Si ce texte n'est pas applicable dans les litiges d'ordre international, lorsque le tiers étranger mis en cause invoque une clause attributive de juridiction, il doit recevoir application en l'absence d'une telle clause, dès lors que l'application des règles françaises de compétence n'est pas contestée et qu'aucune disposition n'attribue une compétence exclusive à une autre juridiction. Dès lors que l'assignation en responsabilité d'une société devant le tribunal de commerce dans le ressort duquel elle a son siège social n'est, au regard des dispositions de l'article 42 du nouveau Code de procédure civile, ni contestable, ni contestée, que l'appel en garantie, devant la même juridiction, d'un fournisseur, société de droit canadien, aux fins de voir cette dernière condamnée à l'indemniser de toutes les condamnations éventuellement prononcées contre elle, marque par son objet, le lien étroit entre les deux instances, caractérisant leur connexité, et commande que celles-ci soient jugées ensemble, qu'enfin, aucune disposition conférant compétence exclusive pour connaître du litige opposant les deux sociétés n'est invoquée, la juridiction saisie régulièrement de la demande originaire est compétente pour statuer sur l'appel en garantie


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1999-01-21;1998.4335 ?
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