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15/01/1999 | FRANCE | N°1996-8921

France | France, Cour d'appel de Versailles, 15 janvier 1999, 1996-8921


FAITS ET PROCEDURE

Par acte d'huissier du 7 juin 1995, la SA SACCEF a fait citer devant le tribunal d'instance de SANNOIS Monsieur et Madame X... en paiement solidaire avec exécution provisoire et capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 du code civil de la somme de 56.207,60 Francs avec intérêts de droit à compter de la demande et de la somme de 5.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

A l'appui de ses prétentions, la SA SACCEF a rappelé que suivant offre de prêt immobilier en date du 6 mars 1989, la Caiss

e d'Epargne de VERSAILLES avait consenti aux époux X... un prêt d'un mo...

FAITS ET PROCEDURE

Par acte d'huissier du 7 juin 1995, la SA SACCEF a fait citer devant le tribunal d'instance de SANNOIS Monsieur et Madame X... en paiement solidaire avec exécution provisoire et capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 du code civil de la somme de 56.207,60 Francs avec intérêts de droit à compter de la demande et de la somme de 5.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

A l'appui de ses prétentions, la SA SACCEF a rappelé que suivant offre de prêt immobilier en date du 6 mars 1989, la Caisse d'Epargne de VERSAILLES avait consenti aux époux X... un prêt d'un montant de 80.000 Francs au taux de 9,15 % remboursable en 84 échéances mensuelles de 1.293,22 Francs, la première ayant lieu le 25 juin 1989 et la dernière le 25 mai 1996.

Ce prêt a été cautionné par la SA SOGECCEF aux droits de laquelle se trouve la SACCEF (suivant contrat d'apport partiel d'actif).

Monsieur et Madame X... ont laissé impayées des échéances à compter du mois de mars 1992, puis une autre mise en demeure leur avait été adressée par lettre recommandée du 20 juillet 1992, lesquelles sont demeurées infructueuses.

Compte-tenu de la défaillance des défendeurs la SACCEF, en sa qualité de caution, a été dans l'obligation de régler à la Caisse d'Epargne de VERSAILLES la somme de 56.207,60 Francs suivant quittance subrogative du 5 octobre 1992.

Il a été précisé sur ladite quittance que la Caisse d'Epargne de VERSAILLES subroge la SACCEF dans tous les droits, actions et privilèges qu'elle détient sur les emprunteurs, les époux X....

Il était prévu à l'article "indemnité de retard" du contrat précité qu'une indemnité contractuelle de 8 % des capitaux restant dus serait à la charge de l'emprunteur, des intérêts échus et non versés et des intérêts de retard, soit une somme de 4.496,60 Francs (8 % de 56.207,60 Francs).

Dans leurs écritures en réponse, les époux X... ont soutenu que la demande la SACCEF était forclose, par application de l'article 27 de la loi du 10 janvier 1978 (article L.311-37 du code de la consommation), un délai de plus de deux ans s'étant écoulé entre le premier impayé, intervenu en mars 1992 et l'acte introductif d'instance (7 juin 1995) ; subsidiairement, ils ont fait état de leur bonne foi et ont sollicité qu'il soit sursis à statuer dans l'attente de la décision de la cour d'appel relative au jugement du 13 juin 1995 du tribunal d'instance de SANNOIS qui les a déboutés de leur demande de redressement judiciaire civil ; encore plus

subsidiairement, ils ont demandé les plus larges délais pour régler la somme réclamée.

Répliquant, la SA SACCEF a fait valoir que la saisine du tribunal d'instance de SANNOIS, le 11 octobre 1993, aux fins d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire civil dans un délai inférieur à deux ans à compter du premier impayé, et la déclaration de sa créance, faite auprès dudit tribunal, étaient de nature à faire échec à la forclusion, selon elle.

Elle a invoqué à nouveau la mauvaise foi des époux X..., tout à la fois procédurale et contractuelle, et a conclu en conséquence au rejet de leurs demandes de sursis à statuer et de délais de paiement.

Le tribunal d'instance statuant par jugement contradictoire du 12 septembre 1996 a rendu la décision suivante :

- condamne les époux X... à payer à la SA SACCEF la somme de 56.207,60 Francs avec intérêts au taux de 9,15 % à compter du 5 octobre 1992 et celle de 4.496,60 Francs avec intérêts au taux légal à compter du 7 juin 1995,

- ordonne la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 du code civil,

- ordonne l'exécution provisoire,

- déboute les parties de toutes autres demandes,

- condamne les époux X... aux dépens.

Le 30 octobre 1996 les époux Jean Joseph X... ont interjeté appel. Ils demandent à la Cour de :

Recevant les concluants en leur appel,

Les y déclarant bien fondés,

Y faisant droit,

- infirmer la décision entreprise,

Statuant à nouveau,

Vu l'article 125 du nouveau code de procédure civile et l'article L.311-37 du code de la consommation,

- déclarer la SA SACCEF irrecevable en son action,

Très subsidiairement,

- accorder aux époux X... les plus larges délais pour régler la

créance déclarée par la société SACCEF ce en application de l'article 1244-1 du code civil,

- condamner la SA SACCEF aux entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés pour ces derniers par Maître BOMMART, Avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

La société SACCEF demande à la Cour de :

- dire Monsieur et Madame X... irrecevables et en tout cas mal fondés en leur appel,

- les débouter de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions, - confirmer la décision entreprise,

Y ajoutant,

- condamner solidairement Monsieur et Madame X... à payer à la concluante la somme de 10.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

- les condamner sous la même solidarité aux entiers dépens de première instance et d'appel dont le recouvrement sera effectué pour ceux la concernant par la SCP JULLIEN LECHARNY ROL, Avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été signée le 19 novembre 1998 et l'affaire plaidée à l'audience du 4 décembre 1998.

SUR CE LA COUR

Considérant que dans le présent litige, le prêt de 80.000 Francs accordé aux époux X... par la CAISSE D'EPARGNE DE VERSAILLES, le 22 février 1989, est intitulé :

"offre de prêt immobilier"

et qu'il se réfère expressément à la loi n° 78-22 du 10 janvier 1978 (dite Loi SCRIVENER), c'est-à-dire donc plus précisément à son article 3, s'agissant ici de dépenses de réparation et d'amélioration d'un immeuble dont le montant ne dépassait pas le chiffre de 100.000 Francs qui, à l'époque, était fixé par le décret n° 78-372 du 17 mars 1978 ; que la forclusion biennale de l'article 27 de cette loi (actuel article L.311-37 du code de la consommation) s'applique donc à cette opération de crédit ;

Considérant que cette forclusion biennale de l'article L.311-37 du code de la consommation invoquée par les époux X..., qu'il est constant, en l'espèce, que le premier incident de paiement non régularisé date du mois de mars 1992 et que l'action devant le

tribunal d'instance compétent engagée par la société SACCEF l'a été par acte d'huissier du 7 juin 1995 ;

Mais considérant que, cette société est intervenue dans l'opération de crédit dont s'agit, en tant que caution, et qu'en Droit, dans ce cas, l'événement qui donne naissance à l'action (au sens de l'article L.311-37 alinéa 1er) n'est pas nécessairement le premier incident de paiement non régularisé, mais peut être constitué aussi par le paiement fait par cette caution au prêteur la Caisse d'Epargne, pour le compte des emprunteurs, les époux X... ;

Considérant que la société SACCEF fait elle-même expressément état de paiement de la somme de 56.207,60 Francs qu'elle a fait le 5 octobre 1992, en tant que caution, à la Caisse d'Epargne, pour le compte des époux X... ; que c'est cette date du 5 octobre 1992 qui représente, en la présente espèce, le point de départ du délai de forclusion biennale applicable à ce recours, si celui-ci est le recours personnel exercé par la caution, en vertu de l'article 2028 du code civil ; que dans ce premier cas, il est patent que l'action au fond au paiement engagée le 7 juin 1995, l'a été tardivement ;

qu'elle est donc atteinte par la forclusion biennale, et par conséquent irrecevable ;

Considérant de plus, qu'en tout état de cause, même si cette action est un recours subrogatoire (article 2029 du code civil), dans ce cas, le point de départ du délai de forclusion biennale opposable à la caution qui a payé, est constitué par l'événement qui a donné lieu à l'action principale, c'est-à-dire, ici, le premier incident de paiement non régularisé qui est intervenu en mars 1992 ; que dans ce second cas de figure, également, l'action de la société SACCEF a été engagée tardivement, qu'il y a forclusion, et que ce recours est irrecevable ;

Considérant que toute l'argumentation longuement développée par la société SACCEF au sujet de ses diligences dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire civil suivie par le époux X... (articles L.311-1 et suivants et articles R.331-1 et suivants du code de la consommation) sont donc inopérantes au regard du calcul du délai de la forclusion biennale de l'article L.311-37 dont le point de départ a été ci-dessus analysé ; qu'il importe donc peu que

cette caution - au lieu d'engager son action en paiement devant le tribunal d'instance dans les conditions de délais ci-dessus précisées - ait préféré d'abord déclarer sa créance à la commission départementale de surendettement, le 9 octobre 1992, puis le 14 février 1995, et ensuite attendre le 7 juin 1995, c'est-à-dire l'issue de cette instance de surendettement, pour assigner en paiement les débiteurs devant le tribunal d'instance ; que le but de cette action au fond, était en effet d'obtenir un titre exécutoire contre les emprunteurs les époux X... en vue de mesures d'exécution forcée, alors que la finalité de la procédure devant la commission de surendettement des particuliers, du code de la consommation, est toute autre et qu'il s'agit de traiter la situation de surendettement des personnes physiques, caractérisée par l'impossibilité manifeste pour des débiteurs de bonne foi de faire face à l'ensemble de leurs dettes, et en particulier, de leur permettre d'obtenir l'élaboration d'un plan conventionnel de redressement ou du moins, de bénéficier des mesures prévues par l'article L.311-7 ; que d'ailleurs, dans ce cas, en vertu de l'article L.311-9 les créanciers à qui sont opposables ces mesures ne pourraient plus exercer des procédures d'exécution à l'encontre des biens des débiteurs, pendant la durée d'exécution de ces mesures ;

Considérant enfin, que l'arrêt de la 1ère chambre civile de la cour de cassation du 28 novembre 1995, invoqué par la société SACCEF, est inapplicable en la présente espèce, puisqu'il s'agit ici d'une action

au fond en paiement engagée par la caution en vertu des articles 2028 au 2029 du code civil, alors que l'arrêt cité vise le seul cas précis d'une instance en redressement judiciaire civil, dans laquelle, il est vrai, qu'une déclaration de créance équivaut à une demande en paiement et peut interrompre une prescription ;

Considérant que le jugement déféré est donc infirme en son entier ;

Considérant que compte-tenu de l'équité, la société SACCEF est déboutée de sa demande en paiement de somme en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

Vu l'article L.311-37 du code de la consommation et les articles 2028 et 2029 du code civil :

- DECLARE forcloses et donc irrecevables l'action de la société SACCEF contre les époux X... et toutes ses demandes contre eux ;

- DEBOUTE la société SACCEF de sa demande fondée sur l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

- CONDAMNE la société SACCEF à tous les dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés directement contre elle par la SCP d'avoués BOMMART MINAULT, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET :

LE GREFFIER

LE PRESIDENT

M-H. EDET

A. CHAIX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1996-8921
Date de la décision : 15/01/1999

Analyses

PROTECTION DES CONSOMMATEURS - Crédit à la consommation - Défaillance de l'emprunteur - Action - Délai de forclusion - Point de départ - Caution - Recours contre l'emprunteur - Date du paiement aux créanciers - Portée

Dans une opération de crédit assortie d'un cautionnement, "l'événement qui donne naissance à l'action" au sens de l'article L. 311-37 du Code de la consommation, n'est pas nécessairement le premier incident de paiement non régularisé, mais peut, aussi, être constitué par le paiement fait par la caution au prêteur, pour le compte des emprunteurs. Il en résulte qu'en fonction du fondement du recours exercé par la caution, soit recours personnel en vertu de l'article 2028 du Code civil, soit recours subrogatoire en application de l'article 2029 du même Code, le point de départ du délai de forclusion biennal de l'article L. 311-37 opposable à la caution se situe respectivement, soit au jour du paiement par la caution au prêteur, soit au jour de l'événement qui a donné lieu à l'action principale, c'est à dire, en l'occurrence, au jour du premier incident de paiement non régularisé


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1999-01-15;1996.8921 ?
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