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13/01/1999 | FRANCE | N°1997-23024

France | France, Cour d'appel de Versailles, 13 janvier 1999, 1997-23024


Madame X... a été engagée par la société CPH IMMOBILIER le 12 septembre 1989 en qualité de négociatrice 1er échelon coefficient 200 de la convention collective du personnel des agents immobiliers et mandataires de fonds de commerce.

Son contrat prévoyait en son article 6 qu'elle était rémunérée exclusivement par des commissions.

Il précisait : "dans le cas où les commissions calculées selon les modalités ci-dessus s'avéreraient insuffisantes, la société lui assure un minimum garanti mensuel récupérable, au moins équivalent au minimum résultant de l'appli

cation de la convention collective pour la catégorie professionnelle définie à l'ar...

Madame X... a été engagée par la société CPH IMMOBILIER le 12 septembre 1989 en qualité de négociatrice 1er échelon coefficient 200 de la convention collective du personnel des agents immobiliers et mandataires de fonds de commerce.

Son contrat prévoyait en son article 6 qu'elle était rémunérée exclusivement par des commissions.

Il précisait : "dans le cas où les commissions calculées selon les modalités ci-dessus s'avéreraient insuffisantes, la société lui assure un minimum garanti mensuel récupérable, au moins équivalent au minimum résultant de l'application de la convention collective pour la catégorie professionnelle définie à l'article 1".

Il précisait en outre : "dans le cas où les "minima garantis" récupérables seraient égaux ou supérieurs à une somme équivalente à trois fois le minimum garanti défini ci-dessus et quel que soit le montant des commissions sur promesses de vente en attente de signature, ainsi que dans le cas où Madame Elisabeth X... ne réaliserait pas un quota minium en valeur de rentrées de mandat exclusif de 1 000 000 F par mois, CPH IMMOBILIER se réserve le droit de résilier immédiatement le présent contrat et de licencier en conséquence Madame Elisabeth X...".

Par lettre du 12 septembre 1989, la société CPH IMMOBILIER a précisé à Madame X... qu'afin de lui permettre de prendre un bon départ, elle lui accorderait, pendant les trois premiers mois, chaque mois, une somme fixe de 5 060 F non récupérable et que, pendant les mois suivants, elle lui verserait, chaque mois, une somme de 5 060 F correspondant au minimum garanti de la catégorie négociatrice 1er échelon, récupérable sur les commissions qui lui reviendraient, comme défini à son contrat.

Madame X... a été affectée à l'agence de SARCELLES.

Par lettre du 23 novembre 1993, elle a été convoquée à un entretien

préalable à un licenciement, entretien fixé au 30 novembre 1993.

Par lettre du 7 décembre 1993, elle a été licenciée pour insuffisance de résultats. Il lui était précisé dans cette lettre qu'elle était en avance sur commissions permanente depuis 1992 et que sa dette vis-à-vis de la société était supérieure à 40 000 F.

Par lettre du 15 décembre 1993, Madame X... a protesté contre son licenciement et contre le fait qu'il était indiqué dans la lettre du 7 décembre 1993 qu'elle était débitrice de 40 000 F.

Par courrier du 23 décembre 1993, la société CPH IMMOBILIER lui a confirmé les termes de ladite lettre et lui a précisé que son préavis se terminerait le 7 février 1994.

Le 17 août 1994, Madame X... a saisi le Conseil des Prud'hommes de MONTMORENCY pour voir condamner son ancien employeur, en l'état de ses dernières demandes, à lui payer les sommes suivantes, outre les intérêts de droit : - 58 279,03 F à titre de récupération et rappel minimum garanti, - 10 500 F à titre de commissions, - 6 872,90 F à titre de congés payés y afférent, - 7 692 F à titre de complément d'indemnité de préavis, - 50 000 F à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ou abusif, - 4 000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

La société CPH IMMOBILIER ne s'est pas présentée devant le Conseil des Prud'hommes.

Par jugement réputé contradictoire rendu le 11 décembre 1995, le Conseil des Prud'hommes de MONTMORENCY a condamné ladite société à verser à Madame X... les sommes suivantes : - 58 279,03 F à titre récupération et rappel minimum garanti, - 10 500 F à titre de commissions, - 6 877,90 F à titre de congés payés afférents à ces sommes, - 4 000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, et a débouté celle-ci de ses autres demandes.

Pour faire droit à la demande de récupération et rappel du salaire minimum garanti et de congés payés y afférent, le Conseil des Prud'hommes a retenu que les accords de la convention collective l'emportaient sur les contrats individuels et que, selon lesdits accords, le minima versé selon le barème de la convention collective ne pouvait être récupéré.

Pour faire droit à la demande de rappel de commissions et de congés y afférent, il a retenu que la partie défenderesse n'apportait aucune contradiction sur ce point.

Pour rejeter la demande de complément d'indemnité de préavis, il a relevé que Madame X... n'était pas VRP.

Pour rejeter la demande de dommages et intérêts pour rupture abusive, il a retenu que l'examen des bulletins de paie montrait que le travail de Madame X... avait baissé.

La société CPH IMMOBILIER, appelante, soutient que le système consistant à verser à sa salariée le salaire mensuel minimal conventionnel et à retenir le montant ainsi versé sur les commissions acquises est usuel dans la profession et ne contrevient à aucune régle conventionnelle ou légale.

Elle soutient par ailleurs que le licenciement a une cause réelle et sérieuse et que Madame X... n'étant pas VRP n'a pas droit au troisième mois de préavis sollicité.

Elle conclut en conséquence à l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a condamnée à verser à Madame X... les sommes de 56 279,03 F à titre de rappel de salaires, 10 500 F à titre de commissions, 6 877,90 F à titre de congés payés y afférent et 4 000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Elle lui demande de confirmer le jugement en ce qu'il a retenu la

cause réelle et sérieuse du licenciement de Madame X... et a débouté celle-ci de la demande présentée à titre de complément de préavis.

Madame X..., appelante incidente, ne conteste pas l'application de la convention collective des agents immobiliers mais soutient qu'elle avait également le statut de VRP.

Elle soutient par ailleurs que les sommes réclamées à titre de commissions ne font l'objet d'aucune contestation sérieuse et qu'en application de la Convention Collective, le minimum garanti dû aux agents immobiliers est mensuel et n'est pas récupérable sur les mois suivants.

Elle soutient enfin que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Elle demande en conséquence à la Cour de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a condamné la société CPH IMMOBILIER à lui payer des commissions, les congés payés y afférent et la somme de 4 000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Elle lui demande de l'infirmer pour le surplus et, y ajoutant, de condamner ladite société à lui payer : - 7 692,30 F à titre d'indemnité complémentaire de préavis, - 50 000 F à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ou abusif, - 10 000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. SUR CE

Sur le statut de VRP de Madame X... et le solde d'indemnité compensatrice de préavis :

Considérant que Madame X... a été engagée en qualité de négociatrice chargée essentiellement de représenter CPH IMMOBILIER en matière de vente de locaux à usage d'habitation et de leurs annexes, et non en celle de VRP.

Considérant qu'aucun secteur déterminé ne lui était attribué;

Considérant que c'est donc à tort qu'elle revendique le statut de VRP et un rappel d'indemnité compensatrice de préavis;

Sur le rappel de salaires et les commissions :

Considérant que la convention collective du personnel des agents immobiliers et des mandataires de vente de fonds de commerce applicable au moment de l'engagement de Madame X... par la société CPH IMMOBILIER prévoyait pour ledit personnel, en son article 37-2, un salaire conventionnel mensuel minimum déterminé par le résultat de la division par 169 du produit de la valeur du point en vigueur, du coefficient de rémunération du salarié et de l'horaire mensuel contractuel mais n'interdisait pas à l'employeur, qui avait versé à son salarié une avance sur son salaire, de récupérer sur les commissions à percevoir par celui-ci la partie de l'avance excédant ledit salaire conventionnel minimum;

Considérant que l'avenant n°10 bis du 19 octobre 1993 portant modification de la convention collective de l'immobilier laquelle, à la suite de l'arrêté d'extension du 20 avril 1990, regroupe dans son champ d'application les administrateurs de biens, les sociétés immobilières, les agents immobiliers, précise, en ses dispositions relatives aux salariés rémunérés en tout ou en partie à la commission, que le paragraphe 2 de l'article 37 est complété comme suit: "le salaire conventionnel ainsi déterminé peut constituer en tout ou en partie (selon dispositions à fixer au contrat de travail) un acompte sur la commission acquise par application d'un barème convenu entre les parties";

Considérant que rien ne s'oppose à ce que l'employeur qui a versé à son salarié des avances sur commissions récupère lesdites avances dans la mesure où celui-ci conserve le salaire minimum conventionnel;

Considérant qu'il résulte des bulletins de paie produits aux débats que Madame X... a perçu chaque mois au moins le salaire minium conventionnel garanti, son employeur lui ayant versé une avance chaque fois que ses commissions étaient insuffisantes pour lui permettre de percevoir ce minimum et n'ayant récupéré, mois par mois, que la partie excédant ce minimum lorsque les commissions de sa salariée dépassaient ledit minimum;

Considérant que les demandes de rappel de commissions, de rappel de salaires et de congés payés y afférent présentées par Madame X... ne peuvent donc qu'être rejetées;

Sur la cause du licenciement :

Considérant que le motif de son licenciement a été exposé en ces termes à Madame X... dans la lettre de rupture du 7 décembre 1993 :

"Depuis le début de l'année et jusqu'au 31 octobre 1993 vous n'avez réalisé que 5 ventes pour un volume d'affaires en promesses de vente nettes de 2 430 000 francs, résultat très insuffisant.

Vous êtes en avance sur commissions permanente depuis 1992, votre dette vis-à-vis de la société est supérieure à 40 000 F ne respectant pas ainsi l'article 6 "rémunération de votre contrat de travail en ce qui concerne les "minima garantis".

Nous ne pouvons plus accepter vos mauvais résultats commerciaux et votre situation financière débitrice malgré nos nombreuses mises en garde";

Considérant qu'il résulte des pièces produites que le cumul des avances sur commissions que la société CPH IMMOBILIER n'a pu récupérer s'est élevé à plus de 40 000 F en 1992 et 1993, ce qui était supérieur à 3 fois le minimum garanti, cas pour lequel la société CPH IMMOBILIER s'était réservé dans le contrat de Madame

X... le droit de licencier celle-ci;

Considérant qu'il apparaît des états commerciaux des autres négociateurs de l'agence de SARCELLES produits aux débats, que ceux-ci, en 1993, ont réalisé plus de négociations de vente que Madame X..., cette dernière en ayant réalisé 5, Madame Y... 8, Monsieur Z... 15, Madame A... 9, et que les avances sur commissions consenties à ceux-ci et non récupérées par la société CPH IMMOBILIER étaient très inférieures à celles de Madame X..., 998 F pour Madame Y..., 0 pour Monsieur B...;

Considérant que la société CPH IMMOBILIER était fondée, dès lors que sa salariée avait depuis plus d'un an des résultats insuffisants ne lui permettant pas d'être réglée du salaire minimum conventionnel sans les avances sur commission, à mettre un terme au contrat de celle-ci, cette insuffisance constituant bien la cause réelle et sérieuse du licenciement de Madame X...;

Sur l'article 700 du nouveau code de procédure civile :

Considérant que l'équité commande de laisser à chaque partie la charge des frais engagés pour faire valoir ses droits devant le Conseil des Prud'hommes puis la Cour;

Considérant qu'il n'y aura pas lieu à application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile; PAR CES MOTIFS

La COUR,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Réforme le jugement en ce qu'il a condamné la société CPH IMMOBILIER à payer à Madame Elisabeth X... les sommes suivantes : - 58 279,03 F (CINQUANTE-HUIT MILLE DEUX CENT SOIXANTE-DIX-NEUF FRANCS ET TROIS CENTIMES) à titre de récupération et rappel minimum garanti, - 10 500 F (DIX MILLE CINQ CENTS FRANCS) à titre de commissions, - 6 877,90 F (SIX MILLE HUIT CENT SOIXANTE-DIX-SEPT FRANCS ET QUATRE-VINGT-DIX CENTIMES) à titre de congés payés, - 4 000 F (QUATRE

MILLE FRANCS) au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile;

Déboute Madame Elisabeth X... de ces demandes;

Confirme pour le surplus le jugement entrepris;

Déboute les parties de toute autre demande;

Condamne Madame Elisabeth X... aux dépens.

Et ont signé le présent arrêt, Madame BELLAMY, Président de Chambre, et Madame C..., Greffier.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1997-23024
Date de la décision : 13/01/1999

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Salaire - Avances sur commissions

Le salaire conventionnel ainsi déterminé peut constituer en tout ou en partie (selon dispositions à fixer au contrat de travail) un acompte sur la commission acquise par application d'un barème convenu entre les parties. Rien ne s'oppose à ce que l'employeur qui a versé à son salarié des avances sur commissions récupère lesdites avances dans la mesure où celui-ci conserve le salaire minimum conventionnel;


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1999-01-13;1997.23024 ?
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