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08/01/1999 | FRANCE | N°1996-9674

France | France, Cour d'appel de Versailles, 08 janvier 1999, 1996-9674


FAITS ET PROCEDURE

Par signification faite à domicile en date du 29 mars 1996, Monsieur BEN X... Y... Z... a fait citer Madame A... devant le tribunal d'instance de PUTEAUX aux fins de voir condamner celle-ci à lui payer une somme de 46.800 Francs au titre des sommes indûment perçues par elle dans le cadre d'une procédure de paiement direct et ce, avec intérêts de droit à compter du 29 mars 1996 et voir ordonner la main-levée de la procédure de paiement direct à compter du jugement à intervenir.

Il a exposé que le 10 octobre 1986, le tribunal de grande instance de

DUNKERQUE a rendu une ordonnance de non-conciliation le condamnant à ver...

FAITS ET PROCEDURE

Par signification faite à domicile en date du 29 mars 1996, Monsieur BEN X... Y... Z... a fait citer Madame A... devant le tribunal d'instance de PUTEAUX aux fins de voir condamner celle-ci à lui payer une somme de 46.800 Francs au titre des sommes indûment perçues par elle dans le cadre d'une procédure de paiement direct et ce, avec intérêts de droit à compter du 29 mars 1996 et voir ordonner la main-levée de la procédure de paiement direct à compter du jugement à intervenir.

Il a exposé que le 10 octobre 1986, le tribunal de grande instance de DUNKERQUE a rendu une ordonnance de non-conciliation le condamnant à verser provisoirement à son épouse une somme de 500 Francs par mois pour sa contribution à l'entretien et à l'éducation de leur enfant commun et une somme de 600 Francs par mois au titre de la pension alimentaire pour elle-même ; que le 7 décembre 1988, la même juridiction a rejeté la demande en divorce, de sorte que, les deux versements n'étaient plus dus ; que cependant, son ex-épouse a fait procéder à une saisie de ses rémunérations pour un montant mensuel de 1.100 Francs ; que par ordonnance de non-conciliation du 27 mars 1995, confirmée par jugement du 18 octobre 1995 prononçant le divorce des époux BEN X... Z..., il a été condamné à verser mensuellement une somme de 950 Francs à titre de pension alimentaire pour l'enfant ; qu'en conséquence, les sommes ont été indûment perçues du 11 janvier 1989 au 1er mars 1995, outre une somme mensuelle de 150 Francs du 1er avril 1995 au 31 mars 1996.

Madame A... a conclu à l'entier débouté du demandeur et a sollicité reconventionnellement sa condamnation au paiement d'une somme de 3.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Par jugement contradictoire en date du 1er octobre 1996, ledit

tribunal a :

- débouté Monsieur BEN X... Y... Z... de sa demande en répétition de l'indu pour la période antérieure au 1er avril 1995, ainsi que de sa demande en main-levée de la procédure de paiement direct,

- condamné Madame X... Z... A... à payer à Monsieur BEN X... Y... Z... en deniers ou quittances, la somme de 1.800 Francs à titre de trop perçu de pension alimentaire pour la période du 1er avril 1995 au 31 mars 1996,

- condamné Monsieur BEN X... Y... Z... aux dépens.

Le 14 novembre 1996 Monsieur Z... a relevé appel de cette décision.

Il fait grief à la décision entreprise d'avoir rejeté sa demande en répétition de la somme de 46.800 Francs - sur la somme totale de 84.300 Francs - perçue par son ex-épouse dont il n'a pas réclamé l'entier paiement, puisque les sommes ont partiellement été imputées à l'entretien de leur enfant commun - en estimant qu'il s'était acquitté volontairement des versements alors qu'ils ont été perçus par le biais d'une voie d'exécution, si bien que l'article 1235 alinéa 2 du code civil ne peut pas recevoir application en l'espèce ; d'avoir en outre rejeté sa demande de main-levée de la saisie pratiquée sur ses rémunérations, alors qu'elle ne repose sur aucun fondement sérieux et qu'elle est poursuivie à l'heure actuelle pour un montant qui ne correspond pas aux droits de la bénéficiaire de la voie d'exécution.

En conséquence il prie la Cour de :

- déclarer recevable et bien fondé Monsieur BEN X... Z... en son appel à l'encontre d'un jugement rendu le 1er octobre 1996 par le tribunal d'instance de PUTEAUX,

Y faisant droit,

- infirmer le jugement rendu le 1er octobre 1996 en ce qu'il a débouté Monsieur BEN X... de sa demande en répétition d'une somme de 46.800 Francs avec intérêts de droit à compter du 29 mars 1996, date de sa demande en main-levée de la procédure de paiement direct,

En conséquence,

- condamner Madame X... Z... A... à rembourser une somme de 46.800 Francs avec intérêts de droit à compter du 29 mars 1996, date de l'assignation en justice,

- ordonner la main-levée de la procédure de paiement direct,

- condamner Madame X... Z... A... à une somme de 6.000 Francs par application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a condamné Madame X... Z... A... à payer à Monsieur Z... la somme de 1.800 Francs à titre de trop perçu de pension alimentaire pour la période du 1er avril 1995 au 31 mars 1996, sauf à parfaire en fonction des prélèvements indus effectués depuis lors,

En tout état de cause,

- condamner Madame X... Z... A... aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de la SCP FIEVET ROCHETTE LAFON, Avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

Madame X... Z... A... réplique que son ex-mari soutient à tort que le versement des pensions n'était plus du à compter du jugement rejetant la demande en divorce alors qu'il résulte des dispositions combinées des articles 254 du code civil, 501 et 500 du nouveau code de procédure civile que les mesures provisoires ne cessent que lorsque le jugement statuant sur la demande en divorce est passé en force de chose jugée ; qu'en l'espèce le jugement du 7 décembre 1988 n'a fait l'objet d'aucune signification si bien que les

délais d'exercice des voies de recours n'ont pas pu courir, qu'en conséquence le jugement n'est jamais passé en force de chose jugée ce qui démontre que les mesures provisoires étaient valables pour la période du 7 décembre 1998 au 27 mars 1995 ; subsidiairement que Monsieur Z... alors qu'il pouvait faire cesser la procédure de paiement direct à tout moment d'après les termes du jugement du 7 décembre 1988, a laissé se poursuivre cette procédure pendant 8 ans ce qui démontre qu'il a délibérément choisi, en vertu d'une obligation naturelle, d'acquitter le montant des contributions mises à sa charge par le juge aux affaires familiales, ce que d'ailleurs il ne dément pas ; que dès le mois de février 1996 Monsieur Z... n'ayant pas réglé le montant de la contribution mise à sa charge par le jugement de divorce du 18 octobre 1996 une nouvelle procédure de paiement direct a été mise en place, qu'ainsi Monsieur Z... est mal fondé à solliciter la main-levée de ladite procédure de paiement; Enfin en outre elle fait grief au jugement entrepris de l'avoir condamnée à rembourser à Monsieur Z... la somme de 1.800 Francs au titre du trop perçu pour la période postérieure au 1er avril 1995 alors que seule une somme de 1.500 Francs pourrait lui être due.

En conséquence elle prie la Cour de :

- dire Monsieur Z... irrecevables et en tout cas mal fondé en son appel,

- le débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a débouté Monsieur Z... de ses demandes en répétition de l'indu pour la période antérieure au 1er avril 1995 et de main-levée de la procédure de paiement direct,

- subsidiairement, juger que Madame X... Z... A... ne peut être tenue au paiement d'une somme supérieure à 26.200 Francs pour la période antérieure au 1er avril 1995,

- réformer la décision entreprise en ce qu'elle a condamné Madame X... Z... A... à payer à Monsieur Z... la somme de 1.800 Francs au titre du trop perçu pour la période postérieure au 1er avril 1995,

Et statuant à nouveau,

- juger que seule la somme de 1.500 Francs peut être due par Madame X... Z... A... au titre du trop perçu pour la période postérieure au 1er avril 1995,

En toute hypothèse,

- accorder à Madame X... Z... A... les plus larges délais de paiement conformément aux dispositions de l'article 1244-1 du code civil,

- condamner Monsieur Z... à payer à la concluante la somme de 5.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel,

- le condamner également aux entiers dépens de première instance et d'appel dont le recouvrement sera effectué conformément à la loi sur l'aide juridictionnelle.

L'ordonnance de clôture a été signée le 19 novembre 1998 et l'affaire plaidée à l'audience du 27 novembre 1998.

SUR CE LA COUR

1) Sur le maintien des mesures provisoires au-delà du 7 décembre 1988 :

Considérant qu'en vertu de l'article 254 du code civil, les mesures provisoires prescrites par l'ordonnance de non conciliation pour

assurer l'existence des époux et des enfants s'appliquent jusqu'à la date à laquelle le jugement rendu sur la demande en divorce prend force de chose jugée ; qu'en l'espèce, faute de signification, le jugement rendu contradictoirement par le tribunal de grande instance de DUNKERQUE le 7 décembre 1988, déboutant Monsieur Z... de sa demande en divorce pour faute, n'a acquis autorité de chose jugée que le 7 décembre 1990 en application des dispositions de l'article 528-1 du nouveau code de procédure civile ; que par conséquent, les mesures provisoires ordonnées par le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de DUNKERQUE le 10 octobre 1986 ont cessé de s'appliquer à cette date du 7 décembre 1990 ;

2) Sur la demande en remboursement de Monsieur Z... :

Considérant qu'en vertu de l'article 1235 alinéa 1er, il n'y a lieu à répétition que pour les sommes payées sans être dues;

Considérant, par ailleurs, que l'obligation naturelle, qui repose sur l'accomplissement d'un devoir de conscience et d'honneur, ne peut être invoquée à l'appui d'une demande en paiement en justice que si elle a été exécutée volontairement ; qu'elle doit donc être

distinguée de l'obligation légale ou civile dont l'exécution forcée peut être poursuivie ;

Considérant qu'en l'espèce, Monsieur Z..., non divorcé de son épouse, avait l'obligation légale de nourrir, entretenir et élever l'enfant mineur du couple (article 203 du code civil) et celle de contribuer aux charges du ménage (article 214), sans oublier le devoir de secours entre époux (article 212) ; que par conséquent, les versements effectués par Monsieur Z... de 1990 à 1995 par la voie du paiement direct, avaient pour cause ses obligations légales en tant que père et mari et n'étaient donc pas indus ; que d'ailleurs, dans l'hypothèse où Monsieur Z... aurait sollicité la mainlevée du paiement direct, son épouse aurait pu le faire citer aussitôt sur le fondement des articles du code civil précités, afin de le contraindre à remplir ses obligations ; que la carence de Monsieur Z... ne peut avoir pour effet de priver son épouse de cette faculté, alors que tant l'ordonnance de non conciliation du 30 octobre 1986 que le jugement de divorce du 18 octobre 1995 font ressortir la disparité des ressources entre les époux au détriment de Madame Z... ; qu'enfin, à titre superfétatoire, l'absence de demande de mainlevée pendant plus de 8 ans ne peut être interprétée que comme manifestant la volonté de Monsieur Z... de s'acquitter de ses devoirs d'époux et de père ;

Considérant que les paiements opérés de décembre 1990 à mars 1995 n'étant pas indus, il n'y a pas lieu à restitution ; que la cour confirme le jugement déféré qui a débouté Monsieur Z... de ce chef de demande et ce avec substitution de motifs ;

Considérant que l'appelant produit une attestation de la Trésorerie de SURESNES en date du 28 octobre 1998 où il est indiqué que la somme de 1.100 Francs a été prélevée chaque mois sur le salaire de Monsieur Z... BEN X... jusqu'en mars 1996 inclus et que ce n'est qu'à partir d'avril 1996 qu'a été prélevée mensuellement la somme de 950 Francs ; que néanmoins, l'intimée verse aux débats la copie du paiement direct de pension alimentaire mis en place par Maître DOCO, huissier de justice, le 18 mars 1996 ; qu'il en ressort au contraire que l'échéance de février 1996, d'un montant de 950 Francs, n'ayant pas été réglée, c'est la somme de 950 F + 79,17 F au titre de cet arriéré, qui a été prélevée à compter de mars 1996 ; qu'il convient de s'en tenir à ce document établi par l'officier ministériel qui fait foi quant à ses énonciations ; que la mensualité de 950 Francs ayant été fixée par l'ordonnance de non conciliation du 27 mars 1995, la somme versée en trop s'élève donc à (150 F x 1O =) 1.500 Francs ; que le jugement déféré sera infirmé sur ce point ;

3) Sur la demande de mainlevée du paiement direct :

Considérant qu'il résulte de la copie du paiement direct du 18 mars 1996 susvisée qu'il s'agit d'une nouvelle procédure, engagée suite au non paiement spontané de la pension du mois de février 1996 ; que par conséquent, la demande était recevable en vertu de l'article 1er de la loi du 2 janvier 1973 ; que le débiteur n'apporte pas la preuve d'une circonstance prévue par cette loi ou le décret du 1er mars 1973 qui justifierait qu'il y soit mis fin ; que dès lors, faute pour l'appelant de démontrer le caractère inutile ou abusif du paiement direct, il n'y a pas lieu d'en ordonner la mainlevée et ce, conformément au principe énoncé par l'article 22 de la loi du 9 juillet 1991 qui vaut pour toute mesure propre à assurer l'exécution d'une créance ;

4) Sur les demandes incidentes de Madame Z... :

Considérant qu'eu égard au rejet de la demande de restitution de la somme de 46.800 Francs, la demande de délais de paiement de l'intimée

est sans objet ;

Considérant qu'eu égard à l'équité, il y a lieu d'allouer à Madame Souraya X... Z... A... la somme de 5.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

- CONFIRME le jugement déféré en ses dispositions non contraires à celles du présent arrêt ;

Et y ajoutant et réformant :

- CONDAMNE Madame Souraya X... Z... A... à payer à Monsieur Ben X... Y... Z... la somme de 1.500 Francs à titre de trop perçu de pension alimentaire pour la période du 1er avril 1995 au 31 janvier 1996 ;


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1996-9674
Date de la décision : 08/01/1999

Analyses

ALIMENTS - Pension alimentaire - Paiement direct

Selon l'article 1235 du Code civil, il n'y a lieu à répétition que pour les sommes payées sans être dues et les obligations naturelles volontairement acquittées ne peuvent donner lieu à répétition. Dès lors que l'obligation naturelle repose sur l'accomplissement volontaire d'un devoir de conscience et d'honneur, elle doit être distinguée de l'obligation légale ou civile dont l'exécution forcée peut être poursuivie. Aux termes des articles 203, 214 et 212 du Code civil, un époux non divorcé a l'obligation légale de nourrir, entretenir et élever l'enfant mineur commun, celle de contribuer aux charges du ménage, ainsi qu'un devoir de secours à l'égard de son conjoint. Il en résulte que les versements effectués par la voie du paiement direct ont pour cause ses obligations légales de père et de mari ; qu'en l'occurrence, si la mainlevée du paiement direct avait été sollici- té, l'épouse aurait pu citer son mari pour le contraindre à remplir ses obligations, qu'en conséquence, les paiements de ce chef n'ont pas de caractère indu et ne peuvent donner lieu à répétition.


Références :

Code civil 203, 212, 214

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1999-01-08;1996.9674 ?
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