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18/12/1998 | FRANCE | N°1996-2984

France | France, Cour d'appel de Versailles, 18 décembre 1998, 1996-2984


FAITS ET PROCEDURE,

Selon acte sous seing privé en date du 10 juillet 1991, la SOCIETE GENERALE a consenti à Monsieur Jean-Claude X... un prêt remboursable en 84 mensualités au taux effectif de 15,31 % l'an, la première échéance devant intervenir le 5 octobre 1991.

Monsieur André Désiré X... est intervenu en qualité de caution.

Monsieur Jean-Claude X... a cessé de faire face à ses engagements le 5 novembre 1992.

Les lettres de rappel et de mises en demeure adressées tant au débiteur principal qu'à la caution étant demeurées sans effet, la SOCIE

TE GENERALE a assigné ces derniers devant le tribunal de grande instance de VERSAILLES.
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FAITS ET PROCEDURE,

Selon acte sous seing privé en date du 10 juillet 1991, la SOCIETE GENERALE a consenti à Monsieur Jean-Claude X... un prêt remboursable en 84 mensualités au taux effectif de 15,31 % l'an, la première échéance devant intervenir le 5 octobre 1991.

Monsieur André Désiré X... est intervenu en qualité de caution.

Monsieur Jean-Claude X... a cessé de faire face à ses engagements le 5 novembre 1992.

Les lettres de rappel et de mises en demeure adressées tant au débiteur principal qu'à la caution étant demeurées sans effet, la SOCIETE GENERALE a assigné ces derniers devant le tribunal de grande instance de VERSAILLES.

Monsieur André X... étant décédé, la SOCIETE GENERALE a régularisé la procédure à l'encontre du conjoint survivant, Madame Y... veuve X..., et de son héritier, Monsieur Patrick X....

Par jugement rendu le 4 décembre 1995, le Tribunal a : - ordonné la jonction des instances n° 4954/93 et 12200/94, - condamné solidairement Monsieur Jean-Claude X... en sa qualité de débiteur principal, Madame Y... et Monsieur Patrick X..., en leurs qualités d'héritiers de Monsieur André X..., caution décédée, à payer à la SOCIETE GENERALE la somme de 245.381,87 Francs avec intérêts au taux de 14,75 % à compter du 15 décembre 1992, - ordonné l'exécution provisoire, - condamné solidairement Monsieur Jean-Claude X... en sa qualité de débiteur principal, Madame Y... et Monsieur Patrick X...

en leurs qualités d'héritiers de la caution à payer à la SOCIETE GENERALE la somme de 5.000 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - débouté les parties de toutes autres demandes.

Appelants de cette décision, Monsieur Patrick X... et Madame Y... soutiennent que lorsqu'il a signé l'acte de cautionnement, Monsieur Désiré X... n'était pas en mesure d'apprécier la valeur et la protée de son engagement, étant âgé de 76 ans.

Ils font valoir que son écriture était hésitante, les renseignements concernant les revenus de Monsieur Jean-Claude X... donnés à l'appui de la demande de prêt étaient manifestement erronés ce que la banque savait puisqu'elle tenait les comptes de ce dernier.

A titre encore plus subsidiaire, ils invoquent la particulière négligence de la Banque qui a laissé s'aggraver l'endettement de Monsieur X... en lui accordant un crédit alors même que les revenus perçus par ce dernier et versés directement sur son compte bancaire révélaient son changement de situation financière et son incapacité à faire face à ses engagements.

Ils demandent à la Cour de : - infirmer le jugement entrepris, Statuant à nouveau, - leur déclarer inopposable l'acte de caution, - subsidiairement déclarer nul et de nul effet l'acte de cautionnement, A titre encore plus subsidiaire, condamner la SOCIETE GENERALE à leur payer une somme correspondant au montant total de la créance qu'elle entend recouvrer à l'encontre de ces derniers, - ordonner la compensation, - condamner la SOCIETE GENERALE au paiement de la somme de 10.000 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de

Procédure Civile.

Monsieur Jean-Claude X... a également relevé appel de cette décision. Il expose qu'il a rencontré d'importantes difficultés financières et que ses revenus ayant considérablement diminué, ses découverts se sont aggravés pour atteindre en Juillet 1991 la somme d'environ 250.000 Francs.

Selon lui, c'est dans ces conditions qu'il a souscrit le prêt litigieux.

Il prie, par conséquent, la Cour de : Vu l'article 1382 du Code civil, dire et juger la responsabilité de la SOCIETE GENERALE engagée par sa négligence et la conclusion du contrat de prêt de 250.000 Francs, En conséquence, - la condamner au paiement de la somme de 100.000 francs à titre de dommages et intérêts, - ordonner la compensation de la somme due par la SOCIETE GENERALE avec celles dues par lui au titre du remboursement du contrat litigieux, - dire et juger qu'il convient de faire application des dispositions de l'article 1244-1 du Code civil, En conséquence, - lui octroyer des délais pour le paiement des sommes dues, - dire et juger que celles-ci s'imputeront en priorité sur le capital, - condamner la SOCIETE GENERALE à payer à Monsieur X... la somme de 10.000 Francs tant au titre des frais irrépetibles de première instance que d'appel, en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

La SOCIETE GENERALE réplique que Monsieur X... qui a exercé la

profession d'agent commercial puis d'attaché commercial a en toute connaissance de cause et de sa seule initiative sollicité et obtenu divers prêts et ouvertures de crédit auprès d'elle et que sa responsabilité ne saurait être engagée.

Elle fait également valoir que les héritiers de la caution ne rapportent pas la preuve de Monsieur André X... n'était pas ne mesure d'apprécier la valeur et la protée de son engagement.

Elle conclut à la confirmation de la décision déférée, et sollicite, en outre, la capitalisation des intérêts échus et la condamnation solidaire de tous les appelants au paiement de la somme de 10.000 Francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Ajoutant à titre encore plus subsidiaire à leurs précédentes écritures, Monsieur Patrick X... et Madame Y... demandent à la Cour de constater que l'acte de caution dont s'agit ne s'étend pas à l'indemnité de résiliation anticipée et aux intérêts contractuels et de débouter la SOCIETE GENERALE de toute demande à ce titre à leur encontre.

L'ordonnance de clôture a été signée le 19 avril 1998.

SUR CE, LA COUR,

Sur la responsabilité de la SOCIETE GENERALE à l'égard de Monsieur Jean-Claude X...,

Considérant, ainsi que la présente chambre l'a jugé dans un précédent

litige opposant Monsieur Jean-Claude X... à la SOCIETE GENERALE ayant donné lieu à un arrêt en date du 3 avril 1998, qu'il doit être rappelé que Monsieur X..., né en 1947, agent commercial puis attaché commercial, est doté de toutes ses facultés physiques, intellectuelles et mentales ;

Que c'est donc en toute connaissance de cause et à sa seule initiative, qu'il a sollicité et obtenu divers prêts et ouvertures de comptes auprès de la SOCIETE GENERALE ;

Considérant que Monsieur X... ne peut raisonnablement invoquer sa seule baisse de revenus pour expliquer ses difficultés ;

Qu'il lui appartenait, comme la Cour l'a indiqué précédemment, en "homme avisé et prudent", de prendre toute disposition utile pour éviter l'accroissement de son passif ;

Qu'il a, au contraire, contribué directement à l'aggravation de sa situation, en faisant preuve d'un manque de prudence caractérisé en sollicitant divers prêts en 1991, époque à laquelle ses revenus n'étaient que 143 838 Francs par an ;

Considérant qu'il résulte des propres pièces de Monsieur X..., qu'au lieu de faire preuve de rigueur dans la gestion de ses comptes, il a multiplié les ouvertures de crédit auprès de divers organismes financiers (Midland Bank, banque Petrofigaz, Cofidis, American Express, Diners Club) ;

Que ce comportement lui est seul imputable ;

Considérant, qu'ainsi que Monsieur X... était parfaitement à même d'apprécier l'étendue de ses difficultés, lorsqu'il a souscrit librement le prêt litigieux ;

Qu'il n'est nullement démontré que la SOCIETE GENERALE ait usé de "manoeuvres" pour le persuader de signer cet acte ;

Considérant que l'octroi de ce prêt par la SOCIETE GENERALE ne constitue pas une faute susceptible d'engager sa responsabilité envers son client, en vertu des articles 1147 et 1148 du Code civil ; Que c'est Monsieur Jean-Claude X..., seul, qui est à l'origine certaine et directe de toutes les conséquences financières du prêt qu'il a librement et en toute connaissance de cause contracté afin, ainsi que cela résulte des différentes ouvertures de crédit auxquelles il a eu recours, de conserver un mode de vie confortable, qu'il a choisi selon ses convenances personnelles ;

Qu'il a, ce faisant, délibérément organisé son surendettement ;

Qu'il est, par conséquent, mal fondé à réclamer à la banque des dommages et intérêts ;

Considérant qu'il doit être souligné que Monsieur Jean-Claude X... ne conteste pas expressément le montant de sa dette, soit, 245.381,86 Francs outre intérêts au taux de 14,75 % l'an à compter du 15 décembre 1992, telle qu'arrêtée par le tribunal ;

Sur le cautionnement,

Considérant que Monsieur Patrick X... et Madame Y... ne versent aucune pièce de nature à démontrer que Monsieur André X..., lorsqu'il s'est engagée en qualité de caution solidaire, n'était pas ne mesure d'apprécier la valeur et la portée de son engagement ;

Que le seul fait d'être âgé de 76 ans ne signifie nullement que le discernement de ce dernier aurait été altéré ;

Qu'au surplus, l'acte de cautionnement lui-même, rédigé de façon manuscrite par son auteur, dans la partie du contrat de prêt intitulée "acceptation de l'offre préalable par la caution", est contrairement à ce que prétendent les héritiers de Monsieur André X..., écrit d'une écriture assurée, parfaitement lisible, sans rature et n'est, par conséquent, nullement entachée de nullité ;

Que rien de permet d'établir que Monsieur X... se serait déterminé au vu des renseignement fournis par son fils sur ses revenus ;

Qu'en tout état de cause, la proximité des liens l'unissant au débiteur principal lui permettait de s'assurer de la sincérité de ces déclarations ;

Qu'au surplus ancien agent commercial, ainsi que cela résulte de l'acte de notoriété dressé le 7 avril 1993, il était parfaitement à même d'appréhender la réalité de la situation économique de son fils ;

Considérant que la banque n'a eu de comportement fautif ni à l'égard de Monsieur Jean-Claude X..., ni à l'égard de la caution, Monsieur

André X..., lequel s'est le même jour engagé aux termes d'un acte séparé, entièrement manuscrit, à se porter caution solidaire de la somme de 408.538,20 Francs ;

Considérant que Madame Y... et Monsieur Patrick X... seront donc déboutés de leur demande de dommages et intérêts ;

Considérant que l'engagement de caution insérée dans le contrat de prêt répond à toutes les exigences des articles 1326 et 2015 du Code civil ;

Qu'il comporte la signature de Monsieur X... ainsi que la mention écrite de sa main de la somme cautionnée tant en chiffres qu'en lettres ;

Considérant que destinataire d'un exemplaire du contrat ainsi qu'il l'a expressément reconnu, il connaissait l'étendue et la portée de son engagement, et notamment le taux d'intérêt applicable ainsi que les conditions générales du prêt comportant un article 6 "Exécution du Contrat", faisant expressément référence aux sommes dues en cas de défaillance du débiteur principal ;

Qu'il s'est engagé à satisfaire à toutes les obligations de Monsieur Jean-Claude X... en cas de défaillance de sa part à l'égard de la SOCIETE GENERALE, à hauteur du prêt de 250.000 Francs, plus "tous intérêts et toutes cotisations d'assurances ainsi que tout autre engagement contractuel" ;

Considérant que l'acte de caution s'étend, par conséquent, tant aux intérêts qu'à l'indemnité contractuelle de résiliation ;

Considérant qu'il convient, par conséquent, de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Sur la capitalisation des intérêts,

Considérant que la SOCIETE GENERALE est bien fondée à solliciter la capitalisation des intérêts échus et dus au moins pour une année entière en vertu de l'article 1154 du Code civil ;

Sur l'application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la SOCIETE GENERALE les sommes exposées par elle qui ne sont pas comprises dans les dépens ;

Qu'il y a lieu de condamner in solidum les appelants à lui la somme de 8.000 Francs en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES le 4 décembre 1995 ;

DEBOUTE les appelants de l'intégralité de leurs demandes ;

AJOUTANT AU JUGEMENT :

ORDONNE la capitalisation des intérêts échus en vertu de l'article 1154 du Code civil ;

CONDAMNE in solidum, Monsieur Jean-Claude X..., Monsieur Patrick X... et Madame Y... veuve X..., à payer à la SOCIETE GENERALE la somme de 8.000 Francs (SIX MILLE FRANCS) en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

LES CONDAMNE, en outre, in solidum aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés par la SCP JUPIN-ALGRIN, titulaire d'un office d'avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET : Le Greffier,

Le Président, Marie Hélène EDET

Alban CHAIX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1996-2984
Date de la décision : 18/12/1998

Analyses

PRET - Prêt d'argent - Prêteur - Etablissement de crédit - Responsabilité

Le comportement d'un emprunteur, doté de toutes ses facultés physiques intellectuelles et mentales, n'est imputable qu'à lui-même quand, de sa propre initiative, il sollicite et obtient divers prêts auprès d'une banque alors que durant la même période il a multiplié les ouvertures de crédit auprès de divers organismes de crédit, organisant délibérément son surendettement pour conserver, selon ses convenances personnelles, un mode de vie confortable. Dès lors que l'intéressé était parfaitement à même d'apprécier l'étendue de difficultés que l'allégation d'une baisse de revenus est insuffisante à expliquer, qu'il n'est pas démontré que la banque ait usé de "manoeuvres" pour le persuader de signer un nouvel engagement, l'octroi du prêt litigieux ne constitue pas une faute susceptible d'engager la responsabilité de la banque envers son client


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1998-12-18;1996.2984 ?
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