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17/12/1998 | FRANCE | N°1996-5542

France | France, Cour d'appel de Versailles, 17 décembre 1998, 1996-5542


La société NEURONES s'est engagée, suivant contrat en date du 02 mars 1994, à fournir à la société IDC GESTION, dans le cadre d'un accord de coopération, divers supports destinés à favoriser la formation dans le domaine informatique, et ce, moyennant un prix forfaitaire de 100.000 francs HT.

Prétendant avoir découvert que la société NEURONES ne détenait aucun droit d'exploitation sur des produits inclus dans le contrat de coopération et de fourniture ci-dessus évoqué, la société IDC GESTION a engagé une action en résiliation dudit contrat sur le fondement du dol.



La société NEURONES s'est opposée aux prétentions adverses et a demandé, ...

La société NEURONES s'est engagée, suivant contrat en date du 02 mars 1994, à fournir à la société IDC GESTION, dans le cadre d'un accord de coopération, divers supports destinés à favoriser la formation dans le domaine informatique, et ce, moyennant un prix forfaitaire de 100.000 francs HT.

Prétendant avoir découvert que la société NEURONES ne détenait aucun droit d'exploitation sur des produits inclus dans le contrat de coopération et de fourniture ci-dessus évoqué, la société IDC GESTION a engagé une action en résiliation dudit contrat sur le fondement du dol.

La société NEURONES s'est opposée aux prétentions adverses et a demandé, reconventionnellement, paiement d'un certain nombre de factures.

Par jugement en date du 21 mars 1996 auquel il est renvoyé pour plus ample exposé des éléments de la cause, le tribunal a statué dans les termes ci-après :

* Déclare le contrat liant les sociétés SA NEURONES et SA IDC GESTION nul pour dol,

* Condamne la SA NEURONES au versement d'une somme de 100.000 francs à la SA IDC GESTION, et à la restitution du fichier prospect-clients, * Condamne la SA NEURONES au versement à la SA IDC GESTION d'une somme de 100.000 francs au titre de la réparation du préjudice subi, * Condamne la SA NEURONES au paiement de la somme de 21.605,59 francs TTC à la SA IDC GESTION,

* Condamne la SA IDC GESTION à payer à la SA NEURONES la somme de 10.104,72 francs TTC,

* Dit que ces diverses sommes se compenseront pour former un solde au paiement duquel sera tenu le défendeur,

* Condamne la SA NEURONES aux dépens de l'instance et à payer la somme de 10.000 francs à la SA IDC GESTION en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, déboutant du surplus demandé,

* Déboute les parties de leurs autres demandes, fins et conclusions. *

Appelante de cette décision, la société NEURONES fait grief aux premiers juges d'avoir mal apprécié les éléments de la cause. Elle soutient notamment, à l'appui de son recours, qu'il est désormais acquis aux débats qu'en vertu d'un accord passé avec la société FACTORIAL, conceptrice d'un support de cours, elle a été habilitée à vendre les droits d'exploitation sur ce support et que la société IDC GESTION n'a subi de ce fait et contrairement à ce qu'elle prétend aucun préjudice. Elle en veut pour preuve que la société IDC GESTION a attendu dix mois pour engager une action en justice alors que cinq autres sociétés du groupe qui ont bénéficié des mêmes fournitures n'ont jamais émis la moindre protestation.

Elle déduit de là que les éléments du dol ne sont pas réunies en l'espèce d'autant que le support litigieux ne représentait qu'une valeur de 10 à 15 % de l'ensemble du contrat et qu'il n'était pas, selon elle, déterminant. Elle ajoute encore que n'ayant constaté qu'une obligation de moyen, elle ne saurait être tenu pour responsable des résultats financiers obtenus par la société IDC GESTION. Par ailleurs, elle entend réclamer à la société IDC GESTION paiement de diverses factures dont certaines sont sans relation directe avec le contrat et elle reproche aux premiers juges de ne pas avoir pris en compte toutes les factures. Par l'ensemble de ces

motifs, elle demande à la Cour de :

* Relevé le caractère tardif de la réclamation d'IDC GESTION.

* Constater que la société FACTORIAL, avec laquelle elle est en partenariat, l'a expressément autorisée à utiliser des supports de cours inclus dans le contrat de coopération signé le 02 mars 1992 avec la société NEURONES.

* Dire que la société IDC GESTION ne rapporte pas la preuve que sont réunies en l'espèce les conditions d'application de l'article 1116 du Code Civil.

* Débouter, en conséquence, la société IDC GESTION de toutes ses prétentions sur le fondement du dol.

* Confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a condamné la société IDC GESTION à lui payer la somme de 10.104,72 francs au titre d'un arriéré de facturation.

Y ajoutant, condamner la société IDC GESTION à lui payer la somme de 118,60 francs au titre du solde impayé de la facture n° 95.060.513.

* Lui donner acte de celle qu'elle a réglé spontanément la facture n° 94.04.66, daté du 29 mars 1994, d'un montant de 21.605,53 francs, après soustraction des sommes susvisées, soit 10.223,32 francs.

* Condamner la société IDC GESTION à lui payer une indemnité de 15.000 francs "HT" au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

*

La société IDC GESTION réfute point par point l'argumentation adverse et conclut à la confirmation en toutes ses dispositions du jugement déféré sauf en ce qu'il porte condamnation à son encontre au paiement de la somme de 10.104,72 francs estimant ne pas devoir cette somme et se portant appelante incidemment sur ce seul point. Elle réclame aussi une indemnité de 20.000 francs "HT" en couverture des frais

qu'elle a été contrainte d'exposer devant la Cour. MOTIFS DE LA DECISION

* Sur le dol

Considérant qu'aux termes de l'article 1116 du Code Civil, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté.

Considérant qu'il est indiqué en préambule du contrat conclu le 02 mars 1994 entre les parties :

(que) "NEURONES SA a développé et mis au point par elle-même une gamme de produits de "packages marketing" qui se présentent sous les deux aspects suivants.

- Marketing "Formation"....

- Marketing "Institutionnel"...

(que) ces développements ont représenté un investissement tant intellectuel qu'en temps-hommes et en prestations extérieures.

(que) NEURONES SA est propriétaire de ces créations originales qu'elle a commandé et dont elle a acquis les droits de reproduction, en général sans limite de durée, du support ou de territorialité.

(que) ces créations ont fait l'objet ou sont en cause de dépôt à l'INPI" .

Que la même convention de son article I, prévoit "que le concepteur (NEURONES) cède les droits d'exploitation de ses créations à l'utilisateur, tout en gardant le droit d'en développer de nouvelles" sur les départements 13, 84 et 83.

Que les articles suivants prévoient la durée du contrat (3 ans) et un prix forfaitaire de 100.000 francs HT.

Considérant que, par courrier en date du 26 décembre 1994, la société IDC GESTION a été informée par la société FACTORIAL que certains produits cédés par la société NEURONES en vertu du contrat du 02 mars

1994 étaient sa propriété et qu'elle n'avait jamais passé d'accords avec la société NEURONES, l'autorisait à les céder à des tiers.

Considérant que la société NEURONES ne conteste pas les faits ci-dessus rapportés mais qu'elle se prévaut, en cause d'appel, d'un document intitulé "protocole d'accord" signé de la société FACTORIAL et d'elle-même, rappelant qu'après une saisie contrefaçon opérée dans les locaux de la société NEURONES, les parties ont décidé de se rapprocher et que, moyennant une contrepartie financière, les sociétés appartenant au groupe AREDIA (dont la société IDC GESTION) auraient le droit d'utiliser les supports litigieux ; qu'elle déduit de là que la société IDC GESTION n'a subi aucun préjudice dès lors que "l'erreur" commise par elle a été réparée ; qu'elle en veut pour preuve le fait que les autres sociétés appartenant au groupe AREDIA n'ont formulé aucune protestations et qu'elles ont pu, à leur plus grand avantage, utiliser le même support que celui cédé à la société IDC GESTION.

Mais considérant que cette argumentation ne saurait être suivie ; qu'en effet, le dol doit s'apprécier au moment ou la convention a été conclue.

Or considérant qu'il est acquis en l'espèce que, lors de la signature de la convention, la société NEURONES s'est prévalue faussement de la qualité de propriétaire et de concepteur de créations originales et a indiqué, toujours mensongèrement, que ces créations originales étaient en cours de dépôt ou déposé à l'INPI ; que de telles affirmations, émanant d'une société qui se présente elle-même comme une des plus importantes dans le domaine spécifiques des supports de cours, ne peuvent relever d'une simple erreur comme il est soutenu mais qu'elle constitue des manoeuvres destinées à mener l'autre partie à contracter, manoeuvre dont le caractère déterminant ne saurait être contesté dès lors qu'il est évident que la société IDC

GESTION ne se serait pas engagé si elle avait su que, quelques semaines plus tard, elle allait faire l'objet de menaces lourdes de sous-entendus émanant de la société FACTORIAL ; que ces allégations mensongères, qui touchent l'essence même du contrat rappelé à l'article I, ne sauraient être davantage qualifié d'accessoires et de nature à n'affecter que de "10 à 15 % de la valeur du contrat".

Que, de même, il importe peu que plusieurs mois après la conclusion du contrat, la société NEURONES ait trouvé un arrangement avec la société FACTORIAL et que les autres sociétés appartenant au groupe AREDIA se soient satisfait de cet arrangement ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit que le tribunal a prononcé la nullité du contrat pour dol, ordonné la restitution du prix soit 100.000 francs HT et la restitution du fichier prospect-client et condamné la société NEURONES à payer à la société IDC GESTION la somme de 100.000 francs à titre de dommages et intérêts dès lors que celle-ci n'a pu exploiter le contrat dans les conditions conventionnellement prévues et en retenir le juste bénéfice escompté.

* Sur les factures

Considérant que le tribunal a fait une juste appréciation du différent opposant les parties quant aux factures de fournitures ; que les parties n'apportent aucune critique utile de ce chef ; que le jugement déféré sera encore confirmé sur ce point.

* Sur les demandes complémentaires

Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la société IDC GESTION les frais qu'elle a été contrainte d'exposer devant la Cour ; que la société NEURONES sera condamnée à lui payer une indemnité complémentaire de 10.000 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, ladite indemnité s'ajoutant à celle déjà allouée au même titre à la société intimée en première instance et étant précisé que cette indemnité à vocation

compensatrice, n'est pas assujettie à la TVA.

Considérant enfin que la société NEURONES, qui succombe, supportera les entiers dépens exposés à ce jour. PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

- REOEOIT la société NEURONES SA en son appel principal et la société IDC GESTION SA en son appel incident,

- DIT ces appels mal fondés et les rejette,

- CONFIRME, en conséquence, en toutes ses dispositions le jugement déféré,

Y AJOUTANT,

- CONDAMNE la société NEURONES SA à payer à la société IDC GESTION SA une indemnité complémentaire de 10.000 francs, en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, ladite indemnité s'ajoutant à celle déjà allouée au même titre par le tribunal,

- CONDAMNE la société NEURONES SA aux entiers dépens de première instance et d'appel et autorise la SCP d'avoués LEFEVRE-TARDY à poursuivre directement le recouvrement de la part la concernant, comme il est dit à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. ARRET PRONONCE PAR MONSIEUR ASSIÉ, PRESIDENT ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET LE GREFFIER

LE PRESIDENT M.T. GENISSEL

F. X...


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1996-5542
Date de la décision : 17/12/1998

Analyses

CONTRATS ET OBLIGATIONS CONVENTIONNELLES - Consentement - Dol - Manoeuvres d'une partie

Le dol doit s'apprécier au moment où la convention a été conclue. Lorsqu'à la conclusion d'un contrat de coopération et de fourniture de produits informatiques, une société signataire s'est prévalue faussement de la qualité de propriétaire et de concepteur de créations originales et a indiqué, toujours mensongèrement, que ces créations originales étaient en cours de dépôt ou déposées à l'INPI, de telles affirmations, émanant d'une société qui se présente elle-même comme une des plus importantes dans le domaine spécifique des supports de cours, ne peuvent relever d'une simple erreur mais constituent des manoeuvres destinées à mener l'autre partie à contracter, manoeuvres dont le caractère déterminant ne saurait être contesté dès lors qu'il est évident que son cocontractant ne se serait pas engagé s'il avait su que, quelques semaines plus tard, il allait faire l'objet de menaces émanant du véritable concepteur des produits litigieux


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1998-12-17;1996.5542 ?
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