Le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES de la RESIDENCE DU PARC MONTAIGNE a été victime entre avril 198O et octobre 1982 de détournements de fonds, à la suite desquels Messieurs Bernard X..., Président-Directeur-Général de la S.A. IMMOBILIERE DU PARC MONTAIGNE, et Joseph Y... ont été condamnés, le 24 mars 1983 par la Cour de VERSAILLES, Chambre des Appels Correctionnels, à lui verser la somme de 1.935.68O francs.
Parallèlement, Monsieur Michel Z..., Commissaire aux Comptes du SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES, a été poursuivi au titre de sa responsabilité civile professionnelle et condamné à payer la somme de 1.535.68O francs, du fait du remboursement préalable de 4OO.OOO francs.
La MUTUELLE GENERALE FRANCAISE ACCIDENTS, devenue les MUTUELLES DU MANS, assureur de Monsieur Z..., a réglé le 29 juillet 1986 la somme de 1.566.589,69 francs au SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES qui lui en a donné quittance.
Par acte du 17 mars 1995, les MUTUELLES DU MANS ont fait assigner le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES en remboursement de la somme versée, soutenant qu'il avait été totalement indemnisé dès 1986 par la réalisation du patrimoine immobilier de Monsieur X... et divers remboursements effectués par Monsieur Y....
Par jugement du 15 mars 1996, le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES a déclaré l'action prescrite en application de l'article L 114-1 du Code des Assurances et a condamné les MUTUELLES DU MANS à une indemnité sur le fondement de l'article 7OO du Nouveau Code de Procédure Civile.
Les MUTUELLES DU MANS ont interjeté appel de cette décision. Les MUTUELLES DU MANS contestent que leur action, fondée non sur le contrat d'assurance, mais sur l'enrichissement sans cause du SYNDICAT
DES COPROPRIETAIRES, soit soumise à la prescription biennale de l'article L 114-1 du Code des Assurances.
Elles indiquent que le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES a perçu, en outre de l'indemnité qu'elles lui ont versée, une somme de 1.936.213,48 francs, soit un total de 3.5O2.8O2,74 francs, et s'est ainsi enrichi sans cause.
Elles relèvent un abus dans l'usage par le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES des décisions de justice intervenues en sa faveur et demandent la restitution du trop perçu, soit la totalité de la somme pour laquelle elle a reçu quittance, sur le fondement de l'article 1376 du Code Civil.
Elles rappellent que la responsabilité de leur assuré n'était que subsidiaire par rapport à celle de Messieurs X... et Y... et que le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES, dont le préjudice avait été indemnisé par ceux-ci, ne pouvait plus exercer d'action contre Monsieur Z....
Elles concluent au remboursement de la somme de 1.556.589,69 francs, augmentée des intérêts à compter du jour du paiement, ainsi que des dommages et intérêts pour résistance abusive et une indemnité sur le fondement de l'article 7OO du Nouveau Code de Procédure Civile.
Le SYNDICAT, devenu SYNDICAT COOPERATIF DE LA RESIDENCE DU PARC MONTAIGNE, rappelle que l'indemnité a été versée par la M.G.F. en exécution d'une condamnation prononcée contre son assuré et soutient qu'il s'agit ainsi bien d'une action dérivant du contrat d'assurance qui la liait à celui-ci, cette action étant prescrite pour avoir été engagée plus de deux ans après le paiement.
Il conteste que la prescription trentenaire soit applicable à l'action en répétition de l'indu, l'indemnité versée dérivant du contrat d'assurance et rappelle qu'une action de in rem verso, si tel était le fondement de la demande, ne peut être exercée pour suppléer
à une action prescrite.
Il conteste, à titre subsidiaire, avoir bénéficié d'un enrichissement sans cause et rappelle que Monsieur Z... a été condamné à réparer un dommage né de sa faute, qui existait au jour de la condamnation.
Il conteste, par ailleurs, que les conditions de la répétition de l'indu soient réunies.
Il fait valoir, à titre infiniment subsidiaire, que, eu égard aux intérêts courus et aux frais de procédure et de recouvrement, le règlement effectué par la M.G.F.A. ne couvrait pas en juillet 1986 la totalité de son préjudice.
Il conclut à la confirmation du jugement entrepris et, subsidiairement, au débouté des MUTUELLES DU MANS.
Il sollicite, en outre, une indemnité sur le fondement de l'article 7OO du Nouveau Code de Procédure Civile.
Les MUTUELLES DU MANS rappellent qu'elles ont bien réglé elles-même l'indemnité de 1.666.589,69 francs.
Elles font valoir que seuls l'assureur, l'assuré ou ceux qui sont subrogés dans leurs droits peuvent se prévaloir de la prescription abrégée de l'article L 114-1 du Code des Assurances.
Le SYNDICAT COOPERATIF conteste cette appréciation de la portée de l'article L 114-1.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 1O septembre 1998.
MOTIFS
- Sur la prescription
Attendu que l'article L 114-1 du Code des Assurances dispose que les actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance ;
Mais attendu en l'espèce que l'action des MUTUELLES DU MANS tend à la répétition d'un paiement dont le caractère indu ne résulterait pas d'une stipulation contractuelle, mais de l'exécution abusive de deux
décisions de justice indemnisant le même préjudice, et de l'application de l'article 1235 du Code Civil qui dispose que ce qui a été payé sans être du est sujet à répétition et des articles 1376 et suivants du même code ;
Attendu qu'une telle action, qui ne dérive pas du contrat d'assurance, au sens de l'article L 114-1 du Code des Assurances, n'est soumise qu'à la prescription trentenaire de droit commun ;
Attendu que l'acte introductif d'instance a été délivré moins de trente ans après le paiement qui a donné naissance à l'action ;
Que celle-ci n'est donc pas prescrite ;
- Sur la capacité à agir des MUTUELLES DU MANS
Attendu que celles-ci en justifient par la communication du procès-verbal de l'Assemblée Générale Extraordinaire de la M.G.F.A. au cours de laquelle a été adopté le changement de dénomination de la M.G.F.A. en LES MUTUELLES DU MANS ;
- Sur la répétition de l'indu
Attendu que la 8ème Chambre-Chambre des Appels Correctionnels de la Cour d'Appel de VERSAILLES a condamné, par un arrêt du 24 mars 1983, Joseph Y... et Bernard X... à verser solidairement au SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES, partie civile, la somme de 1.935.68O francs en deniers ou quittances ;
Attendu, par ailleurs, que la 1ère Chambre de la Cour, par un arrêt infirmatif du 14 mai 1986, a condamné Michel Z..., Commissaire aux Comptes du SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES, sur le fondement de la méconnaissance délibérée de ses obligations, à verser à celui-ci la somme de 1.535.68O francs à titre de dommages et intérêts, la différence tenant à un dédommagement déjà intervenu à hauteur de 4OO.OOO francs ;
Attendu que, nonobstant la dualité des procédures et le fondement différent des condamnations, Michel Z... étant tenu au titre d'une
faute personnelle, distincte des faits de détournement retenus par la juridiction pénale, l'objet des deux condamnations intervenues au profit du SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES était l'indemnisation, en totalité par chacune, d'un seul et même préjudice ;
Attendu que le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES ne pouvant prétendre à la double indemnisation de ce préjudice, il convient de se reporter, pour apprécier le caractère indu du règlement effectué par la M.G.F.A., à la date de celui-ci ;
Attendu que le bilan de l'année 1989 du SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES, seul document comptable communiqué par les MUTUELLES DU MANS, mentionne des remboursements en 1981 et 1982 à hauteur de 583.138,12 francs ;
Attendu qu'au 24 mars 1983, date du prononcé de l'arrêt de la 8 ème Chambre de la Cour et du point de départ des intérêts, restaient dus :
. 1.935.68O francs - 583.138,12 francs = 1.352.541,88 francs
Attendu que le 18 avril 1984 un appartement propriété de Monsieur X... a été vendu au prix de 45O.OOO francs ;
Qu'un autre appartenant à Madame X... a été vendu le 3 février 1986 au prix de 42O.OOO francs ;
Attendu que le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES n'a pas contesté l'attestation de Monsieur X..., régulièrement versée aux débats, dans laquelle celui-ci précisait que le prix de vente avait été remis au SYNDICAT ;
Attendu que celui-ci a été en outre déclaré adjudicataire le 13 juin 1985, comme créancier poursuivant, d'un troisième appartement pour le prix de 3OO.OOO francs ;
Attendu qu'au jour du règlement par la M.G.F.A. ne restaient donc dus en principal que :
. 1.352.541,88 francs - (45O.OOO francs+ 3OO.OOO francs + 42O.OOO
francs) = 182.541,88 francs
Attendu qu'en tenant compte des intérêts au taux légal de 14,5 % calculés comme suit et en affectant, conformément aux dispositions de l'article 1254 du Code civil, le produit des ventes ou adjudication par priorité au paiement des intérêts, le compte des sommes dues s'établit comme suit : - intérêts du 24 mars 1983 au 18 avril 1984 :
. 1.352.541,88 francs x 14,4 % x 39O/365 = 2O2.325,3O francs
- Reste du au 18 avril 1984 :
. 1.352.541,88 francs - (45O.OOO francs - 2O2.325,3O francs) =
1.1O4.867,1O francs - intérêts du 19 avril 1984 au 13 juin 1985 :
. 1.1O4.867,1O francs x 14,4 % x 42O/365 = 183.O74,9O francs
- Reste du au 13 juin 1985 :
. 1.1O4.867,1O francs - (3OO.OOO francs - 183.O74,9O francs) =
987.942 francs - intérêts du 14 juin 1985 au 3 février 1986 :
. 987.942 francs x 14,4 % x 229/365 = 89.255,8O francs
- Reste du au 3 février 1986 :
. 987.942 francs - (42O.OOO francs - 89.255,8O francs) = 657.197,8O francs
- intérêts du 4 février 1986 au 29 juillet 1986 :
. 657.197,8O francs x 14,4 % x 2O6/365 = 53.411,2O francs
- Reste du au 29 juillet 1986 :
. 657.197,8O francs + 53.411,2O francs = 71O.6O9 francs
Attendu qu'à la date du règlement par la M.G.F.A. de la somme de 1.566.589,69 francs ne restaient dus au SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES que 71O.6O9 francs, soit un trop perçu de 855.980,69 francs ;
Attendu que les MUTUELLES DU MANS font en outre état de remboursements effectués par Messieurs X... et Y... à hauteur respectivement de 38O.OOO francs et 6O.299,91 francs ;
Que ces sommes figurent au bilan du SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES, sans indication de date de paiement ;
Qu'il n'est ainsi pas démontré qu'elles aient été versées avant l'indemnité des MUTUELLES DU MANS ;
Qu'elles ne peuvent donc être prises en considération ;
Attendu que la somme de 855.98O,69 francs, payée par les MUTUELLES DU MANS alors qu'elle n'était, à la date du règlement, plus due, le créancier ayant été partiellement indemnisé de son préjudice unique par un autre de ses débiteurs, est, en application de l'article 1235 du Code Civil, sujette à répétition ;
Attendu que le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES, qui a reçu ce qui ne lui était pas du, est tenu à restitution, conformément aux dispositions de l'article 1376 du Code Civil ;
Attendu que la demande des MUTUELLES DU MANS est en conséquence bien fondée à hauteur de 855.98O,69 francs en principal ;
Attendu que les MUTUELLES DU MANS sollicitent en outre les intérêts à compter du 29 juillet 1986 ;
Attendu que l'article 1378 du Code Civil dispose que celui qui a reçu de mauvaise foi est tenu de restituer, outre le capital, les intérêts du jour du paiement ;
Attendu que le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES, qui ne pouvait ignorer que des règlements partiels importants étaient intervenus, ne saurait être considéré avoir accepté de bonne foi, et sans proposer d'établir un compte, un règlement intégral de sa créance initiale;
Qu'il y a lieu en conséquence de faire application des dispositions de l'article 1378 du Code Civil ;
- Sur les demandes complémentaires
Attendu que le caractère abusif de la procédure n'est pas démontré ; Attendu qu'il apparait inéquitable que les MUTUELLES DU MANS
supportent la charge des frais irrépétibles qu'elles ont du exposer ; PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Infirme le jugement entrepris,
Déclare l'action des MUTUELLES DU MANS non prescrite et recevable,
Condamne le SYNDICAT COOPERATIF DE LA RESIDENCE DU PARC MONTAIGNE à payer à la MUTUELLE DU MANS ASSURANCES IARD la somme de 855.98O,69 francs, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 29 juillet 1986,
Rejette la demande en dommages et intérêts,
Condamne le SYNDICAT COOPERATIF DE LA RESIDENCE DU PARC MONTAIGNE à payer à la MUTUELLE DU MANS la somme de 1O.OOO francs sur le fondement de l'article 7OO du Nouveau Code de Procédure Civile,
Le condamne aux dépens qui seront recouvrés en priorité au profit de la SCP KEIME GUTTIN, Avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Arrêt prononcé par Madame PRAGER-BOUYALA, Conseiller,
Assisté de Monsieur A..., Greffier Divisionnaire,
Et ont signé le présent arrêt,
Monsieur FALCONE, Président,
Monsieur A..., Greffier Divisionnaire.