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27/11/1998 | FRANCE | N°1996-7551

France | France, Cour d'appel de Versailles, 27 novembre 1998, 1996-7551


Suivant acte sous seing privé en date du 30 juin 1993, Monsieur LE X... a donné en location à Monsieur Jean-Jacques Y... et à Mademoiselle Josiane Y... sa soeur, une maison à usage d'habitation sise à EPONE, 48 route de Velannes, moyennant un loyer mensuel de 2.500 Francs. L'acte a été signé pour Monsieur LE X..., domicilié au CANADA, par Monsieur Z..., agent immobilier et mandataire du bailleur.

Par ordonnance en date du 10 mars 1995, le juge des référés du tribunal d'instance de MANTES LA JOLIE, saisi par les locataires, a désigné Monsieur LE A... en qualité d'expert

aux fins de décrire les locaux et les désordres les affectant, de dir...

Suivant acte sous seing privé en date du 30 juin 1993, Monsieur LE X... a donné en location à Monsieur Jean-Jacques Y... et à Mademoiselle Josiane Y... sa soeur, une maison à usage d'habitation sise à EPONE, 48 route de Velannes, moyennant un loyer mensuel de 2.500 Francs. L'acte a été signé pour Monsieur LE X..., domicilié au CANADA, par Monsieur Z..., agent immobilier et mandataire du bailleur.

Par ordonnance en date du 10 mars 1995, le juge des référés du tribunal d'instance de MANTES LA JOLIE, saisi par les locataires, a désigné Monsieur LE A... en qualité d'expert aux fins de décrire les locaux et les désordres les affectant, de dire s'ils sont conformes aux normes d'habitabilité du décret du 6 mars 1987 et de fixer le trouble de jouissance subi par les consorts Y..., ainsi que le montant du loyer eu égard à l'état de l'immeuble et enfin, de faire le compte entre les parties.

Par cette même ordonnance, le juge des référés, recevant Monsieur LE X... en sa demande reconventionnelle, a constaté que les consorts Y... étaient sans droit ni titre sur le logement depuis le 1er mars 1995, comme ayant donné congé pour le 28 février 1995, a ordonné leur expulsion tout en leur accordant un délai de 3 mois pour quitter les lieux et en fixant l'indemnité d'occupation à 1.800 Francs par mois.

L'expert judiciaire a déposé son rapport daté du 24 novembre 1995, aux termes duquel il a conclu que le local n'était pas conforme aux

normes de confort et d'habitabilité prévues par le décret du 6 mars 1987 ; que par conséquent, le loyer ne pouvait en être librement fixé conformément au paragraphe a) de l'article 17 de la loi du 6 juillet 1989 ; qu'il n'existait pas d'éléments de référence de loyers pour des locaux comparables et que le prix du loyer pouvait être fixé par rapport à une surface corrigée de 69 m en catégorie 2c, avec majoration de 10 % ; qu'enfin, le trop perçu au titre des loyers s'élevait à la somme de 30.569,69 Francs.

Le 21 mars 1996, les consorts Y..., qui n'occupaient plus les lieux à cette date, ont fait assigner respectivement Monsieur LE X... et Monsieur Z..., devant le tribunal d'instance de MANTES LA JOLIE, afin d'obtenir leur condamnation solidaire à leur payer la somme de 30.569,69 Francs représentant les sommes versées en trop par eux du 1er juillet 1993 au 18 mars 1995, celle de 30.000 Francs en réparation de leur trouble de jouissance et celle de 15.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, ainsi que la condamnation de Monsieur Z... à leur rembourser la somme de 2.400 Francs versée à titre d'honoraires.

Monsieur LE X... s'est opposé à ces demandes et reconventionnellement a sollicité 5.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Monsieur Z... a conclu au rejet des demandes et reconventionnellement a sollicité 10.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Par jugement en date du 19 juillet 1996, le tribunal d'instance de MANTES LA JOLIE a rendu la décision suivante :

- condamne Monsieur LE X... à payer aux époux Y... la somme de 18.000 Francs à titre de dommages-intérêts et celle de 5.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

- déboute les époux Y... de leurs autres demandes,

- met hors de cause Monsieur Z...,

- condamne les époux Y... à payer à Monsieur Z... la somme de 3.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

- déboute Monsieur LE X... de ses demandes reconventionnelles,

- ordonne l'exécution provisoire de la présente décision,

- condamne Monsieur LE X... aux dépens.

Le 5 août 1996, les consorts Y... ont interjeté appel.

Ils demandent à la Cour de :

- déclarer les consorts Y... recevables en leur appel,

- les y déclarer bien fondés,

- infirmer le jugement rendu le 19 juillet 1996 par le tribunal d'instance de MANTES LA JOLIE,

Statuant à nouveau,

- condamner solidairement Monsieur LE X... et Monsieur Z... à payer aux consorts Y... la somme de 30.569,69 Francs correspondant au trop perçu du 1er juillet 1993 au 18 mars 1995,

- les condamner solidairement à payer aux consorts Y... la somme de 30.000 Francs à titre de dommages-intérêts en réparation de leur prise de jouissance,

- condamner Monsieur Z... à restituer aux consorts Y... la somme de 30.000 Francs à titre de dommages-intérêts en réparation de leur prise de jouissance,

- condamner Monsieur Z... à restituer aux consorts Y... la somme de 2.400 Francs versée à titre d'honoraires,

- condamner solidairement Monsieur LE X... et Monsieur Z... au paiement de la somme de 15.000 Francs en vertu des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

- les condamner solidairement en tous les dépens de première instance et d'appel dont le recouvrement sera effectué pour ceux la concernant par la SCP JULLIEN LECHARNY ROL, avoué, conformément aux dispositions

de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

Monsieur LE X... forme appel incident et demande à la cour de :

- déclarer recevable mais mal fondé l'appel principal interjeté par les consorts Y...,

- déclarer recevable et fondé l'appel incident formé par Monsieur LE X...,

Y faisant droit,

Réformant la décision entreprise du chef des dommages-intérêts pour troubles de jouissance,

- constater l'absence de preuve des troubles de jouissance allégués, - décharger Monsieur LE X... de toute condamnation,,

- ordonner la restitution des sommes versées au titre de l'exécution provisoire,

- débouter les consorts Y... de toutes leurs demandes, fins et conclusions dirigées contre Monsieur LE X...,

- condamner les consorts Y... à porter et payer au concluant la somme de 10.000 Francs par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civileä

- condamner les consorts Y... en toutes les dépens,

- dire que ceux d'appel pourront être recouvrés directement par la SCP LISSARRAGUE DUPUIS ET ASSOCIES, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions, il demande en outre à la cour d'ordonner la restitution par les consorts Y... de la somme de 18.000 Francs versée par l'intermédiaire du compte CARPA, en exécution du jugement déféré.

Monsieur Z... demande à la cour de :

- recevoir Monsieur Z... en ses écritures et y faisant droit,

- confirmer la décision dont appel,

Y ajoutant,

- condamner in solidum les consorts Y... à 10.000 Francs à titre de dommages-intérêts outre autant sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

- débouter tout contestant aux présentes,

- condamner les consorts Y... aux entiers dépens, lesquels seront recouvrés par la SCP LAMBERT DEBRAY CHEMIN, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été signée le 15 octobre 1998 et l'affaire a été plaidée à l'audience du 29 octobre 1998.

SUR CE LA COUR

Considérant que c'est par de justes motifs, que la cour adopte, que le premier juge a retenu que le local litigieux, vacant à compter du 23 décembre 1986, se trouvait soumis aux dispositions de l'article 25 de cette loi, consacrant la "sortie" de la loi du 1er septembre 1948 pour les logements vacants, à l'exception de ceux classés en catégorie IV ; qu'en effet, dans sa rédaction issue de la loi du 6 juillet 1989, l'article 25, lu dans sa totalité, n'exige pour la non application de la loi de 1948 que la condition d'un local vacant, la non conformité aux normes minimales de confort et d'habitabilité, n'autorisant, par ailleurs, le preneur qu'à former une demande de mise en conformité dans le délai d'un an à compter de la date de prise d'effet du contrat, sans qu'il soit porté atteinte à la validité du contrat en cours ; que la loi du 21 juillet 1994 comporte une disposition interprétative en ce sens qui a vocation à s'appliquer aux contrats en cours ;

Considérant que c'est également à juste titre que le premier juge a relevé que les époux Y... ayant déjà donné congé lors de l'assignation et quitté les lieux, ne pouvaient plus alors, faute

d'intérêt à agir, demander la mise en conformité des lieux ; que dès lors, ils n'étaient plus recevables à demander la fixation d'un nouveau loyer, demande qui est accessoire à la demande de mise en conformité, ainsi qu'il ressort des alinéas 2, 3 et 4 de l'article 25 précité ; que les appelants ne sont donc pas fondés à demander la restitution du prétendu trop perçu au regard d'un loyer qui serait fixé par le juge en application de l'article 25 et surtout de la loi du 1er septembre 1948, (à laquelle s'est référé l'expert judiciaire pour déterminer le montant du prétendu trop perçu) ; que par conséquent, la cour confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté les appelants de leur demande en paiement de la somme de 30.569,69 F ;

Considérant que c'est encore pour de justes motifs que la cour adopte, que le premier juge a, au contraire, fait droit en partie à la demande des consorts Y... en réparation de leur préjudice de jouissance ; qu'en effet, il résulte des constatations de Monsieur LE A..., expert judiciaire, et du procès-verbal de constat du 22 février 1995, que le local litigieux présentait une humidité générale ; que les consorts Y... ont produit un courrier daté du 24 mars 1994,

adressé au bailleur, dans lequel ils lui font part de plusieurs devis de réfection du garage enterré, (dont l'effondrement du toit avait entraîné celui de la pelouse) et d'une fuite d'eau dans la salle de séjour; que de même, dans leur lettre de congé du 6 décembre 1994, les consorts Y... ont fait part au bailleur des importants problèmes d'humidité du logement, en précisant que l'agence Z... n'y avait pas porté remède en dépit des signalements faits par eux ; qu'en réalité, l'état des lieux constaté après le départ des locataires prouve que malgré les intentions du bailleur exprimés dans certains courriers versés aux débats, les travaux n'ont jamais été réalisés; que les consorts Y... ont ainsi démontré la carence du bailleur et son manquement à l'obligation de délivrer la chose en bon état de réparations de toutes espèces et à tout le moins à son obligation d'entretien de la chose louée ;

Considérant que l'humidité du local et les dégradations qui s'en sont suivies, ont nécessairement occasionné aux locataires un préjudice de jouissance, direct et certain, se caractérisant par l'inconfort du logement; que le premier juge a procédé à une juste évaluation de ce préjudice à la somme de 18.000 Francs ; que Monsieur LE X... sera

donc débouté de son appel incident en remboursement de cette somme versée en exécution du jugement déféré ;

Considérant qu'enfin, c'est toujours à juste titre que le premier juge a dit que la responsabilité du mandataire du bailleur à l'égard du preneur ne pouvait être recherchée que sur le fondement de la responsabilité délictuelle ou quasi délictuelle; que les appelants n'apportent pas la preuve que Monsieur Z... aurait commis une faute de cette nature à leur égard, en particulier en négligeant de les informer ou d'intervenir auprès du bailleur pour qu'il soit remédié aux désordres; que ces prétendus manquements ne pourraient être opposés que par le mandant de M. Z...; qu'en tout état de cause, ils ne sont pas établis et que les courriers échangés directement entre le bailleur et les preneurs, cités ci-dessus, prouvent que ces derniers ont informé Monsieur LE X... personnellement des problèmes rencontrés; que par conséquent, la cour confirme également le jugement déféré en ce qu'il a débouté les consorts Y... de leurs demandes à l'encontre de Monsieur Z... et mis celui-ci hors de cause ;

Considérant que Monsieur Z... ne rapporte pas la preuve du caractère abusif de l'appel des consorts Y... à son encontre, ni du préjudice particulier qui en serait résulté pour lui ; que la Cour le déboute de sa demande en paiement de dommages et intérêts ;

Considérant qu'eu égard à l'équité, il y a lieu d'allouer à Monsieur LE X... la somme de 5.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et à Monsieur Z... la somme de 5.000 Francs également sur le même fondement ;

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

- CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Et y ajoutant :

- DEBOUTE les consorts Y... des fins de toutes leurs demandes ;

- DEBOUTE Monsieur Z... de sa demande en paiement de dommages-intérêts ;

- DEBOUTE Monsieur LE X... de sa demande en restitution de la somme de 18.000 Francs versée par lui en exécution du jugement déféré ;

- CONDAMNE les consorts Y... à payer à Monsieur LE X... et Monsieur Z... la somme de 5.000 Francs pour chacun d'entre eux, sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile;

- LES CONDAMNE à tous les dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés directement contre eux par la SCP LISSARRAGUE DUPUIS ET ASSOCIES et la SCP LAMBERT DEBRAY CHEMIN, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET :

LE GREFFIER qui a assisté au prononcé

LE PRESIDENT

M-H. EDET

A. CHAIX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1996-7551
Date de la décision : 27/11/1998

Analyses

BAIL A LOYER (loi du 6 juillet 1989)

1) L'article 25 de la loi du 23 décembre 1986, dans sa rédaction issue de la loi du 6 juillet 1989, subordonne la non application de la loi du 1er septembre 1948 (à l'exception des locaux classés en catégorie IV) à la seule vacance des locaux au 23 septembre 1986, sans que la validité du contrat en cours puisse être affecté par la non conformité aux normes d'habitabilité, sauf le droit du locataire à former une demande de mise en conformité dans un délai d'un an à compter de la prise d'effet du contrat. Dès lors que la loi du 21 juillet 1994 comporte une disposition interprétative ayant vocation à s'appliquer aux contrats en cours, c'est par de justes motifs qu'un tribunal retient qu'un local vacant à la date du 23 décembre 1986, dont une expertise avait établi la non conformité aux normes d'habitabilité, n'était pas soumis à la loi du 1er septembre 1948. 2) Un locataire qui a donné congé n'est pas recevable, faute d'intérêt à agir, à demander la mise en conformité des locaux sur le fondement de l'article 25 de la loi précitée, pas plus qu'il ne l'est à demander la fixation d'un nouveau loyer, alors qu'il résulte des alinéas 2, 3 et 4 de cet article qu'une telle demande est nécessairement accessoire à la demande de mise en conformité


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1998-11-27;1996.7551 ?
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