La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/11/1998 | FRANCE | N°1997-5058

France | France, Cour d'appel de Versailles, 06 novembre 1998, 1997-5058


Monsieur Tahar X..., propriétaire d'un véhicule Ford, a souscrit auprès du GROUPE AZUR une police d'assurances dont les conditions particulières prévoyaient l'indemnisation du conducteur autorisé à concurrence de 800.000 francs.

Le 24 avril 1994, Kouider X..., fils de l'assuré, a été victime d'un grave accident alors qu'il conduisait le véhicule et que celui-ci était seul en cause.

Le GROUPE AZUR a refusé d'indemniser Monsieur Kouider X... en soutenant que celui-ci conduisait sous l'empire d'un état alcoolique. Par jugement du 30 avril 1997, le Tribunal de Grande

Instance de CHARTRES a condamné le GROUPE AZUR à payer à Monsieur X... la...

Monsieur Tahar X..., propriétaire d'un véhicule Ford, a souscrit auprès du GROUPE AZUR une police d'assurances dont les conditions particulières prévoyaient l'indemnisation du conducteur autorisé à concurrence de 800.000 francs.

Le 24 avril 1994, Kouider X..., fils de l'assuré, a été victime d'un grave accident alors qu'il conduisait le véhicule et que celui-ci était seul en cause.

Le GROUPE AZUR a refusé d'indemniser Monsieur Kouider X... en soutenant que celui-ci conduisait sous l'empire d'un état alcoolique. Par jugement du 30 avril 1997, le Tribunal de Grande Instance de CHARTRES a condamné le GROUPE AZUR à payer à Monsieur X... la somme de 800.000 francs et une indemnité de 8.000 francs par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

La Société AZUR ASSURANCES a interjeté appel de ce jugement.

Dans ses premières conclusions, elle demande à la Cour de dire que faute de réouverture des débats elle n'a pas été à même de faire valoir ses moyens de défense quant au moyen soulevé d'office par le Tribunal, de dire la Société AZUR bien fondée en son exclusion de garantie, de débouter Monsieur X... de ses demandes et de le condamner au paiement d'une indemnité de 10.000 francs par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Elle fait valoir que le Tribunal aurait dû rouvrir les débats pour inviter les parties à s'expliquer sur le non-respect de la procédure prévue à l'article R.297 du Code de la Route, que le contrat exclut la garantie de l'assureur lorsque le conducteur présentait un taux d'alcool pur dans le sang égal ou supérieur à 0,80 grammes pour mille ce qui était le cas de Monsieur X... qui présentait un taux d'alcoolémie de 2,02 grammes/l de sang et que cet état d'ivresse est à l'origine de l'accident.

Dans ses dernières conclusions, la Société AZUR ASSURANCES soutient que l'article 5.3 de la police d'assurances délimite le domaine de la garantie et que c'est à Monsieur X... de prouver qu'il ne conduisait pas sous l'empire d'un état alcoolique.

Monsieur X... demande à la Cour de : - dire que la preuve de l'état alcoolique de Monsieur X... n'est pas rapportée, - subsidiairement, dire que les droits de Monsieur X... n'ont pas été respectés si l'analyse sanguine a bien été effectuée puisqu'il n'a pas été conservé de deuxième échantillon de sang et que les résultats ne lui ont pas été notifiés, ni les moyens de recours possibles, - dire que les fiches B et C ne sont pas conformes et la fiche A inexistante, - principalement, condamner la Société AZUR à lui payer la somme de 4.854.000 francs sous diverses réserves à laquelle il faudra rajouter la facture des travaux d'aménagement (53.787 francs) et celle de la chaise garde robe (911,83 francs), - subsidiairement, confirmer le jugement entrepris, - condamner le GROUPE AZUR au paiement de la somme de 25.000 francs à titre de dommages-intérêts pour appel abusif et celle de 15.000 francs par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Il soutient que c'est au GROUPE AZUR de rapporter la preuve qu'il conduisait sous l'empire d'un état alcoolique car il s'agit d'une exclusion de garantie et que cette preuve n'est pas rapportée car les fiches dont le GROUPE AZUR fait état ne répondent pas aux exigences du Code de la Route et du Code des Débits de Boissons.

La CPAM des BOUCHES-DU-RHONE, assignée à personne habilitée, n'a pas constitué avoué.

MOTIFS DE L'ARRET

Attendu que l'arrêt sera réputé contradictoire ;

- SUR LA PROCEDURE DE PREMIERE INSTANCE

Attendu qu'en application des dispositions de l'article 16 du Nouveau

Code de Procédure Civile, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même, le principe de la contradiction ;

Qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ;

Attendu que le Tribunal a retenu qu'il n'était pas établi que le résultat de l'analyse ait été régulièrement notifié à Monsieur X..., ni que celui-ci ait été en mesure de solliciter un deuxième examen ainsi que l'article R 297 du Code de la Route le permet et que la procédure n'ayant pas été respectée un doute demeurait sur le taux d'alcoolémie présenté par Monsieur X... ;

Attendu que si dans ses conclusions de première instance Monsieur X... contestait le contenu des fiches annexées au procès-verbal de gendarmerie, il n'avait jamais soutenu que la procédure imposée par le Code des Débits de Boissons et le Code de la Route n'avait pas été respectée ;

Que le Tribunal, qui soulevait ainsi un moyen d'office, aurait dû inviter les parties à présenter leurs observations ;

Que ne l'ayant pas fait, il a violé le principe de la contradiction et son jugement doit être annulé ;

Attendu que la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, doit statuer au fond ;

- SUR LA NATURE DE LA CLAUSE INVOQUEE

Attendu que Monsieur Tahar X... a souscrit une police d'assurances qui dans ses conditions générales garantit l'indemnisation du conducteur autorisé ;

Qu'il n'est pas discuté que Monsieur Kouider X... était un conducteur autorisé et qu'aucun tiers responsable n'est impliqué dans l'accident ;

Attendu que l'article 5.3 des conditions générales énonce "ce qui n'est pas garanti" et précise : "outre les exclusions générales mentionnées à l'article 7 et la conduite en état d'ivresse (article 8) nous ne garantissons pas..." ;

Que l'article 8 est ainsi rédigé : "Lorsqu'au moment du sinistre le conducteur... du véhicule assuré est sous l'empire d'un état alcoolique tel que défini à l'article 2 1 du Code de la Route et sauf s'il est établi que le sinistre est sans relation avec cet état... les garanties autre que la garantie A "responsabilité civile" ne sont pas acquises à l'assuré..." ;

Attendu que le principe posé est que le conducteur autorisé est garanti sauf s'il conduisait sous l'empire d'un état alcoolique ;

Qu'il s'agit dès lors d'une exclusion de garantie et qu'il appartient à l'assureur de rapporter la preuve que le conducteur était sous l'empire d'un état alcoolique caractérisé par la présence dans le sang d'un taux d'alcool pur égal ou supérieur à 0,8 grammes pour mille ;

- SUR LE FOND

Attendu que la présence dans le sang d'un certain taux d'alcool est un fait juridique dont la preuve, en matière civile, peut être rapportée par tous moyens ;

Attendu que l'accident a eu lieu le 24 avril 1994 vers 6 h 50 hors agglomération ;

Que les gendarmes arrivés sur les lieux vers 7 h 15 ont dressé un procès-verbal dans lequel ils ont noté que Monsieur X..., conducteur, était gravement blessé, que le dépistage était impossible et qu'une vérification du taux d'alcoolémie par prise de sang serait faite ;

Attendu que Monsieur Kouider X... a été transporté à l'hôpital de SALON DE PROVENCE où il a été constaté un traumatisme crânien et une

fracture luxation de la 5ème vertèbre cervicale avec paralysie des membres supérieurs et inférieurs ;

Que son état explique la raison pour laquelle une fiche d'examen du comportement, dite fiche A, n'ait pu être établie par l'officier ou l'agent de police judiciaire ;

Attendu qu'à son arrivée à l'hôpital, Monsieur X... a été examiné par un médecin qui a effectué un prélèvement sanguin à 8 h 45 ;

Que si ce médecin n'a pas mentionné son nom sur la fiche B, il a signé ce document et en a renseigné les rubriques ;

Qu'il a notamment coché la case n° 21 correspondant à une "haleine caractéristique", la case n° 31 "ingestion de boissons alcoolisées :

oui" et la case n° 87 selon laquelle le prélèvement a été fait à l'hôpital ;

Attendu que le flacon n° 14256 a été transmis le 28 avril 1994 par la brigade de gendarmerie de LANCON au Docteur Y... qui a reçu l'échantillon à 10 heures, qui a constaté que le scellé était intact et qui a procédé à l'analyse dont il est résulté que le sang avait une teneur en alcool de 2,02 grammes pour mille ;

Attendu que le fait que ce résultat n'ait peut-être pas notifié à Monsieur X... qui gravement blessé et seul impliqué dans l'accident, n'a pas fait l'objet de poursuites pénales, n'ôte pas toute valeur probante à cette analyse qui est confortée par les constatations du médecin de l'hôpital de SALON qui a constaté que l'haleine de Monsieur X... n'était pas normale mais caractéristique et qui a noté que celui-ci avait ingéré des boissons alcoolisées ;

Qu'il convient de rappeler que l'accident a eu lieu au petit matin alors que Monsieur X... rentrait chez lui ce qui n'est pas incompatible, au contraire, avec l'ingestion de boissons alcoolisées pendant la nuit ;

Qu'enfin, l'appartenance à la confession musulmane ne peut, à elle seule, laisser penser que Monsieur X... n'a pas consommé d'alcool ;

Attendu que le GROUPE AZUR rapporte ainsi la preuve que Monsieur X... conduisait sous l'empire d'un état alcoolique caractérisé par un taux d'alcool pur dans le sang supérieur à 0,8 grammes pour mille ;

Qu'il n'est pas contesté que cet état est en relation directe avec l'accident qui s'est produit de jour, sur une route droite, avec une bonne visibilité, Monsieur X... ayant perdu le contrôle de son véhicule qui est venu heurter une souche sur le bord droit de la chaussée ;

Attendu que l'exclusion de garantie prévue par l'article 8 des conditions générales de la police d'assurances doit recevoir application ;

Que le GROUPE AZUR est bien fondé à s'opposer à l'indemnisation de Monsieur X... ;

Que celui-ci sera débouté de sa demande ;

Attendu qu'aucune considération d'équité ne justifie l'application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,

Annule le jugement rendu le 30 avril 1997 par le Tribunal de Grande Instance de CHARTRES,

Statuant sur le fond par l'effet dévolutif de l'appel,

Dit le GROUPE AZUR bien fondé à opposer à Monsieur X... l'exclusion de garantie pour conduite sous l'empire d'un état alcoolique,

Déboute Monsieur X... de ses demandes,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

Condamne Monsieur X... aux dépens de première instance et d'appel, Dit que ceux-ci seront recouvrés par la SCP MERLE DORON CARENA, Avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Arrêt prononcé par Monsieur FALCONE, Président,

Assisté de Monsieur Z..., Greffier Divisionnaire,

Et ont signé le présent arrêt,

Monsieur FALCONE, Président,

Monsieur Z..., Greffier Divisionnaire.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1997-5058
Date de la décision : 06/11/1998

Analyses

PROCEDURE CIVILE - Droits de la défense - Moyen - Moyen soulevé d'office - Observations préalables des parties - Nécessité - /.

En application des dispositions de l'article 16 du nouveau Code de procédure civile, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même, le principe de la contradiction. Notamment, il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir, au préalable, invité les parties à présenter leurs observations, Le tribunal qui retient que la procédure de prélèvement sanguin, prévue par l'article R. 297 du Code de la route, n'a pas été respectée, sans qu'aucune des parties n'ait, dans ses conclusions, soutenu cette irrégularité, soulève un moyen d'office, et, à défaut d'avoir invité les parties à présenter leurs observations, a violé le principe de la contradiction

ASSURANCE (règles générales) - Garantie - Exclusion - Dispositions de la police.

L'assureur d'un véhicule, dont le conducteur a été victime d'un accident, est fondé à refuser son indemnisation en application de la clause contractuelle excluant la garantie en cas de conduite sous l'empire d'un état alcoolique, dès lors que les analyses pratiquées sur le conducteur après son admission à l'hôpital ont révélées une alcoolémie élevée, peu important que le résultat de ces analyses n'ait pu être notifié à l'intéressé


Références :

N1 nouveau Code de procédure civile, article 16

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1998-11-06;1997.5058 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award