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06/11/1998 | FRANCE | N°1996-7264

France | France, Cour d'appel de Versailles, 06 novembre 1998, 1996-7264


Suivant acte sous seing privé en date du 10 mars 1986, Madame X... veuve Y... a donné en location à Mademoiselle Z... un appartement situé 60/64 rue du Général Leclerc à BOULOGNE BILLANCOURT.

Le 16 juin 1995, Madame X... veuve Y... a fait assigner Mademoiselle Z... devant le tribunal d'instance de BOULOGNE BILLANCOURT, pour obtenir la validation du congé qu'elle lui a fait délivrer le 7 septembre 1994 pour le 10 mars 1995, son expulsion et sa condamnation à lui payer la somme de 22.048,53 Francs en principal au titre de l'arriéré locatif, une indemnité d'occupation égale

au double du loyer contractuel et la somme de 6.000 Francs sur le f...

Suivant acte sous seing privé en date du 10 mars 1986, Madame X... veuve Y... a donné en location à Mademoiselle Z... un appartement situé 60/64 rue du Général Leclerc à BOULOGNE BILLANCOURT.

Le 16 juin 1995, Madame X... veuve Y... a fait assigner Mademoiselle Z... devant le tribunal d'instance de BOULOGNE BILLANCOURT, pour obtenir la validation du congé qu'elle lui a fait délivrer le 7 septembre 1994 pour le 10 mars 1995, son expulsion et sa condamnation à lui payer la somme de 22.048,53 Francs en principal au titre de l'arriéré locatif, une indemnité d'occupation égale au double du loyer contractuel et la somme de 6.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Mademoiselle Z... s'est opposée à ces demandes, en répliquant que Madame Y... s'était désistée de sa demande en paiement du prétendu arriéré locatif, lors d'une procédure précédente ayant abouti à une décision rendue par le même tribunal d'instance le 5 octobre 1994 ; que par ailleurs, Madame Y... n'avait pas l'intention d'habiter le logement objet de la reprise ainsi qu'il était indiqué dans le congé, étant propriétaire d'un pavillon à ISSY LES MOULINEAUX.

Subsidiairement, elle a sollicité les plus larges délais pour quitter les lieux.

Par jugement en date du 3 juillet 1996, le tribunal d'instance de BOULOGNE BILLANCOURT a rendu la décision suivante :

- valide le congé délivré par Madame A... veuve Y.... à Mademoiselle B... Z... pour le 10 mars 1995,

- déboute Mademoiselle B... Z... de sa demande en délai pour quitter les lieux,

- ordonne, à défaut de départ volontaire dans un délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision, l'expulsion de Mademoiselle B... Z... et de tous occupants de son chef avec, si besoin est, l'assistance de la force publique,

- autorise la séquestration des biens mobiliers laissés dans les lieux dans un garde-meuble au choix du bailleur et aux frais des défendeurs,

- condamne Mademoiselle B... Z... au paiement d'une indemnité d'occupation mensuelle égale au montant de l'ancien loyer contractuel majoré de 10 % et augmenté des charges et taxes et si besoin réévalué selon l'indice contractuel,

- condamne Mademoiselle B... Z... au paiement de la somme de 14.385,46 Francs, montant de l'arriéré locatif au 29 février 1996 en deniers ou quittances pour les mois de décembre 1995, janvier et février 1996,

- condamne Mademoiselle B... Z... au paiement de la somme de 2.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

- ordonne l'exécution provisoire de la décision,

- condamne Mademoiselle B... Z... aux dépens.

Le 24 juillet 1996, Mademoiselle Z... B... a interjeté appel.

Concernant les loyers arriérés, elle soutient qu'elle les a

entièrement réglés ; qu'elle a même reçu de la Société VALORIM qui gère l'appartement litigieux, un courrier lui précisant que son compte locatif présente un solde débiteur de 3.362,41 Francs arrêté au 30 septembre 1998 ; qu'en revanche, elle a effectué un versement de 2.000 Francs le 12 novembre 1996, alors que cette somme n'était pas due.

Concernant le congé du 7 décembre 1994, elle souligne qu'il convient de s'interroger sur les intentions réelles de Madame Y... quant à l'habitation par elle-même du petit appartement de deux pièces, objet de la reprise, alors qu'elle est très bien logée dans son pavillon d'ISSY LES MOULINEAUX ; que le bailleur ne peut exercer une reprise pour une résidence secondaire.

Elle demande à la Cour de :

- infirmer la décision entreprise en tous ses points,

- recevoir Madame Z... en son appel et l'y déclarer bien fondée,

- débouter Madame Y... de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

- dire et juger nul et de nul effet le congé délivré par Madame Y... pour le 10 mars 1995,

- condamner Madame Y... au paiement de la somme de 5.000 Francs à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ainsi qu'à une somme du même montant sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP MERLE CARENA DORON, avoués aux offres de droit,

Subsidiairement, et pour le cas où, par impossible, la Cour entendait valider le congé délivré par Madame Y... pour le 10 mars 1995,

- dire et juger que l'indemnité d'occupation mensuelle sera égale au montant du loyer initial,

- accorder à Madame Z... les plus larges délais pour pouvoir se reloger.

Et dans ses conclusions postérieures, y ajoutant de :

- condamner Madame Y... au paiement de la somme de 3.362,81 Francs,

ainsi qu'à celle de 2.000 Francs, indûment réglée entre les mains de Maître LOUVION, huissier de justice, avec intérêts de retard à compter de la décision à intervenir,

Concernant le compte locatif, Madame X... veuve Y... répond que si le compte de Madame Z... présente effectivement un solde créditeur de 3.362,81 Francs, il résulte du courrier de la Société VALORIM communiqué par l'appelante, que cette somme doit venir en déduction de l'indemnité d'occupation due pour le mois d'octobre 1998, qui sera échue à la date de l'arrêt à intervenir; que la somme de 2.000 Francs correspond à la somme allouée en première instance sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Concernant la validité du congé, elle fait valoir que Mademoiselle Z... ne démontre pas son caractère frauduleux ; que la reprise pour elle-même correspond à sa volonté, étant veuve et âgée, de vivre à proximité de l'ensemble des services en étant plus proche de PARIS.

Elle demande à la Cour de :

- dire mal fondée Madame Z... en son appel,

- débouter Madame Z... de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions,

- confirmer le jugement rendu le 3 juillet 1996 par le tribunal d'instance de BOULOGNE BILLANCOURT,

- condamner Madame Z... à payer à Madame Y... la somme de 7.279,40 Francs sauf à parfaire,

- condamner Madame Z... au paiement d'une indemnité d'occupation égale à deux fois le montant du loyer ceci à compter du 10 mars 1995,

- condamner Madame Z... à payer à Madame Y... la somme de 10.000 Francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

- condamner Madame Z... aux entiers dépens dont distraction est requise au profit de la SCP GAS conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Puis, dans ses dernières conclusions, de constater que la créance de 3.362,81 Francs de Mademoiselle Z... est éteinte par compensation avec l'indemnité d'occupation du mois d'octobre 1998,

L'ordonnance de clôture a été signée le 1er octobre 1998 et l'affaire a été plaidée à l'audience du 6 octobre 1998.

SUR CE, LA COUR,

1) En ce qui concerne le compte locatif,

Considérant que Madame Z... verse aux débats les tableaux "situation locataire" où figurent tous les règlements effectués par elle et

"arriérés locataire" reprenant les avis d'échéance et règlements, tous deux établis le 18 septembre 1998 par la Société VALORIM, qui gère l'appartement en tant que mandataire de Madame Y... ; qu'il en résulte que le compte de Madame Z... présentait un solde créditeur en sa faveur de 3.362,81 Francs à cette date ; qu'il est précisé que ce solde figurera sur le prochain avis de loyer d'octobre 1998 ; qu'il n'y a donc pas lieu d'en ordonner le paiement par Madame Y... ;

Considérant qu'effectivement la somme de 2.000 Francs versée par l'appelante en novembre 1996, correspond à la somme allouée à Madame Y... au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et n'était donc pas indue ; qu'il n' y aura lieu d'en ordonner le remboursement que dans l'hypothèse d'infirmation du jugement déféré de ce chef ;

Considérant qu'en revanche, la dette locative étant éteinte, ce que ne conteste pas l'intimée, la cour infirme le jugement déféré sur ce point ;

2) En ce qui concerne le congé du 7 septembre 1994,

Considérant qu'il est de droit constant que la validité du congé aux fins de reprise pour habiter n'est en principe subordonnée à aucun contrôle préalable du juge ; que le bailleur n'a pas à justifier du bien fondé de sa reprise, mais seulement de sa réalité, ce qui ne permet qu'un contrôle a posteriori, sauf si la fraude peut être établie dès la délivrance du congé ;

Considérant que, le fait pour le bailleur de disposer d'autres possibilités de logement, y compris à proximité de celui objet de la reprise et même semblant correspondre davantage à ses besoins, ne suffit pas à caractériser la fausseté du motif allégué et encore moins la fraude aux droits du locataire, laquelle ne pourrait être

démontrée que dans l'hypothèse d'une inoccupation des lieux par le bénéficiaire de la reprise sans qu'elle soit par ailleurs justifiée ; Considérant qu'en l'espèce, l'appelante "s'interroge" (sic) seulement sur les intentions réelles de Madame veuve Y... et ne fait que suggérer que l'appartement de BOULOGNE BILLANCOURT pourrait lui servir de résidence secondaire ; qu'elle ne démontre nullement l'intention frauduleuse de la bailleresse à cet égard ; qu'au contraire, il peut être observé que l'appartement de BOULOGNE BILLANCOURT est mieux desservi au point de vue des transports que la maison d'ISSY LES MOULINEAUX, ce qui permet un accès plus facile à Paris ; qu'il présente également moins de contraintes quant à son entretien pour une personne seule ;

Considérant que la fraude du bailleur n'étant pas établie, c'est à juste titre que le premier juge a validé le congé du 7 septembre 1994, dont par ailleurs, la régularité en la forme n'est pas contestée ;

Considérant que le congé a été délivré pour le 10 mars 1995 ; que Madame Z..., d'ores et déjà, bénéficié d'un délai de plus de trois ans et demi ; qu'elle n'apporte pas la preuve que son relogement ne pourra avoir lieu dans des conditions normales ; que la Cour la

déboute donc de sa demande de délais pour quitter les

lieux, sur le fondement de l'article L.613-1 du Code de la construction et de l'habitation ;

Considérant que par conséquent, la Cour confirme le jugement déféré en ce qu'il a ordonné l'expulsion de Mademoiselle Z..., a autorisé la séquestration de ses meubles ;

Considérant que, dans l'hypothèse de résistance du locataire à une décision d'expulsion, le contrat de location prévoit le versement d'une indemnité conventionnelle d'occupation égale à deux fois le loyer quotidien, jusqu'à complet déménagement et remise des clefs; qu'il s'agit d'une clause pénale manifestement excessive, laquelle, par conséquent, peut être modérée ; que, compte tenu de la nature à la fois compensatoire et indemnitaire de l'indemnité d'occupation, il convient de la fixer au loyer contractuel majoré de 20 % et si besoin est, réévalué selon l'indice contractuel ;

3) Sur l'application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

Considérant que la Cour confirme le jugement déféré également sur l'application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; qu'il n'y a donc pas lieu à restitution de la somme de 2.000 Francs versée à ce titre par Madame Z... ;

Considérant qu'eu égard à l'équité, il y a lieu d'allouer à Madame X... veuve Y... la somme de 6.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

CONFIRME le jugement déféré en ses dispositions non contraires à celles du présent arrêt et notamment en ce qu'il a validé le congé délivré par Madame Y... à Madame Z..., a ordonné l'expulsion de celle-ci ainsi que la séquestration des meubles ;

ET Y AJOUTANT ET REFORMANT :

CONDAMNE Madame Z... à verser à Madame veuve Y... une indemnité d'occupation mensuelle égale au loyer contractuel majoré de 20 % et,

si besoin est, réévalué selon l'indice contractuel ;

CONSTATE que la dette locative de Madame Z... était éteinte à la date du 1er octobre 1998 ;

DEBOUTE Madame Z... des fins de toutes ses demandes ;

CONDAMNE Madame Z... à payer à Madame X... veuve Y... la somme de 6.000 Francs (SIX MILLE FRANCS) sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

LA CONDAMNE à tous les dépens de première instance et d'appel qui

seront recouvrés directement contre elle par la SCP GAS, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Et ont signé le présent arrêt :

Le Greffier,

Le Président,

Marie Hélène EDET

Alban CHAIX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1996-7264
Date de la décision : 06/11/1998

Analyses

BAIL A LOYER (loi du 6 juillet 1989)

Il est de principe que la validité du congé aux fins de reprise pour habiter n'est subordonnée à aucun contrôle préalable du juge, sauf si la fraude peut être établie dès la délivrance du congé ; le bailleur n'a donc pas à justifier du bien fondé de sa reprise, mais seulement de sa réalité. La circonstance qu'un bailleur exerçant son droit de reprise pour habiter dispose d'autres possibilités de logement, y compris à proximité de celui pour lequel il exerce ce droit, est insuffisante à caractériser la fausseté du motif allégué et, encore moins, une fraude aux droits du locataire, laquelle implique d'établir l'inoccupation des lieux par le bénéficiaire de la reprise, en l'absence de toute justification. En l'espèce, un locataire qui se borne à "s'interroger" sur la réalité des intentions de son bailleur, sans démontrer aucune intention frauduleuse de sa part, n'est pas fondé en sa demande d'annulation du congé pour fraude


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1998-11-06;1996.7264 ?
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