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06/11/1998 | FRANCE | N°1996-7179

France | France, Cour d'appel de Versailles, 06 novembre 1998, 1996-7179


Par acte sous seing privé du 25 juillet 1993, la SARL M.B.I a donné à bail à Madame X... un studio sis à BEAUMONT, xxx, moyennant un loyer mensuel de 2.847 Francs outre le Droit au bail (73 Francs) et une provision pour charge de 100 Francs par mois.

Par acte sous seing privé du 1er août 1993, Mademoiselle Y... s'est portée caution solidaire de Madame X... pour la durée du bail renouvelable trois fois pour le paiement des loyers et accessoires.

Le 13 décembre 1994, le tribunal d'instance de PONTOISE ordonnait l'expulsion de Madame X... et constatait l'acquisition de l

a clause résolutoire, insérée au bail, à compter du 20 février 1994, ...

Par acte sous seing privé du 25 juillet 1993, la SARL M.B.I a donné à bail à Madame X... un studio sis à BEAUMONT, xxx, moyennant un loyer mensuel de 2.847 Francs outre le Droit au bail (73 Francs) et une provision pour charge de 100 Francs par mois.

Par acte sous seing privé du 1er août 1993, Mademoiselle Y... s'est portée caution solidaire de Madame X... pour la durée du bail renouvelable trois fois pour le paiement des loyers et accessoires.

Le 13 décembre 1994, le tribunal d'instance de PONTOISE ordonnait l'expulsion de Madame X... et constatait l'acquisition de la clause résolutoire, insérée au bail, à compter du 20 février 1994, ceci en raison de la défaillance de la locataire.

Par ordonnance du 2 juin 1995, à la requête de la SARL M.B.I le tribunal d'instance de MONTMORENCY enjoignait à Mademoiselle X... de payer la somme de 27.736,74 Francs outre les intérêts au taux légal ; le 7 septembre 1995 cette ordonnance lui était signifiée à mairie et le 9 novembre 1995 elle y faisait opposition.

La Société M.B.I a demandé la condamnation de Madame Z..., ès-qualités de caution, à lui payer la somme de 80.998,26 Francs arrêtée à la date du 31 octobre 1995.

Mademoiselle X... a fait valoir, qu'en tant que caution, elle n'était pas tenue au paiement des indemnités d'occupation et accessoires dues après la date de résolution du bail ; que la demande de paiement d'une pénalité de 6.346,51 Francs était infondée ; qu'elle n'était pas tenue au paiement des intérêts et pénalités de retard n'ayant pas été informée de la défaillance de la locataire pour les années 93, 94, 95 ; qu'elle s'opposait au paiement de la somme de 5.693,25 Francs et autres accessoires correspondant à des travaux.

Par jugement contradictoire du 7 mars 1996, ledit tribunal a :

- condamné Mademoiselle X... A... à payer à la SARL M.B.I :

* la somme de 15.046,46 Francs outre les intérêts au taux légal à compter de la signification de l'ordonnance d'injonction de payer,

- rejeté toutes autres demandes plus amples ou contraires,

- condamné Mademoiselle X... aux dépens qui comprendront le coût de signification de l'ordonnance d'injonction de payer.

Le 22 juillet 1996, la Société M.B.I a interjeté appel de cette décision. Elle fait valoir au soutien de son appel sur l'étendue du cautionnement, d'une part que la caution est tenue des loyers mais aussi des indemnités d'occupation dues après la résiliation du bail en cas de non restitution des lieux ; d'autre part, suivant l'article 2016 du Code civil et l'acte manuscrit lui-même que Madame X... est tenue aux indemnités d'occupation de toutes natures ; enfin, que la caution est tenue des frais de remise en état pour dégradation de la part du locataire ;

En conséquence, elle demande à la Cour de :

- la recevoir en son appel et en ses écritures et, y faisant droit,

- infirmer la décision dont appel en ce qu'elle a minimisé le quantum de la condamnation de Madame X... et porter celui-ci à 89.891,54 Francs avec intérêts légaux capitalisés dans le cadre de l'article 1154 du Code civil à compter du 2 juin 1995, outre condamnation de Madame X... à 5.000 Francs à titre de dommages-intérêts et 6.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

- débouter Madame X... de toutes ses demandes, fins et conclusions s'opposant aux présentes,

- condamner Madame X... aux entiers dépens, lesquels seront recouvrés par la SCP LAMBERT DEBRAY CHEMIN, avoués associés, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de

Procédure Civile.

Madame X... fait valoir quant à elle que :

- suivant l'article 1740 du Code civil, la caution donné par le bail ne s'étend pas aux obligations résultant de sa prolongation, en l'espèce, elle ne saurait donc être tenue des indemnités d'occupation dues à compter du 20 février 1994 ;

- la Société M.B.I n'apporte pas la preuve que les dégradations alléguées ont été commises par Madame X... pendant la durée du bail ; le devis versé au débat correspondant, selon elle, à une remise à neuf du studio et non à une remise en état ce dont le locataire ne saurait être tenu.

En conséquence, elle prie la Cour de :

- déclarer la Société M.B.I mal fondée en son appel,

- l'en débouter,

- confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions,

- débouter la Société M.B.I de ses plus amples demandes, fins et

conclusions,

- condamner la Société M.B.I à lui payer la somme de 5.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

- la condamner aux entiers dépens, qui seront recouvrés par la SCP KEIME ET GUTTIN, titulaire d'un office d'avoué près la Cour d'appel de VERSAILLES, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

En réplique, la SARL M.B.I soutient que l'article 1740 du Code civil ne concerne que les cas prévus aux articles 1737 et 1739 du même code non applicables à l'espèce, d'autant plus, que l'article 1740 du Code civil a été jugé non applicable au cas de résiliation judiciaire.

En conséquence, elle demande à la Cour de :

- déclarer l'article 1740 du Code civil inapplicable à l'espèce,

- adjuger à la concluante le bénéfice de ses précédentes écritures.

L'ordonnance de clôture a été singée le 18 juin 1998 et l'affaire plaidée pour l'appelant à l'audience du 6 octobre 1998, l'intimé ayant fait déposer son dossier.

SUR CE, LA COUR,

I/ Considérant que l'article 1740 du Code civil édicte que "la caution donnée pour le bail ne s'étend pas aux obligations résultant de la prolongation", qu'il est vrai cependant qu'une caution peut, librement et en toute connaissance de cause, accepter de cautionner toutes les conséquences pour le locataire de son occupation des loyers, pendant la durée du bail et même après sa résiliation si

celui-ci se maintient indûment dans les lieux ; que tel n'est pas le cas dans la présente espèce où il est constant que Mademoiselle A... Z... qui a entièrement rédigé de sa main et signé la mention de son cautionnement solidaire, a contracté les obligations suivantes :

"Bon pour caution solidaire dans les termes ci-dessus, sans bénéfice de division ni de discussion, pour le paiement du loyer mensuel (3.020 Francs (TROIS MILLE VINGT FRANCS) , plus tous charges, intérêts, dommages-intérêts, indemnités, astreintes, frais et dépens et pour la bonne exécution des diverses clauses du bail. J'ai parfaitement connaissance de la nature et de l'étendue de l'obligation contractée et j'ai reçu un exemplaire du bail en annexe ;

"Cet engagement vaut pour la durée du bail, renouvelable trois fois de suite" ;

Considérant que cet engagement de caution stipule donc expressément, en dernier, que ces obligations de la caution ne valent que "pour la durée du bail" ; que cette formule précise et dépourvue de toute ambigu'té exclut implicitement mais nécessairement les indemnités d'occupation qui, elles, ne correspondent plus à "la durée du bail", mais, tout au contraire, représentent la réparation d'une occupation indue des lieux par l'ancien locataire, après l'expiration et la résiliation de son bail ;

Considérant que, dans le présent litige, il est constant que ce bail a pris fin par voie d'une résiliation judiciaire et d'une expulsion ; que les indemnités d'occupation réclamées par la bailleresse la SARL M.B.I sont étrangères à "la durée du bail" et ne peuvent donc être réclamées à la caution solidaire ; que le jugement déféré est donc confirmé de ce chef et que l'appelante est déboutée de sa demande sur ce point ;

II/ Considérant, par contre, que le défaut d'entretien des lieux par la locataire et l'inobservation par elle de son obligation de prendre à sa charge l'entretien courant du logement, les menues réparations, ainsi que l'ensemble des réparations locatives définies par le décret n° 87-712 du 26 août 1987 (article 7-d) de la loi du 6 juillet 1989), donnent lieu à des réparations qui sont des dommages et intérêts et des indemnités, et qui doivent donc, dans le présent cas, être cautionnées par Mademoiselle A... Z... qui s'est engagée à garantir "tous les intérêts, dommages-intérêts et indemnités ;

Considérant, quant à la réalité et à l'importance de ces réparations dues par la locataire (avec la garantie de sa caution solidaire), que Mademoiselle Z... ne discute et ne conteste pas expressément la teneur du procès-verbal de constat d'huissier (valant procès-verbal d'expulsion et de reprise des lieux), établi le 19 octobre 1995, qui a noté :

"L'appartement est dans un état lamentable, tout est sale et dégradé" ;

Considérant qu'il est donc ainsi parfaitement démontré que la locataire n'a manifestement pas respecté son obligation d'entretien (article 7-d) de la loi du 6 juillet 1989), et que, plus encore, elle est responsable des dégradations constatées qui sont bien survenues pendant la durée du bail dans ces locaux dont elle avait la jouissance exclusive, alors surtout que la caution ne prétend même pas que ces dégradations certaines (article 7-C) de la loi du 6 juillet 1989) auraient eu lieu par cas de force majeure, ou par la faute du bailleur, ou par le fait d'un tiers ;

Considérant que le devis établi le 17 novembre 1993 par la Société

BATICONFORT, pour un montant total de 5.693,25 Francs TTC correspond bien à des travaux justifiés de réparations de ces dégradations et à des réparations locatives ; que la Cour retient donc ce chiffre proposé, qui est fondé et justifié, et que, réformant, elle condamne la caution Mademoiselle A... Z... à payer cette somme (TTC) à la SARL M.B.I ;

III/ Considérant que le premier juge a exactement retenu l'exact décompte des loyers et des charges locatives restant dus par la locataire qui se chiffre à 15.046,46 Francs et qui n'est pas discuté, ni contesté par la caution ; que le jugement est donc confirmé de ce chef ;

IV/ Considérant que l'acte de cautionnement qui a été ci-dessus analysé, s'applique "à ... tous dommages-intérêts, indemnités..." et qu'il est patent que cette formule, à la fois large et précise, englobe nécessairement les clauses pénales stipulées dans le contrat de bail ; que cette indemnité contractuelle est d'un montant, non discuté, ni critiqué, de 6.346,51 Francs qui est donc mis à la charge de la caution ; que le jugement déféré est réformé de ce chef ;

Considérant que les sommes ci-dessus mises à la charge de Mademoiselle Z... porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la signification de l'ordonnance d'injonction de payer, à concurrence de 27.736,74 Francs ;

V/ Considérant que, certes, plusieurs des moyens de défense opposés par la caution ne sont pas retenus par la Cour, mais qu'il n'est pas, pour autant, démontré que l'intimée aurait été de mauvaise foi comme le prétend l'appelante qui est donc déboutée de sa demande de dommages et intérêts de ce chef ;

Considérant, par contre, que, compte tenu de l'équité, Mademoiselle Z... est condamnée à payer à la SARL M.B.I la somme de 5.000 Francs en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

et qu'elle-même est déboutée de sa propre demande fondée sur cet article ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

REFORMANT ET STATUANT A NOUVEAU :

I/ . CONFIRME le jugement déféré en ce qui concerne les indemnités d'occupations ;

. DEBOUTE la SARL M.B.I de sa demande de ce chef ;

II/ . CONDAMNE Mademoiselle A... Z... à payer à la SARL M.B.I :

* 5.693,25 Francs (CINQ MILLE SIX CENT QUATRE VINGT TREIZE FRANCS VINGT CINQ CENTIMES) (TTC) au titre des dégradations et des réparations locatives ;

* 15.046,46 Francs (QUINZE MILLE QUARANTE SIX FRANCS QUARANTE SIX CENTIMES) de loyers et de charges locatives et CONFIRME le jugement, de ce chef ;

. 6.346,51 Francs (SIX MILLE TROIS CENT QUARANTE SIX FRANCS CINQUANTE ET UN CENTIMES) d'indemnités contractuelles ;

. ORDONNE que toutes ces sommes mises à la charge de l'intimée porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la signification de l'ordonnance d'injonction de payer, à concurrence de 27.736,74 Francs ;

III/ . DEBOUTE la SARL M.B.I de sa demande de dommages-intérêts pour "mauvaise foi" ;

. CONDAMNE Mademoiselle Z... à lui payer la somme de 5.000 Francs (CINQ MILLE FRANCS) en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et DEBOUTE l'intimée de sa propre demande fondée sur cet article ;

FAIT masse de tous les dépens de première instance et d'appel qui seront supportés pour 1/3 par la SARL M.B.I et pour les 2/3 par Mademoiselle Z..., et qui seront recouvrés directement contre eux, dans cette proportion, par la SCP d'avoués, KEIME ET GUTTIN et par la SCP d'avoués, LAMBERT DEBRAY CHEMIN, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Et ont signé le présent arrêt :

Le Greffier,

Le Président,

Marie Hélène EDET

Alban CHAIX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1996-7179
Date de la décision : 06/11/1998

Analyses

CAUTIONNEMENT - Etendue - Bail - Extension au bail renouvelé - Condition

En vertu de l'article 1740 du code civil, la caution donnée pour le bail ne s'étend pas aux obligations résultant de la prolongation.Si une caution peut, certes, librement et en toute connaissance de cause accepter de cautionner un locataire au delà de la résiliation du bail, tel n'est pas le cas, en l'espèce, s'agissant ici d'un engagement de caution aux termes duquel l'engagement consenti " vaut pour la durée du bail, renouvelable trois fois ".En effet, dès lors que l'engagement n'a été expressément donné que " pour la durée du bail ", il résulte implicitement, mais nécessairement, de cette formule précise et non ambiguù que les indemnités d'occupation dues par le locataire sont exclues de la garantie du cautionnement, puisque la condamnation à de telle indemnités est fondée sur la réparation d'une occupation indue des lieux par le locataire après la résiliation de son bail, donc étrangère à " la durée du bail ".


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1998-11-06;1996.7179 ?
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