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06/11/1998 | FRANCE | N°1994-430

France | France, Cour d'appel de Versailles, 06 novembre 1998, 1994-430


Par arrêt du 5 janvier 1996, la Cour de céans a : Vu les articles 563 et 564 du Nouveau Code de Procédure Civile : I/ Déclaré recevables les moyens et les demandes des époux X..., formulés dans leurs conclusions du 15 avril 1994, II/ Ordonné une expertise confiée à Monsieur Alfred Y... 21, Avenue du Puits à LA CELLE SAINT CLOUD, expert inscrit sur la liste annuelle des experts de la Cour d'appel de céans, qui aura mission de : prendre connaissance de tous documents utiles et notamment des baux successifs et du rapport de l'expert judiciaire Monsieur Nicolas Z... du 9 juillet 1993,

fournir à la Cour tous les éléments d'appréciation utiles, ...

Par arrêt du 5 janvier 1996, la Cour de céans a : Vu les articles 563 et 564 du Nouveau Code de Procédure Civile : I/ Déclaré recevables les moyens et les demandes des époux X..., formulés dans leurs conclusions du 15 avril 1994, II/ Ordonné une expertise confiée à Monsieur Alfred Y... 21, Avenue du Puits à LA CELLE SAINT CLOUD, expert inscrit sur la liste annuelle des experts de la Cour d'appel de céans, qui aura mission de : prendre connaissance de tous documents utiles et notamment des baux successifs et du rapport de l'expert judiciaire Monsieur Nicolas Z... du 9 juillet 1993, fournir à la Cour tous les éléments d'appréciation utiles, aux fins de dire et juger si la loi du 1er septembre 1948 (ou ne doit pas) s'appliquer en l'espèce, rechercher si le bailleur a fait exécuter des travaux de mise en conformité des lieux aux conditions minimales de confort et d'habitabilité fixées par le décret n° 87-149 du 6 mars 1987, faire les comptes entre les parties, - ordonné la consignation par les époux X..., au service des expertises du greffe de cette Cour d'une provision de 6.000 Francs à valoir sur la rémunération de l'expert, et ce, dans un délai maximum de 30 jours à compter de la date du présent arrêt, - ordonné le dépôt de son rapport par l'expert, au service des expertises de cette Cour, dans un délai maximum de quatre

mois à compter de la date à laquelle il aura accepté sa mission, - désigné Madame le Conseiller METADIEU pour contrôler ces opérations d'expertises, III/ Donné, dès à présent, injonction à Monsieur A... de conclure pour répondre expressément à tous les moyens et à toutes les demandes des appelants, formulés dans les conclusions du 15 avril 1994, demeurées sans réponse, - sursoit à statuer sur toutes les demandes et réservé les dépens.

Les époux X... font valoir, à titre préalable, que : - le local dont s'agit ressortait de la loi du 1er septembre 1948 comme en atteste la faiblesse du loyer pratiqué ainsi que le non-respect des normes d'habitabilité, Par conséquent, le commandement de payer du 23 juillet 1991 doit être déclaré nul, faute d'avoir visé la loi applicable au contrat de bail.

Ils exposent ensuite, à titre subsidiaire, pour le cas où la loi de 1948 ne serait déclarée applicable, que : - la notification du nouveau loyer doit être déclarée nulle comme n'ayant pas été effectuée aux deux époux par lettre recommandée accusé de réception séparée, - le commandement de payer délivré le 23 juillet 1991 encourt la nullité comme ne reproduisant pas l'article 6 de la loi du 6 juillet 1989 ; qu'il a été délivré pour une somme inexacte ; - le congé délivré le 29 avril 1993 ne saurait être déclaré valide comme n'ayant pas de cause, - l'augmentation de loyer demandée par le bailleur est illégale.

Par conséquent, ils demandent à la Cour de : - les recevoir en leur appel et en leurs écritures, Et y faisant droit, - infirmer la décision dont appel, Et statuant à nouveau, En tout état de cause, annuler le commandement de payer du 23 juillet 1991, - ordonner expertise quant au décompte locatif entre les parties dans le cadre de la loi du 1er septembre 1948, - dire et juger qu'ils ne sont en rien redevables à l'égard de Monsieur A..., - condamner celui-ci à

30.000 Francs à titre de dommages-intérêts, outre remboursement du dépôt de garantie et de l'avance sur charges pour 7.730,36 Francs avec intérêts légaux à compter de la perception des fonds, Subsidiairement, ordonner expertise en tant que de besoin mais aux frais de Monsieur A... sur la base d'une indexation légale avec références locatives pertinentes, - ne prononcer de condamnations qu'en deniers ou quittances, après imputation de dommages et intérêts alloués les époux X..., avec fixation du point de départ des intérêts légaux à compter de l'arrêt à intervenir, et allocation des plus larges délais de paiement pour tout solde qui se révélerait, A titre très subsidiaire, suspendre les effets de toute clause résolutoire ou résiliation et allouer les plus larges délais de grâce aux époux X... pour quitter les lieux si leur expulsion était par extraordinaire prononcée, - condamner Monsieur A... à 14.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - débouter Monsieur A... de toutes ses demandes, fins et conclusions, - condamner Monsieur A... aux entiers dépens dont ceux de première instance et d'expertise, dépens qui seront recouvrés par Maître LAMBERT, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Monsieur A... fait valoir que le logement dont s'agit ne peut être soumis à la loi du 1er septembre 1948 en raison d'une part, que la précédente location consentie à Monsieur B... n'était pas soumise aux dispositions de ladite loi.

SUR CE, LA COUR

I/ Considérant, quant à la loi applicable à ce contrat de location, que la Cour rappelle que, dans son précédent arrêt du 5 janvier 1996, elle a déjà retenu que : "il est constant que, ni devant le premier juge, ni devant l'expert judiciaire Monsieur Z..., les locataires époux X... n'ont invoqué l'application des dispositions de la loi du

1er septembre 1948 (alors pourtant que le premier bail a été signé le 30 décembre 1974 et que l'instance au fond a été engagée le 12 décembre 1991) ; que ce n'est que par voie de conclusions signifiées le 15 avril 1994 (cote 6 du dossier de la Cour) que, pour la première fois, ils ont demandé le bénéfice des dispositions de cette loi" ;

Mais considérant qu'il est constant que les époux X... (le mari étant cadre à la C.R.I et l'épouse commerçante) ont, en toute connaissance de cause et délibérément, accepté quatre baux successifs qu'ils ont signés, le 30 décembre 1974, le 12 décembre 1980, le 7 janvier 1985 et le 16 mars 1988, et qu'ils ont payé régulièrement le loyer convenu, sans protestations, ni réserves, jusqu'au 1er juillet 1989 ; qu'en outre, l'expert judiciaire Monsieur Y... a noté (page 10 de son rapport) que l'expert judiciaire, Monsieur Nicolas Z... avait noté dans son rapport du 9 juillet 1993 que le montant du loyer était conforme aux loyers habituellement appliqués dans le secteur et que les augmentations de loyers avaient été acceptées, par écrit, par les locataires ;

Considérant qu'il est donc patent que, par ces actes positifs répétés, entre 1974 et 1989 au moins, les époux X... ont manifesté, sans équivoque, leur volonté certaine de renoncer à l'application des dispositions de la loi du 1er septembre 1948, alors surtout que chacun de ces quatre baux successifs signés par eux, portait la mention expresse : "Les dispositions de la loi du 1er septembre 1948 relatives au maintien dans les lieux et au prix des loyers ne sont pas applicables" ;

Considérant, de plus, en tout état de cause, -ainsi que l'a exactement retenu l'expert judiciaire Monsieur Y... (pages 12 et 13 de son rapport)- qu'il est certain que les locaux, dont s'agit, sont sortis du champ d'application éventuelle de la loi du 1er septembre 1948, depuis, au moins, la signature du bail du 16 mars

1988 qui a été conclu dans les conditions prévues par la loi du 23 décembre 1986 ; que notamment, les travaux de mise en conformité des lieux (décret n° 87-149 du 6 mars 1987) avaient été exécutés par le bailleur Monsieur A..., ainsi que l'avait déjà constaté l'expert Monsieur Z... (page 19 du rapport de l'expert judiciaire Monsieur Y...) ; que l'ensemble de ces circonstances précises et constantes démontre donc que les époux X... ont commencé par être défaillants dans le paiement régulier de leur loyer convenu aux termes fixés, et que ce n'est que bien plus tard, (le 15 avril 1994), qu'ils se sont enfin décidés à invoquer pour la première fois, au bout de 20 ans, l'application de la loi du 1er septembre 1948 ; qu'ils sont, par conséquent, déboutés de leur demande en remboursement d'un prétendu trop-perçu ;

II/ Considérant qu'il est constant que les époux X... ont quitté les lieux le 28 février 1994 (page 9 du rapport de l'expert Monsieur Y...) et qu'ils ne réclament pas leur réintégration, et que, donc, toute demande ou toute argumentation relatives à la validité du congé du 31 octobre 1993 sont devenues sans objet ;

III/ Considérant que l'expert judiciaire Monsieur Y... a procédé à un exact compte entre les parties (pages 22 à 28 de son rapport) et qu'à juste titre, il a noté que :

"Monsieur et Madame X... doivent régler le montant des avis qui leur ont été adressés par les gestionnaires et n'ont pas à régler les sommes qui, selon les calculs de l'A.D.I.L ont été insuffisamment appelés" (page 23 du rapport et 31) ;

Considérant que la Cour retient donc que le loyer mensuel, librement convenu, de 3.200 Francs par mois, est justifié et, conformément aux exacts calculs de l'expert, fixé à un total de 50.504 Francs les loyers dus par les appelants (page 31 du rapport de l'expert) ; que les époux X... sont donc condamnés solidairement à payer cette somme

à Monsieur A..., avec intérêts au taux légal à compter de la sommation de payer du 13 juillet 1991 ; que, certes, le commandement de payer délivré par huissier, le 23 juillet 1991, visait expressément l'article 24 de la loi du 6 juillet 1989 et que la simple circonstance qu'il n'ait pas mentionné la clause résolutoire du contrat, ne doit pas donner lieu au prononcé d'une nullité (article 24 pénultième alinéa), alors qu'il est patent que cette omission n'a causé aucun grief aux locataires (article 114 alinéa 2 du Nouveau Code de Procédure Civile) qui n'ignoraient pas la teneur de leur contrat de bail et donc l'existence de cette clause résolutoire ; qu'ils sont donc déboutés de leur demande en nullité de ce commandement ;

Considérant, de plus, que la Cour ordonne, en application de l'article 1154 du Code civil, que ces intérêts dus pour une année entière au moins, seront capitalisés ;

Considérant que c'est délibérément que les époux X... ont choisi de suivre une procédure judiciaire hasardeuse, puis de faire appel, avec des moyens de droit ou de fait souvent peu sérieusement soutenus, tout en laissant s'aggraver leur arriéré de loyers (ainsi que l'avait déjà relevé le premier expert judiciaire Monsieur Z..., dès 1993) ; que de plus, les documents justificatifs (avis d'imposition) qu'ils ont communiqués, au sujet de leur situation actuelle, ne démontrent nullement qu'ils seraient dans l'impossibilité de payer immédiatement la totalité de leur dette ; que la Cour les déboute donc de leur demande en octroi de délais de paiement, en vertu des articles 1244-1 à 1244-3 du Code civil ;

IV/ Considérant que les appelants succombent en leurs moyens et qu'ils ne sont donc pas fondés à réclamer 30.000 Francs de dommages et intérêts à Monsieur A... ; qu'ils sont, par conséquent, déboutés de ce chef de demande ;

Considérant que le premier a exactement retenu que le comportement fautif des époux X... avait causé un préjudice à Monsieur A... et que le jugement déféré est confirmé en ce qu'il a accordé à celui-ci 6.100 Francs de dommages et intérêts ; que la Cour, y ajoutant, dit et juge que l'appel non sérieusement soutenu des époux X... et leur carence fautive persistance a causé à l'intimé un nouveau préjudice, certain et direct, dans le cadre de cet appel, et que les appelants sont donc condamnés in solidum à lui payer 15.000 Francs de dommages et intérêts de ce chef, toutes causes de préjudices réunies ; que ces dommages et intérêts correspondent, notamment, à l'indemnité "d'immobilisation-neutralisation" de l'immeuble, à bon droit, réclamée par l'intimé ;

Considérant que, compte tenu de l'équité, les époux X... qui succombent en leur appel sont condamnés à payer à Monsieur A... la somme de 15.000 Francs en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, pour ses frais irrépétibles en appel ; que le jugement déféré est confirmé en ce qu'il a, à bon droit, eu égard à l'équité, déjà accordé 4.200 Francs à Monsieur A..., en vertu de ce même article ;

Considérant que les époux X... qui succombent en leur appel sont, compte tenu de l'équité, déboutés de leur propre demande en paiement de 20.000 Francs en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Considérant, enfin, que les appelants sont condamnés à tous les dépens de première instance et d'appel (qui comprendront tous les frais des deux expertises judiciaires) ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

VU l'arrêt de cette Cour (1ère chambre 2ème section) du 5 janvier

1996 ;

VU le rapport de l'expert judiciaire Monsieur Y..., du 5 novembre 1996 :

I/ . DIT ET JUGE que les époux X... ont renoncé au bénéfice des dispositions de la loi du 1er septembre 1948 ;

. LES DEBOUTE de leur demande en restitution d'un trop-perçu ;

II/ CONSTATE que les demandes et argumentations relatives à la validité du congé du 31 octobre 1993 sont devenues sans objet ;

III/ . DEBOUTE les époux X... de leur demande en nullité du commandement du 23 juillet 1991 ;

. LES CONDAMNE solidairement à payer à Monsieur A... la somme de 50.504 Francs avec intérêts au taux légal à compter du 13 juillet 1991 ;

. ORDONNE la capitalisation de ces intérêts, conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code civil ;

. DEBOUTE les appelants de leur demande en octroi de délais de paiements ;

IV/ . DEBOUTE les époux X... de leur demande de dommages et intérêts ;

. CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a accordé 6.100 Francs (SIX MILLE CENTS FRANCS) de dommages et intérêts à Monsieur A... et, y ajoutant, condamne in solidum les époux X... à payer à l'intimé 15.000 Francs (QUINZE MILLE FRANCS) de dommages et intérêts ;et, y ajoutant, condamne in solidum les époux X... à payer à l'intimé 15.000 Francs (QUINZE MILLE FRANCS) de dommages et intérêts ;

. CONDAMNE les époux X... à payer à Monsieur A... 15.000 Francs (QUINZE MILLE FRANCS) en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et CONFIRME le jugement en ce qu'il a déjà accordé à ce dernier 4.200 Francs (QUATRE MILLE DEUX CENTS FRANCS) en vertu de

ce même article ;

. DEBOUTE les époux X... de leur demande en paiement de somme, en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

CONDAMNE les époux X... à tous les dépens de première instance et d'appel (qui comprendront tous les frais des deux expertises judiciaires), qui seront recouvrés directement contre eux par la SCP d'avoués, LISSARRAGUE DUPUIS ET ASSOCIES, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Et ont signé le présent arrêt : Le Greffier,

Le Président, Marie Hélène EDET

Alban CHAIX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1994-430
Date de la décision : 06/11/1998

Analyses

BAIL A LOYER (loi du 1er septembre 1948)

Lorsqu'un bail renouvelé successivement à quatre reprises mentionne expressément que "les dispositions de la loi du 1er septembre 1948 relatives au maintien dans les lieux et au prix des loyers ne sont pas applicables", que ces baux ont été, en toute connaissance de cause et délibérément, acceptés et signés par le locataire ainsi que les augmentations de loyers, qu'en outre une expertise a établi que les locaux sont sortis du champ d'application éventuelle de la loi de 1948 précitée, les travaux de mise en conformité des lieux ayant notamment été exécutés par le bailleur, il résulte de l'ensemble de ces circonstances précises que le locataire qui a régulièrement payé les loyers pendant vingt ans n'est pas fondé à invoquer pour la première fois, devant la Cour, l'application de la loi du 1er septembre 1948


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1998-11-06;1994.430 ?
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