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30/10/1998 | FRANCE | N°1996-8445

France | France, Cour d'appel de Versailles, 30 octobre 1998, 1996-8445


Par acte sous seing privé en date du 1er décembre 1976, Mesdames COULEUVRIER ont donné à bail à Monsieur X... un appartement sis à MONTROUGE 51, rue de Bagneux, pour une durée de six ans.

Par acte sous seings privés du 1er décembre 1985 un nouveau bail a été conclu avec la Fondation Condé devenue propriétaire de l'immeuble, ce bail a fait l'objet d'un renouvellement par tacite reconduction.

Le 12 juin 1989, la SCI MONTROUGE est devenue propriétaire de l'appartement ; le 27 octobre 1992, elle a fait une offre de vente aux époux X..., en application de l'article 10

de la loi du 31 décembre 1975, pour un prix de 1.250.000 Francs.

Le 11 ...

Par acte sous seing privé en date du 1er décembre 1976, Mesdames COULEUVRIER ont donné à bail à Monsieur X... un appartement sis à MONTROUGE 51, rue de Bagneux, pour une durée de six ans.

Par acte sous seings privés du 1er décembre 1985 un nouveau bail a été conclu avec la Fondation Condé devenue propriétaire de l'immeuble, ce bail a fait l'objet d'un renouvellement par tacite reconduction.

Le 12 juin 1989, la SCI MONTROUGE est devenue propriétaire de l'appartement ; le 27 octobre 1992, elle a fait une offre de vente aux époux X..., en application de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1975, pour un prix de 1.250.000 Francs.

Le 11 mars 1993, la SCI bailleresse a fait délivrer aux époux X... un congé pour vendre, visant l'article 15-II de la loi du 6 juillet 1989, pour le 30 novembre 1994, leur offrant la possibilité d'acquérir le logement pour le montant précité.

Le 18 novembre 1994, la SCI MONTROUGE a saisi le tribunal d'instance d'ANTONY aux fins de voir constater la validité du congé pour vendre, ordonner l'expulsion de Monsieur et Madame X... sous astreinte de 5.000 Francs par jour, condamner les époux X... au paiement d'une somme de 15.000 Francs au titre d'une indemnité d'occupation mensuelle et de 10.000 Francs à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive.

Le 13 novembre 1995, le tribunal d'instance d'ANTONY statuant contradictoirement a : - débouté la SCI MONTROUGE de sa demande de validation du congé délivré aux époux X... et de toutes ses

demandes subséquentes, - condamné la SCI MONTROUGE à payer à Monsieur et Madame X... la somme de 3.000 Francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - condamné la SCI MONTROUGE aux dépens.

Le 10 janvier 1996, la SCI MONTROUGE a fait appel de cette décision. Elle fait valoir, à l'appui de son appel, que : - l'estimation de la valeur vénale du logement à 931.000 Francs réalisée par l'agence CAPA à la demande des intimés est manifestement sous évaluée notamment en raison de la méthode employée par cette agence, - il résulte des pièces versées aux débats notamment les prix de vente de locaux équivalents, dans le même immeuble, que le prix de 1.250.000 Francs proposé aux époux X... n'était pas prohibitif.

Par ailleurs, elle fait grief au jugement entrepris d'avoir estimé qu'elle s'était rendue coupable de fraude en n'ayant jamais eu réellement l'intention de vendre alors que, selon elle, par acte sous seing privé du 27 juillet 1994, elle a consenti au profit d'un tiers une promesse de vente de biens et droits immobiliers sous conditions suspensives moyennant un prix de 1.250.000 Francs ; qu'au surplus, il résulte d'une jurisprudence de la Cour d'Appel de Paris que le locataire à la charge de la preuve de l'existence d'un prix exorbitant et du défaut de volonté de vendre du bailleur, preuve qui n'est pas rapportée en l'espèce.

En conséquence, elle demande à la Cour de : - la déclarer recevable en son appel, - l'y déclarer bien fondée, - infirmer le jugement rendu le 13 novembre 1995 par le tribunal d'instance d'ANTONY en ce

qu'il l'a débouté de sa demande de validation de congé et de toutes ses demandes subséquentes, Statuant à nouveau, - la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes, - constater la validité du congé délivré aux époux X... par acte du 11 mars 1993, - constater que les époux X... sont occupants sans droit, ni titre depuis le 30 novembre 1994, En conséquence, ordonner l'expulsion des époux X... et celle de tous occupants de leur chef des locaux qu'ils occupent indûment 51, rue de Bagneux à MONTROUGE, et ce, sous astreinte de 1.000 Francs par jour de retard, - l'autoriser à se faire assister par la force publique et par un serrurier, - ordonner la séquestration des meubles, biens et objet mobiliers garnissant les lieux loués dans tel garde-meubles qu'il plaira à la requérante de désigner aux frais et risques et périls des défendeurs, - condamner solidairement les époux X... à lui payer une indemnité d'occupation mensuelle hors charges de 15.000 Francs en principal à compter du 1er décembre 1994, - condamner solidairement les époux X... au paiement de la somme de 10.000 Francs de dommages et intérêts pour résistance abusive, - condamner solidairement les époux X... au paiement de la somme de 10.000 Francs en vertu des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - les condamner en tous les dépens de première instance et d'appel dont le recouvrement sera effectué pour ceux la concernant par la SCP LECHARNY ROL, société titulaire d'un office d'avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Les époux X... développent la même argumentation que devant les premiers juges et demandes dont à la Cour de : A titre principal, - les recevoir en leur appel incident, - dire et juger que la SCI MONTROUGE à un caractère commercial, En conséquence, dire et juger que le bail a été reconduit tacitement pour une durée de six années

jusqu'au 1er décembre 1997 et s'est depuis renouvelé pour une nouvelle période de six années, Subsidiairement, confirmer le jugement du tribunal d'instance d'ANTONY en date du 13 novembre 1995 en ce qu'il a débouté la SCI MONTROUGE de sa demande de validation du congé délivré aux époux X... et de toutes ses demandes subséquentes, A titre infiniment subsidiaire, - leur accorder un délai d'un an pour libérer les lieux loués, - condamner la SCI MONTROUGE au paiement de la somme de 15.000 Francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - condamner la SCI MONTROUGE aux entiers dépens qui seront recouvrés par Maître TREYNET, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Dans ces conditions, la SCI MONTROUGE demande à la Cour de : - lui adjuger le bénéfice de ses précédentes écritures, - débouter de plus fort les époux X... de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions, - statuer sur les dépens ainsi que précédemment requis. L'ordonnance de clôture a été signée le 17 septembre 1998 et l'affaire plaidée à l'audience du 2 octobre 1998.

SUR CE, LA COUR,

I/ Considérant que la validité du congé pour vendre délivré le 11 mars 1993 doit être appréciée à cette date et qu'il est constant que ce n'est que postérieurement à sa délivrance, le 31 mars 1993, que le règlement de copropriété a été publié (au 5ème bureau des Hypothèques), à NANTERRE-volume 93.P. n° 2487) ;

Considérant que certes, les époux X... sont locataires des lieux dont s'agit depuis le 1er décembre 1976, mais qu'il demeure que ce congé doit porter sur un immeuble déterminé et bien précisé, ce qui suppose nécessairement l'explicitation du lot et des millièmes de copropriété qui s'y attachent, ainsi que la connaissance de la répartition de charges de copropriété, et celle des parties privatives comprises dans le lot offert à la vente et de la quote-part des parties communes afférentes à ce lot considéré ; que cette connaissance nécessite donc l'existence préalable d'un règlement de copropriété établi et publié conformément aux dispositions de l'article 8 de la loi du 10 juillet 1965 et à celles des articles 1° et 2° du décret n° 67-223 du 17 mars 1967, c'est-à-dire comportant, notamment un état de répartitions des charges, et également, s'il y a lieu l'état descriptif de division prévu par l'article 8 de la loi du 10 juillet 1965 et établi conformément aux dispositions de l'article 71 du décret n° 55-1350 du 14 octobre 1955 (articles 2-1° et 3 du décret du 17 mars 1967) ;

Considérant qu'il est patent qu'à la date de délivrance du congé, ces précisions n'étaient pas données aux époux Y..., puisque ces règlement et état ne faisaient l'objet d'aucun acte conventionnel et ne résultaient d'aucun acte judiciaire (article 3 du décret du 17 mars 1967), de sorte que les intéressés n'étaient pas complètement ni loyalement informés sur le bien immobilier et les droits et charges y attachés, qui leur étaient proposés, ni sur les conditions de la vente projetée, au sens large, ces "conditions" impliquant nécessairement l'indication précise de l'existence d'un règlement de copropriété, avec un état des charges et s'il y a lieu, un état descriptif de division ; que les époux X... n'étaient donc

manifestement pas en mesure de prendre parti en toute connaissance de cause ; qu'il appartenait à la SCI de donner toutes ces précisions nécessaires, dans son congé même, et que les locataires n'avaient pas à rechercher si, par la suite, un règlement de copropriété, ou un état de répartition des charges, ou un état descriptif de division avaient été établis et publiés ; que l'obligation de bonne foi de l'article 1134 du Code civil n'a donc pas été respectée par la SCI, que de plus, l'inobservation dans le congé des mentions ci-dessus analysées a causé aux époux X... un grief certain (article 114 alinéa 2 du Nouveau Code de Procédure Civile), et que la nullité de ce congé pour vendre doit donc être prononcée ;

II/ Considérant que la nullité de ce congé étant ainsi prononcée, il devient quelque peu surabondant de rechercher si, en outre, ce congé était entaché d'une intention frauduleuse de la part de la propriétaire ; qu'à toutes fins utiles, la Cour retient que la SCI n'a jamais donné un quelconque mandat de vente à un agent immobilier en vue de la vente de cet appartement des époux X..., que celui-ci n'a été visité par aucun candidat acheteur et que la SCI ne justifie d'aucune proposition reçue par elle pour le prix de 1.250.000 Francs qu'elle réclamait ;

Considérant, en effet, que l'évaluation faite, à la demande des époux X..., par l'agence immobilière CAPA (qui a visité et décrit l'appartement), est sérieuse et aboutie à un prix de 931.000 Francs, alors que la SCI ne fournit pas de références pour justifier le prix de 1.250.000 Francs qu'elle réclamait ; qu'elle se borne à produire une lettre du notaire Maître LE GONIDEC DE KERHALIC, du 13 mars 1995, qui fait état de cinq ventes, dans ce même immeuble, entre mars 1993 et juillet 1994 (pour des prix de 1.080.000 Francs à 1.200.000

Francs), mais qui ne dit rien sur les superficies, les caractéristiques et la description exacte de ces cinq appartement vendus (à des personnes d'ailleurs non précisées) ; que de plus, les actes notariés de ces cinq ventes passées devant quatre notaires différents, de PARIS, n'ont pas été versés aux débats ;

Considérant que la Cour retient donc que cette simple lettre du notaire Maître LE GONIDEC DE KERHALIC n'a pas de force probante suffisante pour démontrer la sincérité du prix réclamé par la SCI aux époux X... ;

Considérant que c'est donc à bon droit, au regard des dispositions de l'article 15-11 de la loi du 6 juillet 1989, que le premier juge a retenu qu'il y avait eu fraude de la part de la SCI et qu'il a annulé ce congé ; que le jugement est donc également confirmé de ce chef ;

Considérant que la SCI appelante est, par conséquent, déboutée des fins de son appel et de toutes les demandes que celui-ci comporte ;

III/ Considérant qu'il superfétatoire d'analyser les autres moyens de défense présentés par les intimés, notamment celui tiré de la nature commerciale qu'elle invoque à l'égard de la SCI appelante ;

Considérant que, compte tenu de l'équité, la SCI appelante qui succombe est condamnée à payer aux époux X... la somme de 6.000 Francs en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile pour leurs frais irrépétibles en appel, le jugement déféré étant confirmé en ce qu'il a, à bon droit, eu égard à l'équité, déjà accordé 3.000 Francs en vertu de ce même article ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

VU l'article 1134 du Code civil et l'article 15-II de la loi du 6 juillet 1989 :

DEBOUTE la SCI MONTROUGE des fins de son appel et de toutes les demandes que celui-ci comporte ; CONFIRME en son entier le jugement déféré ;

ET Y AJOUTANT :

CONDAMNE la SCI appelante à payer aux époux Edmond X... la somme de 6.000 Francs (SIX MILLE FRANCS) en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

CONDAMNE la SCI appelante à tous les dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés directement contre elle par Maître TREYNET, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET : Le Greffier,

Le Président, Marie Hélène EDET

Alban CHAIX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1996-8445
Date de la décision : 30/10/1998

Analyses

BAIL A LOYER (loi du 6 juillet 1989)

La validité d'un congé pour vendre doit s'apprécier à la date de sa délivrance. Lorsqu'au jour de la délivrance d'un congé pour vendre, aucun règlement de copropriété, établi conformément aux dispositions des articles 8 de la loi du 10 juillet 1965 et 1° et 2° du décret 67-223 du 17 mars 1967, n'a été publié, alors que, de plus, il est établi que le congé ne précisait ni la consistance du lot proposé à la vente, ni la répartition des charges de copropriété et privatives, il résulte de ces éléments que les locataires n'ont pas été complètement et loyalement informés, conformément à l'obligation de bonne foi édictée par l'article 1134 du Code civil, de l'étendue des droits, charges et conditions de la proposition de vente qui leur était faite par le propriétaire, sans que puisse importer la publication ultérieure d'un règlement de copropriété. Un tel congé, dont la délivrance en contradiction des prescriptions légales de l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989 cause un grief certain au locataire mis dans l'impossibilité de prendre parti en toute connaissance de cause, doit être annulé


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1998-10-30;1996.8445 ?
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