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29/10/1998 | FRANCE | N°1996-3407

France | France, Cour d'appel de Versailles, 29 octobre 1998, 1996-3407


La société SIDEF s'est adressé à la société SOUVENIRS VOYAGES afin que celle-ci organise un voyage en Egypte pour quatre personnes.

Les parties s'étant accordées sur un programme précis, un contrat a été signé le 16 septembre 1992 et la société SIDEF a réglé à l'agence de voyage, en rémunération de son intervention, la somme de 88.000 francs.

Se plaignant de prestations défectueuses ou manquantes, la société SIDEF a fait assigner la société SOUVENIRS VOYAGES devant le Tribunal de Commerce de VERSAILLES pour obtenir la résolution du contrat, la restituti

on du prix et des dommages et intérêts complémentaires. La société SOUVENIRS VOYAGES...

La société SIDEF s'est adressé à la société SOUVENIRS VOYAGES afin que celle-ci organise un voyage en Egypte pour quatre personnes.

Les parties s'étant accordées sur un programme précis, un contrat a été signé le 16 septembre 1992 et la société SIDEF a réglé à l'agence de voyage, en rémunération de son intervention, la somme de 88.000 francs.

Se plaignant de prestations défectueuses ou manquantes, la société SIDEF a fait assigner la société SOUVENIRS VOYAGES devant le Tribunal de Commerce de VERSAILLES pour obtenir la résolution du contrat, la restitution du prix et des dommages et intérêts complémentaires. La société SOUVENIRS VOYAGES a appelé en garantie la société ZEPHYR à qui elle a sous-traité l'organisation du voyage.

*

Par jugement en date du 12 janvier 1996 auquel il est renvoyé pour plus ample exposé des éléments de la cause, le Tribunal a notamment :

- rejeté la demande de résolution du contrat ;

- condamné la société SOUVENIRS VOYAGES à payer à la société SIDEF la somme de 70.000 francs à titre de dommages et intérêts ;

- condamné la société ZEPHYR à relever et garantir la société SOUVENIRS VOYAGES à hauteur de la somme de 50.000 francs ;

- ordonné l'exécution provisoire des dispositions qui précèdent .

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

- fait masse des dépens et dit qu'ils seront partagés par moitié entre les sociétés SOUVENIRS VOYAGES et ZEPHYR.

*

Appelante de cette décision, la société SOUVENIRS VOYAGES fait grief aux premiers juges d'avoir, pour retenir sa responsabilité, fait application de la loi du 13 juillet 1992, alors que cette loi n'était pas encore entrée en vigueur. Elle persiste par ailleurs, à soutenir que sa mission s'est limitée à vendre un produit proposé par un Tour Opérator, en l'occurrence la société ZEPHYR, et déduit de là qu'il appartenait à la société SIDEF, si elle avait des griefs à faire valoir, de s'adresser directement à la société ZEPHYR dont elle connaissait parfaitement l'existence. Elle sollicite en conséquence, à titre principal sa mise hors de cause. Subsidiairement et si cette argumentation n'était pas suivie par la Cour, elle estime que la réparation qui a été allouée à la société SIDEF doit être ramenée à de plus justes proportions eu égard aux circonstances en l'espèce. Elle entend également critiquer le jugement dont appel en ce qu'il n'a fait droit que partiellement à sa demande de garantie et elle soutient qu'elle doit être entièrement relevée de toutes condamnations prononcées éventuellement contre elle par la société ZEPHYR, seule responsable des défaillances constatées dans l'organisation du voyage. Enfin, elle réclame "à tout contestant" une indemnité de 10.000 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

La société ZEPHYR conclut, pour sa part, à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande de résolution du contrat mais à son infirmation pour le surplus. A cet égard, elle rappelle que la prestation a été intégralement exécutée, même si des

difficultés sont apparues au cours du voyage, et elle estime qu'elle a fait à la société SIDEF des propositions amiables de nature à compenser les quelques désagréments subis sur place et que c'est abusivement ainsi que pour des raisons les plus fallacieuses que ces propositions ont été refusées. Elle déduit de là que l'offre qu'elle a faite doit être tenue pour satisfactoire et qu'aucun dédommagement complémentaire ne peut désormais lui être réclamé. Enfin, elle demande que la société SIDEF soit condamnée à lui payer une indemnité de 10.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

La société SIDEF sollicite la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société SOUVENIRS VOYAGES et ce au besoin, par substitution de motif, et par application de la jurisprudence antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 13 juillet 1992. Elle soutient en revanche que la retenue opérée par le premier juge, qui a cru devoir laisser à sa charge la somme de 18.000 francs, n'est nullement justifiée compte-tenu des graves manquements imputables à l'agence de voyages et elle demande, dans le cadre d'un appel incident, que la société SOUVENIRS VOYAGES soit condamnée à lui payer en réparation la somme de 88.000 francs, outre 10.000 francs à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et 1 francs en compensation de son préjudice commercial.

Elle réclame aussi à l'appelante une indemnité de 15.000 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

En cet état, l'affaire a été clôturée par ordonnance le 28 juin 1998. Il convient de noter cependant, que postérieurement à cette ordonnance, la société SOUVENIRS VOYAGES, représentée désormais par son liquidateur amiable Monsieur Eric X..., a signifié des conclusions de désistement d'appel mais que cette offre de désistement n'ayant pas été acceptée par les autres parties, la société SOUVENIRS VOYAGES a demandé que lui soit alloué le bénéfice de ses précédentes écritures de sorte que la Cour demeure valablement saisie de l'entier litige.

*

MOTIFS DE L'ARRET

Considérant que le Tribunal a rejeté la demande de résolution du contrat présenté par la société SIDEF motif pris que la majeure partie des prestations avait été exécutée ; que la société SIDEF ne reprend pas devant la Cour cette demande ; que celle-ci doit être dès lors tenue pour abandonnée ;

Considérant qu'il est fait grief à juste titre par l'appelante aux premiers juges de s'être fondés sur l'article 23 de la loi du 13 juillet 1992 pour dire que la société SOUVENIRS VOYAGES doit répondre de la mauvaise exécution du contrat ; qu'en effet la loi n° 92645 du 13 juillet 1992, fixant les conditions d'exercice des activités relatives à l'organisation et à la vente de voyages ou de séjours est, en vertu de son article 32, entrée en vigueur le premier jour du sixième mois suivant la publication des décrets d'application, soit le 19 décembre 1994, à l'exception des dispositions relatives aux groupements d'intérêt public ne concernant pas la présente affaire ; que cette loi n'a donc vocation à s'appliquer, à défaut d'une disposition expresse de rétroactivité, à un contrat conclu le 16 septembre 1992 ;

Mais considérant que l'arrêté du 14 juin 1982, relatif "aux conditions générales de vente régissant les rapports entre les

agences de voyage et la clientèle", qui a vocation à trouver application en l'espèce, prévoyait déjà en son article 1er alinéa 3 que "l'agent est garant de l'organisation du voyage et du séjour et responsable de sa bonne exécution, à l'exception des cas de force majeure, cas fortuits, ou faits de tiers étrangers à la fourniture des prestations prévues au contrat de voyage" ; que, par ailleurs et avant l'entrée en vigueur de la nouvelle loi, il était de jurisprudence constante que l'agence chargée de l'organisation d'un voyage, devait répondre des manquements constatés au cours de ce voyage et ce, dans le cadre du mandat qui lui avait été confié ; qu'en l'espèce, il apparaît des pièces produites que le rôle confié à la société SOUVENIRS VOYAGES n'était pas, comme elle le prétend, celui d'un simple intermédiaire mais qu'elle a mis sur pied, avec les moyens de son choix et pour un prix convenu d'avance, un voyage en Egypte comprenant diverses prestations spécifiques correspondant aux exigences du client, tels que moyens de transport, logement, croisières ; qu'elle est donc tenue de répondre de la mauvaise exécution du mandat qui lui a été ainsi confié sans pouvoir opposer à son mandant les fautes commises par la société à laquelle elle a sous-traité l'organisation du voyage, d'autant que la société SIDEF n'a jamais contracté directement avec ce sous-traitant même si elle s'est, par la suite, rapprochée de celui-ci pour tenter de trouver une solution amiable au litige ; que le moyen invoqué à titre principal par la société SOUVENIRS VOYAGES, tendant à obtenir sa mise hors de cause, sera en conséquence rejeté ;

Considérant par ailleurs, que la mauvaise exécution du mandat confié

est en l'espèce avérée ; qu'en effet, le voyage comprenait comme prestations essentielles :

- une prise en charge au départ de PARIS le 12 octobre 1992 ;

- une nuit dans un hôtel de luxe au CAIRE ;

- un départ pour ASSOUAN le 13 octobre au matin ;

- une prise en charge par un guide et un chauffeur pour accompagner les quatre personnes à bord d'un bateau de croisière ;

- la réservation de deux suites présidentielles à bord du bateau ;

Que force est de constater que ces prestations n'ont pas été exécutées ou mal exécutées ; que notamment il est apparu qu'au départ de PARIS les places d'avion en classe affaire n'avait pas été réservées ; qu'il en a été de même pour les places d'avion LE CAIRE - ASSOUAN ; qu'aucun guide ne s'est présenté pour accueillir les voyageurs qui ont dû rejoindre par leurs propres moyens le bateau de croisière, qu'à bord de celui-ci aucune cabine présidentielle n'avait été réservée ; que ces graves manquements qui ont en partie terni l'agrément du voyage et porté un préjudice certain à la société SIDEF qui avait invité deux de ses clients, méritent une réparation qui a été justement évaluée par le premier juge, toutes causes confondues,

à 70.000 francs, étant observé que le voyage, même dans des conditions défavorables, a pu tout de même être effectué ; que c'est donc cette somme de 70.000 francs que la société SOUVENIRS VOYAGES sera condamnée à payer à la société SIDEF, celle-ci ne justifiant pas devant la Cour d'un préjudice complémentaire ;

Considérant cependant qu'il est constant et non sérieusement contesté que les désagréments subis par les voyageurs résultent de manquements imputables à la société ZEPHYR à laquelle la société SOUVENIRS VOYAGES avait sous-traité l'opération et qui était, à ce titre, chargé plus particulièrement des réservations et de l'organisation sur place du voyage ; que les premiers juges n'ont pas tiré les conséquences de droit de cette situation qu'ils ont pourtant constatée en limitant à 50.000 francs le recours en garantie exercé par la société SOUVENIRS VOYAGES à l'encontre de la société ZEPHYR ; que le jugement dont appel sera infirmé de ce chef et la société ZEPHYR condamnée à relever et garantir en totalité la société SOUVENIRS VOYAGES des condamnations prononcées à son encontre, la société ZEPHYR ne pouvant utilement prétendre, pour tenter de s'exonérer, qu'elle a fait des propositions de réparations amiables à la société SIDEF, alors que ces propositions se sont révélées incomplètes ou insuffisantes, au regard du préjudice subi, comme le montrent les pièces des débats, et que la société SIDEF, qui n'y trouvait pas convenance, était dans ces conditions fondées à les refuser et à requérir une décision judiciaire ;

Considérant par ailleurs, qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la société SIDEF les sommes qu'elle a été contrainte d'exposer pour faire valoir ses droits ; que la société SOUVENIRS VOYAGES, qui a pris l'initiative d'exercer un recours, sera condamnée à lui payer une indemnité de 10.000 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, les autres demandes formées au même titre par les autres parties étant rejetées ;

Considérant enfin qu'il sera fait masse des dépens d'appel, qui comme ceux de première instance, seront supportés par moitié par les sociétés SOUVENIRS VOYAGES et ZEPHIR ;

* PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

- REOEOIT la société SOUVENIRS VOYAGES en son appel principal et les

sociétés ZEPHYR et SIDEF en leurs appels incidents ;

- CONFIRME, mais partiellement par substitution de motifs, le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société SOUVENIRS VOYAGES à payer la somme de 70.000 francs toutes causes de préjudice confondues, à la société SIDEF et rejette l'appel incident formé par cette dernière sur ce point ;

- INFIRMANT pour le surplus et statuant à nouveau,

- CONDAMNE la société ZEPHYR à relever et garantir la société SOUVENIRS VOYAGES de la totalité de la condamnation prononcée ci-dessus soit 70.000 francs ;

- CONDAMNE la société SOUVENIRS VOYAGES à payer à la société SIDEF une indemnité de 10.000 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

- REJETTE le surplus des prétentions des parties ;

- FAIT masse des dépens de première instance et d'appel ;

- DIT qu'ils seront supportés par moitié par les sociétés SOUVENIRS VOYAGES et ZEPHYR et autorise les avoués en cause concernés à poursuivre directement le recouvrement de la part les concernant, comme il est dit à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

ARRET PRONONCE PAR MONSIEUR ASSIÉ, PRESIDENT ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET

LE GREFFIER qui a assisté au prononcé

LE PRESIDENT

M. Thérèse Y...

F. ASSIÉ


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1996-3407
Date de la décision : 29/10/1998

Analyses

TOURISME - Agence de voyages - Responsabilité - Organisateur de voyages

La loi 92-645 du 13 juillet 1992, relative à l'exercice des activités d'organisation et de vente de voyages ou séjours, entrée en vigueur, en vertu de son article 32, le premier jour du sixième mois suivant la publication des décrets d'application, soit le 19 décembre 1994, n'est pas applicable, à défaut de disposition expresse de rétroactivité, à un contrat conclu le 16 septembre 1992, et ne peut donc fonder la mise en cause de la responsabilité d'un organisateur de voyage. En revanche, dès lors qu'aux termes de l'article 1er, alinéa 3, de l'arrêté du 14 juin 1982 relatif " aux conditions générales de vente régissant les rapports entre les agences de voyages et la clientèle", applicable, "l'agent est garant de l'organisation du voyage et du séjour et responsable de sa bonne exécution (..).", alors qu'il était de principe, avant l'entrée en vigueur de la loi de 1992 susvisée, qu'une agence chargée de l'organisation d'un voyage devait, dans le cadre du mandat confié, répondre des manquements constatés, l' organisateur qui n'a pas ou a mal exécuté les prestations promises ne peut prétendre être mis hors de cause et son moyen de ce chef doit être rejeté


Références :

Loi n° 92-645 du 13 juillet 1992, article 32 Arrêté du 14 juin 1982, article 1er

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1998-10-29;1996.3407 ?
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