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28/10/1998 | FRANCE | N°1997-21030

France | France, Cour d'appel de Versailles, 28 octobre 1998, 1997-21030


Madame X... a été engagée le 24 octobre 1995 en qualité "d'agent de jour" par la société HOMERE QUITA selon contrat à durée déterminée devant s'achever le 31 décembre 1995. Il était prévu qu'elle percevrait un salaire mensuel brut de base de 6 400 F.

Le 1er janvier 1996 elle a été engagée par ladite société en qualité "d'auxiliaire de vie" par contrat à durée indéterminée comprenant une période d'essai d'un mois renouvelable pour une même durée. Son salaire mensuel brut a été fixé à 6 600 F.

Par lettre du 30 janvier 1996 qu'elle a signée le 31 jan

vier 1996, la société QUITA lui a signifié la prolongation de sa période d'essai pour un m...

Madame X... a été engagée le 24 octobre 1995 en qualité "d'agent de jour" par la société HOMERE QUITA selon contrat à durée déterminée devant s'achever le 31 décembre 1995. Il était prévu qu'elle percevrait un salaire mensuel brut de base de 6 400 F.

Le 1er janvier 1996 elle a été engagée par ladite société en qualité "d'auxiliaire de vie" par contrat à durée indéterminée comprenant une période d'essai d'un mois renouvelable pour une même durée. Son salaire mensuel brut a été fixé à 6 600 F.

Par lettre du 30 janvier 1996 qu'elle a signée le 31 janvier 1996, la société QUITA lui a signifié la prolongation de sa période d'essai pour un mois à compter du 1er février 1996.

Le 2 février 1996, Madame X... a reçu un avertissement pour avoir quitté son service le 1er février 1996 à 14 heures en laissant les plateaux des repas de midi dans les chambres.

Le 29 février 1996 la société HOMERE QUITA a mis fin à sa période d'essai.

La employait 37 salariés.

Le 19 avril 1996 Madame X... a saisi le Conseil des Prud'hommes de VERSAILLES pour voir condamner son ancien employeur à lui payer, en l'état de ses dernières demandes, les sommes suivantes : - 6 600 F à titre d'indemnité compensatrice de préavis, - 660 F à titre d'indemnité de congés payés y afférent, - 220 F à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, - 39 600 F à titre de dommages et intérêts au titre de l'article L122-14-4 du code du travail, ou, à titre subsidiaire : - 6 600 F à titre de dommages-intérêts pour licenciement irrégulier en la forme, - 19 800 F à titre dommages et

intérêts pour rupture abusive, - 488,10 F à titre de paiement des heures supplémentaires, - 6 000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Par jugement rendu 13 janvier 1997 le Conseil des Prud'hommes a dit qu'il y avait eu fin de la période d'essai et non licenciement et a débouté Madame X... de l'ensemble de ses demandes.

Pour se déterminer, le Conseil des Prud'hommes a estimé que l'employeur avait pu, à la suite du contrat à durée déterminée, insérer une nouvelle période d'essai sans dénaturer l'article L122-3-10 du code du travail.

Il a retenu par ailleurs que Madame X... n'apportait pas la preuve des heures supplémentaires prétendument effectuées.

Madame X..., appelante, prétend que la clause d'essai du contrat à durée indéterminée est nulle et de nul effet en vertu de l'article L122-3-10 alinéa 3 du code du travail car elle avait déjà travaillé dans l'entreprise et que son poste n'avait pas été modifié. Elle soutient que, de ce fait, la rupture s'analyse en un licenciement lequel est intervenu en violation des régles de forme légales dés lors qu'elle n'a pas été avertie qu'elle pouvait se faire assister par un conseiller de son choix lors d'un entretien préalable, et est, à défaut de lettre de licenciement motivée, dénué de toute cause réelle et sérieuse.

Elle soutient par ailleurs avoir effectué des heures supplémentaires attestées par le relevé précis de ses horaires de travail au mois de janvier.

Elle demande donc à la Cour d'infirmer le jugement entrepris et de condamner la société HOMERE QUITA à lui payer les sommes suivantes :

- 6 600 F à titre d'indemnité compensatrice de préavis, - 660 F à titre de congés payés y afférent, - 220 F à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, - 52 800 F à titre de dommages et

intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l'article L 122-14-4 du code du travail, ou, à titre subsidiaire :

- 6 600F à titre de dommages et intérêts pour licenciement irrégulier en la forme sur le fondement de l'article L 122-14 du code du travail et,

- 52 800 F à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif sur le fondement de l'article L 122-14-5 du code du travail, - 488,10 F à titre d'heures supplémentaires (rémunérées à 125%), - 15 000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

A l'audience du 7 octobre 1998 elle reconnait que la convention collective des personnels des cliniques de convalescence et établissements d'accueil pour personnes âgées n'est pas applicable en l'espèce et renonce aux demandes formées à titre d'indemnité compensatrice de préavis, de congés payés y afférent et de licenciement lesquelles étaient fondées sur l'application de cette convention.

La société HOMERE QUITA fait observer l'absence de convention collective applicable en l'espèce.

Elle soutient que les parties ont la possibilité d'un commun accord, en application de l'article 1134 du code civil, de déroger aux dispositions de l'article L 122-3-10 du code du travail de sorte que la rupture du contrat de Madame X... serait intervenue pendant la période d'essai de celle-ci.

Elle réplique par ailleurs que le licenciement intervenu pendant la période d'essai était justifié par le changement d'attitude de sa salariée et les fautes graves commises par celle-ci.

Elle

conteste que Madame X... ait effectué des heures supplémentaires.

Elle demande en conséquence à la Cour de confirmer le jugement et de condamner Madame X... à lui payer une somme de 10 000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. SUR CE

Sur la période d'essai :

Considérant qu'il résulte des pièces produites, notamment des contrats de travail de Madame X... et du certificat de travail délivré à celle-ci le 19 février 1996 lequel fait état d'un emploi d'auxiliaire de vie du 24 octobre 1995 au 31 décembre 1995 et du 1er janvier 1996 au 19 février 1996, que Madame X... a travaillé sans interruption dans la société HOMERE QUITA du 24 octobre 1995 au 19 février 1996 sans que ses fonctions ou les conditions d'exercice de son emploi n'aient été modifiées;

Considérant que l'article L 122-3-10 du code du travail dispose en son alinéa 3 : "lorsque la relation de travail se poursuit à la suite d'un contrat à durée déterminée, le salarié conserve l'ancienneté qu'il avait acquise au terme de ce contrat. La durée de ce contrat est déduite de la période d'essai éventuellement prévue dans le nouveau contrat";

Considérant que la période d'essai ayant pour objet de permettre à l'employeur d'apprécier les aptitudes professionnelles et la capacité d'adaptation d'un nouveau salarié de l'entreprise et pour celui-ci d'apprécier si les conditions du travail lui conviennent, les parties ne pouvaient, dés lors que les fonctions et les conditions d'exercice d'emploi de Madame X... n'avaient pas changé, valablement convenir que la durée du contrat à durée déterminée de celle-ci ne serait pas prise en compte dans la période d'essai, cet accord étant contraire aux dispositions de l'article L 122-3-10 du code du travail

auxquelles les parties ne peuvent déroger dans la mesure où elles sont protectrices des intérêts des salariés;

Considérant que la durée du contrat à durée déterminée de Madame X..., qui était supérieure à 2 mois, devant être déduite de cette période, celle-ci était terminée lorsqu'il a été mis fin au contrat de Madame X... le 19 février 1996;

Sur la rupture :

Considérant qu'il résulte du dossier que la société HOMERE QUITA a rompu le contrat de Madame X... sans respecter la procédure de licenciement prévue par les article L 122-14 et suivants du code du travail, notamment sans convoquer celle-ci à l'entretien préalable prévu par ledit article et sans lui envoyer la lettre de licenciement prévue par l'article L 122-14-1 dudit code;

Considérant que l'article 122-14-2 du code du travail imposant à l'employeur d'énoncer dans la lettre de licenciement le ou les motifs de la rupture, celui-ci est mal fondé à faire état pour justifier le licenciement de sa salariée de motifs autres que ceux ne figurant pas dans une telle lettre;

Considérant que le licenciement de Madame X... intervenu sans lettre de licenciement ne peut dans ces conditions qu'être déclaré dépourvu de cause réelle et sérieuse;

Considérant que l'article L 122-14-5 du Code du travail prévoit qu'à l'exception des dispositions du 2éme alinéa de l'article L 122-14 relatives à l'assistance du salarié par un conseiller, les dispositions de l'article L 122-14-4 ne sont pas applicables aux licenciements des salariés qui ont moins de 2 ans d'ancienneté dans l'entreprise, ce qui était le cas de Madame X..., et aux licenciements opérés par les employeurs qui occupent habituellement moins de 11 salariés;

Considérant que l'article L 122-14 ne donne au salarié la possibilité d'être assisté par un conseiller qu'au cas où l'entreprise n'a pas d'institutions représentatives du personnel;

Considérant qu'il n'est pas contesté que la société HOMERE QUITA avait de telles institutions;

Considérant que c'est donc à tort que Madame X... sollicite l'application de l'article L 122-14-4 du code du travail, seul l'article L 122-14-5 étant applicable en l'espèce;

Considérant que Madame X... justifie avoir perçu des indemnités de chômage du 1er avril 1996 au 31 juillet 1996, avoir travaillé au mois d'août 1996, avoir perçu à nouveau des indemnités de chômage du 1er septembre au 30 septembre 1996, avoir travaillé aux mois d'octobre, novembre et décembre 1996, avoir perçu des indemnités de chômage du 19 janvier au 31 mars 1997 puis avoir travaillé;

Considérant qu'il convient en conséquence de fixer aux sommes de 20 000 F et 3 000 F les dommages-intérêts réparant le préjudice subi par elle du fait de son licenciement intervenu sans cause réelle et sérieuse et sans respect de la procédure;

Considérant que Madame X... ayant une ancienneté inférieure à 6 mois dans une entreprise ne relevant d'aucune convention collective était mal fondée à solliciter l'indemnité compensatrice de préavis prévue par la convention collective applicable aux personnels des cliniques de convalescence et établissements d'accueil pour personnes âgées et l'indemnité de licenciement prévue dans ladite convention;

Considérant qu'à l'audience du 7 octobre 1998 elle indique renoncer aux demandes formées à ces titres;

Considérant qu'il lui en sera donné acte;

Sur les heures supplémentaires :

Considérant qu'à l'appui de la prétention selon laquelle elle aurait

effectué des heures supplémentaires, Madame X... verse aux débats une liste des heures prétendument travaillées qu'elle a établie de façon unilatérale;

Considérant que les indications figurant sur cette liste sont contredites par celles figurant sur un document intitulé "POINTAGE DU PERSONNEL" relevant les heures de travail de 12 salariées, dont celles de Madame X...;

Considérant qu'il ressort de ce document que Madame X... n'a pas effectué les heures supplémentaires dont elle sollicite le paiement; Considérant qu'il y a lieu dans ces conditions de débouter celle-ci de la demande présentée à ce titre;

Sur l'article 700 du nouveau code de procédure civile :

Considérant que l'équité commande de ne pas laisser à la salariée la charge de la totalité des frais engagés pour faire valoir ses droits devant le Conseil des Prud'hommes puis la Cour et de laisser à l'employeur la charge de la totalité des siens;

Considérant que la société HOMERE QUITA sera en conséquence déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et condamnée à verser à Madame X... une somme de 3 000 F à ce titre; PAR CES MOTIFS

La COUR,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement en ce qu'il a débouté Madame Gisèle X... de sa demande de paiement d'heures supplémentaires, de ses demande d'indemnité de préavis, de congés payés y afférent, de licenciement et de sa demande fondée sur l'article L 122-14-4 du code du travail; Le réforme pour le surplus;

Dit que la rupture du contrat est intervenue hors période d'essai;

Condamne la société HOMERE QUITA à verser à Madame Gisèle X... les sommes suivantes : - 20 000 F (VINGT MILLE FRANCS) à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif, - 3 000 F (TROIS MILLE FRANCS) à titre d'indemnité pour non respect de la procédure de licenciement, - 3 000 F (TROIS MILLE FRANCS) au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile;

Donne acte à Madame Gisèle X... de ce qu'elle renonce aux demandes qu'elle avait formées à titre d'indemnité compensatrice de préavis, de congés payés y afférent et à titre d'indemnité de licenciement;

Déboute les parties de toute autre demande;

Condamne la société HOMERE QUITA aux dépens.

Et ont signé le présent arrêt, Madame BELLAMY, Président de Chambre et Madame Y..., Greffier.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1997-21030
Date de la décision : 28/10/1998

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, DUREE DETERMINEE - Expiration - Contrat initial comportant un terme précis - Poursuite de la relation contractuelle - Effets - Période d'essai prévue dans le nouveau contrat - Déduction de la durée du contrat à durée déterminée

Aux termes de l'article L 122-3-10 alinéa 3 du Code du travail lorsque la relation contractuelle de travail se poursuit à l'issue d'un contrat à durée déterminée, le salarié conserve l'ancienneté qu'il avait acquise au terme de ce contrat. La durée de ce contrat est déduite de la période d'essai éventuellement prévue dans le nouveau contrat. Dès lors qu'une période d'essai a, notamment, pour objet de permettre à un employeur d'apprécier les aptitudes professionnelles d'un nouveau salarié, la conclusion d'un contrat de travail à durée indéterminée, à raison des mêmes fonctions et des mêmes conditions d'emploi que celles résultant d'un précédent contrat à durée déterminée arrivé à terme, si elle peut inclure une période d'essai, ne peut valablement exclure du décompte de celle-ci la durée du précédent contrat sans contrevenir aux dispositions protectrices des intérêts des salariés instituées par l'article L 122-3-10 du code précité


Références :

Code du travail L122-3-10

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1998-10-28;1997.21030 ?
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