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28/10/1998 | FRANCE | N°1997-21026

France | France, Cour d'appel de Versailles, 28 octobre 1998, 1997-21026


Madame X... a été engagée en qualité de standardiste par la société SEPA le 9 avril 1990.

Au mois de janvier 1992 elle a accédé à la fonction d'assistante commerciale.

Elle travaillait à RUEIL MALMAISON où était situé le siège social de la société SEPA.

Par courrier du 7 janvier 1994 il lui a été proposé, "dans le cadre de la restructuration présentée au comité d'entreprise du Jeudi 6 janvier 1994", de voir transférer son poste sur le site de LUNEVILLE aux mêmes conditions que précédemment.

Par courrier du 24 janvier 1994 Madame X... a

confirmé à la société SEPA qu'elle n'acceptait pas sa mutation.

Par lettre du 7 février 1994 el...

Madame X... a été engagée en qualité de standardiste par la société SEPA le 9 avril 1990.

Au mois de janvier 1992 elle a accédé à la fonction d'assistante commerciale.

Elle travaillait à RUEIL MALMAISON où était situé le siège social de la société SEPA.

Par courrier du 7 janvier 1994 il lui a été proposé, "dans le cadre de la restructuration présentée au comité d'entreprise du Jeudi 6 janvier 1994", de voir transférer son poste sur le site de LUNEVILLE aux mêmes conditions que précédemment.

Par courrier du 24 janvier 1994 Madame X... a confirmé à la société SEPA qu'elle n'acceptait pas sa mutation.

Par lettre du 7 février 1994 elle a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement économique, entretien qui a été fixé au 11 février.

Par lettre du 16 février 1994 elle a été licenciée pour motif économique en raison de la suppression de plusieurs postes de travail dans le cadre de la restructuration de l'entreprise impliquant un transfert d'activité de l'établissement de RUEIL MALMAISON et une réorganisation du service commercial et de production.

Le 22 février 1994 elle a adhéré la convention de conversion qui lui avait été proposée et a signé un reçu pour solde de tout compte aux termes duquel un montant de 45 047,42 F lui était versé en paiement des salaires et de toutes indemnités quels qu'en soient la nature et le montant qui lui étaient dûs au titre de l'exécution et de la cessation de son contrat de travail.

Par lettre du 18 avril 1994 elle a dénoncé ledit reçu, réclamant le paiement de certaines indemnités et primes.

Son dernier salaire mensuel brut s'est élevé à la somme de 9 547 F avec la prime d'ancienneté.

La société SEPA employait une centaine de salariés. La majorité d'entre eux travaillait à LUNEVILLE, les autres à RUEIL MALMAISON.

L'entreprise relève de la convention collective de la Chimie.

Le 20 avril 1994 Madame X... a saisi le Conseil des Prud'hommes de NANTERRE pour voir condamner son ancien employeur à lui payer, en l'état de ses dernières demandes, les sommes suivantes : - 866 F à titre de prime de vacances, - 1 117 F à titre de complément de congés payés, - 62 292 F à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, - 9 547 F à titre d'indemnité pour non respect de la procédure de licenciement, - 5 000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Par jugement rendu le 5 avril 1996 le Conseil des Prud'hommes, statuant en départage, a donné acte à la société SEPA de ce qu'elle s'engageait à régler la somme de 1 117 F à titre de congés payés à Madame X... et a débouté celle-ci de l'ensemble de ses demandes.

Pour déclarer recevables les demandes de Madame X..., ledit Conseil a retenu que celle-ci avait dénoncé le reçu pour solde de tout compte dans le délai légal et en des termes généraux.

Pour rejeter la demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, il a constaté que le motif du licenciement tel qu'exposé dans la lettre de rupture était précis, que le poste de Madame X... avait bien été supprimé à la suite du transfert du siège social de la société de RUEIL MALMAISON à LUNEVILLE à raison des difficultés financières de celle-ci ayant nécessité des mesures de restructuration et que Madame X... ayant accepté la convention de conversion qui lui avait été proposée n'était pas fondée à contester l'ordre des licenciements.

Pour rejeter la demande d'indemnité pour non respect de la procédure de licenciement, il a estimé que le délai de 4 jours séparant la convocation et la fixation du jour de l'entretien préalable avait été

raisonnable.

Pour rejeter la demande de paiement de prime de vacances, Il a relevé que Madame X... ayant quitté l'entreprise le 22 février 1994 ne pouvait pas prétendre audit paiement lequel était subordonné à sa présence dans l'entreprise au 1er juillet.

Le 4 mars 1997 la société SEPA a été mise en redressement judiciaire. La SCP CHAMBRION BRUART a été désignée en qualité de représentant des créanciers et Maître BAYLE en qualité d'administrateur.

Par jugement du 4 août 1997, le Tribunal de Commerce de NANCY a arrêté le plan de cession de la société SEPA au profit de la SA SAVONNERIE ET HUILERIES BERNARD et a désigné Maître BAYLE en qualité de commissaire à l'exécution du plan.

Par ordonnance du 2 juin 1988 il a été mis fin à la mission de représentant des créanciers de la SCP CHAMBRION BRUART.

Madame X..., appelante, soutient à titre principal qu'à la date du licenciement son poste n'a été ni supprimé, ni transféré.

Elle soutient à titre subsidiaire que les critères d'ordre des licenciements n'ont pas été respectés.

Elle demande en conséquence à la Cour d'infirmer le jugement et de fixer sa créance au passif de la société SEPA aux sommes suivantes: - 1 117 F à titre de reliquat de congés payés, - 62 292 F à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, subsidiairement, à titre de dommages-intérêts pour non-respect de l'ordre des licenciements, - 8 000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

La SEPA et Maître BAYLE agissant en qualité de commissaire à l'exécution du plan de cession de la société SEPA répliquent que les demandes de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et

sérieuse et non respect des critères de licenciement sont irrecevables, Madame X... ayant signé un reçu pour solde de tout compte rédigé en termes généraux qu'elle n'a dénoncé que partiellement dans le délai de 2 mois et qu'elle sont au surplus mal fondées.

Il soutiennent à titre subsidiaire que Madame X... ayant adhéré à une convention de conversion est irrecevable à contester l'ordre des licenciements et qu'en toute hypothèse elle ne démontre aucun préjudice particulier qui résulterait du non respect de cet ordre.

L'AGS CGEA NORD EST s'en rapporte aux explications de la société SEPA quant aux circonstances de la rupture.

Elle demande qu'en tout état de cause il soit dit que la garantie de l'AGS ne pourra excéder, toutes créances confondues, 4 fois le plafond de cotisations maximum au régime d'assurance chômage tel qu'applicable au 1er semestre 1994 en vertu des dispositions des articles L 143-11-8 et D 143-2 du code du travail.

La SCP CHAMBRION a indiqué par lettre du 27 août 1998 que ce dossier était clôturé dans son étude, l'ordonnance du 2 juin 1998 ayant mis fin à sa mission de représentant des créanciers. SUR CE

Sur le reçu pour solde de tout compte :

Considérant que le 22 février 1994 Madame X... a reconnu avoir reçu de la société SEPA, le jour même, pour solde de tout compte, la somme de 45 547,42 F : "en paiement des salaires et de toutes indemnités quels qu'en soient la nature et le montant, qui m'étaient dûs au titre de l'exécution et de la cessation de mon contrat de travail";

Considérant que les termes dans lesquels sont rédigés ce reçu ne permettent pas de déterminer les éléments de rémunération ou d'indemnisation qu'il visait;

Considérant qu'un reçu ne peut avoir d'effet libératoire qu'à l'égard

des éléments de rémunération ou d'indemnisation nommément désignés et dont le montant pouvait être déterminé au moment de la rupture; qu'il est donc sans effet libératoire à l'égard des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et dommages-intérêts pour non respect de l'ordre des licenciements éventuellement dus au salarié;

Considérant que les demandes de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour non-respect de l'ordre des licenciements présentées par Madame X... sont donc recevables;

Sur la cause du licenciement :

Considérant que le motifs de son licenciement ont été exposés en ces termes à Madame X... dans la lettre de rupture du 16 février 1994 :

"A la suite de notre entretien préalable du 24 janvier 1994 au cours duquel nous vous avons remis le projet de convention de conversion ASSEDIC qui vous est proposé, nous vous informons que nous sommes contraints de procéder à votre licenciement pour le motif économique consistant en une suppression de plusieurs postes de travail dans le cadre de la restructuration de l'entreprise soumise au comité d'entreprise et impliquant notamment un transfert d'activité de l'établissement de RUEIL MALMAISON et une réorganisation du service commercial et du service de production...";

Considérant qu'il n'est pas contesté que la société SEPA avait des difficultés économiques justifiant qu'elle se réorganise, ce qu'elle a fait notamment en transférant le service commercial de RUEIL à LUNEVILLE, ses pertes pour l'année 1993 étant évaluées à environ 2 millions de francs;

Considérant qu'il résulte du dossier que le service commercial était composé à RUEIL d'un responsable export, d'un responsable hôtellerie,

d'un responsable grand distribution, d'une secrétaire de direction, d'un standardiste et de 3 assistantes commerciales;

Considérant qu'il ressort du registre du personnel que le poste d'assistante commerciale que Madame X... occupait à RUEIL a été supprimé le 23 février 1994 et que celle-ci n'a pas été remplacée, Monsieur Y..., engagé le 28 février 1994, l'ayant été en qualité de standardiste pour remplacer Madame Z..., standardiste, laquelle avait quitté l'établissement le 23 février 1994;

Considérant que le fait que le poste de Madame X... n'ait été supprimé à RUEIL que lors du transfert du siège social devenu effectif officiellement le 17 mai 1994, soit 3 mois après la notification de son licenciement à Madame X..., n'est pas de nature à rendre le licenciement de celle-ci abusif dans la mesure où le poste de Madame X... à RUEIL a été effectivement supprimé le 23 février 1994 et ce, en vue de son transfert à LUNEVILLE;

Considérant que la société SEPA était fondée, dés lors qu'elle avait supprimé le poste de Madame X... à RUEIL, à répartir, comme elle justifie l'avoir fait, les tâches de celle-ci entre les 2 autres assistantes commerciales et d'en confier certaines à Monsieur Y...; Considérant que le licenciement de Madame X... ayant bien pour cause la suppression du poste de travail de celle-ci dans le cadre de la restructuration de l'entreprise soumise au comité d'entreprise et impliquant notamment un transfert d'activité de l'établissement de RUEIL MALMAISON à LUNEVILLE et une réorganisation du service commercial, ce qui constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement pour motif économique, Madame X... doit être déboutée de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

Sur les critères d'ordre des licenciements :

Considérant qu'il résulte des dispositions combinées des article L 321-1-1, L 321-6, L 322-3 et L 511-1 alinéa 3 du code du travail que les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements doivent être mis en oeuvre à l'égard des salariés qui adhèrent à une convention de conversion et dont le licenciement a été décidé; que, dés lors, l'acceptation par Madame X... de la convention de conversion qui lui avait été proposée ne prive pas celle-ci de la possibilité de contester l'ordre des licenciements;

Considérant que les critères de choix des personnes à licencier retenus par la société lors de la réunion du comité d'entreprise du 12 janvier 1994 étaient l'assiduité, l'adaptabilité à l'évolution du poste, la qualification professionnelle, l'ancienneté dans le poste et les charges de famille;

Considérant qu'il n'apparait pas du dossier que Madame X... ait été moins assidue que Madame A... et Madame B..., les 2 autres assistantes commerciales travaillant à RUEIL, et que ses qualités d'adaptation ou sa qualification professionnelle aient été moindres; Considérant qu'embauchée en avril 1990 Madame X... occupait le poste d'assistante commerciale depuis le mois de janvier 1992 et était donc plus ancienne que Madame A... engagée en avril 1992;

Considérant qu'elle était la seule des 3 assistantes à avoir un enfant;

Considérant que c'est donc à juste titre qu'elle soutient que les critères d'ordre des licenciements n'ont pas été respectés;

Considérant toutefois qu'il résulte du registre d'entrée et de sortie du personnel que Madame A... et Madame B... ont été licenciées toutes 2 pour motif économique le 7 juillet 1994 pour avoir refusé

leur mutation à LUNEVILLE;

Considérant qu'il y a lieu dans ces conditions de fixer à la somme de 10 000 F le préjudice subi par Madame X... du fait du non respect par son employeur desdits critères;

Sur les congés payés :

Considérant que la société SEPA s'est engagée devant le Conseil des prud'hommes à régler à Madame X... la somme de 1 117 F à titre de congés payés;

Considérant que Madame X... indique sans être contredite ne pas avoir été réglée de cette somme;

Considérant qu'il y a lieu en conséquence de faire droit à sa demande sur ce point;

Sur l'article 700 du nouveau code de procédure civile :

Considérant que l'équité commande de laisser à chaque partie la charge des frais engagés pour faire valoir ses droits devant le Conseil des Prud'hommes puis la Cour;

Considérant qu'il n'y aura pas lieu à application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile;

Sur le plafond de garantie :

Considérant que le plafond 4 de garantie est applicable notamment dés lors que la créance ne résulte pas d'un contrat de travail conclu plus de 6 mois avant la décision prononçant le redressement judiciaire ou ne résulte pas des dispositions législatives ou réglementaires ou des stipulations d'une convention collective;

Considérant que le contrat de Madame X... a été conclu plus de 6 mois avant la décision prononçant le redressement judiciaire;

Considérant que la créance de celle-ci résulte des dispositions législatives ou réglementaires ou des stipulations d'une convention collective;

Considérant que le plafond 13 est donc applicable; PAR CES MOTIFS

La COUR,

Statuant publiquement et par arrêt réputé contradictoire,

Réforme le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande de dommages et intérêts pour non respect des critères d'ordre des licenciements présentée par Madame Sihème X...;

Déclare cette demande recevable;

Fixe la créance de Madame Sihème X... au passif de la société SEPA aux sommes suivantes : - 10 000 F (DIX MILLE FRANCS) à titre de dommages et intérêts pour non-respect de ces critères d'ordre; - 1 117 F (MILLE CENT DIX SEPT FRANCS) à titre de congés payés;

Dit que l'UNEDIC, AGS CGEA NORD EST sera tenu de garantir ces sommes dans la limite du plafond 13;

Met la SCP CHAMBRION BRUART hors de cause;

Confirme le jugement pour le surplus;

Déboute les parties de toute autre demande;

Condamne la société SEPA aux dépens.

Et ont signé le présent arrêt, Madame BELLAMY, Président de Chambre, et Madame C..., Greffier.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1997-21026
Date de la décision : 28/10/1998

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Reçu pour solde de tout compte - Effet libératoire - Etendue - Droits futurs (non) - /

Un reçu pour solde de tout compte signé par un salarié licencié ne peut avoir d'effet libératoire qu'à l'égard des éléments de rémunération ou d'indemnisation qu'il désigne et dont le montant était déterminable au moment de la rupture.Un tel reçu n'a donc aucun effet libératoire à l'égard des sommes éventuellement dues au salarié du chef d'une indemnisation d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou au titre du non respect de l'ordre des licenciements


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1998-10-28;1997.21026 ?
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