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22/10/1998 | FRANCE | N°1997-1101

France | France, Cour d'appel de Versailles, 22 octobre 1998, 1997-1101


Monsieur et Madame X... se sont mariés à BAMAKO au Mali le 18 février 1971.

Madame X... est de nationalité malienne et Monsieur X... revendique la double nationalité, franco-malienne.

Dès les premiers mois de leur mariage, les époux X... ont établi leur domicile en France et six enfants sont nés de cette union, tous de nationalité française.

Au cours de leur union, ils ont acquis en indivision plusieurs biens immobiliers situés en France, dont le domicile conjugal de GONESSE :

o

le 6 novembre 1978 : un appartement avec cave à VILLIERS LE BEL (

Val d'Oise), moyennant un prix de 122.442 francs, dont 14.000 francs comptant et le solde ...

Monsieur et Madame X... se sont mariés à BAMAKO au Mali le 18 février 1971.

Madame X... est de nationalité malienne et Monsieur X... revendique la double nationalité, franco-malienne.

Dès les premiers mois de leur mariage, les époux X... ont établi leur domicile en France et six enfants sont nés de cette union, tous de nationalité française.

Au cours de leur union, ils ont acquis en indivision plusieurs biens immobiliers situés en France, dont le domicile conjugal de GONESSE :

o

le 6 novembre 1978 : un appartement avec cave à VILLIERS LE BEL (Val d'Oise), moyennant un prix de 122.442 francs, dont 14.000 francs comptant et le solde au moyen de vingt annuités de 7.992 francs, expirant le 10 novembre 1998,

o

le 2 décembre 1981 : une maison à GONESSE (Val d'Oise), moyennant un prix de 444.120 francs, aujourd'hui entièrement libéré, sauf reprise d'un prêt de 392.800 francs,

o

le 16 novembre 1985 : un terrain à SOMMERY (Seine Maritime), édifié de deux lotissements, dont l'un à transformer, moyennant le prix de 120.000 francs, dont 100.000 francs au moyen d'un prêt non entièrement remboursé à ce jour.

Les époux X... ont divorcé selon jugement définitif du 3 juillet 1992, lequel a prononcé le divorce aux torts du mari, débouté Monsieur X... d'une demande relative à la jouissance du domicile conjugal et ordonné la liquidation de la communauté.

Le tribunal de grande instance de PONTOISE a été saisi de difficultés de liquidation de la communauté, difficultés tenant à la

détermination du régime matrimonial applicable, à l'établissement du compte de la communauté et du compte de l'indivision post-communautaire.

Par jugement du 8 octobre 1996, le tribunal a débouté Monsieur X... de sa demande tendant à faire appliquer les articles 44 et 45 du code du mariage et de la tutelle de la République du Mali pour déterminer le régime matrimonial et a au contraire jugé que la loi applicable au mariage des époux X... était la loi française, laquelle impliquait que le régime matrimonial des époux était celui de la communauté réduite aux acquêts.

En outre, le tribunal a pris acte de la demande d'attribution préférentielle du domicile conjugal formée par Madame X... et ordonné une expertise aux fins de procéder à l'établissement des comptes de la communauté et de l'indivision post-communautaire.

Monsieur X... a interjeté appel de cette décision, selon déclaration remise au greffe de la Cour le 16 janvier 1997.

MOYENS ET DEMANDES DES PARTIES

Monsieur X... fait grief à la décision attaquée d'avoir appliqué la loi française pour déterminer le régime matrimonial de son union avec Madame X..., en se fondant sur le fait que le couple, en ayant fixé son premier domicile en France et acquis conjointement plusieurs biens immobiliers en France, aurait manifesté la volonté de se soumettre au régime légal français alors qu'il n'appartient aux juges du fond de rechercher la volonté des époux que dans le cas où ceux-ci n'ont pas expressément manifesté la volonté de se soumettre à un régime matrimonial donné.

Qu'en l'espèce, Monsieur et Madame X... se sont mariés au Mali, pays dont les articles 44 et 45 du code du mariage et de la tutelle précisent que le régime légal est celui de la séparation de biens et que l'adoption du régime de la communauté doit résulter d'un contrat

de mariage préalable.

Monsieur et Madame X... n'ayant pas conclu un tel contrat, Monsieur X... en déduit que les époux ont expressément choisi de se soumettre au régime légal malien.

Ainsi, les premiers juges n'avaient pas à rechercher leur volonté présumée, et ce d'autant plus que les époux X... auraient, tout au long de leur union, réitéré leur volonté de se soumettre au régime légal malien, en conférant la double nationalité franco-malienne à leurs enfants, à l'instar de Monsieur X... d'une part et, en ce qui concerne Madame X..., en refusant de contribuer aux charges du mariage malgré l'exercice d'une activité professionnelle rémunérée, et exigeant d'être nourrie, logée, blanchie par son époux.

En conséquence, selon l'appelant, le régime matrimonial applicable au mariage X... est celui de la séparation de biens.

Monsieur X... soutient en outre qu'ayant financé seul l'acquisition des biens immobiliers en France, ces acquisitions constituent des donations déguisées au profit de Madame X..., qu'il convient donc de déclarer nulles.

Monsieur X... demande donc à la Cour de :

- constater que le régime matrimonial applicable est, conformément au droit malien, celui de la séparation de biens,

- constater que les acquisitions conjointes des biens immobiliers sis en France ont été intégralement financées par les deniers propres de Monsieur X... et qu'elles constituent des donations déguisées au profit de Madame X...,

- déclarer lesdites donations nulles,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fait droit à la demande d'attribution préférentielle du pavillon de GONESSE à Madame X...,

- débouter Madame X... de toutes ses demandes et la condamner au

paiement de la somme de 15.000 francs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

En réplique, Madame X... demande à la Cour de déclarer Monsieur X... mal fondé en toutes ses demandes et de confirmer la décision entreprise.

Elle demande en outre à la Cour de condamner Monsieur X... au paiement d'une somme de 5.000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et de le condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Au soutien de sa demande de confirmation, Madame X... fait valoir que le régime matrimonial est déterminé par la volonté des parties qui se manifeste normalement par le choix du domicile conjugal.

Elle fait encore valoir que l'acte de mariage sur lequel Monsieur X... fonde son argumentation et qui mentionne le régime de la séparation de biens avec option matrimoniale de la polygamie est tout à fait contestable, l'acte par elle produit ne portant aucunement ces mentions, ce que confirme le document émanant du service de l'Etat civil de NANTES du 31 août 1993.

Elle conteste ne jamais avoir contribué aux charges du mariage et le fait d'avoir manifesté sa volonté de soumettre son union au droit malien.

DISCUSSION ET MOTIFS DE LA DECISION

Considérant que lorsque le régime matrimonial ne résulte pas d'un choix exprès des époux, il appartient au juge de le déterminer, d'après les circonstances concomitantes ou postérieures au mariage, en tenant compte notamment du premier domicile des époux après la célébration de leur union et du lieu où les époux ont eu, lors du mariage, la volonté de localiser leurs intérêts pécuniaires ;

Considérant que Monsieur X... ne conteste pas le fait certain de

l'établissement du couple en France, dès après le mariage au Mali, la constante résidence en France de la famille et l'acquisition par les deux époux de biens immobiliers en France ;

Considérant que Monsieur X... ne saurait invoquer comme déterminant l'acte de mariage par lui produit, établi le 7 février 1997 par la Commune de BAMAKO et qui comporte les mentions suivantes : "régime matrimonial : biens séparés", "option matrimoniale : polygamie" ;

Qu'en effet, Madame X... produit un acte de mariage, délivré par la même Commune le 17 juin 1996, mais qui sous les deux rubriques "régime matrimonial" et "option matrimoniale", ne comporte aucune indication ;

Que ce dernier document est confirmé par l'acte portant transcription du mariage par le Consul général de France le 24 juin 1983 et qui sous le titre "énonciations relatives au contrat de mariage" précise "omises dans l'acte original étranger" ;

Considérant en outre qu'il ressort des actes d'acquisition des biens immobiliers sis en France que ceux-ci ont été faits par les deux époux avec précision du régime de la communauté légale (vente par la SCI LA CERISAIE du 16 novembre 1978, vente par la SOCIETE DE CONSTRUCTION DU VIGNOIS du 12 novembre 1981) ou sans indication de régime (vente par Monsieur et Madame Y... du 16 novembre 1985) ;

Qu'en outre dans ces actes, Monsieur X... est mentionné comme étant de nationalité française ;

Considérant que vainement encore Monsieur X... fait valoir que son ex-épouse a toujours refusé de participer aux charges du mariage ;

Que d'une part, les attestations produites n'établissent pas ce fait de façon certaine et que Madame X... produit des éléments contraires, que d'autre part, à le supposer établi, ce seul fait ne suffit pas à établir la volonté de Madame X... de se soumettre au régime malien de la séparation ;

Considérant qu'il ressort de ces éléments que l'union patrimoniale des époux X... est soumise au régime de la communauté de biens réduite aux acquêts conformément à la loi française fixant les règles dudit régime et que le jugement déféré doit être confirmé sur ce point ;

Considérant que du fait de leur régime matrimonial, la communauté de biens réduite aux acquêts, il n'y a pas lieu d'examiner la demande de Monsieur X... tendant à faire requalifier les acquisitions conjointes des biens immobiliers auxquelles le couple a procédé durant le mariage, en donations déguisées au profit de Madame X... ; Considérant que le tribunal a pris acte de ce que la demande d'attribution préférentielle du domicile conjugal formée par Madame X... ne se heurtait à aucune objection ;

Que Monsieur X... n'est pas fondé à remettre en cause cette position, en cause d'appel, alors au surplus que les conditions de ladite attribution sont réunies au profit de Madame X... ;

Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de Madame X... les frais irrépétibles exposés ; que la somme de 5.000 francs doit lui être allouée ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

DONNE ACTE à la SCP BOMMART etamp; MINAULT de sa constitution aux lieu et place de Maître BOMMART en qualité d'avoué de Madame X... ;

RECOIT Monsieur X... en son appel ;

L'EN DEBOUTE ;

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement déféré ;

Y AJOUTANT,

CONDAMNE Monsieur X... à payer à Madame X... la somme de CINQ MILLE

FRANCS (5.000 francs) au titre des frais irrépétibles ;

LE CONDAMNE aux dépens et dit que la SCP BOMMART etamp; MINAULT pourra recouvrer directement les frais avancés non compris dans les dépens et non convertis par l'aide juridictionnelle ;

DIT que le surplus des dépens sera recouvré conformément à la loi sur l'aide juridictionnelle.

ARRET REDIGE PAR :

Madame Colette GABET-SABATIER, Président,

ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET :

Le Greffier,

Le Président,

Catherine CONNAN

Colette GABET-SABATIER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1997-1101
Date de la décision : 22/10/1998

Analyses

REGIMES MATRIMONIAUX - Conflit de lois - Régime légal - Détermination - Critères - Premier domicile matrimonial - /

Lorsque le régime matrimonial ne résulte pas d'un choix exprès des époux, il appartient au juge de le déterminer d'après les circonstances concomitantes ou postérieures au mariage, en tenant compte notamment du premier domicile des époux, après la célébration de leur union, et du lieu où les époux ont eu, lors du mariage, la volonté de localiser leurs intérêts pécuniaires. Il résulte des éléments de l'espèce, dans la mesure où les époux ont, dès après la célé- bration du mariage à l'étranger, fixé de manière constante la résidence familiale en France et ont procédé à l'acquisition de biens immobiliers en France, que l'union patrimoniale des époux est soumise au régime légal de communauté de biens réduite aux acquêts, conformément à la loi française.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1998-10-22;1997.1101 ?
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