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21/10/1998 | FRANCE | N°1996-23917

France | France, Cour d'appel de Versailles, 21 octobre 1998, 1996-23917


Monsieur X... a interjeté appel d'un jugement rendu le 17 septembre 1996 par le Conseil des Prud'hommes de VERSAILLES qui l'a débouté de l'ensemble de ses demandes dans le litige l'opposant à Madame Laure Y... DE Z... épouse A..., à Madame Florence Y... DE Z... épouse B..., à Madame Y... DE Z... et à l'indivision Y... DE Z....

Monsieur X... a été engagé le 20 octobre 1986 par Madame Y... DE Z... en qualité de gardien-jardinier. Son contrat de travail prévoyait en son article 4 qu'il percevrait une rémunération de 6 740 F brute mensuelle pour un horaire forfaitaire hebdo

madaire de travail de 39 heures.

Le 12 octobre 1995, il a été convo...

Monsieur X... a interjeté appel d'un jugement rendu le 17 septembre 1996 par le Conseil des Prud'hommes de VERSAILLES qui l'a débouté de l'ensemble de ses demandes dans le litige l'opposant à Madame Laure Y... DE Z... épouse A..., à Madame Florence Y... DE Z... épouse B..., à Madame Y... DE Z... et à l'indivision Y... DE Z....

Monsieur X... a été engagé le 20 octobre 1986 par Madame Y... DE Z... en qualité de gardien-jardinier. Son contrat de travail prévoyait en son article 4 qu'il percevrait une rémunération de 6 740 F brute mensuelle pour un horaire forfaitaire hebdomadaire de travail de 39 heures.

Le 12 octobre 1995, il a été convoqué à un entretien préalable fixé au 20 octobre 1995, en vue d'un éventuel licenciement.

Par courrier du 25 octobre 1996, il a été licencié pour absences fréquentes et attitude violente et injurieuse.

Le 20 novembre 1995, Monsieur X... a saisi le Conseil des Prud'hommes pour voir condamner son ancien employeur, en l'état de ses dernières demandes, à lui verser les sommes suivantes : - 955 369,08 F à titre de rappel de salaire pour la période du 1er novembre 1990 au 31 octobre 1995, - 95 536,90 F à titre de congés payés y afférent, - 110 291,36 F à titre d'heures supplémentaires pour la période du 1er décembre 1990 au 31 octobre 1995, - 11 029,13 F à titre de congés payés y afférent, - 94 268,77 F à titre de dommages et intérêts pour non-paiement de repos compensateurs (week-end travaillés), - 39 629,52 F à titre d'indemnité de préavis, - 3 962,95 F à titre de congés payés y afférent, - 27 299,86 F à titre d'indemnité de licenciement, - 175 248 F à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive, - 10 000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Pour dire le licenciement de Monsieur X... justifié, le Conseil

a considéré qu'il résultait suffisamment des attestations versées aux débats et du courrier de Monsieur X... daté du 28 octobre 1995 que celui-ci avait eu un comportement incorrect empreint d'agressivité en saisissant Madame B... par le bras afin de lui montrer le désordre laissé par Monsieur C... et en répondant de manière virulente à Monsieur B... qui lui avait posé une question.

Le Conseil a par ailleurs considéré que si le contrat de travail du salarié prévoyait une surveillance continue de la propriété, Monsieur X... occupant un logement de fonction n'avait été tenu qu'à une présence sans obligation de rondes et qu'en outre, il n'avait justifié d'aucun travail effectif en dehors de son horaire forfaitaire de 39 heures par semaine.

Dans ses conclusions d'appel, Monsieur X... soutient qu'à partir du moment où il était tenu de rester dans le logement de fonction pour exercer une surveillance continue de la propriété, il effectuait alors un travail effectif au sens de l'article L 212-4 du code du travail.

Il soutient qu'il était tenu à des horaires quotidiens, à savoir du lundi au vendredi de 8H à 17H30 au minimum, qu'il n'existait pas de convention de forfait entre son employeur et lui et que, comparé au salaire minimum conventionnel, le forfait invoqué par son employeur lui serait largement défavorable.

Il prétend que devant exercer une surveillance continue de la propriété le jour et la nuit, du lundi au vendredi, pour une durée de 120H, il lui est dû, par semaine, 81 heures de travail effectif non réglées au taux normal et qu'ayant effectué des heures supplémentaires, il aurait dû bénéficier du repos compensateur.

Contestant par ailleurs les motifs du licenciement, il demande à la Cour d'infirmer la décision entreprise et de condamner les intimées à

lui payer les sommes suivantes : - 955 536,08 F à titre de rappel de salaire pour la période du 1er novembre 1990 au 31 octobre 1995, - 95 536,90 F à titre de congés payés y afférent, - 110 291,36 F à titre d'heures supplémentaires pour la période du 1er décembre 1990 au 31 octobre 1995, - 11 029,13 F à titre de congés payés y afférent, - 94 268,77 F à titre de dommages et intérêts pour non-paiement de repos compensateurs (week-end travaillés), - 39 629,52 F à titre d'indemnité de préavis, - 3 962,95 F à titre de congés payés y afférent, - 27 299,86 F à titre d'indemnité de licenciement, - 175 248 F à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive, - 10 000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Madame A..., Madame B..., Madame Christine Y... DE Z... et l'indivision Y... DE Z..., intimées, demandent d'abord à la Cour de rejeter les pièces qui seraient communiquées par l'appelant, celui-ci n'ayant pas, avant l'audience, notifié les pièces sur lesquelles il fonde ses prétentions.

Au fond, les intimées soulignent que Monsieur X... avait toute liberté pour organiser son travail, sauf à s'entendre avec Madame C..., également gardien de la propriété, en cas d'absence.

Faisant valoir que Monsieur X... n'était tenu à aucun travail effectif au-delà de son forfait de 39 heures par semaine, les intimées ajoutent que l'intéressé n'avait pas à intervenir la nuit et pendant les week-end et qu'il devait seulement organiser ses absences de la propriété en concertation avec l'autre gardien, de telle sorte que les lieux ne soient jamais sans surveillance.

Les consorts Y... DE Z... font valoir par ailleurs que le licenciement de Monsieur X... était justifié par son comportement violent et injurieux, son refus de toutes directives et ses absences fréquentes sans coordination avec l'autre gardien. En conséquence, ils demandent à la Cour de confirmer le jugement

entrepris, de débouter Monsieur X... de toutes ses demandes et de le condamner au paiement des sommes de :

- 15 000 F à titre de dommages et intérêts pour "comportement dilatoire", - 10 000 F en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. SUR CE

Sur la communication de pièces :

Considérant que Monsieur X... ne fait état devant la Cour que de pièces communiquées par les consorts Y... DE Z...; qu'il n'y a donc pas lieu à renvoi de l'affaire pour communication de pièces par l'appelant;

Sur les demandes de rappel de salaire, heures supplémentaires, repos compensateur et complément d'indemnité de rupture :

Considérant qu'aux termes de son contrat de travail, Monsieur X... devait assurer l'entretien du jardin, des pelouses, haies, clôtures, etc... et du matériel (tondeuse, tracteur, etc...), s'occuper de la nourriture des chiens, ainsi qu'assurer une surveillance de la propriété, y compris un week-end sur deux, en alternance avec Madame C..., autre gardien salarié des consorts Y... DE Z...;

Considérant que son salaire, d'un montant brut de 9 127,13 F par mois au moment de son licenciement, était bien supérieur au minimum conventionnel et calculé sur la base d'un horaire forfaitaire hebdomadaire de 39 heures; qu'il bénéficiait d'un logement gratuit à l'intérieur de la propriété avec divers avantages (chauffage, eau, électricité, jardin, poulailler, etc...);

Considérant que le contrat de travail de Monsieur X... ne prévoyait aucun horaire de travail pour effectuer ses 39 heures hebdomadaires; que la mission générale de surveillance de Monsieur D... ne comportait en soi aucun travail précis, de sorte qu'elle se réduisait à une simple présence sur la propriété dans laquelle il

habitait; qu'il était prévu dans son contrat; qu'il pouvait quitter la propriété, soit en semaine, soit pendant les week-end, à la seule condition de s'assurer, pendant son absence, de la présence de l'autre gardien, de telle sorte que la propriété ne soit jamais sans surveillance, celle-ci étant par ailleurs dotée d'un système de surveillance électronique directement relié à la gendarmerie;

Considérant qu'il résulte ainsi du dossier qu'en dehors de ses 39 heures hebdomadaires de travail, Monsieur X... pouvait librement vaquer à ses occupations personnelles à son domicile ou dans les annexes de celui-ci, n'étant tenu à aucun travail effectif mais seulement à une astreinte;

Considérant qu'il s'ensuit que cette seule astreinte à domicile, partagée dans le temps entre deux gardiens, ne saurait être assimilée à un travail effectif et recevoir une quelconque rémunération supplémentaire au salaire forfaitaire de 39 heures, étant la contrepartie de la jouissance gratuite d'un logement et de toutes les prestations annexes;

Considérant, par ailleurs, qu'aucun élément du dossier ne démontre que dans le cadre de sa mission d'entretien Monsieur X... aurait effectué des heures supplémentaires, au-delà de ses 39 heures hebdomadaires;

Considérant, en conséquence, que les premiers juges ont débouté à juste titre Monsieur X... de ses diverses demandes de rappel de salaires, heures supplémentaires, dommages et intérêts pour non-paiement de repos compensateur et complément d'indemnités de préavis et de licenciement;

Sur le licenciement :

Considérant que les consorts Y... DE Z... ont notifié son licenciement à Monsieur X... dans les termes suivants :

"Pour les motifs qui vous ont été exposés lors de l'entretien

préalable du 19 octobre 1995, nous entendons par la présente vous notifier votre licenciement.

En effet, lors dudit entretien, vous n'avez pu fournir aucune explication pouvant permettre de justifier votre comportement et les faits qui vous sont reprochés.

Ces dernières semaines, vous avez multiplié des agissements qui rendent incompatible le maintien à votre poste avec la bonne marche de notre exploitation.

Tout d'abord, vous ne supportez pas que des directives vous soient données, vous les contestez systématiquement, de telle sorte que vous ne faites que ce que vous voulez et quand vous voulez.

Bien que votre contrat de travail prévoit expressément que vous devez travailler du lundi au vendredi inclus, nous avons appris que vous vous absentiez très fréquemment notamment le mercredi et le jeudi après-midi.

Votre comportement avec les enfants est très perturbateur pour eux, vous supportez très mal leur présence et vous hurlez sur eux.

Le dimanche 24 septembre, vous m'avez répliqué de manière particulièrement violente et vous m'avez empoignée sans ménagement par le bras pour manifester votre désaccord. Il s'agissait comme travail à exécuter d'apposer un panneau sur un chemin privatif de la propriété dite "la Vacherie" et de déposer à la décharge les résidus et autres vieux cumulus entreposés depuis des mois derrière l'atelier; vous avez précisé en vociférant que vous n'étiez pas payé pour ranger le "bordel" des autres.

Mais surtout, un fait très grave s'est produit le 1er octobre 1995 lors duquel vous avez manifesté un comportement tout à fait inadmissible sur le lieu de travail en présence de plusieurs personnes et d'enfants.

A votre demande, Monsieur B... s'est déplacé pour voir ce qui ne

fonctionnait pas sur la tondeuse et tout à coup, vous avez jeté une pièce de cette tondeuse au fond du garage, violemment, vous avez vociféré et avez proféré des insultes particulièrement injurieuses et désobligeantes à l'encontre de Monsieur B... que vous avez empoigné; Monsieur B... s'est dégagé.

Ensuite, alors qu'il se dirigeait vers la maison, vous l'avez poursuivi en continuant à l'insulter.

Vous vous êtes ainsi comporté, alors qu'il y avait de nombreuses personnes et notamment les enfants qui ont été véritablement terrorisés et traumatisés.

Nous vous précisons que nous entendons vous dispenser de toute activité pendant votre préavis, votre rémunération vous étant versée";

Considérant qu'il ne saurait être reproché à Monsieur X... de s'absenter le mercredi et le jeudi après-midi dans la mesure où son contrat lui donnait cette possibilité à condition de s'assurer de la présence du second gardien;

Considérant, en revanche, qu'il résulte des attestations régulièrement produites aux débats, notamment celles de Mesdames A... et B... qui ne font pas partie de l'indivision Y... DE Z... et n'ont pas ainsi la qualité d'employeur, que le 1er octobre 1995, Monsieur X... a eu un comportement violent et injurieux envers Monsieur B..., qui est l'époux de Madame Florence Y... DE Z...; qu'en effet, alors que Monsieur B... entendait se rendre compte de l'état mécanique d'une tondeuse que Monsieur X... lui avait signalée comme "étant morte", ce dernier s'est mis à hurler des invectives à l'encontre de Monsieur B..., telles que "vous me faites chier", "gros con", "vous n'avez pas de couilles", etc..., n'hésitant pas en plus à l'agripper violemment par le bras;

Considérant que cette attitude injurieuse de l'appelant à l'égard d'un membre de la famille Y... DE Z... ne permettait pas à cette indivision de le conserver à son service et constituait manifestement un motif réel et sérieux de licenciement;

Considérant, en conséquence, que le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur X... de sa demande de dommages et intérêts pour rupture abusive;

Considérant qu'il convient, en définitive, de débouter Monsieur X... de son appel et de confirmer le jugement entrepris;

Sur les autres demandes :

Considérant qu'il n'est pas démontré que Monsieur X... ait eu une attitude dilatoire et qu'en introduisant la présente action prud'homale et en relevant appel, Monsieur X... n'a commis aucun abus de droit; que les intimés seront donc débouté de leur demande de dommages et intérêts;

Considérant que Monsieur X... doit supporter les dépens;

Considérant que l'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile; PAR CES MOTIFS

La COUR,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Dit n'y avoir lieu à renvoi de l'affaire pour communication de pièces;

Au fond,

Déboute Monsieur René X... de son appel;

Confirme le jugement entrepris;

Déboute les consorts Y... DE Z... de leur demande reconventionnelle en dommages et intérêts;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile;

Condamne Monsieur René X... aux dépens.

Et ont signé le présent arrêt, Madame BELLAMY, Président de Chambre, et Madame E..., Greffier.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1996-23917
Date de la décision : 21/10/1998

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Salaire - Cause - Travail du salarié - Travail effectif - Définition

Lorsque le gardien d'une propriété, n'est tenu, au-delà de ses trente neuf heures de travail hebdomadaire, à aucun autre travail effectif mais seulement à une astreinte à domicile, partagée dans le temps avec un autre gardien, une telle astreinte ne saurait être assimilée à un travail effectif ouvrant droit à une quelconque rémunération supplémentaire, alors que la jouissance gratuite d'un logement et de toutes les prestations annexes constituent la contrepartie de l'astreinte imposée


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1998-10-21;1996.23917 ?
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