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16/10/1998 | FRANCE | N°1996-6021

France | France, Cour d'appel de Versailles, 16 octobre 1998, 1996-6021


Le 05 avril 1983, Madame X... a acquis de Monsieur Y..., par acte authentique, la nu-propriété d'un immeuble sis rue Marguerite à SCEAUX. Par un acte sous seing privé en date du 28 février 1986, Monsieur Y..., alors usufruitier, a donné à bail ledit immeuble à Monsieur et Madame Z.... Le 25 octobre 1994, Madame X... devenue titulaire de la pleine propriété de l'immeuble par réunion de l'usufruit au décès de Monsieur Y..., leur a fait délivré un congé avec reprise sur le fondement de l'article 15 de la loi du 06 juillet 1989. Par assignation du 25 octobre 1994, les locataires on

t demandé au tribunal d'instance d'ANTONY la nullité du congé. ...

Le 05 avril 1983, Madame X... a acquis de Monsieur Y..., par acte authentique, la nu-propriété d'un immeuble sis rue Marguerite à SCEAUX. Par un acte sous seing privé en date du 28 février 1986, Monsieur Y..., alors usufruitier, a donné à bail ledit immeuble à Monsieur et Madame Z.... Le 25 octobre 1994, Madame X... devenue titulaire de la pleine propriété de l'immeuble par réunion de l'usufruit au décès de Monsieur Y..., leur a fait délivré un congé avec reprise sur le fondement de l'article 15 de la loi du 06 juillet 1989. Par assignation du 25 octobre 1994, les locataires ont demandé au tribunal d'instance d'ANTONY la nullité du congé. Ils invoquent, à l'appui de leur demande que la loi du 06 juillet 1989 n'est pas applicable à l'espèce, au contraire application doit être faite de la loi du 1er septembre 1948 eu égard à l'état des lieux loués. De plus, ils demandent le versement de la somme de 5.000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Madame X... a répliqué que les éléments fournis par les locataires ne permettent pas de conduire à l'application de la loi de 1948 et qu'en tout état de cause l'article 20 de cette même loi permet de délivrer un congé pour reprise. Reconventionnellement, elle a demandé le paiement de 10.000 francs pour procédure abusive et 10.000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Par jugement contradictoire en date du 12 juin 1995, le tribunal d'instance d'ANTONY a rendu la décision suivante : - déclare nul le congé délivré le 26 septembre 1994, - condamne Madame A... épouse X... à payer à Monsieur et Madame Z... la somme de 1.500 francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, - condamne Madame Claudine A... épouse X... aux dépens. Le 1er juillet 1996, Madame X... a interjeté appel de cette décision. Seul Monsieur Z... a constitué avocat le 24 juillet 1996. Madame X... fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir

déclaré le congé nul au motif qu'elle ne rapporte pas la preuve qu'elle manque de logement ou qu'elle est mal logée comme l'y invite la loi du 1er septembre 1948. Cependant, elle invoque l'article 595 du code civil dont il ressort qu'un bail de neuf ans consenti par un usufruitier n'est opposable au nu-propriétaire que pour le temps qui reste à courir. Ainsi Monsieur et Madame Z... n'étaient pas fondés à rester dans les lieux que jusqu'au 31 mars 1995, date à laquelle Madame X... pouvait reprendre le logement. Ainsi, il est demandé à la Cour : - recevoir Madame A... épouse X... en son appel, - l'y déclarant bien fondée, réformer le jugement entrepris, - statuant à nouveau, constater que le bail dont bénéficiaient les époux Z... a pris fin le 31 mars 1995, par application des dispositions de l'article 595 du code civil, - dire en conséquence, que les époux Z... devront avoir libéré les lieux de leur personne et de tous occupants de leur chef dans le délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, et sous astreinte de 1.000 francs par jour de retard à l'expiration de ce délai, - dire que faute par eux de libérer les lieux dans le délai sus-mentionné il pourra être procédé à leur expulsion et à la libération totale des lieux avec le concours de la force publique, leurs meubles étant confiés à tel garde-meubles qu'il plaira à Madame X..., aux frais des époux Z..., - fixer l'indemnité d'occupation due par les époux Z... depuis le 31 mars 1995 à la somme de 5.000 francs, - condamner solidairement Monsieur et Madame Z... à payer à Madame A... épouse X... une somme de 20.000 francs HT par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, - condamner solidairement Monsieur et Madame Z... en tous les dépens et dire qu'ils pourront être recouvrés directement par Maître BOMMART, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile. B... réplique,

l'intimé prétend que les dispositions de l'article 595 du code civil invoquées par l'appelante ne permettent pas de passer outre les prescriptions légales concernant le congé avec reprise. De plus, le bai se serait reconduit tacitement aux conditions initiales le 1er avril 1995 faute de notification d'un congé valable. Ainsi, il ne pourrait en tout état de cause, être fait application de l'article 595 du code civil avant l'expiration d'une nouvelle période de neuf ans. Monsieur Z... soulève, par ailleurs, l'irrecevabilité de la demande de Monsieur X... sur le fondement de l'article 595 du code civil. B... effet, cette demande déplacerait le problème juridique sur le terrain des droits du nu-propriétaire, ce qui constituerait une prétention nouvelle. Monsieur Z... sollicite enfin le versement de la somme de 30.000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Par conséquent, il est demandé à la Cour de : - confirmer purement et simplement le jugement rendu le 12 juin 1995, - constater que l'appel principal est fondé sur une demande irrecevable en tant que telle et subsidiairement mal fondée, - débouter purement et simplement Madame X... de l'ensemble des demandes telles que formulées devant la Cour de céans, - en toute hypothèse, condamner Madame X... à payer à Monsieur Z... la somme de 30.000 francs HT sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, - la condamner en tous les dépens et dire qu'ils pourront être recouvrés directement par la SCP FIEVET-ROCHETTE-LAFON, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile. B... réponse, Madame X... soulève une fin de non-recevoir au motif que la loi du 1er septembre 1948 n'est admis qu'aux occupants de bonne foi. Elle fait valoir que Monsieur et Madame Z... n'occupaient pas le logement objet du bail. Ils ne seraient donc ni occupants, ni de bonne foi. Sur le fond, Madame X... soutient que sa situation

familiale, à savoir la mutation de son mari dans la région parisienne alors qu'elle réside dans la région Nord, lui permet de justifier de la reprise du logement donné à bail. Quant à l'allégation de prétention nouvelle soulevée par l'intimé, Madame X... affirme qu'il n'en est rien, elle a toujours considéré son congé comme valable et ne fait, en utilisant l'article 595 du code civil, que développer son argumentation. De surcroît, Madame X... demande 50.000 francs à titre de dommages et intérêts, 10.000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Ainsi, il est demandé à la Cour de : - adjuger et juger l'appel particulièrement recevable et bien fondé, - constater que Monsieur Z... n'est pas occupant de bonne foi, - constater qu'en cours de procédure d'appel Monsieur Z... s'est domicilié 3 rue Marguerite à SCEAUX, - dire et juger Madame X... particulièrement recevable et bien fondée en la fin de non-recevoir tirée de la non occupation de l'immeuble, - en conséquence, en tirer les conséquences qui s'imposent, - dire et juger valable le congé délivré à Monsieur Z..., - condamner Monsieur Z... au surplus à l'octroi d'une somme de 50.000 francs à titre de dommages et intérêts, de 10.000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile au profit de Madame A..., - condamner Monsieur Z... aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Maître BOMMART, avoué, conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure civile. Dans ses dernières conclusions, Monsieur Z... soulève l'irrecevabilité de la fin de non-recevoir de Madame X... B... effet, si Madame Z... ont divorcé, Monsieur Z... est seul resté domicilié dans l'immeuble donné à bail quant bien même la déclaration de changement de domicile de Monsieur Z... indiquerait, le contraire ; il ne peut s'agir que d'une erreur matérielle inopérante s'étant glissée dans l'acte. Enfin,

Monsieur Z... soutient que Madame X... dispose d'un logement confortable et qui en tout état de cause Madame X... reste soumise à la délivrance d'un commandement d'avoir à quitter les lieux conforme à la loi du 1er septembre 1948, ce qui n'est toujours pas le cas. B... l'état de cette carence, il est demandé à la Cour de : - débouter l'appelante de sa demande de validation du congé délivré, en conséquence, confirmer le jugement en toutes ses dispositions, - adjuger de plus fort à Monsieur Z... le bénéfice de ses précédentes écritures, - statuant sur les dépens ce que précédemment requis. Dans ses dernières conclusions, Madame X... maintient la fin de non recevoir précédemment soulevée. Réaffirmant que Monsieur Z... ne peut se prévaloir du statut d'occupant de bonne foi, les allégations concernant une erreur matérielle ainsi que son divorce sont inopérantes. Ainsi, il est demandé à la Cour : - d'allouer à Madame X... le bénéfice de ses écritures précédentes, - statuer ce que de droit quant aux dépens ainsi que précédemment requis. L'ordonnance de clôture a été singée le 15 septembre 1998, jour de plaidoiries.

SUR CE LA COUR : Considérant qu'il ne peut valablement être contesté que la Loi applicable au bail litigieux est la loi du 1er septembre 1948, eu égard notamment à la date de construction de l'immeuble, à la référence expresse faite à ce texte lors de la signature par les parties de l'avenant du 28 février 1986, et à l'état des lieux dressé contradictoirement à cette même date ; Considérant toutefois que la loi régissant le bail demeure sans incidence pour la solution à donner au présent litige ; Qu'en effet Madame X..., invoque le bénéfice de l'article 595 du code civil ; Considérant que cette

demande, formée pour la première fois en cause d'appel, est néanmoins recevable comme tendant aux mêmes fins que celle soumise au premier juge, à savoir la reprise par la bailleresse du bien donné en location à Monsieur Z... ; Considérant que selon l'alinéa 2 de l'article susvisé, les baux que l'usufruitier seul a faits pour un temps qui excède neuf ans, ne sont, en cas de cessation de l'usufruit, obligatoires à l'égard du nu-propriétaire que pour le temps qui reste à courir, soit de la première période de neuf ans si les parties s'y trouvent encore, soit de la seconde, et ainsi de suite de manière que le preneur n'ait que le droit d'achever la jouissance de la période de neuf ans où il se trouve ; Considérant que les dispositions de la loi du 1er septembre 1948, texte d'application spécifique, ne peuvent déroger à cet article, du code civil, de portée générale s'appliquant à la présente espèce ;

Considérant que Madame X..., nue-propriétaire en vertu d'un acte notarié en date du 1er avril 1983, était parfaitement fondée, suite au décès de Monsieur Y..., usufruitier ayant consenti le bail aux époux Z..., à délivrer congé pour le 31 mars 1995, quel que soit le régime juridique de la location consentie ; Qu'il convient, par conséquent, de réformer le jugement entrepris et de valider le congé délivré à Monsieur Z..., de dire que ce dernier devra libérer les lieux, sans qu'il soit nécessaire d'ordonner une mesure d'astreinte, d'autoriser à défaut de départ volontaire l'expulsion de ce dernier et la séquestration du mobilier restant dans les lieux, de fixer l'indemnité mensuelle au montant du loyer qui serait normalement dû ; Sur l'application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile : Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de Madame X... les sommes exposées par elle qui ne sont pas comprises dans les dépens ; Qu'il y a lieu de lui allouer la somme de 3.000 francs en vertu de l'article 7OO du nouveau code de

procédure civile. PAR CES MOTIFS ; La COUR statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort ; Vu le jugement du tribunal d'instance d'ANTONY en date du 12 juin 1995 ; Au fond, modifiant le jugement ; CONSTATE que le bail dont bénéficiaient Monsieur et Madame Z... a pris fin le 31 mars 1995 par application de l'article 595 du code civil ; DIT qu'à défaut d'avoir libéré les lieux situés à SCEAUX, rue Marguerite, de leurs biens et de tous occupants de leur chef dans le délai de trente jours suivant la signification du présent arrêt, il sera procédé à l'expulsion de Monsieur et Madame Z... avec l'assistance de la force publique si besoin est, et au transport des meubles laissés dans les lieux dans tel local qu'il plaira au bailleur de désigner, aux frais et risques des expulsés (le tout en application des articles 61 à 66 de la loi du 09 juillet 1991) ; FIXE l'indemnité d'occupation due au montant du loyer et des charges actuels ; CONDAMNE Monsieur et Madame Z... à payer à Madame X... la somme de TROIS MILLE FRANCS (3.000 francs) au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, LES CONDAMNE aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés par la SCP BOMMART-MINAULT, titulaire d'un office d'avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile. Et ont signé le présent arrêt : Le Greffier,

Le Président, Marie-Hélène EDET.

Alban CHAIX.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1996-6021
Date de la décision : 16/10/1998

Analyses

USUFRUIT

Aux termes de l'article 595 alinéa 2 du code civil, " Les baux que l'usufruitier seul a faits pour un temps qui excède neuf ans ne sont, en cas de cessation de l'usufruit, obligatoires à l'égard du nu-propriétaire que pour le temps qui res- te à courir, soit de la première période de neuf ans, si les parties s'y trouvent encore, soit de la seconde, et ainsi de suite de manière que le preneur n'ait que le droit d'achever la jouissance de la période de neuf ans où il se trouve". Dès lors que les dispositions précitées ont une portée générale à laquelle une loi particulière ne peut déroger, la simple circonstance qu'un bail a été consenti par un usufruitier, en l'espèce, sous l'empire de la loi du 1er septembre 1948, demeure sans influence sur le droit du nu-propriétaire, au dé- cès de l'usufruitier, de délivrer congé au locataire, et ce, quelque soit le régime juridique de la location consentie


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1998-10-16;1996.6021 ?
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