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15/10/1998 | FRANCE | N°1996-2916

France | France, Cour d'appel de Versailles, 15 octobre 1998, 1996-2916


Monsieur et Madame X... étaient propriétaires d'un immeuble situé ... à TAVERNY.

Suivant acte sous seing privé en date du 28 décembre 1997, ils ont donné à bail à Monsieur et Madame Y... un appartement situé au 1er étage dudit immeuble pour une durée de 6 années commençant à courir à compter du 1er janvier 1988 pour se terminer le 1er janvier 1994.

Suivant acte du 11 janvier 1988, les mêmes époux X... ont donné à bail à la SARL "TAVERNY DELICES", dont Monsieur Y... est le gérant, des locaux commerciaux à usage de boulangerie, pâtisserie, situés au rez d

e chaussée et en sous-sol de l'immeuble susvisé.

Suivant acte d'huissier en date d...

Monsieur et Madame X... étaient propriétaires d'un immeuble situé ... à TAVERNY.

Suivant acte sous seing privé en date du 28 décembre 1997, ils ont donné à bail à Monsieur et Madame Y... un appartement situé au 1er étage dudit immeuble pour une durée de 6 années commençant à courir à compter du 1er janvier 1988 pour se terminer le 1er janvier 1994.

Suivant acte du 11 janvier 1988, les mêmes époux X... ont donné à bail à la SARL "TAVERNY DELICES", dont Monsieur Y... est le gérant, des locaux commerciaux à usage de boulangerie, pâtisserie, situés au rez de chaussée et en sous-sol de l'immeuble susvisé.

Suivant acte d'huissier en date du 09 juin 1993, les époux X... ont fait délivrer un congé à effet du 1er janvier 1994 aux époux Y... pour l'appartement du 1er étage, et ce, en conformité avec l'article 15-1 de la loi du 06 juillet 1989.

Les époux Y... s'étant maintenu dans les lieux, les époux X... ont saisi le juge des référés du Tribunal d'Instance de MONTMORENCY d'une demande de validation du congé et d'expulsion des locataires.

Les époux Y... ont soulevé l'incompétence de la juridiction saisie, en invoquant l'indissociabilité de l'appartement du 1er étage avec les locaux commerciaux du rez de chaussée et en revendiquant l'application du statut des baux commerciaux pour l'ensemble des locaux.

Par ordonnance du 17 juin 1994, le juge des référés s'est déclaré incompétent au profit du Tribunal de Grande Instance de PONTOISE et a dit que les dépens de l'instance suivraient ceux de l'instance au fond.

*

Appel de cette décision a été relevé par les époux X.... L'affaire a été radiée puis reportée au rôle par les époux Y.... Pour leur part et en exécution de l'ordonnance du 17 juin 1994, les époux Y... ont saisi le Tribunal de Grande Instance de PONTOISE, lequel par jugement du 31 janvier 1996 a statué dans les termes ci-après :

- Dit que l'appartement sis, 8 avenue de la Gare à TAVERNY, au premier étage loué pour l'habitation des exploitants du commerce situé au rez de chaussée, est l'accessoire de ce fonds.

- Dit, en conséquence, que le contrat de location à effet du 1er janvier 1988 conclu pour l'appartement relève, au même titre que celui du rez de chaussée conclu à la même date d'effet, du statut des baux commerciaux prévu au décret du 30 septembre 1953.

- En conséquence, déclare nul et de nul effet le congé délivré aux époux Y... à la requête des époux X... le 09 juin 1993.

- Déboute les époux X... de toutes leurs demandes.

- Les condamne aux dépens et à payer aux époux Y... la somme de 5.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

*

Appel de cette décision a été relevé également par les époux X....

Pour une bonne administration de la justice, il conviendra de joindre les procédures issues de ces actes d'appel séparées ou du report au rôle (n° 8802/96, 2916/96) et de statuer par une seule et même décision.

Au soutien de leur premier appel, les époux X... exposent que c'est à tort que le premier juge a décliné sa compétence dès lors que

le bail litigieux ne relève pas du statut et que le congé donné pour un motif légitime, à savoir l'état de santé de Monsieur X..., a sorti son plein et entier effet.

Ils demandent dès lors à la Cour d'infirmer l'ordonnance déférée, de dire que les époux Y... sont occupants sans droit, ni titre, depuis le 1er janvier 1994, d'ordonner leur expulsion immédiate avec toutes conséquences de droit, de les condamner à payer une indemnité d'occupation de 5.000 francs par mois jusqu'à complète libération des locaux ainsi qu'une indemnité de 10.000 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

*

Les époux Y... concluent, pour leur part, à la confirmation de l'ordonnance déférée par adoption de motifs sauf à se voir allouer une indemnité de 10.000 francs en couverture des frais qu'ils ont été contraints d'exposer devant la Cour au titre de cette première procédure.

Au soutient du deuxième appel, les époux X... reprochent au premier juge d'avoir mal apprécié la commune intention des parties et les données du litige, faisant valoir que rien ne démontre en l'espèce que les locaux d'habitation du premier étage et les locaux commerciaux du rez de chaussée seraient indissociables. Ils demandent, en conséquence, à la Cour de dire à nouveau que le bail de l'appartement du premier étage n'est pas soumis au statut des baux commerciaux, de déclarer valable le congé du 09 juin 1993, d'ordonner l'expulsion des époux Y..., de les condamner à payer une indemnité d'occupation de 5.000 francs par mois depuis la date d'effet du congé jusqu'à complète libération des lieux et de les condamner au paiement d'une indemnité de 15.000 francs en application de l'article 700 du

Nouveau Code de Procédure Civile.

[*

Les époux Y... concluent encore, pour leur part, à la confirmation en toutes ses dispositions du deuxième jugement déféré par adoption de motifs et sollicitent l'allocation d'une indemnité complémentaire de 15.000 francs au titre de l'article 700 précité.

Enfin, il convient de noter que Monsieur Pierre X... est décédé le 07 novembre 1997 et que l'instance a été régulièrement reprise par Madame Jacqueline X..., son épouse survivante et par ses enfant Monsieur Jacques X... et Madame Chantal X... (ci-après désignées les consorts X...), lesquels justifient être aux droits de feu Monsieur Pierre X... par la production d'un acte de notoriété. MOTIFS DE LA DECISION

*] Sur l'appel de l'ordonnance de référé

Considérant que, en vertu de l'article 49 du Nouveau Code de Procédure Civile, toute juridiction saisie d'une demande relevant de sa compétence connaît de tous les moyens de défense, à l'exception de ceux qui soulèvent une question relevant de la compétence exclusive d'une autre juridiction.

Considérant que, dès lors que comme en l'espèce, le juge des référés du Tribunal d'Instance était saisi d'un litige concernant un bail prétendument de droit commun et que le locataire opposait comme moyen de défense, en alléguant d'arguments sérieux, que le bail étant soumis au statut, seul le Tribunal de Grande Instance qui a compétence exclusive pour connaître de cette contestation, pouvait valablement être saisi du litige.

Que c'est donc à bon droit que le premier juge a renvoyé les parties à se pourvoir devant le Tribunal de Grande Instance de PONTOISE,

territorialement compétent ; que l'ordonnance déférée sera confirmé en toutes ses dispositions.

* Sur l'appel du jugement du Tribunal de Grande Instance de PONTOISE Considérant que des locaux dans lequel le fonds n'est pas directement exploité pouvent être protégés au même titre que le local principal, lorsqu'ils appartiennent à un propriétaire unique, qu'ils présentent une utilité telle que leur privatisation comprometterait gravement l'exploitation du fonds et que le propriétaire ne pouvait ignorer l'utilisation qui devait en être faite.

Considérant qu'en l'espèce, l'appartement du premier étage et le local à usage de boulangerie - pâtisserie appartiennent aux consorts X..., propriétaires de la totalité de l'immeuble ; que, même si les deux baux ont été conclu à des dates différentes, force est de constater qu'ils ont la même date d'effet ; qu'il est clairement spécifié, dans le bail d'habitation que celui-ci est destiné à l'exploitant du fonds de commerce du rez de chaussée puisqu'il y est mentionné expressément que "en cas de vente du fonds de commerce exploité au rez de chaussée par la société TAVERNY DELICES dont Monsieur Y... est le gérant, le successeur de ce commerce aura priorité pour le bail de l'appartement, ainsi qu'en cas de changement de gérant de la société TAVERNY DELICES", étant précisé que ce lien était déjà rappelé dans le bail précédant en termes clairs et non équivoques, à savoir : "ce bail est lié à celui consenti ce jour à la société TAVERNY DELICES" ; Qu'en outre, figurent dans le bail des clauses exorbitantes dont notamment le remboursement au bailleur de la totalité des taxes foncières et taxes annexes ; qu'enfin, l'alimentation en eau froide et chaude, gaz et chauffage central s'effectue à partie des installations se trouvant dans la boutique du rez de chaussée ; qu'il est ainsi suffisamment démontré que la

commune intention des parties était de faire du local d'habitation et du local commercial un tout indissociable.

Considérant de surcroît, que s'agissant d'un commerce de boulangerie artisanale qui implique un travail de nuit, il est indispensable que le boulanger puisse résider sur les lieux même ou à proximité de son commerce, sauf à compromettre gravement son exploitation, ce que les consorts X... ne peuvent prétendre utilement contredire en l'espèce dans la mesure ou feu Monsieur Pierre X... était lui-même exploitant de la boulangerie et ou, comme il a été dit, le caractère indissociable des locaux lié aux besoins de l'exploitation commerciale a été reconnu dans les baux précédents passés après la cessation d'activité de l'intéressé ; qu'il n'y a pas lieu dans ces conditions de rechercher si les époux Y... auraient pu disposer de locaux équivalents, ce qui au demeurant se serait avéré impossible en l'espèce eu égard aux aménagements spécifiques précédemment décrits. Considérant par ailleurs, que le fait que les locaux commerciaux aient été pris à bail par la SARL TAVERNY DELICES et non par les époux Y... est sans incidence en la cause dès lors que les bailleurs ne sont pas sans ignorer que ladite société est animée et exploitée par les époux Y...

Considérant enfin et si besoin était que le motif allégué pour la reprise de l'appartement, à savoir l'état de santé de Monsieur X..., est aujourd'hui dépourvu d'intérêt puisque celui-ci est décédé.

Considérant que dans ces conditions c'est à bon droit que le premier juge a décidé que le bail des locaux d'habitation du premier étage relève du statut des baux commerciaux et qu'il a débouté les consorts X... de l'ensemble de leurs prétentions ; que le jugement au fond dont appel sera également confirmé en toutes ses dispositions.

Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge des époux Y... les frais qu'ils ont été contraints d'engager devant la Cour ; que les consorts X... seront condamnés à leur payer une indemnité globale complémentaire de 8.000 francs, ladite indemnité s'ajoutant à celle qui leur a déjà été allouée au même titre en première instance.

Considérant enfin que les consorts X..., qui succombent, supporteront l'ensemble des dépens exposés à ce jour. PAR CES MOTIFS La Cour statuant publiquement, contradictoirement, et en dernier ressort,

- DIT recevables les appels interjetés par les époux X..., aux droits desquels se trouvent aujourd'hui les consorts X..., à l'encontre de l'ordonnance de référé rendue le 17 juin 1994 et du jugement au fond rendu le 31 janvier 1996,

- Après jonction des procédures issues de ces actes d'appels séparés, et statuant par une seule et même décision,

- CONFIRME en toutes leurs dispositions les deux décisions déférées, Y AJOUTANT,

- CONDAMNE les consorts X... à payer aux époux Y... une indemnité complémentaire de 8.000 francs,

- CONDAMNE également les consorts X... aux entiers dépens et autorise la SCP d'avoués FIEVET ROCHETTE LAFON, à poursuivre directement le recouvrement de la part la concernant comme il est dit à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. ARRET PRONONCE PAR MONSIEUR ASSIÉ, PRESIDENT ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET LE GREFFIER

LE PRESIDENT qui a assisté au prononcé M. T. GENISSEL

F. ASSIÉ


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1996-2916
Date de la décision : 15/10/1998

Analyses

BAIL COMMERCIAL - Domaine d'application - Local accessoire - Conditions - Caractère nécessaire

Les locaux dans lesquels un fonds de commerce n'est pas directement exploité peuvent, au même titre que le local principal, être soumis au statut des baux commerciaux lorsqu'ils appartiennent à un propriétaire unique, qu'ils présentent une utilité telle que leur privatisation compromettrait gravement l'exploitation du fonds, et que le propriétaire ne pouvait ignorer l'utilisation qui devait en être faite. En l'espèce un local à usage de boulangerie et un appartement situé dans le même immeuble appartiennent à un même propriétaire, le bail d'habitation relatif à l'appartement spécifie clairement -en réservant expressément un droit de priorité au profit de l'exploitant- qu'il est destiné à l'exploitation du fonds de commerce, ce bail contient des clauses exorbitantes, tel le remboursement au propriétaire de la totalité des taxes foncières, l'alimentation en fluides du local d'habitation s'effectue à partir d'installations situées dans le local commercial ; il est ainsi suffisamment démontré que la commune intention des parties était de faire du local d'habitation et du local commercial un tout indissociable, relevant à ce titre du statut des baux commerciaux. De surcroît, s'agissant d'un commerce de boulangerie artisanale impliquant un travail de nuit, la résidence du boulanger à proximité du lieu d'exploitation est indispensable, sauf à compromettre gravement celle-ci


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1998-10-15;1996.2916 ?
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