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09/10/1998 | FRANCE | N°1996-5741

France | France, Cour d'appel de Versailles, 09 octobre 1998, 1996-5741


Le 5 novembre 1984, les époux X... et la Société COFRAL ont passé un contrat en vue de la construction d'une maison individuelle. La réception de la construction a été faite avec réserves le 31 octobre 1985.

En février 1990, certaines tuiles ont été emportées par le vent entraînant des infiltrations d'eau dans la maison. L'expert commis par le G.F.A, assureur de dommage à l'ouvrage, concluait dans son rapport d'expertise en date du 22 juin 1990 à des malfaçons dans la toiture puis évaluait, dans son rapport définitif, le 31 octobre 1990, le montant de la remise en ét

at à 12.712,07 Francs ; il proposait une indemnisation de 8.103,54 Franc...

Le 5 novembre 1984, les époux X... et la Société COFRAL ont passé un contrat en vue de la construction d'une maison individuelle. La réception de la construction a été faite avec réserves le 31 octobre 1985.

En février 1990, certaines tuiles ont été emportées par le vent entraînant des infiltrations d'eau dans la maison. L'expert commis par le G.F.A, assureur de dommage à l'ouvrage, concluait dans son rapport d'expertise en date du 22 juin 1990 à des malfaçons dans la toiture puis évaluait, dans son rapport définitif, le 31 octobre 1990, le montant de la remise en état à 12.712,07 Francs ; il proposait une indemnisation de 8.103,54 Francs en raison de l'existence d'une franchise. Dans l'attente de l'indemnisation, les époux X... faisait procéder à des travaux conservatoires pour un montant de 1.705,49 Francs.

Le 21 juillet 1993, le G.F.A leur adressait un rapport d'expertise en leur proposant 8.471,96 Francs (montant actualisé de 8.103,54 Francs).

Par acte d'huissier en date du 27 avril 1995, les époux X... assignaient le G.F.A devant le tribunal d'instance de POISSY en paiement avec exécution provisoire des sommes suivantes : * 1.705,49 Francs coût des mesures conservatoires, indexé sur l'indice BT 01 du coût de la construction valeur avril 1994 à hauteur de la somme de 428,83 Francs et valeur mars 1990 à hauteur de la somme de 1.276,66 Francs jusqu'au jugement, * 11.826,79 Francs au titre des travaux de remise en état, indexés à l'indice BT 01 du coût de la construction valeur septembre 1990 jusqu'au jugement, le tout avec intérêts au taux légal à compter du jugement, * 10.000 Francs de dommages et intérêts pour résistance abusive.

Le G.F.A concluait au débouté des époux X..., leur opposant la prescription de leur action, ainsi que 5.000 Francs sur le fondement

de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Le 5 mars 1996, le tribunal d'instance de POISSY rendait contradictoirement la décision suivante : - déclare recevable l'action en garantie de Monsieur et Madame Y... et Alexandra X... à l'encontre du GROUPEMENT FRANCAIS D'ASSURANCES "G.F.A", - condamne le G.F.A à leur payer les sommes suivantes : 428,83 Francs TTC indexés sur l'indice BT 01 du coût de la construction valeur avril 1994 jusqu'à la date du présent jugement, 3.000 Francs de dommages et intérêts, - précise que ces sommes portent intérêts au taux légal à compter du présent jugement, - ordonne l'exécution provisoire du présent jugement, - condamne le GROUPEMENT FRANCAIS D'ASSURANCES "G.F.A" à payer à Monsieur et Madame Y... et Alexandra X... la somme de 5.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - le condamne aux dépens.

Le 27 juin 1996, le G.F.A a interjeté appel de cette décision.

Il fait valoir que : - l'article 114-2 du Code des assurances, dont les dispositions sont d'ordre public, précise les moyens d'interrompre la prescription biennale dans les rapports assurés-assureurs, que les pourparlers entre assurés et assureurs ne peuvent pas interrompre la prescription, que par conséquent, en l'espèce la prescription a commencé à courir le 30 mai 1990 date de la nomination de l'expert, - la suspension de la prescription des articles 114-1 et 114-2 du Code des assurances ne peut jouer que si la partie qui invoque la suspension a été dans l'impossibilité d'agir ce qui n'est pas le cas en l'espèce ; de surcroît, l'article 114-2 précité prévoit que l'interruption de la prescription est possible

par l'envoi d'une lettre accusé réception par l'assuré à son assureur, qu'en l'espèce, les époux X... n'ont pas été empêcher de rédiger cette lettre ; il en résulte qu'il n'y a pas lieu de faire application de l'article 2251 du Code civil.

L'appelant sollicite, par ailleurs, le remboursement des sommes versées aux époux X... en vertu de l'exécution provisoire qui assortit le jugement entrepris.

Ainsi le G.F.A demande à la Cour de : - dire que les règles de prescription sont d'ordre public, - dire qu'en application des dispositions de l'article L.114-2 la saisine d'un expert interrompt le délai de prescription qui recommence à courir à compter de cette date, - constater que l'expert a été saisi le 31 mai 1990, Et par voie de conséquence : - infirmer le jugement, - dire la prescription acquise le 27 avril 1995 jour de l'assignation, Et de surplus, - dire que les dispositions de l'article 2251 ne peuvent s'appliquer qu'en matière d'impossibilité pour agir, - dire que l'article L.114-2 prévoit en cas de sinistre qu'une lettre recommandée avec accusé de réception de l'assureur peut interrompre le délai de prescription, - constater que les époux X... ne démontrent absolument qu'ils ont été mis dans l'impossibilité d'adresser cette lettre à l'assureur, Et par voie de conséquence, - infirmer le jugement, - dire qu'il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 2251 du Code civil, - recevoir le G.F.A en sa demande de remboursement, - dire que les époux X... devront verser au G.F.A la somme de 23.758,39 Francs avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, - condamner les époux X... à verser au G.F.A la somme de 3.000 Francs en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - condamner les mêmes aux entiers dont distraction au profit de Maître BINOCHE en application des dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Dans leurs conclusions, les intimés font valoir : - que, selon un principe général, une prescription ne peut courir à l'égard de celui qui ne peut connaître l'obligation dans laquelle il se trouve d'exercer ses droits ; qu'en l'espèce, le G.F.A ayant adressé aux époux X... son rapport définitif presque trois ans après le rapport définitif de l'expert, ils n'étaient pas en mesure de savoir qu'ils devaient intenter une action en vue de préserver leurs droits ; en conséquence de quoi, la prescription n'a pu valablement courir qu'à compter du 21 juillet 1993, date de l'envoi du rapport du G.F.A, - que, subsidiairement, et en tout état de cause, suivant les articles 2220 et 2221 du Code civil, il peut être renoncé à la prescription acquise, qu'il est constant que vaut renonciation tout acte qui implicitement ou expressément manifeste la volonté d'y renoncer, qu'en l'espèce, l'envoi de son rapport par le G.F.A avec proposition d'indemnisation à ses assurés vaut renonciation à la prescription acquise, - que, c'est à bon droit, que le G.F.A a été condamné à payer la somme de 23.758,39 Francs.

Par conséquent, les intimés demandent à la Cour de : - déclarer recevable mais mal fondée la Société d'assurances GROUPEMENT FRANCAIS D'ASSURANCES en son appel, - l'en débouter, Par conséquent, - confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, - débouter le G.F.A de toutes ses demandes, fins et conclusions, - condamner le G.F.A à payer à Monsieur et Madame X... la somme de 5.000 Francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - condamner le G.F.A aux dépens.

L'ordonnance de clôture a été signée le 18 juin 1998 et l'affaire plaidée à l'audience du 8 septembre 1998.

SUR CE, LA COUR,

I/ Considérant qu'aux termes de l'article L.114-1 du Code des assurances toutes les actions dérivant d'un contrat d'assurance sont

prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance ;

Considérant qu'en la présente espèce, cet événement est constitué par l'envol de plusieurs tuiles de la toiture des époux X..., en février 1990, à la suite d'une tempête ; qu'il est constant que le 31 mai 1990, l'assureur G.F.A a désigné comme expert le Cabinet CABEX, à la suite de sinistre, et que cette désignation a donc interrompu cette prescription qui devait être acquise en février 1992, et ce, en application de l'article L.114-2 du Code des assurances ; qu'ainsi, à la suite de cette interruption, un nouveau délai de deux ans a commencé à courir et qu'il expirait le 31 mai 1992 (à minuit) ; qu'il est constant que les époux X... n'ont pas engagé leur action en justice dans ce délai, mais qu'ils ont attendu le 27 avril 1995 pour assigner en paiement l'assureur G.F.A devant le tribunal d'instance de POISSY ;

Considérant que ces assurés ne peuvent invoquer les échanges de lettres et les demandes ou les propositions d'indemnisation, intervenus avant ce 31 mai 1992, ou postérieurement à cette date, puisqu'en droit, ces actes ne représentent que des pourparlers entre l'assureur et ses assurés et qu'ils n'ont pu avoir, pour effet, de suspendre ou d'interrompre la prescription de l'article L.114-1 du Code des assurances ;

Considérant, par ailleurs, que les époux X... ne sont pas davantage fondés à prétendre qu'ils se seront trouvés dans l'impossibilité d'agir (au sens de l'article 2251 du Code civil), alors qu'il est manifeste qu'à aucun moment, entre février 1990 et le 31 mai 1992, ils n'ont été dans l'impossibilité absolue d'agir en justice, en raison de la loi, ou de la convention ou d'une force majeure ; que les époux X... ne pouvaient ignorer ce délai légal d'ordre public de deux ans pour agir de l'article L.114-1, et qu'ils

devaient donc engager leur action en justice, en temps utile, sans attendre le dépôt de son rapport par cet expert Cabinet CABEX qui, en fait, n'est intervenu que le 21 juillet 1993 ; que cette dernière date ne constitue, ni l'événement qui a donné naissance à leur action (article L.114-1), ni une quelconque cause d'interruption de cette prescription, telle que limitativement définie par l'article L.114-2 du Code des assurances et par les articles 2251 et suivants du Code civil ; que les intimés sont, par conséquent, déboutés de leur moyen tendant à faire juger que cette date de dépôt du rapport de l'expert, le 21 juillet 1993, devait être retenue comme point de départ au calcul du délai de deux ans ;

Considérant que le jugement déféré est, par conséquent, entièrement infirmé et que l'action tardivement engagée le 27 avril 1995 est déclarée prescrite ; que toutes les demandes des époux X... sont donc irrecevables ;

II/ Considérant que, certes, par lettre du 21 juillet 1993, la SA G.F.A a formulé une proposition d'indemnisation sans se prévaloir de la prescription biennale mais que cette simple circonstance ne suffit pas, à elle seule, à caractériser une intention certaine et non équivoque de renoncer à cette prescription acquise (articles 2220 et 2221 du Code civil), même de manière tacite ; que la prescription est, en effet, une fin de non-recevoir (article 122 du Nouveau Code de Procédure Civile) qui constitue un moyen de défense (titre V du livre premier du Nouveau Code de Procédure Civile) et qu'elle n'a donc à être invoquée que dans le cadre d'une instance en justice, ce qui a été fait en l'espèce, puisque devant le tribunal d'instance, la SA G.F.A a immédiatement soulevé cette fin de non-recevoir ; que le jugement déféré est, par conséquent, infirmé en ce qu'il a cru pouvoir retenir qu'il y avait eu, de la part de l'assureur, une renonciation à se prévaloir de la prescription biennale acquise ;

III/ Considérant que le paiement de sommes aux époux X... fait par la SA G.F.A est un paiement indu dépourvu de cause, et qu'en application de l'article 1376 du Code civil, cet assureur est donc fondé à réclamer la restitution de la somme de 23.758,39 Francs avec intérêts au taux légal à compter de la date du présent arrêt ; que les époux X... sont donc condamnés à payer cette somme et ces intérêts ;

IV/ Considérant que les époux X... succombent en leurs moyens et en leurs demandes contre la SA G.F.A, et que, compte tenu de l'équité, ils sont donc déboutés de leur demande en paiement de somme en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Considérant, par contre que, compte tenu de l'équité, ils sont condamnés à payer à l'appelante la somme de 4.000 Francs en vertu de ce même texte ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

VU les articles L.114-1 et L.114-2 du Code des assurances ;

I/ . INFIRME en son entier le jugement déféré et STATUANT A NOUVEAU :

. DECLARE prescrite l'action des époux X... contre la SA G.F.A ; DECLARE irrecevables toutes les demandes des époux X... ;

II/ . DIT ET JUGE qu'il n'y a pas eu de la part de la SA G.F.A une renonciation à se prévaloir de la prescription biennale de l'article L.114-1 ;

VU l'article 1376 du Code civil :

III/ . CONDAMNE les époux X... à rembourser à la SA G.F.A la somme de 23.758,39 Francs (VINGT TROIS MILLE SEPT CENT CINQUANTE HUIT FRANCS TRENTE NEUF CENTIMES) avec intérêts au taux légal à compter de

la date du présent arrêt ;

IV/ . DEBOUTE les époux X... de leur demande en paiement fondée sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

. LES CONDAMNE à payer à l'appelante la somme de 4.000 Francs (QUATRE MILLE FRANCS) en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

CONDAMNE les époux X... à tous les dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés directement contre eux par Maître BINOCHE, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Et ont signé le présent arrêt : Le Greffier,

Le Président, Marie Hélène EDET

Alban CHAIX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1996-5741
Date de la décision : 09/10/1998

Analyses

ASSURANCE (règles générales) - Prescription - Prescription biennale - Interruption - Acte interruptif - Désignation d'expert

Aux termes de l'article L. 114-1 du Code des assurances, Toutes actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance. Si, en application de l'article L. 114-2 du Code précité, la désignation d'un expert interrompt le délai biennal, ayant commencé à courir le jour de la survenance du sinistre, cette désignation a aussi pour effet de faire courir, à compter de sa date, un nouveau délai de prescription de deux ans, lequel ne peut, conformément à l'article L. 114-1 déjà visé, être suspendu ou interrompu par des actes tels que des échanges de lettres, des demandes ou des propositions d'indemnisation qui, en droit, constituent de simples pourparlers entre assureur et assuré. Dès lors que le dépôt d'un rapport d'expertise ne constitue ni l'évènement donnant naissance à l'action, ni l'une des causes d'interruption de prescription limitativement définies par les articles L. 114-2 du Code des assurances et 2251 et suivants du Code civil, l'action introduite à l'encontre d'un assureur, plus de deux ans après la date de désignation de l'expert, sans que soit rapportée, en l'espèce, la preuve d'une impossibilité absolue d'agir en justice en l'attente du dépôt du rapport de l'expert, est tardive et doit être déclarée prescrite


Références :

Code civil 2251 et suivants
Code des assurances L. 114-1, L. 114-2

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1998-10-09;1996.5741 ?
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