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08/10/1998 | FRANCE | N°JURITEXT000006935352

France | France, Cour d'appel de Versailles, 08 octobre 1998, JURITEXT000006935352


Le 07 décembre 1989, Monsieur X... a promis de céder à H. Investissements, à laquelle s'est ensuite substituée N.E.G.H., la totalité des actions et parts sociales de la société DIAMANT et de sa filiale TECHMATIQUE. Ces cessions sont intervenues le 15 février 1990 au prix de 14.930.140 francs.

Estimant que certains éléments propres à diminuer de façon importante la valeur des actions et parts sociales cédées lui avaient été dissimulés, la société N.E.G.H. a attrait Monsieur X... devant le tribunal de commerce de NANTERRE.

Les éléments qui auraient été dis

simulés sont les suivants :

- existence d'un accident mortel survenu en 1987 à un...

Le 07 décembre 1989, Monsieur X... a promis de céder à H. Investissements, à laquelle s'est ensuite substituée N.E.G.H., la totalité des actions et parts sociales de la société DIAMANT et de sa filiale TECHMATIQUE. Ces cessions sont intervenues le 15 février 1990 au prix de 14.930.140 francs.

Estimant que certains éléments propres à diminuer de façon importante la valeur des actions et parts sociales cédées lui avaient été dissimulés, la société N.E.G.H. a attrait Monsieur X... devant le tribunal de commerce de NANTERRE.

Les éléments qui auraient été dissimulés sont les suivants :

- existence d'un accident mortel survenu en 1987 à un membre du personnel, accident qui entraînera une augmentation importante du taux de cotisation d'accidents du travail pour les trois exercices postérieurs à la cession.

- mécanisme de calcul des paies du personnel consistant à augmenter le taux horaire et à diminuer le nombre d'heures travaillées, et ce, dans le but de bénéficier indûment d'une réfaction de charges sociales.

La société N.E.G.H. demandait au tribunal de constater les manoeuvres dolosives de Monsieur X... à son encontre et la réalité du dommage subi, de le condamner en conséquence à lui restituer la somme de 3.300.000 francs avec intérêts au taux légal à date de l'assignation, à lui payer la somme de 1.000.000 francs de dommages et intérêts et celle de 50.000 francs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Subsidiairement, elle demandait au tribunal d'ordonner une expertise aux frais avancés de Monsieur X... et d'ordonner à ce dernier la séquestration de la somme de 5.000.000 francs à titre de garantie de solvabilité.

Monsieur X... sollicitait du tribunal de se déclarer incompétent

au profit du tribunal de commerce de Paris.

- De condamner la société N.E.G.H. à lui communiquer au besoin sous astreinte le nouveau taux d'accidents du travail intervenu le 25 janvier 1991, le résultat du contrôle fiscal et du contrôle URSSAF diligenté antérieurement à la cession ainsi que tous documents cités par Monsieur Y... dans le rapport dont il est signataire.

Il demandait, en outre, la condamner de la société N.E.G.H. à lui verser 100.000 francs de dommages et intérêts et 35.000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Par le jugement déféré, en date du 23 septembre 1992, le tribunal de commerce de NANTERRE s'est déclaré compétent et a débouté les parties de leurs demandes principale et reconventionnelle.

Au soutien de l'appel qu'elle a interjeté contre cette décision, la société N.E.G.H. demande en premier lieu confirmation de la décision en ce qu'elle a prononcé sur la compétence et sur la régularité de l'assignation introductive d'instance, précisant que son action a pour fondement les articles 1116 et 1641 du code civil. Elle rappelle que le prix de la cession d'actions et parts sociales a été déterminé tant au vu des résultats des bilans produits par Monsieur X... que des perspectives de rentabilité futures dégagées par l'analyse des documents produits par le cédant. Or, souligne-t-elle, il lui avait été dissimulé l'existence d'un accident mortel du travail -ce qui a conduit a une augmentation du taux d'accident du travail et des cotisations consécutives (passant de 5,21 % à 9,26 %). Cette dissimulation apparait d'autant plus évidente que la notification du nouveau taux d'accident du travail a été régularisée le 25 janvier 1990, soit vingt jours avant la signature des ordres de mouvement matérialisant la cession. Cette modification a entraîné un surcoût d'exploitation de 501.275 francs.

Par ailleurs, la société N.E.G.H. souligne qu'un système très

particulier de paiement avait été mis en oeuvre : les salariés étaient payés un nombre d'heures inférieur de 10 % au nombre d'heures effectivement travaillées, mais à un taux supérieur au minimum professionnel de 10 %. Cela permettait -illégalement- de faire bénéficier l'entreprise d'un abattement de 10 % sur les cotisations de sécurité sociale. Cette pratique, outre le fait qu'elle ne pouvait être poursuivie, entrainait un risque de voir les salariés exercer une action judiciaire en paiement de l'intégralité de leurs heures travaillées avec une charge éventuelle de 2.000.000 par an.

Estimant que c'est par l'effet des manoeuvres dolosives de Monsieur X... qu'elle avait acquis les parts et actions au prix, surévalué, de 14.930.140 francs, la société N.E.G.H. demande à la cour d'ordonner la réfaction du prix à la somme de 11.630.000 francs. Elle demande, en conséquence, la condamnation de Monsieur X... à lui payer la somme de 3.300.000 francs (différence entre le prix effectivement payé et cette somme) et 1.000.000 francs à titre d'immobilisation de la somme trop perçue, ainsi que 100.000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Subsidiairement, elle demande que soit ordonnée une expertise et sollicite la séquestration, par Monsieur X..., de la somme de 4.300.000 francs en garantie de solvabilité, sauf à ce que soit fournie une caution bancaire.

Monsieur X... fait valoir quant à lui que la cession, consentie pour un prix d'un montant global et forfaitaire de 15.000.000 francs, était assortie d'une garantie de passif par laquelle le vendeur déclarait se porter garant des résultats figurant au bilan arrêté à la date du 31 août 1989 pour la société le DIAMANT et du 31 octobre 1989 pour la société TECHMATIQUE. L'acquéreur, de son côté, déclarait faire son affaire personnelle de toutes les opérations comptables inscrites depuis le 1er septembre 1989 pour la société LE DIAMANT et

depuis le 1er novembre 1989 pour la société TECHMATIQUE, jusqu'à la date de signature du protocole d'accord. Par ailleurs, dès le mois de décembre 1989 et jusqu'au mois de janvier 1990, les représentants de la société N.E.G.H. ont effectué un audit au siège de la société LE DIAMANT, assistés du cabinet de conseil juridique MARCONNOT. Une enquête préalable avait été diligentée par la banque SCHLUMBERGER. Monsieur X... souligne d'autre part la compétence et l'expérience en la matière de la société N.E.G.H., société holding, rompue à la pratique des affaires.

Soulignant la tardiveté avec laquelle la société N.E.G.H. s'est plainte des éléments qu'elle avance devant la cour pour tenter de faire prospérer sa demande (dix mois après la cession), Monsieur X... fait valoir que la société N.E.G.H. avait nécessairement eu connaissance, avant l'acquisition, du nouveau taux d'accident du travail, un accident mortel du travail ne pouvant en aucune manière passer inaperçu et les différents rapports établis à son occasion faisant partie des documents sociaux qui ont été communiqués aux futurs acquéreurs. Il précise d'autre part que, contrairement aux allégations de la société N.E.G.H., il est étranger au premier recours formé contre la décision d'augmentation du taux d'accident du travail le 20 février 1990, le vendeur ayant démissionné de tous ses mandats dès le 15 février.

En ce qui concerne le système de rémunération, Monsieur X... rappelle que l'intégralité des documents sociaux, les contrats de travail, les feuilles de paye, livres du personnel, dossiers URSSAF, dossiers juridiques et contentieux... ont été remis aux futurs acquéreurs. Il conteste avoir commis des irrégularités dans l'établissement des payes des employés. Il souligne que les fiches de pointage qui ont été versées aux débats sont en parfaite harmonie avec le montant des heures figurant sur les feuilles de paye.

Soulignant que le rapport établi à la demande de la société N.E.G.H. l'a été, non contradictoirement, sur la foi des seules indications qu'elle a bien voulu donner à l'expert, Monsieur X... demande à ce qu'il soit écarté des débats, comme non probant.

Estimant que l'action en réduction de prix, qui aurait dû être engagée, par application de l'article 1648 du code civil, à bref délai, n'a été engagée que près de deux ans après la signature de l'acte de cession, Monsieur X... demande à la voir déclarer irrecevable.

Se portant demandeur reconventionnel, il sollicite la condamnation de la société N.E.G.H. à lui payer 150.000 francs de dommages et intérêts pour procédure abusive et 100.000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Par arrêt en date du 23 juillet 1997, la cour de ce siège a réouvert les débats et invité les parties à conclure, par conclusions récapitulatives, sur l'existence de défauts cachés des actions et parts sociales vendues, diminuant tellement leur usage que l'acquéreur n'en aurait donné qu'un moindre prix s'il les avait connus et sur l'applicabilité du bref délai de l'article 1648 du code civil et son respect par l'acquéreur.

Ensuite de cet arrêt, la société N.E.G.H. a fait valoir, en premier lieu, sur l'existence de défauts cachés des actions et parts sociales diminuant tellement leur usage que l'acquéreur n'en aurait donné qu'un moindre prix s'il les avait connus qu'aux termes de la promesse irrévocable de cession de l'intégralité des actions de la société LE DIAMANT et de la société TECHMATIQUE la cession devait intervenir dans les conditions et sur la foi des déclarations énoncées dans la convention de garantie.

Cette même promesse précisait qu'il n'existait aucune action ou enquête pouvant affecter la situation financière des sociétés, leurs

résultats ou leurs activités. Il était encore précisé que les documents comptables donnaient une image fidèle et sincère de la situation financière et des résultats d'exploitation et que le promettant n'omettait d'indiquer aucun fait important.

Or, estime la société N.E.G.H., la notification du nouveau taux d'accident du travail, le 25 janvier 1990, n'a pas été révélée aux bénéficiaires de la promesse et au jour de la promesse de cession, le taux d'accident du travail modifié n'était pas encore connu. Mieux même, la veille de la signature des actes définitifs, le promettant régularisait auprès de l'URSSAF une déclaration portant l'ancien taux d'accident du travail. Postérieurement à la cession, c'est le fondé de pouvoir de Monsieur X..., conservé quelques mois dans ses fonctions, qui rédigeait seul le recours, utilisant des formules ne permettant pas de connaître la nature de l'accident.

Non seulement les cessionnaires n'ont pas été informés de l'existence de l'accident mortel qui a causé l'augmentation du taux d'AT, mais ils n'avaient, en outre, aucun moyen de la connaître.

S'agissant de la méthode de calcul des rémunérations, une rémunération apparemment supérieure de 10 % au SMIC permettait de bénéficier fictivement de l'abattement de 10 % des cotisations de sécurité sociales. Ce n'est qu'après avoir effectué de nombreuses recherches que la société N.E.G.H. a retrouvé dans les archives les documents relatifs que seul mois d'août 1987. A cet égard, un contrôle de l'URSSAF avait conduit à une notification de redressement du 08 juin 1989, le caractère frauduleux de la méthode de calcul ayant échappé aux contrôleurs, sauf en ce qui concerne une seule salariée.

Ces dissimulations de la part du cédant aboutissait à donner aux sociétés cédées une apparence de rentabilité bien supérieure à leur rentabilité effective. Or, si la société N.E.G.H. a procédé aux

acquisitions d'actions, c'est en considération de la rentabilité. Si elle avait connu la réalité, elle n'aurait jamais consenti à l'acquisition au prix versé.

Sur l'applicabilité du bref délai de l'article 1648 du code civil, la société N.E.G.H. souligne que l'accident mortel qui a conduit à l'augmentation du taux d'AT n'a été connu par elle qu'en mai 1990. Elle n'a cependant pu en mesurer les conséquences financières que beaucoup plus tard, soit le 18 novembre 1991, date à laquelle lui a été notifiée la décision définitive sur les recours exercés. Dans ces conditions, l'action par elle intentée l'a bien été dans le bref délai de l'article 1648 du code civil.

Sur sa connaissance du système frauduleux de paie, la société N.E.G.H. fait valoir qu'elle n'en a eu connaissance, à la suite de réclamations de salariés, qu'au début 1991. Or, elle a assigné dès septembre 1991, soit dans le bref délai prescrit.

Dans ces conditions, elle réitère sa demande en vue de la condamnation Monsieur X... à lui payer la somme de 3.300.000 francs en principal à titre de réfaction du prix de vente.

Monsieur X... estime en premier lieu que la société N.E.G.H. a eu connaissance de l'accident du travail et du nouveau taux avant la cession. Sur les rémunérations, il souligne qu'elles n'ont jamais été effectuées frauduleusement et précise qu'il n'a jamais non plus celé quelque chose que ce soit en ce qui concerne leur mode d'établissement.

En droit, Monsieur X... souligne que la société N.E.G.H. a renoncé à invoquer le bénéfice de la garantie conventionnelle résultant de la convention de garantie de passif signée le 07 décembre 1989 entre les parties.

Les allégations de la société N.E.G.H. relatives à l'existence d'un dol sont mal fondées, l'existence de manoeuvres frauduleuses n'étant

pas démontrée, bien au contraire.

Il n'y a par ailleurs pas de vice caché, un tel vice devant affecter l'usage des droits sociaux cédés eux mêmes et non pas seulement leur valeur. Or, il est seulement allégué que c'est la valeur des actions cédées qui serait affectée par l'existence d'un vice caché.

Y aurait-il vice caché que l'action serait prescrite. En effet, l'accident mortel dont fait état la société N.E.G.H. a été connu d'elle à tout le moins le 20 février 1990, date de la rédaction du recours voire, en toute hypothèse, le 14 mai 1990, lors de la notification du mémoire de la commission nationale technique.

En attendant le 27 septembre 1991 pour introduire son action, la société N.E.G.H. a laissé prescrire l'action qu'elle prétendait engager.

De même, sur la date de découverte des modalités de paye des salariés, il est invraisemblable, à supposer l'existence d'une fraude -qui est contestée- que celle-ci n'ait été découverte que plus de quinze mois après qu'elle ait commencé à gérer la société dont elle avait acquis les actions.

Enfin, la demande d'expertise de la société N.E.G.H. est mal fondée. Elle n'a d'autre objet que de pallier la carence de la demanderesse dans l'administration de la preuve qui lui incombe. SUR CE LA COUR

Attendu que l'existence de circonstances de nature à n'affecter que la valeur d'actions cédées ne constitue pas, par elle même, un vice caché de ces actions ;

Attendu surabondamment que la société N.E.G.H. ne conteste pas avoir eu connaissance de l'accident mortel du travail qui lui aurait été celé antérieurement à la cession des actions de la société au plus tard le 14 mai 1990 ; que la circonstance qu'elle n'en aurait pas mesuré les conséquence est indifférente ; qu'il n'est pas contesté qu'elle n'a engagé son action que le 27 septembre 1991, soit plus de

seize mois après la découverte alléguée de l'accident du travail et, partant après l'écoulement du bref délai de l'article 1648 du code civil ;

Attendu, toujours surabondamment, que la preuve de l'existence d'un système frauduleux de modalités de paye, par Monsieur X..., antérieurement à la cession, n'est nullement rapportée en l'espèce, alors surtout que ce système de paye aurait échappé tant à l'audit qui a été effectué par la société N.E.G.H., avant la cession litigieuse qu'à l'URSSAF, lorsqu'elle a effectué un contrôle en 1989 ;

Attendu, en conséquence, qu'il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la société N.E.G.H de ses demandes ;

Attendu qu'il n'est pas justifié, par Monsieur X..., que l'action de la société N.E.G.H procéderait d'une faute et qu'elle lui aurait directement causé un dommage ; qu'il y a lieu de le débouter de sa demande de dommages intérêts ;

Attendu que l'équité conduit à condamnation de la société N.E.G.H à payer à Monsieur X... la somme de 80.000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; PAR CES MOTIFS Statuant publiquement et contradictoirement,

- CONFIRME le jugement déféré et statuant plus avant,

- CONDAMNE la société N.E.G.H. SARL à payer à Monsieur Guy X... la somme de 80.000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

- LE CONDAMNE aux dépens,

- ADMET la SCP KEIME etamp; GUTTIN au bénéfice des dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile. ARRET REDIGE PAR MONSIEUR MARON, ET PRONONCE PAR MADAME LAPORTE, CONSEILLER FAISANT FONCTION DE PRESIDENT ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET LE GREFFIER

LE CONSEILLER qui a assisté au prononcé

Faisant fonction de Président M.T. GENISSEL

F. LAPORTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006935352
Date de la décision : 08/10/1998

Analyses

SOCIETE (règles générales)

L'existence de circonstances de nature à n'affecter que la valeur d'actions cédées ne constitue pas, par elle-même un vice caché de ces actions.En l'espèce, la circonstance qu'un cessionnaire d'actions n'aurait pas mesuré les conséquences, sur la valeur des actions cédées, de la dissimulation d'un accident mortel du travail est indifférente dès lors que son action a été engagée plus de seize mois après la découverte du vice allégué et, partant après l'écoulement du bref délai de l'article 1648 du code civil.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1998-10-08;juritext000006935352 ?
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