La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/10/1998 | FRANCE | N°1997-6011

France | France, Cour d'appel de Versailles, 08 octobre 1998, 1997-6011


Le 15 janvier 1988, la société CdF CHIMIE, à laquelle a succédé, par suite de diverses restructurations et pour certaines activités, la société ELF ATOCHEM, a cédé à la société CASCO NOBEL AB, le capital de sa filiale SFD, propriétaire et exploitant depuis 1987 d'une usine de peinture implantée à ARPAJON (Val de Marne).

L'acte de cession du 15 janvier 1988 comportait une clause de garantie aux termes de laquelle la société CdF CHIMIE déclarait que la société cédée, SFD, était "en conformité avec toutes les lois, règles et réglementations applicables y compris

celles relatives à la protection de l'Environnement, à l'élimination des déchet...

Le 15 janvier 1988, la société CdF CHIMIE, à laquelle a succédé, par suite de diverses restructurations et pour certaines activités, la société ELF ATOCHEM, a cédé à la société CASCO NOBEL AB, le capital de sa filiale SFD, propriétaire et exploitant depuis 1987 d'une usine de peinture implantée à ARPAJON (Val de Marne).

L'acte de cession du 15 janvier 1988 comportait une clause de garantie aux termes de laquelle la société CdF CHIMIE déclarait que la société cédée, SFD, était "en conformité avec toutes les lois, règles et réglementations applicables y compris celles relatives à la protection de l'Environnement, à l'élimination des déchets, à la limitation de la pollution" (traduction libre proposée par les parties d'un document rédigé en langue anglaise).

Le même acte de cession prévoyait en outre que, tout différend s'élevant entre les parties, devrait être réglé par voie d'arbitrage, conformément au règlement de Conciliation et d'Arbitrage de la Chambre de Commerce Internationale, dite C.C.I.

Le 25 février 1997, la société AKSO NOBEL AB, se prétendant aux droits de la société CASCO NOBEL AB, bénéficiaire de la garantie susvisée, a déposé devant la C.C.I. une requête d'arbitrage en vue d'obtenir la condamnation de la société ELF ATOCHEM au paiement des coûts de dépollution du site d'ARPAJON évalués à 156 millions de francs sauf à parfaire, en soutenant que les travaux dont s'agit lui étaient imposés par un arrêté préfectoral daté du 27 juin 1996.

Elle a prétendu également, dans la même requête, que l'ampleur des travaux ordonnés par l'autorité administrative la contraindrait à envisager la fermeture du site et que les pertes en résultant devraient être supportées par la société ELF ATOCHEM.

Parallèlement à l'engagement de cette procédure arbitrale, les sociétés AKSO NOBEL AB et ELF ATOCHEM ont fait chacune procéder à des vérifications par des experts qu'elles ont elles-même signées. Les

parties s'opposant sur les résultats de ces premières investigations et sur la manière de procéder pour les compléter et les vérifier, la société ELF ATOCHEM a, par assignation des 20, 22 et 23 mai 1997, saisi le juge des référés du Tribunal de Commerce de NANTERRE afin que des prélèvements et analyses du sous-sol soient réalisés de manière contradictoire par un expert judiciaire indépendant des parties, cette demande étant dirigée non seulement contre la société AKZO NOBEL AB, se disant bénéficiaire de la garantie de passif, mais également contre deux sociétés du même groupe, la société CASCO FRANCE SA (nouvelle dénomination de la société SFD, propriétaire depuis 1987 du site d'ARPAJON) et la société AKZO NOBEL INDUSTRIAL COATING LIQUID S.N.C. (ci-après désignée AKZO NOBEL S.N.C.), exploitant le site placé en location gérance.

Par ordonnance en date du 29 mai 1997, le juge des référés a écarté les diverses exceptions d'incompétence opposées par les sociétés du groupe AKZO NOBEL et a désigné Monsieur Jean-François X..., en qualité d'expert judiciaire avec mission de : "- Se rendre au siège des sociétés, en tout établissement ou tout site industriel de ces sociétés, prendre contact préalablement à toute intervention avec (les experts des parties) ANTEA (Monsieur Y...) et TAUW (Monsieur VAN DE Z...) ; - Se faire communiquer sans délai, l'ensemble des documents nécessaires à l'exécution de la mission ci-après définie ; - Entendre toute personne, tout sachant, susceptible de lui apporter des informations nécessaires à sa mission et éventuellement se faire assister de toute personne de son choix pour l'exécution de sa mission ; - Se rendre sur le site, effectuer un prélèvement d'eau de la nappe phréatique de l'Eocène à proximité du piézomètre ouest, conformément aux règles de l'art" et aux protocoles établis par les experts TAUW et ANTEA et qui seront remis à l'expert ; - Faire procéder à une analyse de PCP dans deux laboratoires agréés

indépendants, qui mettront en ouvre les protocoles analytiques habituellement utilisés dans les laboratoires français ; - Faire rapport de l'ensemble de ces constatations et recommandations, lequel rapport sera adressé, dans les deux mois de la date de désignation de l'expert, au greffe du Tribunal de Commerce" ;

L'expert a procédé aussitôt à de premières investigations et la société ELF ATOCHEM, estimant que des mesures complémentaires devaient être diligentées, a saisi le même juge des référés d'une demande d'extension de mission.

Par ordonnance du 17 juillet 1997, ce magistrat a encore écarté les objections soulevées par les sociétés du groupe AKZO NOBEL, et a étendu la mission conférée à l'expert X... dans les termes ci-après : "- Se rendre sur le site ; - Constater l'éventuelle présence de déchets, les analyser et les décrire ; - En prélever des échantillons et les préserver, procéder ou faire procéder à leur datation ; - Entendre, le cas échéant, les précédents exploitants et tout sachant pour recueillir toutes informations nécessaires à l'exécution de sa mission ; - Donner son avis sur les mesures devant être prises pour assurer la protection de l'environnement sur le site d'OLLAINVILLE/ARPAJON eu égard à la présence de ces déchets ; - Prendre connaissance des travaux prévus sur le site et se faire remettre les documents contractuels relatifs à ces travaux ; donner son avis sur l'ampleur, l'utilité, les conséquences et les risques de ces travaux, notamment sur la nappe de l'Eocène ; donner son avis sur l'évaluation des risques et les mesures de remise en état qu'il serait indispensable d'effectuer par rapport aux mesures qui ont été préconisées par l'exploitant ; indiquer à quel coût optimum ils pourraient être réalisés ; - Contrôler le déroulement des travaux entrepris et dire s'ils ont entraîné un surcroît de pollution sur le site." *

Les sociétés du groupe AKZO NOBEL ont interjeté appel de ces deux décisions. Dans le souci d'une bonne administration de la justice, étant observé que les questions de droit soumises à l'appréciation de la Cour sont identiques dans les deux procédures, il convient d'ordonner d'ores et déjà une jonction et de statuer par un seul et même arrêt sur l'ensemble du litige.

A l'appui de leur recours, les sociétés du groupe AKZO font tout d'abord valoir que le juge des référés, juridiction étatique, n'avait pas compétence pour ordonner une mesure d'instruction, fondée implicitement mais nécessairement sur l'article 145 du Nouveau Code de Procédure Civile, alors que la juridiction arbitrale avait déjà été désignée et le dossier transmis aux arbitres dès le 21 mai 1997, et qu'il appartenait aux seuls arbitres de nommer tout expert de leur choix, conformément aux pouvoirs qui leur sont conférés par l'article 10 du règlement de la C.C.I.

Elles ajoutent que la mesure sollicitée a, en réalité, pour objectif d'alimenter le contentieux qui oppose la société ELF ATOCHEN au Préfet de l'Essonne, tendant à obtenir l'annulation de l'arrêté prescrivant la dépollution du site d'ARPAJON, et en déduisent que la mesure d'instruction probatoire litigieuse, à supposer même qu'elle puisse être soumise à un juge étatique, ne pouvait relever que de la compétence de la juridiction administrative.

Elles estiment en conséquence, que c'est à tort que le premier juge a refusé de décliner sa compétence et demandent, à titre principal, que les ordonnances déférées soient infirmée de ce chef.

Subsidiairement, elles soutiennent que la mission donnée à l'expert conduira nécessairement ce dernier à aborder le débat au fond et à empiéter sur la compétence exclusive des arbitres et elles demandent que ladite mission soit infirmée en ce qu'elle autorise l'expert à :

"Donner son avis sur l'ampleur, l'utilité, les conséquences et les

risques (des) travaux (ordonnés par l'administration) notamment sur la nappe de l'Eocène" ; "Donner son avis sur l'évaluation des risques et les mesures de remise en état qu'il serait indispensable d'effectuer par rapport aux mesures qui ont été préconisées par l'exploitant ; indiquer à quel coût optimum ils pourraient être réalisés" ; "contrôler le déroulement des travaux et dire s'ils ont entraîné un surcroît de pollution sur le site"

Elles demandent enfin que la société ELF ATOCHEM supporte les entiers dépens exposés dans le cadre de la présente procédure. [*

La société ELF ATOCHEM fait essentiellement valoir en réplique qu'elle était parfaitement fondée, en application de l'article 873 du Nouveau Code de Procédure Civile, à saisir le juge étatique d'une demande conservatoire visant à prévenir un risque imminent et à empêcher la disparition de preuves et ce, nonobstant la transmission du dossier aux arbitres. Elle ajoute que sa demande ne s'inscrit nullement, contrairement à ce qui est prétendu, dans ses rapports avec l'administration mais bien dans ses rapports avec la société AKSO NOBEL AB, au titre de l'accord de garantie du 15 janvier 1988 invoqué par cette société dans la procédure d'arbitrage. Elle ajoute encore qu'il n'est nullement demandé à l'expert de donner des appréciations d'ordre juridique mais seulement de fournir des éléments de fait susceptibles d'éclairer le Tribunal arbitral dans le cadre de sa saisine. Elle conclut, dès lors, à la confirmation en toutes leurs dispositions des deux ordonnances déférées. A titre subsidiaire et pour le cas où la Cour estimerait la mission dévolue à l'expert trop imprécise, elle fait des propositions pour la compléter. Enfin, elle demande que les entiers dépens exposés à ce jour soient supportés par les sociétés du groupe AKZO NOBEL. *]

MOTIFS DE LA DECISION

. Sur l'incompétence alléguée du juge des référés au profit de la

juridiction arbitrale

Considérant qu'il est de principe en droit positif français que les parties à une convention, comportant une clause d'arbitrage donnant compétence à un Tribunal arbitral constitué sous l'égide de la C.C.I., peuvent recourir aux juridictions de droit commun pour obtenir des mesures conservatoires ayant notamment pour objet de préserver une situation, des droits, ou des preuves, et plus particulièrement, que l'existence d'une clause d'arbitrage ne peut, en cas d'urgence dûment constatée, faire échec à l'exercice des pouvoirs de la juridiction des référés ;

Considérant que, lorsqu'il s'agit comme en l'espèce essentiellement de préserver des preuves, deux fondements peuvent être invoqués, l'article 145 du Nouveau Code de Procédure Civile qui cesse cependant d'être applicable lorsque le juge du fond est saisi, et les articles 872 et 873 du Nouveau Code de Procédure, qui permettent au juge des référés de prendre, en cas d'urgence, toutes mesures visant à prévenir un dommage imminent et plus particulièrement à prévenir la disparition de preuves qui causerait à l'une ou l'autre des parties un dommage irréparable dans la défense de ses droits, ces mesures pouvant être alors ordonnées à titre exceptionnel par un juge étatique sur le fondement des articles 872 et 873 précités et ce, même lorsque le Tribunal arbitral est constitué, dès lors que celui-ci n'est pas en mesure de mettre en ouvre les mesures conservatoires qui s'imposent dans un délai raisonnable et de satisfaire ainsi à l'urgence exigée par la situation ; que cette faculté est au demeurant expressément prévue par l'article 8-5 du Règlement de Conciliation et d'Arbitrage de la C.C.I. (1988) qui dispose que les parties "peuvent, avant la remise du dossier à l'arbitre et exceptionnellement après, demander à toute autorité judiciaire des mesures provisoires ou conservatoires" ;

Considérant qu'il apparaît à l'analyse des pièces des débats que les demandes de désignation d'un expert judiciaire puis d'extension de mission de cet expert, formées par la société ELF ATOCHEN, s'inscrivent dans les principes de droit positif français qui viennent d'être précédemment rappelés ;

Considérant en effet que, contrairement à ce que soutiennent les sociétés du groupe AKZO NOBEL, la société ELF ATOCHEN a clairement mentionné les fondements juridiques de sa demande d'expertise, en ces termes : "...L'exploitant est sur le point de faire disparaître l'ensemble des preuves relatives à l'état du site et il sera ensuite impossible à la société ELF ATOCHEN de contrôler la véracité d'un prélèvement effectué de façon non contradictoire par les sociétés du groupe AKZO NOBEL..." ; "La disparition prochaine de tout moyen de contester ou de contrôler les prélèvements effectués est aussi de nature à causer un dommage imminent à la société ELF ATOCHEN et à la priver des moyens propres à assurer sa défense dans la procédure arbitrale en cours" ; "En conséquence, vu les dispositions des articles 872, 873 et 145 du Nouveau Code de Procédure Civile, il est demande à Monsieur le Président de prendre les mesures conservatoires justifiées par l'existence du différend opposant les parties et l'imminence d'un dommage, et de faire établir par expertise les prélèvements demandés" ;

Que de même, l'article 873 du Nouveau Code de Procédure Civile était expressément visé dans les écritures déposées au soutien de la demande d'extension de mission, étant observé que la société ELF ATOCHEM était parfaitement en droit d'invoquer, lors de sa demande initiale, outre les article 872 et 873, l'article 145 puisque le Tribunal arbitral n'avait pas encore été constitué ; qu'il en résulte que la société ELF ATOCHEM a sollicité, non pas seulement une mesure in futurum comme le prétendent les appelantes, mais bien des mesures

conservatoires ; que du reste, c'est également sur ce terrain qu'a entendu se placer le juge des référés, même s'il n'a pas cité, dans les deux décisions entreprises, de références textuelles, dès lors qu'il a rappelé dans la première ordonnance que "les travaux risquent de provoquer un dépérissement des preuves et une situation irréversible et qu'en conséquence il y a urgence" et qu'il s'est expressément référé également à l'urgence dans la seconde ;

Considérant en outre que la nécessité dans laquelle se trouvait la société ELF ATOCHEM de recourir au juge des référés pour préserver ses droits en péril ressort des éléments même de la cause ; qu'en effet, l'urgence doit s'apprécier, comme il a été dit précédemment, au regard des délais dans lesquels l'une ou l'autre des parties peut obtenir une décision du Tribunal arbitral ; que, s'agissant de la demande de désignation d'un expert visant à faire effectuer, en urgence, des prélèvements (première ordonnance déférée), les arbitres nouvellement désignés ne pouvaient en aucun cas statuer avant le début des travaux de déblaiement fixés au 15 juin 1997 ; qu'à cet égard, il sera rappelé que les sociétés du groupe AKZO NOBEL ont déposé leur requête d'arbitrage le 25 février 1997 et la société ELF ATOCHEM son mémoire en réponse le 02 mai 1997 ; que ce n'est que le 21 mai que la C.C.I. a informé les parties, avec au demeurant une certaine confusion qui ne saurait être imputée à faute à la société ELF ATOCHEM laquelle ne saurait se voir reprocher dès lors d'avoir tenté de tromper la religion du premier juge, que le Président du Tribunal arbitral avait été désigné ; que par lettre du 27 juin 1997, les parties ont été informées que les arbitres ne seraient pas en mesure de fixer de réunion avant le mois de septembre 1997 ; qu'il doit être également relevé que l'acte de mission des arbitres n'a été signé que le 09 octobre 1997, de sorte qu'il est suffisamment établi par ces constatations que les arbitres n'étaient pas en mesure de

désigner un expert avant cette dernière date, alors que les travaux de dépollution du site avaient commencé, comme il a été dit, depuis le 15 juin 1997 et devraient se poursuivre tout l'été ; qu'il apparaît donc que la demande d'expertise formée par la société ELF ATOCHEM, et la demande d'extension de mission nécessitée par les premiers résultats obtenus par l'expert, ne pouvaient être différés jusqu'à ce que le Tribunal Arbitral soit en mesure de répondre utilement à de telles demandes, sauf à rendre vaines les investigations que l'urgence de la situation commandait ;

Considérant que, de même, il apparaît des pièces produites que si un expert judiciaire n'avait pas été immédiatement désigné, il aurait été procédé à l'excavation et au traitement de toute la zone 1 du site et à la destruction de façon non contradictoire des déchets contaminant les terres, sans que puissent être recueillies des données incontestables susceptibles d'être soumises à l'appréciation des arbitres, ce qui aurait eu pour effet de priver, de façon irréversible, la société ELF ATOCHEM de tous moyens de défense, étant observé que ces données ne seraient plus aujourd'hui accessibles à tout expert qu'aurait bien voulu désigner la juridiction arbitrale ; qu'il appartenait dès lors au premier juge, pour prévenir ce dommage imminent, de prendre, comme il l'a fait sur le fondement de l'article 873 dont les conditions d'application se trouvent remplies en l'espèce, toutes mesures indispensables à la conservation des droits des parties nonobstant, eu égard à cette situation exceptionnelle, la procédure d'arbitrage en cours ;

. Sur l'incompétence alléguée du juge des référés au profit du juge administratif

Considérant que les sociétés du Groupe AKZO NOBEL soutiennent, à titre subsidiaire, que la demande de la société ELF ATOCHEM serait en réalité "dirigée à l'encontre de l'administration et qu'elle aurait

dû être présentée au juge administratif" ;

Mais considérant que, s'il est vrai que la société ELF ATOCHEM a engagé une action en annulation contre l'arrêté préfectoral du 27 juin 1996, action dont la recevabilité est d'ailleurs contestée par l'administration pour défaut d'intérêt et de qualité à agir, il n'en reste pas moins que la demande d'expertise formée par la société intimée ne s'inscrit pas directement dans le cadre de cette procédure administrative mais bien dans celui de la garantie de passif du 15 juin 1988 invoquée dans la procédure d'arbitrage, étant rappelé que la société AKSO NOBEL AB réclame devant la juridiction arbitrale réparation des coûts supplémentaires de fermeture du site en raison de l'ampleur des mesures ordonnées par l'autorité administrative ; qu'il s'agit bien, dès lors, d'un litige d'ordre privé et commercial, dans lequel l'arrêté du 27 juin 1996 ne constitue qu'un élément accessoire d'appréciation du préjudice complémentaire invoqué par la société AKZO NOBEL, dont le Président du Tribunal de Commerce de NANTERRE a été valablement saisi en référé, celui-ci demeurant en tout état de cause compétent, quand bien même une partie du litige relèverait de la compétence administrative, comme l'a jugé le Tribunal des Conflits ; que, dans ces conditions, le moyen d'incompétence invoqué à titre subsidiaire par les sociétés appelantes, sera également rejeté ;

. Sur la mission donnée à l'expert BERARD

Considérant que, pour la première fois devant la Cour, les sociétés du groupe AKZO entendant remettre en cause certains chefs de la mission confiée à l'expert BERARD, motif pris qu'ils comporteraient des appréciations d'ordre juridique et qu'ils empièteraient sur la mission dévolue aux arbitres ;

Mais considérant que, contrairement à ce qui est prétendu, les chefs

de mission critiqués relèvent de simples appréciations d'ordre technique qui permettront d'éclairer la juridiction arbitrale et, surtout, d'investigations qui doivent être effectuées sans délai, en raison de l'exécution en cours des travaux de dépollution du site, lesquelles investigations, en tant que telles, entrent dans le champ des mesures conservatoires telles que précédemment définies ; qu'en effet, les recherches opérées par l'expert, dans le cadre de la mission qui lui a été confiée, permettront à la juridiction arbitrale d'apprécier si les travaux réalisés par l'exploitant n'excèdent pas ceux exigés par l'administration et s'ils sont adaptés aux exigences de la situation ou excessifs et inconsidérés comme le prétend la société ELF ATOCHEM qui risque d'avoir à en supporter la charge finale ; qu'il apparaît donc impératif en l'espèce qu'un expert contrôle, au fur et à mesure de leur avancement, le déroulement des travaux et donne son avis sur la façon dont ceux-ci sont conduits par l'exploitante avec toutes les conséquences qui pourront en résulter sur l'état du site, étant observé encore que toute possibilité de faire établir le caractère techniquement indispensable ou utile des travaux aura pour l'essentiel disparu lorsque le chantier sera achevé ; qu'en conséquence, les termes de la mission confiée à l'expert BERARD, qui n'empiètent nullement sur les questions d'ordre juridique soumise aux arbitres et qui répond aux exigences de la situation, seront confirmés en tous points ;

. Sur les dépens

Considérant que l'expertise s'effectue, comme il est d'usage, aux frais avancés de la société ELF ATOCHEM qui a sollicité cette mesure ; qu'il appartiendra à la juridiction arbitrale de se prononcer sur la charge définitive des frais ainsi exposés, ainsi que sur celle des frais annexes imposés par le référé lesquels devront suivre le sort du principal, sauf meilleur avis des arbîtres ; qu'en revanche, les

sociétés du Groupe AKZO NOBEL, qui succombent dans l'exercice de leur recours, supporteront les entiers dépens d'appel. * PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

- DIT recevable les appels interjetés par les sociétés AKZO NOBEL DECORATIVE COATINGS AB, S.N.C. AKZO NOBEL INDUSTRIAL COATINGS LIQUID, CASCO FRANCE à l'encontre de deux ordonnances de référés rendues les 29 mai et 17 juillet 1997 par le Président du Tribunal de Commerce de NANTERRE ;

- ORDONNE, pour une bonne administration de la justice, la jonction des procédures issues de ces appels séparés ;

Statuant par une seule décision,

- CONFIRME, mais par adjonction de motifs, en toutes leurs dispositions les deux ordonnances déférées ;

- CONDAMNE solidairement les sociétés AKZO NOBEL DECORATIVE COATINGS AB, S.N.C. AKZO NOBEL INDUSTRIAL COATINGS LIQUID, CASCO FRANCE, qui succombent dans l'exercice de leur recours, aux entiers dépens d'appel et autorise la SCP d'Avoués LISSARRAGUE-DUPUIS etamp; Associés à en poursuivre directement le recouvrement, comme il est dit à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. ARRET PRONONCE PAR MONSIEUR ASSIÉ, PRESIDENT ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET LE GREFFIER qui a assisté au prononcé

LE PRESIDENT M. Thérèse A...

F. ASSIÉ


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1997-6011
Date de la décision : 08/10/1998

Analyses

REFERE - Applications diverses - Arbitrage - Mesures provisoires ou conservatoires

Il est de principe que les parties à une convention, comportant une clause d'arbitrage donnant compétence à un tribunal arbitral composé sous l'égide de la Chambre de Commerce Internationale, peuvent recourir aux juridictions de droit commun pour obtenir des mesures conservatoires tendant, notamment, à préserver une situation, des droits ou des preuves ; en cas d'urgence dûment constatée, l'existence d'une clause d'arbitrage ne saurait donc faire échec à l'exercice des pouvoirs de la juridiction des référés. En l'espèce, dès lors que l'article 8-5 du règlement de conciliation et d'arbitrage de la Chambre de Commerce Internationale prévoit expressément que les parties " peuvent, avant la remise du dossier à l'arbitre et exceptionnellement après, demander à toute autorité judiciaire des mesures provisoires ou conservatoires ", c'est à bon droit que le juge des référés saisi sur le fondement des articles 145, 872 et 873 du nouveau Code de procédure civile ordonne une mesure expertise, alors que le requérant justifiait d'un dommage imminent -le dépérissement de preuves privant le requérant des moyens propres à assurer sa défense dans la procédure arbitrale en cours- et de l'urgence, laquelle s'apprécie au regard du délai dans lequel les parties auraient pu obtenir une décision du tribunal arbitral qui, en l'occurrence, ne pouvait être réuni que plusieurs mois après


Références :

Code de procédure civile (Nouveau), articles 145, 872, 873

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1998-10-08;1997.6011 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award