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08/10/1998 | FRANCE | N°1997-4167

France | France, Cour d'appel de Versailles, 08 octobre 1998, 1997-4167


La SARL LES ARMATEURS a interjeté appel de l'ordonnance rendue le 25 mars 1997 par le Juge-Commissaire du Tribunal de commerce de Nanterre qui l'a déboutée de sa demande d'admission pour la somme de 1.300.000 francs au passif du redressement judiciaire de la SA 2001.

La SARL LES ARMATEURS demande à la Cour : - de prononcer son admission au passif de la SA 2001 pour la somme de 526.728 francs - de déclarer irrecevables les conclusions de la SA 2001 - de condamner la SA 2001 à lui payer la somme de 50.000 francs à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, - de condamne

r la SA 2001 à lui payer la somme de 40.000 francs sur le fonde...

La SARL LES ARMATEURS a interjeté appel de l'ordonnance rendue le 25 mars 1997 par le Juge-Commissaire du Tribunal de commerce de Nanterre qui l'a déboutée de sa demande d'admission pour la somme de 1.300.000 francs au passif du redressement judiciaire de la SA 2001.

La SARL LES ARMATEURS demande à la Cour : - de prononcer son admission au passif de la SA 2001 pour la somme de 526.728 francs - de déclarer irrecevables les conclusions de la SA 2001 - de condamner la SA 2001 à lui payer la somme de 50.000 francs à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, - de condamner la SA 2001 à lui payer la somme de 40.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Au soutien de son appel, la SARL LES ARMATEURS fait notamment valoir : - que suivant facture du 13 juin 1995, acquittée le 13 juillet 1995, elle a été livrée par la SA 2001 d'une solution informatique complète composée de matériels informatiques (6 ordinateurs, 2 scanners et divers périphériques) et de logiciels, dont en particulier le logiciel TIC TAC TOON, pour un prix de 3.110.571,75 francs, dont 150.000 francs pour la licence d'exploitation du logiciel TIC TAC TOON. - qu'elle était la première société française à disposer de ce logiciel qui devait lui permettre d'être particulièrement performante, dès lors que les garanties de bon fonctionnement étaient effectivement assurées, - qu'il est indiqué dans la facture qu'une garantie contractuelle de trois ans, évaluée 86.566 francs, est accordée pour l'ensemble du système informatique, et que cette garantie assure une intervention sur site de moins de 8 heures, - que suivant contrat du 15 juillet 1995, la SA 2001 s'est engagée à assurer la maintenance gratuite, soit immédiatement par télémaintenance si elle est possible, soit au plus tard dans les 24

heures suivant l'appel du licencié, - qu'il y a eu arrêt de la maintenance, du 8 février 1996 au 4 avril 1996, - qu'elle a appris que la SA 2001 avait fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire le 4 janvier 1996, - que devant le risque de blocage du système, et donc d'impossibilité de livrer les productions en cours, elle a déclaré, le 15 février 1996 une créance d'un montant de 33.000.000 francs, - que Maître OUIZILLE, es qualités, l'a informée le 30 mai 1996 que sa créance était contestée, - que le 25 juin 1996 elle a répondu en réduisant toutefois sa déclaration à 16.800.000 francs, - que devant l'évolution des faits, il s'est avéré que son préjudice était moins important qu'elle avait pu le craindre, si bien qu'elle a demandé au Juge-Commissaire son admission pour la somme de 1.300.000 francs,

Maître ACOU a été assigné devant la Cour en qualité de commissaire à l'exécution du plan par exploit du 24 février 1998 et a conclu le 6 mars 1998 en demandant qu'il lui soit donné acte de ce qu'il reprenait à son compte les conclusions précédemment déposées par Maître OUIZILLE, es qualité de représentant des créanciers. Des conclusions identiques ont été prises le 24 juin 1998 par Maître ACOU, es qualités, en présence de Maître OUIZILLE, es qualités, et de la SA 2001, puis le 30 juillet 1998 par la SA 2001, en présence de Maître ACOU, es qualités, et de Maître OUIZILLE, es qualités. Ces conclusions rectifient celles du 24 juin 1998, qui, en conséquence sont caduques.

La SA 2001, formant une demande nouvelle, sollicite que la Cour : - confirme l'ordonnance, - condamne la SARL LES ARMATEURS à lui payer la somme de 282.090,73 francs représentant 90 % des honoraires du représentant des créanciers au titre des créances contestées, la

somme de 697.175,03 francs correspondant à la perte sur la production d'une séquence du film "Kirikou et la sorcière", la somme de 76.128 francs restant due sur la facture de formation liée à la production du film Oschi, la somme de 25.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Par conclusions signifiées le 11 février 1998, Maître OUIZILLE, es qualités, et la SA 2001 ont demandé à la Cour de confirmer l'ordonnance, et de condamner la SARL LES ARMATEURS au versement de la somme de 25.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

DISCUSSION Sur la créance dont la SARL LES ARMATEURS demande l'admission au passif de la SA 2001

Considérant que la SARL LES ARMATEURS fonde son action : - d'une part sur l'inexécution par la SA 2001 de sa garantie contractuelle et de son contrat de maintenance du logiciel, - d'autre part sur l'impossibilité de donner suite au projet de réaliser une séquence du film "Kirikou et la sorcière" ;

Considérant que sur ce second fondement il résulte de la lettre rédigée par la SARL LES ARMATEURS le 18 février 1996 que cette dernière avait "depuis le 22 janvier 1996, apprenant la situation de dépôt de bilan de 2001 ... pris la décision de ne pas donner suite à l'éventualité d'exécuter sur TIC TAC TOON une séquence du film "Kirikou et la sorcière", sans garantie de bonne fin"; que dans cette lettre la société appelante précisait que les quelques travaux faits à 2001 n'étaient que des tests ;

Considérant qu'il n'est donc pas établi que la SA 2001 soit

responsable de l'abandon du projet de production de la séquence du film "Kirikou et la sorcière", puisque la SARL LES ARMATEURS a estimé qu'aucun début d'exécution de ce projet n'avait eu lieu et a pris l'initiative de ne pas y donner suite, compte tenu de la situation de dépôt de bilan de 2001 ; qu'en l'absence de faute démontrée à l'encontre de la SA 2001, la demande de dommages-intérêts que la SARL LES ARMATEURS fixe à la somme de 120.000 francs de ce chef, doit être rejetée ; que l'ordonnance doit être confirmée sur ce point ;

Considérant que, sur le second fondement de sa réclamation, la SARL LES ARMATEURS soutient que le contrat de maintenance a été suspendu du 8 février 1996 au 4 avril 1996, et réclame à titre de dommages-intérêts, la somme de 170.523 francs au titre de la perte de salaires, les frais d'amortissement du matériel pendant deux mois, la somme de 95.189,74 francs représentant l'accroissement des frais financiers en raison du retard de deux mois dans la production de l'épisode "Carland Cross", et la somme de 226.728 francs pour le litige Oschi ;

Considérant qu'il appartient à la SARL LES ARMATEURS de démontrer l'interruption du contrat de maintenance ;

Considérant que dans sa lettre du 6 février 1996, Maître ACOU, es qualités, ne fait que menacer d'interrompre le contrat de maintenance, dans le cas où la SARL LES ARMATEURS n'exécuterait pas ses propres obligations ; qu'il n'est pas démontré que cette menace a été mise à exécution ; que le 8 février 1996, la SARL LES ARMATEURS ne fait qu'évoquer, au conditionnel, le grave préjudice que "constituerait" la rupture du contrat de maintenance ; qu'il résulte du télex du 21 février 1996, que la SARL LES ARMATEURS a payé les

factures de matériels le 19 février 1996, levant ainsi la menace de l'interruption de la maintenance ; que le 26 février 1996 Maître ACOU, es qualités, indique à la société appelante que le contrat de maintenance est poursuivi de fait, mais qu'il conviendrait qu'une mise en demeure lui soit adressée pour qu'il prenne partie sur la poursuite du contrat ; que le 11 mars 1996, Maître ACOU, es qualités, répondant à la mise en demeure du 8 mars, s'est prononcé pour la poursuite du contrat ;

Considérant qu'il est ainsi établi que le contrat s'est, juridiquement, poursuivi ;

Considérant que pour faire la preuve de ce que le contrat s'est trouvé, en fait interrompu, la SARL LES ARMATEURS ne verse aux débats, en dehors du constat d'huissier en date du 6 mars 1996, que des documents émanant de son Conseil ou de sa salariée, Madame X... ; que dans le télex du 21 février 1996, le Conseil de la SARL LES ARMATEURS se contente d'affirmer que depuis un mois la société n'a bénéficié d'aucune maintenance ; que les correspondances de Madame X... font état de difficultés, mais ne suffisent pas à démontrer que celles-ci sont imputables à un défaut de maintenance ; que d'ailleurs dans la lettre du 16 février 1996, elle reconnaît que la maintenance a été assurée par une autre société, en notant toutefois que la méconnaissance du site par cette société a entraîné l'arrêt des machines pendant quatre heures ; que le 22 février 1996 la SA 2001 a répondu à toutes les critiques qui lui étaient faites ; que l'inexactitude de ces explications, par ailleurs convaincantes, n'est pas démontrée ; que le 6 mars 1996 l'huissier a constaté que cinq des ordinateurs étaient bloqués, mais ne peut fournir aucune explication à ces blocages ; que dans son attestations du 15 avril 1996, Monsieur

RACHID, certes ex-salarié de la SA 2001, ne fait aucun reproche à cette dernière, mais fait état au contraire du manque de compétence de l'ingénieur système de la SARL LES ARMATEURS ;

Considérant que force est de constater, comme le premier juge, que la SARL LES ARMATEURS ne rapporte pas la preuve de l'interruption du contrat de maintenance ; que l'ordonnance qui l'a déboutée de ses demandes de dommages-intérêts doit être confirmée ; Sur les demandes reconventionnelles de la SA 2001

Considérant que la SA 2001, formant une demande nouvelle, requiert que la SARL LES ARMATEURS soit condamnée à lui payer la somme de 282.090,73 francs représentant 90 % des honoraires du représentant des créanciers au titre des créances contestées, la somme de 697.175,03 francs correspondant à la perte sur la production d'une séquence du film "Kirikou et la sorcière", la somme de 76.128 francs restant due sur la facture de formation liée à la production du film Oschi,

Considérant que la SARL LES ARMATEURS soulève l'irrecevabilité de ces demandes au motif que la procédure de vérification des créances dont est saisie la Cour ne peut avoir pour objet que de déterminer l'existence, le montant ou la nature de la créance déclarée et qu'il s'en déduit que le débiteur ne peut former de demandes reconventionnelles en paiement car ces dernières n'entrent nullement dans le cadre de la procédure de vérification du passif ;

Considérant que cette argumentation est pertinente en droit et doit être appliquée aux faits de l'espèce ;

Considérant que la demande en paiement de la facture de 76.128 francs, au titre de la formation dispensée par la SA 2001, ne concerne pas la vérification des créances dues par cette dernière ; que cette demande est irrecevable ;

Considérant qu'il en est de même de la demande ne paiement de la somme de 697.175,03 francs réclamée à titre de dommages-intérêts en réparation de la faute reprochée à la SARL LES ARMATEURS ; qu'il ne s'agit pas d'une créance dues par le débiteur en redressement judiciaire ; que son examen ne relève pas de la procédure de vérification des créances de ce dernier ;

Considérant en revanche que la procédure de vérification des créances est introduite par la déclaration que le créancier du débiteur en redressement judiciaire fait entre les mains du représentant des créanciers ; que cette procédure, dont la Cour est saisie, a commencé par la déclaration faite par la SARL LES ARMATEURS, le 15 février 1996, pour la somme de 33.000.000 francs; que le caractère abusif de cette déclaration, invoqué par la SA 2001, relève donc de la procédure de vérification des créances ; que la demande en paiement de la somme 282.090,73 francs représentant 90 % des honoraires du représentant des créanciers, faite en réparation du préjudice résultant du caractère abusivement élevé de la déclaration de créance est recevable ;

Considérant qu'il est exact que le créancier d'un débiteur en redressement judiciaire a l'obligation de déclarer dans les délais les éventuels dommages-intérêts qui peuvent lui être dus en cas de manquement aux obligations résultant d'un contrat conclu avant le jugement d'ouverture ; que la SARL LES ARMATEURS devait donc

déclarer, sauf à voir sa créance éteinte, le montant des dommages-intérêts susceptibles de lui revenir en réparation du dommage causé par l'inexécution de la garantie et de la maintenance que devait assurer la SA 2001 ;

Mais considérant que la SARL LES ARMATEURS se devait de déclarer une créance en rapport avec le montant maximum que pouvait atteindre son préjudice ; qu'elle savait, qu'à supposer que la SA 2001 se montrât défaillante, elle pourrait trouver, auprès d'autres sociétés, la possibilité de réparer le matériel, et de procéder à la maintenance du logiciel ; qu'elle ne courait que le risque d'un retard dans ses productions de dessins animés, pendant le délai nécessaire pour trouver une société remplaçante ; qu'elle ne pouvait donc ignorer que son préjudice ne pourrait en aucun cas atteindre la somme de 33.000.000 francs ; qu'elle a ainsi abusé de son droit en déclarant une créance de ce montant, sans commune mesure avec l'étendue possible de son préjudice ; que cette faute a augmenté inutilement les émoluments du représentant des créanciers et a donc causé à la SA 2001 un préjudice égal à cette augmentation ; que compte tenu du caractère progressif des frais, et du montant qu'il aurait été raisonnable de déclarer, le préjudice de la SA 2001 sera évalué à la somme de 150.000 francs ; Sur les autres demandes

Considérant que la SARL LES ARMATEURS qui est déboutée de sa demande, jugée par ailleurs abusive, sera condamnée aux dépens, et à payer à la SA 2001 la somme de 20.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et contradictoirement,

Donne acte à la SCP BOMMART etamp; MINAULT titulaire d'un office d'Avoué, de sa constitution aux lieu et place de Maître BOMMART, Avoué précédemment constitué,

Confirme l'ordonnance rendue le 25 mars 1997 par le Juge-Commissaire du Tribunal de commerce de Nanterre,

Y ajoutant, condamne la SARL LES ARMATEURS à payer à la SA 2001 la somme de 150.000 francs à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par la déclaration de créance d'un montant abusivement élevé,

Condamne la SARL LES ARMATEURS à payer à la SA 2001 la somme de 20.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

Déclare irrecevables les autres demandes en paiement formées par la SA 2001 à l'encontre de la SARL LES ARMATEURS,

Condamne la SARL LES ARMATEURS aux dépens d'appel et accorde à la SCP BOMMART etamp; MINAULT, titulaire d'un office d'Avoué, le droit de recouvrement conforme aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile,

Et ont signé le présent arrêt Mme DUCLOS M. BESSE GREFFIER Y...


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1997-4167
Date de la décision : 08/10/1998

Analyses

ENTREPRISE EN DIFFICULTE - Redressement judiciaire - Patrimoine - Créance - Vérification - Instruction

La procédure de vérification des créances ne peut avoir pour objet que de déterminer l'existence, le montant ou la nature de la créance déclarée. Il s'en déduit que le débiteur en redressement judiciaire ou en liquidation judiciaire ne peut pas former des demandes reconventionnelles en paiement devant le Juge Commissaire, car ces demandes n'entrent pas dans le cadre de la procédure de vérification du passif ; Toutefois la déclaration de créance qui constitue l'acte de saisine du Juge Commissaire, ouvre la procédure de vérification des créances, et fait en conséquence partie intégrante de cette procédure ; Il s'en déduit que l'appréciation du caractère abusif de cette déclaration de créance relève de la procédure de vérification des créances, et que la demande en paiement de dommages intérêts réparant le préjudice résultant, est recevable devant le Juge Commissaire ; En l'espèce, la société créancière a abusé de son droit en déclarant une créance de dommages - intrêts d'un montant sans commune mesure avec l'étendue possible de son préjudice. Cette faute a augmenté inutilement les émoluments du représentant des créanciers et a donc causé au débiteur un préjudice égal à cette augmentation


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1998-10-08;1997.4167 ?
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