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08/10/1998 | FRANCE | N°1996-1919

France | France, Cour d'appel de Versailles, 08 octobre 1998, 1996-1919


Aux termes d'un acte notarié, la société BARCLAY MUR devenue société SOPHIA PIERRE, puis SOPHIA MUR, a consenti à la SOCIETE DE RECHERCHE SCIENTIFIQUE ET MEDICALE SIR INTERNATIONAL, un crédit-bail portant sur un immeuble industriel et de recherches situé 40 rue d'Estienne d'Orves et 6 rue Blanche à MONTROUGE (Hauts de Seine).

Par jugement du 4 mars 1993, le tribunal de commerce de NANTERRE a ouvert une procédure de règlement judiciaire à l'encontre de la société SIR INTERNATIONAL et désigné Maître X... en qualité d'administrateur judiciaire.

Par lettre recomma

ndée avec accusé de réception du 29 mars 1993, Maître X... a notifié à la soc...

Aux termes d'un acte notarié, la société BARCLAY MUR devenue société SOPHIA PIERRE, puis SOPHIA MUR, a consenti à la SOCIETE DE RECHERCHE SCIENTIFIQUE ET MEDICALE SIR INTERNATIONAL, un crédit-bail portant sur un immeuble industriel et de recherches situé 40 rue d'Estienne d'Orves et 6 rue Blanche à MONTROUGE (Hauts de Seine).

Par jugement du 4 mars 1993, le tribunal de commerce de NANTERRE a ouvert une procédure de règlement judiciaire à l'encontre de la société SIR INTERNATIONAL et désigné Maître X... en qualité d'administrateur judiciaire.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 29 mars 1993, Maître X... a notifié à la société SOPHIA PIERRE sa volonté de voir poursuivre le contrat de crédit-bail, en vertu des dispositions de l'article 37 de la loi du 25 janvier 1985.

Les loyers n'étant pas payés, la société SOPHIA PIERRE a régularisé, le 13 décembre 1993, une sommation visant la clause résolutoire tendant au paiement de la somme de 719.697,97 francs.

Par jugement du 11 janvier 1994, le tribunal de commerce de NANTERRE a prononcé la liquidation judiciaire de la société SIR INTERNATIONAL et désigné Maître Y... en qualité de liquidateur, en remplacement de Maître X....

Par lettre du 21 janvier 1994, Maître Y... a résilié le bail, précisant que les clés seront à la disposition du crédit-bailleur dès que le commissaire-priseur aura vendu les actifs.

Le concierge de la société SIR INTERNATIONAL s'étant maintenu dans les lieux, ce n'est que le 22 mars 1995 que Maître Y... restituera effectivement les clés à la société SOPHIA PIERRE, laquelle avait, dès le 30 novembre 1994, fait assigner Maître X... et Maître Y... en paiement de la somme de 2.121.324,13 francs, arrêtée au 30 septembre 1994, augmentée des intérêts à compter de la demande, demandant en outre à Maître Y... le paiement des

indemnités à échoir.

La société SOPHIA PIERRE faisait essentiellement grief à Maître X... d'avoir mis en oeuvre le droit à poursuite de la convention de crédit-bail, sans s'être assuré si la poursuite de l'exploitation pouvait permettre le règlement des loyers et à Maître Y... de n'avoir pas restitué les locaux comme il s'y était engagé et d'avoir laissé se maintenir dans les lieux le concierge de la société SIR INTERNATIONAL.

Par jugement du 24 janvier 1996, le tribunal de grande instance de NANTERRE a débouté la société SOPHIA PIERRE de toutes ses demandes et l'a condamnée à payer à Maître X... et à Maître Y... la somme totale de 10.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Appelante, la société SOPHIA MUR, venant aux droits de la société SOPHIA PIERRE, conclut à l'infirmation de la décision entreprise en toutes ses dispositions et demande à la Cour, en statuant à nouveau, de condamner :

o

Monsieur X... au paiement de la somme principale de 1.223.238,36 francs augmentée des intérêts légaux à compter du 30 novembre 1994, date de l'acte introductif d'instance,

o

Maître Y... au paiement de la somme principale de 898.085,77 francs, sauf mémoire, augmentée des intérêts légaux à compter du 30 novembre 1994,

o

solidairement les intimés au paiement de la somme de 20.000 francs, en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Elle demande en outre à la Cour, par conclusions du 10 mai 1996,

d'ordonner la capitalisation des intérêts, en application de l'article 1154 du code civil.

Maître X... et Maître Y... concluent à la confirmation du jugement entrepris et demandent à la Cour, en y ajoutant, de condamner l'appelante au paiement, à chacun, de :

o

la somme de 1 franc à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,

o

la somme de 10.000 francs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 avril 1998.

Par conclusions postérieures du 19 mai 1998, la société SOPHIA MUR a demandé qu'il lui soit donné acte de ce qu'elle entendait interrompre la péremption de l'instance et a sollicité le paiement par Maître X... et Maître Y... de la somme de 5.000 francs à titre de dommages-intérêts, outre 20.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Les intimés ont conclu à l'irrecevabilité de ces dernières conclusions, subsidiairement, au rejet des demandes de la société SOPHIA MUR.

SUR CE, SUR LES CONCLUSIONS INTERRUPTIVES DE PEREMPTION D'INSTANCE COMPORTANT DEMANDES ADDITIONNELLES

Considérant que la société SOPHIA MUR s'oppose à ce que ses conclusions intitulées "interruptives de péremption d'instance comportant demandes additionnelles" soient déclarées irrecevables, ainsi que demandé par les intimés, au motif qu'elles ont été signifiées le 19 mai 1998, donc postérieurement à l'ordonnance de

clôture prononcée le 2 avril 1998, faisant valoir qu'elles sont à tout le moins recevables en ce qu'elles sont interruptives de péremption ;

Que toutefois, il convient de relever que les conclusions litigieuses ne contiennent pas l'une des demandes énumérées aux alinéas 2 et 3 de l'article 783 du nouveau code de procédure civile ;

Que conformément aux dispositions de l'alinéa 1 du même article, elles doivent donc être déclarées irrecevables, étant observé qu'en tout état de cause, des conclusions dites "interruptives de péremption" étaient superfétatoires en l'espèce, dès lors que la date de l'audience était fixée au 10 septembre 1998, ainsi que précisé dans l'ordonnance de clôture du 2 avril 1998, donc à une date antérieure à celle d'expiration du délai de péremption (7 octobre 1998) ; SUR LA DEMANDE FORMEE À L'ENCONTRE DE MAITRE X...

Considérant que la société SOPHIA MUR soutient que Maître X..., qui a exercé ses fonctions d'administrateur du 4 mars 1993 au 11 janvier 1994, a commis une faute en poursuivant le contrat de crédit-bail sans s'assurer par ailleurs qu'elle disposerait des moyens nécessaires pour régler les loyers correspondants ;

Qu'elle reproche plus particulièrement à Maître X... de s'être laissé bercer par les propos confiants tenus par les dirigeants de la société SIR INTERNATIONAL, pour décider à quatre reprises, de solliciter le renouvellement de la période d'observation et, nonobstant le fait que le résultat d'exploitation courant était systématiquement négatif, de n'avoir à aucun moment émis la moindre réserve sur la poursuite de l'exploitation ;

Que toutefois, il ressort de l'ensemble des documents produits que Monsieur X..., dont la mission essentielle est de tenter d'assurer la sauvegarde, par leur redressement, des entreprises dont elle a l'administration, pouvait légitimement espérer, eu égard à la

législation alors en cours, que la société SIR INTERNATIONAL bénéficierait, dès le mois de mai 1993, du remboursement du TRESOR PUBLIC, d'un crédit d'impôts de 2.140.342 francs correspondant aux frais de recherche engagés par la société au cours de l'exercice précédent, remboursement qui n'a pas eu lieu, eu égard à la modification apportée par la loi de finances 1993, quant au délai de remboursement du crédit d'impôt ;

Qu'en outre, des négociations étaient engagées par la société SIR INTERNATIONAL, en vue d'un partenariat, négociations dont elle ne pouvait deviner l'issue ;

Qu'en tout état de cause, la prolongation de la période d'observation a été décidée en toute connaissance de cause par le juge-commissaire, qui a été régulièrement informé par Maître X..., notamment par notes des 17 mai et 15 septembre 1993, du montant élevé des dettes bénéficiant du privilège de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 et du déficit de l'exploitation, ainsi qu'il résulte des pièces versées aux débats ;

Qu'enfin, il doit être rappelé que l'article 37 de la loi du 25 janvier 1985, dans sa rédaction actuelle, issue de la loi du 10 juin 1994, dont se prévaut la société SOPHIA MUR, aux termes duquel l'administrateur doit s'assurer, au moment où il demande l'exécution d'un contrat en cours, qu'il disposera des fonds nécessaires à cet effet, n'était pas applicable au règlement judiciaire de la société SIR INTERNATIONAL ;

Que c'est donc à bon escient que les premiers juges, par des motifs expressément adoptés par la Cour, ont dit qu'aucun manquement dans l'accomplissement de sa mission ne peut être retenu à l'encontre de Maître X... ;

Qu'il s'ensuit que la décision entreprise sera confirmée en ce qu'elle a rejeté la demande formée à l'encontre de Maître X... ;

SUR LA DEMANDE FORMEE A L'ENCONTRE DE MAITRE Y...

Considérant qu'il est constant que bien que Maître Y... ait résilié le bail dès le 11 janvier 1994, la remise des clés n'a eu lieu que le 22 septembre 1995 ;

Que la restitution des locaux n'étant effective que par la remise des clés, il doit donc être recherché si le retard apporté dans la remise des clés (vingt mois) est imputable à faute à Maître Y... ;

Considérant que, contrairement à ce que soutient Maître Y..., il appartient au bailleur, en cas de liquidation de biens au liquidateur judiciaire, de faire toutes diligences utiles pour restituer au propriétaire les locaux vides de tout occupant ;

Qu'il n'est pas contesté que le retard apporté pour leur restitution résulte de ce que ceux-ci étaient occupés par le concierge de la société SIR INTERNATIONAL et sa famille ;

Que Maître Y..., auquel il incombait de faire toutes diligences utiles pour obtenir le départ volontaire ou à défaut l'expulsion du gardien engagé par la société SIR INTERNATIONAL, ne justifie d'aucune démarche particulière en ce sens ;

Que son laxisme et sa négligence à libérer les locaux sont incontestablement à l'origine du préjudice subi par la société SOPHIA PIERRE qui n'a pu proposer les locaux litigieux à la location que vingt mois après la résiliation du bail, sans aucun espoir de pouvoir percevoir une quelconque indemnité d'occupation pendant cette période ;

Que toutefois, le préjudice subi par la société SOPHIA PIERRE n'est pas constitué par le montant des indemnités d'occupation pour la période litigieuse, la société SOPHIA MUR ne justifiant, ni même alléguant qu'elle avait trouvé un repreneur pour le lendemain de la résiliation du bail, mais il s'analyse en une perte de chance que les éléments du dossier permettent d'estimer à la somme de 250.000 francs

;

Qu'en conséquence, la décision entreprise sera infirmée de ce chef et Maître Y... condamné à indemniser la société SOPHIA MUR à concurrence de la somme de 250.000 francs ;

Que s'agissant d'une créance indemnitaire, les intérêts au taux légal ne seront dus qu'à compter de la signification de cette décision et non pas à compter de l'acte introductif d'instance, ainsi que sollicité ; SUR LES AUTRES DEMANDES

Considérant que dès lors que l'appel était pour partie justifié, Maître X... et Maître Y... ne sont pas fondés en leur demande commune de dommages-intérêts et en seront donc déboutés ;

Considérant que l'équité commande de condamner Maître Y... à payer à la société SOPHIA MUR la somme de 7.000 francs en application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR, par décision rendue publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

DONNE ACTE à la société SOPHIA MUR de ce qu'elle vient aux droits de la société SOPHIA PIERRE ;

DECLARE irrecevables les conclusions du 19 mai 1998 et rejette des débats celles déposées postérieurement ;

CONFIRME la décision entreprise, mais seulement en ce qu'elle a débouté la société SOPHIA PIERRE de ses demandes à l'encontre de Maître X... ;

L'INFIRME pour le surplus ;

ET STATUANT A NOUVEAU,

CONDAMNE Maître Y... à payer à la société SOPHIA PIERRE la somme de DEUX CENT CINQUANTE MILLE FRANCS (250.000 francs) à titre de dommages-intérêts, ladite somme portant intérêts au taux légal à

compter de la signification de cette décision ;

CONDAMNE Maître Y... à payer à la société SOPHIA PIERRE la somme de SEPT MILLE FRANCS (7.000 francs) en application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

DEBOUTE les parties de toute demande autre ou plus ample ;

CONDAMNE Maître Y... aux entiers dépens de première instance et d'appel, lesquels pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

ARRET REDIGE PAR :

Madame Lysiane LIAUZUN, Conseiller,

ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET :

Madame Colette GABET-SABATIER, Président,

Madame Catherine CONNAN, Greffier.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1996-1919
Date de la décision : 08/10/1998

Analyses

ENTREPRISE EN DIFFICULTE - Organes - Administrateur judiciaire - Responsabilité - Faute.

Dès lors qu'un administrateur judiciaire a pour mission essentielle de tenter d'assurer la sauvegarde, par leur redressement, des entreprises dont il a l'administration, il ne saurait lui être reproché d'avoir poursuivi un contrat de crédit bail sans s'assurer qu'il disposerait des moyens nécessaires pour en acquitter les loyers alors qu'eu égard à la législation fiscale en vigueur à ce moment, un remboursement de crédit d'impôt était légitimement attendu et que la décision de prolongation de la période d 'observation a été prise, en toute connaissance de cause, par le juge commissaire, après que celui-ci ait été régulièrement informé du montant des dettes et du déficit d'exploitation

ENTREPRISE EN DIFFICULTE - Organes - Liquidateur - Responsabilité - Faute.

Il appartient au bailleur, en cas de liquidation de biens, au liquidateur judiciaire, de faire toutes diligences utiles pour restituer au propriétaire des locaux vides de tout occupant.La restitution d'un local loué n'étant effective que par la remise des clefs, un liquidateur judiciaire qui ne procède à celle-ci que plus de vingt mois après la résiliation du bail, sans établir avoir entrepris quelque démarche que ce soit pour, en l'espèce, obtenir le départ, lui incombant, du concierge de l'immeuble loué, est, par sa négligence et son laxisme, à l'origine du préjudice subi par le bailleur empêché de proposer son immeuble à la location.A défaut pour le bailleur d'établir avoir trouvé un repreneur au lendemain de la résiliation du bail, son préjudice n'est pas constitué par le montant des indemnités d'occupation afférentes à la période d'indisponibilité des locaux, mais s'analyse en une perte de chance


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1998-10-08;1996.1919 ?
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