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08/10/1998 | FRANCE | N°1996-10202

France | France, Cour d'appel de Versailles, 08 octobre 1998, 1996-10202


La société FEVAM, exploitant un fonds de commerce de fabrication et de vente de vêtements d'équipements militaires et administratifs, a répondu à un appel d'offres, lancé les 06 juin et 09 août 1995 par le Ministère Français de la Coopération, sous la désignation "HCC 95".

Le 03 novembre 1995, ce même Ministère a informé les candidats qu'il annulait son appel d'offre et qu'il lancerait ultérieurement de nouveaux appels.

Prétendant avoir perdu le bénéfice du marché dont s'agit du fait d'agissements déloyaux émanant du Groupe concurrent MARCK, la société F

EVAM a fait assigner les entités composant ce groupe, à savoir les sociétés MARCK e...

La société FEVAM, exploitant un fonds de commerce de fabrication et de vente de vêtements d'équipements militaires et administratifs, a répondu à un appel d'offres, lancé les 06 juin et 09 août 1995 par le Ministère Français de la Coopération, sous la désignation "HCC 95".

Le 03 novembre 1995, ce même Ministère a informé les candidats qu'il annulait son appel d'offre et qu'il lancerait ultérieurement de nouveaux appels.

Prétendant avoir perdu le bénéfice du marché dont s'agit du fait d'agissements déloyaux émanant du Groupe concurrent MARCK, la société FEVAM a fait assigner les entités composant ce groupe, à savoir les sociétés MARCK et MARCK et ASSOCIES et le G.E.I.E. MARCK-WALHER, ci-après désignées "les sociétés du groupe MARCK ou le groupe MARCK", pour obtenir réparation de son préjudice.

Par jugement en date du 14 novembre 1996, auquel il est renvoyé pour plus ample exposé des éléments de la cause, le Tribunal de Commerce de PONTOISE, estimant que la société FEVAM ne rapportait pas la preuve des agissements dénoncés, a débouté ladite société de l'ensemble de ses prétentions et l'a condamnée à payer aux sociétés du groupe MARCK la somme de 30.000 francs à titre de dommages et intérêts, outre une indemnité de 20.000 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

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*

Appelante de cette décision, la société FEVAM fait grief aux premiers juges d'avoir mal apprécié les faits de la cause et les éléments de preuve qui leur étaient soumis. Elle soutient notamment qu'il ne saurait être contesté que les services du Ministère de la Coopération ont reçu, au cours de l'année 1995, une plaquette de quatre vingt

pages dont il ressort mensongèrement qu'elle aurait fait l'objet de poursuites judiciaires et qu'elle aurait conclu, sous le couvert d'associations caritatives, un marché de vente de matériels militaire avec la Bosnie, ajoutant que cette plaquette, comportant des allégations diffamatoires à son encontre et de nature à porter atteinte à son crédit, ne peut émaner que des sociétés du groupe concurrent MARCK, comme le donne à croire une attestation délivrée en ce sens par le Colonel NDIGO Y..., attaché militaire auprès de l'ambassade du Cameroun. Elle soutient également que cette volonté de dénigrement du Groupe MARCK est attestée par une lettre qui lui a été adressée le 1er avril 1994 par la société ARTHUS BERTRAND et souhaite qu'il soit, en tant que de besoin procédé à l'audition du Général ROQUES, alors en poste au Ministère de la Coopération, lequel pourrait apporter tous éclaircissements utiles sur cette affaire, cette mesure d'instruction lui ayant été refusé à tort, selon elle, par une ordonnance du Conseiller de la Mise en Etat en date du 11 septembre 1997. Elle demande, en conséquence, que les sociétés groupe MARCK soient condamnées solidairement à lui payer, eu égard aux agissements déloyaux dont elles ont fait usage, la somme de 10 millions de francs en réparation du préjudice direct lié à la perte partielle du marché et celle de cinq millions de francs pour atteinte à sa réputation commerciale.

Elle leur réclame également une indemnité de 50.000 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Subsidiairement, et comme il a été dit, elle sollicite une mesure d'instruction complémentaire.

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Les sociétés du groupe MARCK font valoir en réplique que la société FEVAM ne rapporte pas la preuve du lien qui pourrait exister entre la

plaquette qui a circulé au Ministère de la Coopération et elle-même, pas plus que celle d'un quelconque comportement dénigrant qui pourrait leur être imputé, et elles concluent à la confirmation en toutes ses dispositions du jugement déféré, sauf à voir porter à 300.000 francs les dommages et intérêts qui leur ont été reconventionnellement accordés par le tribunal.

Elles réclament également une indemnité complémentaire de 30.000 francs en couverture des frais qu'elles ont été contrainte d'exposer devant la Cour. MOTIFS DE LA DECISION

* Sur l'appel principal de la société FEVAM

Considérant qu'il convient de rappeler que, au cours des mois de juin et août 1995, le Ministère de la Coopération a lancé un appel d'offre (HCC 95) pour la fourniture d'effets d'habillement et de campement destinés aux armées de divers pays étrangers ; que la société FEVAM et la société MARCK SA, ainsi que de nombreuses autres sociétés, ont répondu à cet appel ; que, par lettre circulaire en date du 03 novembre 1995, adressée à toutes les sociétés qui avaient soumissionné, le Ministère de la Coopération a décidé d'annuler son appel d'offre en précisant toutefois que de nouveaux appels d'offre seraient ultérieurement lancé pour le même marché ; qu'ensuite de cette décision et par assignation du 29 novembre 1995, la société FEVAM a engagé la présente procédure, faisant grief aux sociétés du groupe MARCK d'avoir diffusé dans les services du Ministère de la Coopération, un document d'information de quatre vingt pages comportant des allégations dénigrantes et diffamatoires, lesquelles lui auraient fait perdre le bénéfice du marché.

Considérant toutefois que, pour que l'action de la société FEVAM puisse prospérer, il appartient à cette société de rapporter la preuve que les sociétés du groupe MARCK ont créé et diffusé la plaquette dont s'agit et que cette diffusion aurait entraîné

l'annulation de l'appel d'offre dont elle aurait pu bénéficier.

Or considérant que force est de constater que cette preuve n'est nullement rapportée en l'espèce et que la société FEVAM se contente de procéder par voie d'affirmation.

Considérant en effet qu'il n'est tout d'abord nullement établi que le Ministère de la Coopération aurait retiré l'appel d'offre en raison de la diffusion de la plaquette litigieuse dans ses services ; que cela est d'autant moins probable que le même Ministère indiquait aux différentes sociétés ayant soumissionné, dont la société FEVAM, qu'il allait lancer de nouveaux appels d'offre et qu'il espérait que chacune de ces sociétés allaient répondre à ces futures offres, ce que la société FEVAM a d'ailleurs fait puisqu'elle reconnaît dans ses écritures d'appel avoir par la suite pu obtenir, sur nouvel appel d'offre, un tiers du marché proposé.

Considérant ensuite que la société appelante se prévaut d'une lettre que lui a adressé le 06 février 1996 le Colonel NDIGO Y..., attaché militaire à l'Ambassade du Cameroun, qui selon elle, établirait de façon formelle les dénigrements dont se sont rendues coupables envers elle les sociétés du groupe MARCK, et qui est rédigée en ces termes :

"Je viens d'apprendre de diverses sources, particulièrement par la société MARCK, que votre société serait en cessation de paiement. En raison des marchés que le Ministère de la Défense du Cameroun a en cours avec vous, je vous serais gré de bien vouloir me donner la possibilité d'infirmer ces informations".

Mais considérant que, aussitôt qu'il a eu connaissance de cette pièce, le Président de la société MARCK a adressé un courrier recommandé au Colonel NDIGO Y... en lui demandant de préciser le nom de la personne qui, au sein de la société MARCK, aurait tenu de tels propos ainsi que le lieu et la date de la rencontre".

Que pour seule réponse à cette demande pourtant claire et précise, le fonctionnaire susnommé s'est contenté de la transmettre par bordereau à la société FEVAM avec la mention suivante "Aux fins de clarifications avec la société MARCK SA".

Qu'il ne peut donc dans ces conditions être tenu pour acquis aux débats, comme le fait l'appelante, que la société MARCK SA ou une société du groupe MARCK aurait fait courir le bruit que la société FEVAM connaissait des difficultés financières, étant observé de surcroît que cette allégation est sans rapport direct avec les faits dénoncés dans l'assignation tenant à la diffusion d'une plaquette contenant des allégations diffamatoires dans les services du Ministère de la Coopération et qui aurait fait perdre à l'appelante le bénéfice d'un marché.

Considérant, en outre, que pour la première fois devant la Cour, la société FEVAM invoque une lettre datée du 1er avril 1994, que lui aurait adressé un fournisseur, la société ARTHUS BERTRAND, par laquelle cette société confirme qu'elle n'a aucun lien juridique ou financier avec le groupe MARCK et que "cette rumeur, sans doute diffusée par des collaborateurs de ce groupe, n'a aucun fondement".

Mais considérant que ce document n'a, comme le précédent, aucun rapport direct avec la présente procédure et n'évoque qu'une hypothèse de partenariat aussitôt démentie, dont on ne voit pas en quoi, à le supposer exacte, elle porterait atteinte aux intérêts et à la réputation de la société FEVAM.

Considérant enfin que la société FEVAM persiste à réclamer, comme elle l'a déjà fait en vain devant le conseiller de la mise en état, l'audition du Général ROQUES qui, selon elle, "souhaiterait intervenir devant la juridiction dans un souci de bonne administration de la justice".

Mais considérant que, outre les justes motifs retenus par le Conseiller de la Mise en Etat pour écarter la mesure d'enquête sollicitée, il apparaît que le militaire susdésigné a délivré le 04 mai 1998 une attestation, et ce, à la demande des sociétés du groupe MARCK, dans laquelle il précise :

" Je n'ai donc jamais été rendu destinataire, directement ou indirectement, d'un rapport concernant la société FEVAM.

Je ne peux apporter de précisions quelconques concernant cette affaire et je ne vois pas en quoi mon audition pourrait apporter le moindre indication utile à la Cour".

Qu'il suit de là que la mesure d'instruction sollicitée est désormais dépourvue de tout intérêt.

Considérant que, dans ces conditions, et faute d'un quelconque élément de preuve de nature à établir la réalité des allégations de la société FEVAM, c'est à bon droit que les premiers juges ont débouté celle-ci de l'ensemble de ses prétentions.

* Sur l'appel incident des sociétés du groupe MARCK

Considérant qu'en introduisant avec une légèreté blâmable et sans le moindre élément de preuve une procédure en concurrence déloyale à l'encontre des sociétés du groupe MARCK, la société FEVAM a commis une faute dont ces dernières sont fondées à réclamer réparation ; qu'en effet, outre les tracasseries générées par le procès, il en est résulté un préjudice commercial certain pour les sociétés du groupe MARCK qui ont vu leur image et leur réputation atteinte dans le milieu restreint qui est celui des fournisseurs d'équipements destinés aux armées ; que le premier juge a cependant justement apprécié ce chef de préjudice à la somme de 30.000 francs, les sociétés intimées ne démontrant pas en quoi cette évaluation serait insuffisante, étant observé que ces sociétés pourront désormais se prévaloir d'une décision définitive qui les rétablit dans leurs

droits, ce qui ajoute à la réparation octroyée.

Considérant cependant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge des sociétés du groupe MARCK les sommes qu'elles ont été contraintes d'exposer pour défendre au recours engagé à leur encontre ; que la société FEVAM sera condamnée à leur payer une indemnité complémentaire de 20.000 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, ladite indemnité s'ajoutant à celle déjà allouée au même titre auxdites sociétés par le premier juge.

Considérant enfin que la société FEVAM, qui succombe, supportera les entiers dépens. PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

- REOEOIT la SARL FEVAM "Fabrication d'Equipements et de Vêtements Administratifs et Militaires" en son appel et les sociétés MARCK et ASSOCIES SA, MARCK SA et le Groupement Européen d'Intérêt Economique "G.E.I.E. MARCK-WAHLER" en leur appel incident,

- DIT ces appels mal fondés et les rejette,

- CONFIRME, en conséquence, en toutes ses dispositions le jugement déféré,

Y AJOUTANT,

- CONDAMNE la SARL FEVAM "Fabrication d'Equipements et de Vêtements Administratifs et Militaires" à payer aux sociétés intimées une indemnité complémentaire de 20.000 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

- CONDAMNE également la SARL FEVAM "Fabrication d'Equipements et de Vêtements Administratifs et Militaires" aux entiers dépens et autorise la SCP d'Avoués KEIME et GUTTIN à poursuivre directement le recouvrement de la part la concernant, comme il est dit à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. ARRET PRONONCE PAR MONSIEUR ASSIÉ, PRESIDENT ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET LE GREFFIER

LE PRESIDENT qui a assisté au prononcé M.T. GENISSEL

F. X...


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1996-10202
Date de la décision : 08/10/1998

Analyses

CONCURRENCE DELOYALE OU ILLICITE - Faute - Dénigrement

L'introduction d'une action en concurrence déloyale, sans le moindre élément de preuve, à l'encontre d'un concurrent constitue une faute dont ce dernier est fondé à réclamer réparation. En l'espèce, un soumissionnaire qui impute à un concurrent l'établissement et la circulation d'une brochure injurieuse à son égard, dans les services d'une personne publique auteur d'un appel d'offre et l'annulation consécutive de la procédure, alors qu'il n' établit pas que les dénigrements allégués sont imputables à la société mise en cause ou encore rapporte des éléments sans rapport direct avec les faits dénoncés dans l'assignation, pas plus qu'il ne démontre que ces allégations auraient été à l'origine de l'annulation du marché, doit être débouté de ses prétentions


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1998-10-08;1996.10202 ?
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