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02/10/1998 | FRANCE | N°1996-3017

France | France, Cour d'appel de Versailles, 02 octobre 1998, 1996-3017


Depuis le 24 février 1981, la SA Cabinet X... père et fils et F. D gère le Syndicat des Copropriétaires de l'immeuble résidence xxx à ANTONY dont Monsieur Y... X... est membre au titre du lot 177 dont il est propriétaire, représentant une chambre avec usage de la douche et du water closet communs au rez-de-chaussée du bâtiment 2.

Suivant acte d'huissier en date du 28 juillet 1995, la SA Cabinet X... père, fils et F. D a fait assigner devant le tribunal d'instance d'ANTONY Monsieur Y... X... aux fins de le voir condamner au paiement d'une somme de 20.000 Francs à titre de do

mmages-intérêts du fait du préjudice moral subi et de l'atteinte ...

Depuis le 24 février 1981, la SA Cabinet X... père et fils et F. D gère le Syndicat des Copropriétaires de l'immeuble résidence xxx à ANTONY dont Monsieur Y... X... est membre au titre du lot 177 dont il est propriétaire, représentant une chambre avec usage de la douche et du water closet communs au rez-de-chaussée du bâtiment 2.

Suivant acte d'huissier en date du 28 juillet 1995, la SA Cabinet X... père, fils et F. D a fait assigner devant le tribunal d'instance d'ANTONY Monsieur Y... X... aux fins de le voir condamner au paiement d'une somme de 20.000 Francs à titre de dommages-intérêts du fait du préjudice moral subi et de l'atteinte à son honneur et son intégrité professionnelle et au paiement d'une somme de 8.000 Francs en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Au soutien de sa demande, la SA Cabinet X... père, fils et F. D exposait avoir reçu de Monsieur X... des écrits injurieux et diffamatoires. Ainsi le 23 mai 1995, Monsieur X... lui a écrit pour lui demander d'inscrite à l'ordre du jour de l'assemblée générale du 20 juin 1995 la question suivante : "la presse ainsi que les médias nous ont appris que les 40 cabinets administrateurs de biens parisiens avaient fait l'objet de procédure judiciaire pour sur-facturation et diverses infractions ä Votre cabinet a-t-il fait l'objet d'une procédure ä"

Il soulignait le 14 juin 1995 que deux nouveaux courriers recommandés avec accusé de réception lui avaient été adressés par Monsieur X..., avec copie pour information à la copropriété, au Président du Conseil syndical et à tous les membres du conseil syndical et précisait que Monsieur X... y avait employé les termes suivants :

"les comptes présentés sont faux et inexacts, votre gestion n'est ni probante, ni

sincère, factures falsifiées, manoeuvres frauduleuses, une politique de "copains et coquins"...

La SA Cabinet X... père, fils et F. D ajoutait que l'assemblée générale avait approuvé ses comptes pour l'année 1994 et lui avait donné le quitus de gestion ; en outre, l'ordre du jour complémentaire de Monsieur X... Y... avait été écarté à l'unanimité des copropriétaires présents et représentés, sauf Monsieur X...

Monsieur Y... X... concluait au débouté. Il faisait valoir que son courrier du 23 mai 1995 comportait une formule interrogative et ne contenait aucune information de nature à attenter à l'honneur du Cabinet X... père, fils et F. D et qu'en sa qualité d'expert comptable et de commissaire aux comptes, il demandait chaque année ce type de renseignements aux sociétés.

S'agissant de la lettre du 14 juin 1995, il soutenait que l'inexactitude et la fausseté des comptes était étayée par une argumentation solide appuyée sur divers documents. Il indiquait, en outre, que le tribunal de grande instance de NANTERRE avait annulé la résolution de l'assemblée générale du 29 juin 1993 qui donnait quitus au syndic pour l'exercice 1992.

Monsieur X... sollicitait, à titre reconventionnel, une somme de 40.000 Francs de dommages-intérêts pour atteinte à son honneur et préjudice moral, ainsi que pour procédure abusive, outre une somme de 10.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

La SA Cabinet X... père, fils et F. D répondait qu'il pouvait arriver à

l'assemblée des copropriétaires d'entériner des comptes présentant quelques erreurs d'imputation, sans que cela ne traduise ni une falsification des comptes, ni une gestion irrégulière et non probante et que, si tout copropriétaire avait le droit d'effectuer une critique objective des comptes, il ne pouvait pour autant proférer des injures et allégations mensongères attentatoires à l'honneur.

Elle concluait, par ailleurs, au rejet des demandes reconventionnelles.

Par le jugement déféré, en date du 15 janvier 1996, le tribunal d'instance d'ANTONY a condamné Monsieur X... à payer à la SA Cabinet X... ET D la somme de 8.000 Francs de dommages-intérêts et celle de 4.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Au soutien de l'appel qu'il a interjeté contre cette décision, Monsieur X... fait valoir, en ce qui concerne la question dont il a demandé l'inscription, le 28 mai 1995, que les différentes "négligences" dont il avait pu se rendre compte, dans la gestion de la copropriété aujourd'hui confirmées par un jugement définitif du tribunal de grande instance de NANTERRE ayant annulé la deuxième résolution de l'assemblée générale du 29 juin 1993 lui permettaient d'avoir des craintes suffisamment sérieuses pour justifier la question posée, étant précisé que cette question se référait à des faits d'actualité. Il estime que cette question était d'autant plus légitime qu'elle était posée "sous la forme interrogative" et ne contenait aucune affirmation de nature à porter atteinte à l'honneur ou à la considération du syndic.

Sur la demande de "circularisation", Monsieur X... fait valoir qu'expert comptable commissaire aux comptes, il demande chaque année aux sociétés à l'égard desquelles il exerce ses fonctions le même type de renseignements. Une telle procédure, loin d'être vexatoire, est organisée par la loi certes dans un cas différent. Il souligne que la SA Cabinet X... ET D procède, de son côté, de façon identique vis-à-vis des fournisseurs auxquels il a recours, ce qu'il précise lui-même dans sa "lettre" du mois d'octobre 1995. Il précise, par ailleurs, que la décision du tribunal de grande instance de NANTERRE annulant la deuxième résolution de l'assemblée générale du 29 juin 1993 démontre la pertinence de la question.

Sur la lettre du 14 juin 1995, Monsieur X... souligne qu'elle est appuyée par une solide argumentation qui contient suffisamment d'éléments pour justifier les contestations qui y étaient expriméesä Le fait de communiquer ce courrier n'obéit, considère Monsieur X..., qu'à un souci de transparence.

Se portant demandeur reconventionnel, Monsieur X... sollicite condamnation de la SA Cabinet X... ET D à lui payer 20.000 Francs de dommages-intérêts, soulignant qu'il a lui-même a, plusieurs reprises, fait l'objet d'injures et de menaces. Il demande, enfin, condamnation de l'intimé à lui payer 10.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

La SA Cabinet X... ET D considère que les courriers reprochés constituent des injures et diffamations non publiques. Il souligne que Monsieur X... n'était pas en mesure d'apporter la preuve des insinuations contenues dans sa demande d'additif à l'ordre du jour. Elle précise que le jugement du tribunal de grande instance de

NANTERRE, auquel se réfère Monsieur X..., statuait seulement sur un litige relatif à une erreur d'imputation de comptes et qu'à cette occasion sa responsabilité professionnelle n'a pas été mise en cause. Elle considère que l'"émotion médiatique" dont fait état Monsieur X... ne justifiait nullement la question brutale et infamante qu'il a faite poser.

Sur la lettre du 14 juin 1995, la SA Cabinet X... ET D estime que les termes ne s'en bornent pas à un constat d'une inexactitude, mais allèguent fraude et falsification de comptes. Il demande, en conséquence, confirmation de la décision déférée.

Il s'oppose, en outre, à la demande reconventionnelle, soulignant qu'elle repose sur une interprétation erronée ou partiale du jugement, et soulignant qu'il n'est, pour sa part, l'auteur d'aucune menace ou injure à l'encontre de Monsieur X...

Par arrêt avant-dire-droit contradictoire en date du 8 novembre 1996, la Cour de céans a rendu la décision suivante : - réouvre les débats et invite les parties à s'expliquer sur l'applicabilité devant le juge civil des règles procédurales édictées par la loi du 29 juillet 1881, sur la validité de la citation introductive d'instance et sur la recevabilité de l'offre de preuve de faits imputés par diffamation non publique, - réserve les dépens.

La SA Cabinet X... ET D, intimée, fait valoir qu'elle maintient les poursuites en diffamations dirigées contre Monsieur X...

Par conséquent, elle demande à la Cour de : - adjuger à la concluante l'entier bénéfice de ses précédentes écritures, - statuer ce que

précédemment requis quant aux dépens.

Dans de nouvelles conclusions, elle fait valoir que la loi du 29 juillet 1881 a vocation à s'appliquer à l'infraction de diffamation commise envers les particuliers, par voie de presse ou non, et que les règles de fond qu'elle édicte sont applicables devant le juge civil.

Elle ajoute que les règles procédurales édictées par les articles 48, 53 et 55 de la loi du 29 juillet 1881 n'ont vocation à jouer que dans le cadre d'une instance pénale ; que leur application dans le cadre d'une action en responsabilité civile délictuelle est exclue ; qu'en l'espèce, l'intimée a introduit une demande en réparation du préjudice que lui a causé la faute de Monsieur X... sur le fondement de l'article 1382 du Code civil et qu'elle n'était pas tenue, dès lors, de se soumettre au respect des dispositions d'ordre procédural de la loi du 29 juillet 1881 ; qu'en l'état de ces constatations, il convient de reconnaître la validité de la citation introductive d'instance.

Elle fait valoir également que l'offre de preuve de la réalité des faits diffamatoires 'inscrit dans le seul cadre des règles de l'article 55 de la loi du 29 juillet 1881, inapplicables au litige, et qu'elle est donc privée de tout effet sur la réparation du préjudice, obéissant aux règles de la responsabilité civile délictuelle ; qu'en l'espèce, Monsieur X..., en adressant plusieurs courriers faisant état de faits diffamatoires à l'intimée, a commis une faute de nature à mettre en jeu sa responsabilité civile.

Par conséquent, elle demande à la Cour de : - déclarer irrecevable et

en tout cas mal fondé Monsieur X... en son appel interjeté à l'encontre d'un jugement rendu le 15 janvier 1996 par le tribunal d'instance d'ANTONY, - le débouter de l'ensemble de ses demandes et conclusions, - faire droit à l'appel incident formé par la SA Cabinet X... ET D, Vu l'article 1382 du Code civil : - condamner Monsieur X... à verser à la SA Cabinet X... ET D la somme de 20.000 Francs à titre de dommages et intérêts du fait du préjudice moral subi, - condamner, en outre, Monsieur X... à payer à la SA Cabinet X... ET D la somme de 10.000 Francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - le condamner aux entiers dépens, lesquels seront directement recouvrés par la SCP LAMBERT DEBRAY CHEMIN, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Monsieur X... réplique que la loi du 29 juillet 1881, dont la porté générale n'est l'objet d'aucune contestation, s'applique en son entier devant le juge civil et qu'il n'y a nullement lieu de distinguer, ainsi que le fait l'intimée, entre les règles de fond et les règles procédurales qu'elle édicte ; que la SA Cabinet X... ET D ne peut valablement agir sur le seul fondement de l'article 1382 du Code civil alors que son assignation fait expressément référence à deux infractions spécialement incriminées par cette loi, en son article 33.

Il ajoute que la citation introductive d'instance est nulle en ce que, d'une part, elle retient des faits reprochés à l'appelant la double qualification de diffamation et d'injure, au mépris des dispositions de l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881 et que, d'autre part, elle ne satisfait pas à l'exigence d'une élection de domicile du demandeur dans le ressort de la juridiction saisie.

Il soutient enfin que son offre de preuve de la réalité des faits prétendument diffamatoires est parfaitement recevable dans la mesure où l'ensemble des dispositions de la loi du 29 juillet 1881 a vocation à régir le présent litige ; que, même à supposer les règles de la responsabilité civile délictuelle applicables, la SA Cabinet X... ET D devrait être déboutée, faute d'établir l'existence du préjudice dont elle réclame réparation.

Par conséquent, il demande à la Cour de : - adjuger de plus fort au concluant, l'entier bénéfice de ses précédentes écritures : Il plaira à la Cour d'Appel de VERSAILLES de : - recevoir Monsieur Y... X... dans l'ensemble de ses écritures, - constater la nullité de l'acte introductif d'instance du Cabinet X... ET D sur le fondement des dispositions de la loi eu 29 juillet 1881 et plus particulièrement son article 53, - infirmer le jugement du tribunal d'instance d'ANTONY rendu le 16 janvier 1996, - débouter la SA Cabinet X... ET D de l'ensemble de ses demandes et prétentions, - condamner la SA Cabinet X... ET D au paiement de dommages et intérêts à hauteur de 20.000 Francs au profit de Monsieur Patrick X... pour atteinte à son honneur et pour le préjudice moral qu'il subit du fait de la présente procédure, - condamner la SA Cabinet X... ET D au paiement de dommages et intérêts à hauteur de 20.000 Francs au profit de Monsieur Y... X... pour procédure abusive, - condamner la SA Cabinet X... ET D au paiement d'une somme de 10.000 Francs au profit de Monsieur Y... X... au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - condamner la SA Cabinet X... ET D aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP FIEVET ROCHETTE LAFON, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

En réponse, la SA Cabinet X... ET D fait valoir que la jurisprudence a

exclu l'application des règles procédurales édictées par la loi du 29 juillet 1881 dans le cadre d'une action en responsabilité civile.

Par conséquent, elle demande à la Cour de : - adjuger à la SA Cabinet X... ET D l'entier bénéfice de ses précédentes écritures, - statuer ce que précédemment requis quant aux dépens.

L'ordonnance de clôture a été signée le 18 juin 1998 et l'affaire plaidée à l'audience du 3 juillet 1998.

Le 19 juin 1998, la SA Cabinet X... ET D a fait resignifier ses conclusions du 5 août 1997.

SUR CE, LA COUR,

1) Sur l'applicabilité devant le juge civil des règles procédurales édictées par la loi du 29 juillet 1881,

a) Sur la validité de l'assignation introductive d'instance

Considérant qu'aux termes de l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881, l'action publique et l'action civile résultant des infractions prévues par la loi sur la liberté de la presse (notamment l'injure et la diffamation non publiques) se prescrivent après trois mois à compter du jour où elles ont été commises ; qu'il est de droit

constant que même exercée séparément, l'action civile résultant de l'une de ces infractions est soumise à cette courte prescription ; que la loi du 23 décembre 1980, qui a modifié l'article 10 du code de procédure pénale et mis fin au principe de la solidarité des prescriptions de l'action publique et de l'action civile, n'a pas abrogé l'article 65 précité ;

Considérant que la SA Cabinet X... et D s'est d'ailleurs référée à ces dispositions, lorsqu'elle a écrit dans son assignation que "l'action civile en réparation du préjudice est recevable dès lors que l'assignation a été délivrée dans le délai de 3 mois de la date de réception des courriers litigieux" ;

Considérant que cependant, aucune autre disposition de la loi du 29 juillet 1881 n'énonce le principe de la solidarité ou similitude des régimes procéduraux de l'action publique et de l'action civile ; que l'analyse de l'ensemble du texte démontre, au contraire, que les règles procédurales tout-à-fait spécifiques en matière d'infractions de presse ne concernent que l'action publique ; qu'ainsi, par exemple, est déterminé le rôle du ministère public ; que par conséquent, hormis la courte prescription, l'action civile exercée séparément est régie par les règles de la procédure civile ;

Considérant que dans le cadre d'une action civile en réparation d'un préjudice, l'injure ou la diffamation constituent des fautes engageant la responsabilité de leur auteur sur le fondement de l'article 1382 du Code civil ; que sur le fond, doivent être établies les conditions de mise en jeu de la responsabilité délictuelle ou quasi délictuelle ; que dès lors, la qualification cumulative d'injure et de diffamation, se rapportant, qui plus est, à des faits distincts, (de sorte qu'il pourrait y avoir cumul matériel et pas seulement idéal d'infractions) ne peut rendre irrégulière l'assignation ; que de même, le défaut d'élection de domicile dans la ville où siège la juridiction saisie, exigée à peine de nullité par l'article 53 de la loi, ne peut être utilement invoqué par l'appelant s'agissant d'une assignation devant une juridiction civile ;

b) Sur la recevabilité de l'offre de preuves faits imputés par diffamation non publique,

Considérant que celui auquel il est reproché une faute engageant sa responsabilité civile peut toujours tenter de démontrer son absence de faute ; que force est de constater que Monsieur X... a tenté, vainement, de prouver la vérité des faits précis allégués dans sa lettre du 14 juin 1995 ; que cependant, ainsi que l'a fait observer à juste titre le premier juge, il n'a pas rapporté la preuve d'une falsification ou manoeuvre frauduleuse portant atteinte à la sincérité des comptes qui auraient été commises par le syndic, le

simple fait qu'il ait pu relever, le cas échéant, des erreurs d'imputation dans la tenue des comptes ne lui permettant pas pour autant de porter des accusations de malhonnêteté ; que Monsieur X... n'a pas mis à profit la durée de la procédure d'appel, alors que celle-ci dure plus de deux ans, pour fournir des éléments de preuve ; qu'en effet, il n'a communiqué qu'une seule pièce nouvelle, à savoir un jugement du tribunal d'instance d'ANTONY déboutant, en l'état, le syndicat des copropriétaires d'une demande en paiement de charges de copropriété à son encontre, faute de production du détail des appels de fonds ; qu'il ne s'agit pas là de malversation ;

Considérant qu'à titre surabondant, il sera souligné que Monsieur X..., qui se prévaut des dispositions de la loi du 29 juillet 1881, n'a nullement respecté les dispositions de son article 55, qui prévoient un délai de 10 jours à compter de la citation pour faire signifier au ministère public ou au plaignant, les faits dont "le prévenu" entend prouver la vérité, la copie de ses pièces et l'état civil de ses témoins ;

2) Sur le fond de la demande en réparation de la SA Cabinet X... etamp; D,

Considérant que l'intimée verse au dossier la lettre recommandée avec accusé de réception que Monsieur X... a adressée le 23 mai 1995 à la SA Cabinet X... Père, Fils et F. D (avec copie au Président du conseil syndical) pour lui demander d'inscrire à l'ordre du jour de la prochaine assemblée générale la question suivante : "votre cabinet fait-il l'objet ou a-t-il fait l'objet d'une procédure" judiciaire "pour surfacturation et diverses infractions" ; que la question ainsi posée insinue nécessairement que le syndic fait l'objet de poursuites pénales, et met donc en doute sa probité professionnelle, portant dès lors atteinte à son honneur, à sa considération et à sa réputation ; Considérant que figurent également au dossier de l'intimée, deux autres courriers recommandés avec accusé de réception adressés par Monsieur X... au syndic (avec copie au Président du conseil syndical et à tous les membres de ce conseil) ; que cette fois, Monsieur X... se montre affirmatif dans ses accusations ; qu'il écrit notamment, avoir constaté, suite au contrôle des comptes, "les faits suivants :

1) Facture falsifiée,

2) Manoeuvre frauduleuse pour ne pas faire apparaître l'image sincère des comptes,

3) Une politique de "copains et de coquins". Exonération de charges

pour certains (voir compte de Monsieur Z... beau-fils du gardien-gardienne)" ;

Considérant que l'imputation de ces faits frauduleux à la SA Cabinet X... etamp; D, sans en rapporter la moindre preuve, porte atteinte également à son honneur, à sa considération et sa réputation professionnelles et constitue une grave diffamation ;

Considérant que par conséquent, les propos tenus par Monsieur X... dans ces courriers sont incontestablement diffamatoires à l'égard de la SA Cabinet X... ET D ; que l'appelant ne fait état d'aucun fait justificatif objectif, ni d'aucun élément pouvant excuser son attitude ; qu'il a ainsi commis une faute engageant sa responsabilité civile envers l'intimée pour le préjudice en résultant ;

Considérant que ces propos diffamatoires ont causé à la SA Cabinet X... etamp; D un préjudice personnel, certain et direct en portant atteinte à son honneur et à sa réputation quant à son intégrité professionnelle ; que la Cour estime ce préjudice à la somme de 10.000 Francs ;

3) Sur la demande reconventionnelle de Monsieur X...,

Considérant que Monsieur X... ne verse pas au dossier de la cour des pièces de nature à établir que lui-même aurait subi un préjudice moral pour atteinte à son honneur ; que par conséquent, la Cour le déboute de sa demande reconventionnelle en paiement de dommages-intérêts à ce titre ;

Considérant que Monsieur X... succombant en toutes ses prétentions, la Cour le déboute également de ses demandes en paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive et d'une indemnité au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

4) Sur la demande de la SA Cabinet X... etamp; D au titre des frais irrépétibles,

Considérant qu'eu égard à l'équité, il y a lieu d'allouer à la S.A. Cabinet X... etamp; D la somme de 6.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

VU l'arrêt de la Cour de céans en date du 8 novembre 1996 ;

CONFIRME le jugement déféré en ses dispositions non contraires à celles du présent arrêt ;

ET Y AJOUTANT ET REFORMANT :

CONDAMNE Monsieur X... à payer à la S.A. Cabinet X... etamp; D la somme de 10.000 Francs (DIX MILLE FRANCS) à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;

DEBOUTE Monsieur X... des fins de toutes ses demandes ;

CONDAMNE Monsieur X... à payer à la S.A. Cabinet X... etamp; D la somme de 6.000 Francs (SIX MILLE FRANCS) sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

LE CONDAMNE à tous les dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés directement contre lui par la SCP LAMBERT DEBRAY CHEMIN, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Et ont signé le présent arrêt : Le Greffier,

Le Président, Marie Hélène EDET

Alban CHAIX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1996-3017
Date de la décision : 02/10/1998

Analyses

PRESSE - Procédure - Prescription - Diffamation.

Il résulte des dispositions de l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881, relative à la liberté de la presse, que l'action publique et l'action civile ouvertes, notamment, par les infractions d'injure et de diffamation non publique se prescrivent par trois mois, à compter du jour où elles ont été commises. Dès lors qu'il est de principe que l'exercice séparé de l'action civile reste soumis à cette courte prescription, sans que la loi du 23 décembre 1980, mettant fin au principe de solidarité des prescriptions des actions publique et civile, par modification de l'article 10 du code de Procédure pénale, ait abrogé l'article 65 de la loi de 1881 précité, une action civile introduite, du chef de l'une des infractions de diffamation non publique ou d'injure, par assignation délivrée dans les trois mois ayant suivi la réception des courriers litigieux, doit être déclarée recevable

PRESSE - Procédure - Assignation - Mentions obligatoires.

Dans le cadre d'une action civile en réparation d'un préjudice, l'injure ou la diffamation constituent des fautes qui engagent la responsabilité de leur auteur sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, sous réserve d'établir les conditions de mise en jeu de la responsabilité délictuelle ou quasi délictuelle. En l'absence de toute disposition de la loi du 29 juillet 1881 énonçant ou permettant de déduire l'existence d'un principe de solidarité ou de similitude des régimes procéduraux des actions publique et civile, l'exercice de l'action civile, hormis la brève prescription, est régie par les règles de la procédure civile et du Code civil. Il en résulte, en l'espèce, que la qualification cumulative de faits distincts en injure et diffamation, n'affecte pas la régularité d'une assignation, introduite du chef ci-dessus évoqué, pas plus qu'elle n'encourt de nullité en l'absence de l'élection de domicile, prescrite par l'article 53 de la même loi

PRESSE - Abus de la liberté d'expression - Définition - Diffamation - Allégation ou imputation portant atteinte à l'honneur ou à la considération d'une personne.

L'imputation de faits frauduleux, en l'occurrence, " falsification de facture, manouvre tendant à faire apparaître les comptes sincères, politique de copains et coquins : exonération de charges pour certains ", sans en rapporter la moindre preuve porte atteinte à l'honneur, à la considération et à la réputation professionnelle de celui qui en est victime, et constitue une grave diffamation.L'auteur de courriers imputant de tels faits diffamatoires, en l'absence de tout élément justificatif objectif, commet une faute engageant sa responsabilité civile et l'oblige à réparer le préjudice personnel, certain et direct résultant de l'atteinte à l'honneur et à la réputation professionnelle de la personne visée


Références :

Code de procédure pénale, article 10
Loi du 23 décembre 1980
N1 Loi du 29 juillet 1881, article 65
N2 Code civil, article 1382, Loi du 29 juillet 1881, article 53

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1998-10-02;1996.3017 ?
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