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01/10/1998 | FRANCE | N°1996-1571

France | France, Cour d'appel de Versailles, 01 octobre 1998, 1996-1571


Monsieur M X... est appelant d'un jugement réputé contradictoire en date du 27 juin 1995, rendu par le tribunal de grande instance de PONTOISE, à sa requête, qui a rejeté sa demande d'exequatur de l'acte de répudiation prononcé à l'encontre de son épouse Madame N Y..., le 30 janvier 1993 par le tribunal de première instance d'AIN SEBAA à CASABLANCA (Maroc).

Le tribunal a retenu que l'acte de répudiation, manifestation unilatérale de volonté émanant du seul mari et de surcroît révocable, est manifestement contraire à l'ordre public français.

Monsieur X... prie

la Cour d'infirmer ce jugement et de déclarer exécutoire, en France, l'acte a...

Monsieur M X... est appelant d'un jugement réputé contradictoire en date du 27 juin 1995, rendu par le tribunal de grande instance de PONTOISE, à sa requête, qui a rejeté sa demande d'exequatur de l'acte de répudiation prononcé à l'encontre de son épouse Madame N Y..., le 30 janvier 1993 par le tribunal de première instance d'AIN SEBAA à CASABLANCA (Maroc).

Le tribunal a retenu que l'acte de répudiation, manifestation unilatérale de volonté émanant du seul mari et de surcroît révocable, est manifestement contraire à l'ordre public français.

Monsieur X... prie la Cour d'infirmer ce jugement et de déclarer exécutoire, en France, l'acte adoulaire du 30 janvier 1993 constatant la dissolution du mariage et de dire que le dispositif de la présente décision sera transcrit sur les registres de l'état civil du Ministère des Affaires Etrangères à NANTES.

Il demande en outre la somme de 7.000 francs au titre des frais irrépétibles.

A l'appui de son appel, il fait valoir que la décision dont l'exequatur est demandée est conforme à la loi personnelle des époux, que la procédure a été régulièrement suivie et a été rendue conformément à la convention franco-marocaine du 15 octobre 1957, sans aucune disposition contraire à l'ordre public français.

Il précise que l'exequatur est indispensable pour éviter toute contestation ultérieure et notamment en ce qui concerne le paiement de la pension alimentaire de 1.500 DH accordée à l'épouse, le don de consolation et le délai de viduité.

Pour conclure à la confirmation et à l'allocation de la somme de 10.000 francs au titre des frais irrépétibles, Madame Y... conclut à l'irrecevabilité de la demande en faisant valoir qu'un acte de répudiation n'est pas une décision de l'ordre judiciaire marocain et que l'autorité, qui l'a reçu, s'est bornée à enregistrer un acte de

droit privé qui ne saurait bénéficier de l'efficacité internationale. Elle fait encore valoir que cet acte révocable par le mari seul est contraire à l'ordre public français, qu'il n'est reproché aucune faute à l'épouse et que la demande est exempte d'un intérêt à agir.

DISCUSSION ET MOTIFS DE LA DECISION

Considérant que Monsieur X... et Madame Y..., de nationalité marocaine, se sont mariés le 4 octobre 1991 au Maroc, ainsi qu'il en est justifié ; Considérant que l'acte de répudiation du 30 janvier 1993 a été transcrit le 1er février 1993 au tribunal de première instance d'AIN SEBAA HAY MOHAMMADI à CASABLANCA (Maroc) et qu'il est régulièrement produit ; qu'il est définitif ;

Considérant, contrairement à ce que soutient principalement Madame Y..., que le droit, à l'étranger, peut résulter d'un acte non juridictionnel et que son exequatur en France peut être requise sous réserve du respect des conditions régissant la matière, savoir la compétence étrangère, la régularité de la procédure, la compétence de la loi appliquée au fond, la non atteinte à l'ordre public et l'absence de fraude ;

Considérant que Madame Y... ne démontre nullement le non respect de l'une de ces conditions, la rupture du mariage par la volonté unilatérale du mari, entre deux conjoints de nationalité marocaine, selon la loi marocaine, n'étant pas contraire à l'ordre public français dès lors que la procédure a été régulièrement suivie, ce qui n'est pas contesté et que les droits pécuniaires de l'épouse ont été pris en considération ;

Considérant encore que l'article 13 alinéa 1er de la convention franco-marocaine du 10 août 1981 prévoit que les "actes constatant la dissolution du lien conjugal, homologués par un juge au Maroc, entre

conjoints de nationalité marocaine, dans les formes prévues par leur loi nationale, produisent effet en France dans les mêmes conditions que les jugements de divorce prononcés à l'étranger" ;

Considérant que le jugement déféré doit être infirmé et qu'il doit être fait droit à la demande d'exequatur formée par Monsieur X... ;

Considérant qu'il n'est pas inéquitable de laisser à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

DECLARE Monsieur X... recevable en son appel ;

LE DIT BIEN FONDE,

INFIRME le jugement déféré ;

STATUANT A NOUVEAU,

DECLARE EXECUTOIRE en France l'acte adoulaire du 30 janvier 1993 constatant la dissolution du mariage des époux X.../Y..., transcrit le 1er février 1993 au tribunal de première instance d'AIN SEBAA HAY MOHAMMADI à CASABLANCA (Maroc) ;

DIT que le dispositif de cet acte et du présent arrêt seront transcrits sur les registres de l'état-civil du Ministère des Affaires Etrangères à NANTES ;

DEBOUTE Monsieur X... de sa demande formée au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

CONDAMNE Madame Y... aux dépens de première instance et d'appel et dit que la SCP LAMBERT DEBRAY CHEMIN pourra recouvrer directement contre elle les frais exposés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

ARRET REDIGE PAR :

Madame Colette GABET-SABATIER, Président,

ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET :

Madame Colette GABET-SABATIER, Président,

Madame Catherine Z..., Greffier.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1996-1571
Date de la décision : 01/10/1998

Analyses

CONFLIT DE JURIDICTIONS - Effets internationaux des jugements - Exequatur

L'exequatur en France d'un acte juridique étranger, même non juridictionnel, est subordonnée au respect des conditions régissant la matière, à savoir la compétence étrangère, la régularité de la procédure, la compétence de la loi applicable au fond, la non contrariété à l'ordre public et l'absence de fraude. En outre, l'article 13, alinéa 1er, de la Convention franco-marocaine du 10 août 1981 prévoit que "les actes constatant la dissolution du lien conjugal, homologués par un juge au Maroc, entre conjoints de nationalité marocaine, dans les formes prévues par leur loi nationale, produisent effet en France dans les mêmes conditions que les jugements de divorce prononcés à l'étranger". En l'espèce, dès lors qu'entre deux conjoints de nationalité marocaine, la rupture du mariage par volonté unilatérale du mari est conforme à la loi marocaine, que la procédure prévue par cette loi a été régulièrement suivie et que les droits pécuniaires de l'épouse ont été pris en considération, il doit être fait droit à la demande d'exequatur d'un acte de répudiation régulièrement transcrit et définitif


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1998-10-01;1996.1571 ?
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