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25/09/1998 | FRANCE | N°1996-7188

France | France, Cour d'appel de Versailles, 25 septembre 1998, 1996-7188


Le 6 avril 1995, Madame X... veuve Y... et Madame Y... épouse Z... ont présenté une requête devant le tribunal d'instance de RAMBOUILLET, afin d'obtenir la saisie des rémunérations du travail de Monsieur A..., a due concurrence de la somme de 17.251,80 Francs.

Le 4 mai 1995, les parties ont été convoquées pour l'audience de tentative de conciliation du 13 juin 1995. Après plusieurs renvois à la demande des parties, l'affaire, sur contestation soulevée par Monsieur A..., a été évoquée à l'audience du 5 décembre 1995, date à laquelle elle a été mise en délibéré. <

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Le 6 avril 1995, Madame X... veuve Y... et Madame Y... épouse Z... ont présenté une requête devant le tribunal d'instance de RAMBOUILLET, afin d'obtenir la saisie des rémunérations du travail de Monsieur A..., a due concurrence de la somme de 17.251,80 Francs.

Le 4 mai 1995, les parties ont été convoquées pour l'audience de tentative de conciliation du 13 juin 1995. Après plusieurs renvois à la demande des parties, l'affaire, sur contestation soulevée par Monsieur A..., a été évoquée à l'audience du 5 décembre 1995, date à laquelle elle a été mise en délibéré.

A l'appui de leur requête, Madame X... veuve Y... et Madame Y... épouse Z... ont invoqué un jugement rendu le 31 janvier 1990 par le tribunal de grande instance de DUNKERQUE, signifié à Monsieur A... le 20 août 1990 selon procès-verbal de recherches infructueuses. Elles ont fait valoir que Monsieur A... avait eu connaissance de la procédure, mais avait constitué avocat tardivement ; que la prescription quinquennale ne pouvait jouer ni sur le loyer, ni sur les intérêts ; qu'en vertu de l'article L.922-7 du Code de la sécurité sociale, les pensions servies par les institutions de retraite complémentaire sont soumises aux dispositions des articles L.335-2 du même code qui a rendu lesdites pensions et rentes cessibles et saisissables dans les mêmes conditions et limites que les salaires.

Madame X... veuve Y... et Madame Y... épouse Z...

ont demandé au tribunal de dire bien fondée la saisie opérée et de condamner Monsieur A... à lui payer la somme de 3.000 Francs à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive.

Monsieur A... a répliqué que le jugement du 31 janvier 1990 n'a pas été porté à sa connaissance, ce qui l'a privé du droit de faire appel ; que ce jugement n'est donc pas exécutoire ; qu'il n'est pas salarié et se trouve sans ressources ; que le montant de la créance est contesté, la prescription quinquennale devant s'appliquer pour les intérêts.

A titre reconventionnel, il a sollicité la condamnation de Madame X... veuve Y... et Madame Y... épouse Z... à lui payer la somme de 3.000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Par jugement contradictoire en date du 26 mars 1996, le tribunal d'instance de RAMBOUILLET a rendu la décision suivante :

- déclare inapplicable, en l'espèce, la procédure de saisie des rénumérations,

En conséquence, déboute Madame X... veuve Y... B... et Madame Y... épouse Z... C... de leur demande,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

- laisse les dépens à la charge de Madame X... veuve Y... B... et Madame Y... épouse Z... C....

Le 26 juillet 1996, Madame X... veuve Y... et Madame Y... épouse Z... ont interjeté appel.

Elles exposent que par un avis du 21 juillet 1995, la Cour de cassation a formellement énoncé que la saisie des pensions de

vieillesse du régime général de la sécurité sociale ne peut être effectuée que par la procédure de saisie des rémunérations prévue par les articles L.145-1 et suivants du code du travail; que plus encore, l'article L.922-7 du Code de la sécurité sociale, se référant à l'article L.355-2, rend désormais applicable aux pensions de retraite complémentaire la procédure de saisie des salaires ; que cette disposition d'ordre public exclut le recours à la saisie-attribution. Par ailleurs, elles développent leur argumentation de première instance, concernant la signification régulière du jugement rendu le 31 janvier 1990 par le tribunal de grande instance de DUNKERQUE et la prétendue prescription du loyer et des intérêts.

Elles demandent à la Cour de :

- infirmer le jugement rendu par le tribunal d'instance de RAMBOUILLET le 26 mars 1996,

- dire bien fondée la saisie opérée, lui faire produire ses entiers effets,

- débouter Monsieur A... de toutes ses demandes, fins et conclusions, - le condamner au paiement de la somme de 5.000 Francs de dommages et intérêts au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et à raison de la résistance abusive et injustifiée dont il a fait preuve,

- le condamner en tous les frais et dépens de première instance et d'appel dont recouvrement direct au profit de la SCP LAMBERT DEBRAY CHEMIN, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Le 4 février 1997, Madame Y... épouse Z... a fait signifier des conclusions de reprise d'instance, ès- qualités d'héritière et pleine propriétaire de l'immeuble sis 13, Quai de la Citadelle à DUNKERQUE, suite au décès de ses parents, Madame B... X... épouse Y..., le 26 avril 1992 et Monsieur Jean Y..., le 15 juin 1983.

Monsieur A... soulève la nullité de la procédure de saisie des rémunérations diligentée à son encontre, au motif qu'elle n'aurait pas été précédée d'une tentative de conciliation.

Il demande à la Cour de :

- déclarer recevable mais mal fondé l'appel de Madame Y... épouse Z...,

- dire et juger que la procédure diligentée à l'encontre de Monsieur A... est nul et de nul effet au regard des articles L.145-5 et R.145-9 du Code du travail,

- la débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions,

En tout état de cause,

- condamner l'appelante à verser à Monsieur A... la somme de 20.000 Francs à titre de dommages et intérêts,

- condamner l'appelante à verser à Monsieur A... la somme de 10.000 Francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - condamner l'appelante aux entiers dépens dont distraction est requise au profit de la SCP GAS, titulaire d'un office d'avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Madame Y... épouse Z... répond qu'il résulte du jugement entrepris que des convocations avaient été adressées aux parties le 4 mai 1995, pour l'audience de tentative de conciliation du 13 juin 1995; que la procédure suivie a donc été parfaitement régulière.

L'ordonnance de clôture a été signée le 4 juin 1998 et l'appelante a fait plaider son dossier à l'audience du 23 juin 1998, tandis que l'intimé faisait déposer le sien.

SUR CE, LA COUR,

1) Sur la reprise d'instance par Madame Y... épouse Z...,

Considérant qu'il convient de donner acte de sa reprise d'instance à Madame Y... épouse Z..., qui justifie de sa qualité d'héritière et de pleine propriétaire de l'immeuble, en versant au dossier l'extrait d'acte de décès de Madame X... veuve Y... en date du 11 mai 1992, le certificat d'hérédité et l'acte de donation partage; que Madame Y... épouse Z... a donc bien qualité pour agir ;

2) Sur la régularité de la procédure de saisie des rémunérations,

Considérant qu'il est indiqué dans le jugement déféré, lequel a la force probante d'un acte authentique en vertu de l'article 457 du Nouveau Code de Procédure Civile, que suite à la requête de Madame X... veuve Y... et de Madame Y... épouse Z...,

des convocations ont été adressées aux parties le 4 mai 1995 pour l'audience de tentative de conciliation du 13 juin 1995 et qu'après plusieurs renvois à la demande des parties, l'affaire a été renvoyée et mise en délibéré à l'audience du 5 décembre, en raison de la contestation soulevée par Monsieur A... ; que ces mentions font foi jusqu'à inscription de faux; qu'à titre surabondant, le tribunal a transmis à la Cour l'ensemble de son dossier, où figurent le double des convocations adressées successivement par le greffe à Monsieur A... pour les différentes dates d'audience ; qu'il y est précisé qu'il s'agit d'une audience de conciliation, "en vue d'une tentative de conciliation" ; qu'effectivement, il ressort de la lecture du jugement que Monsieur A... a opposé l'irrégularité de la saisie, ce qui interdisait toute conciliation entre les parties ;

Considérant que Monsieur A... n'est donc pas fondé à soutenir que la procédure diligentée à son encontre serait nulle, faute de tentative de conciliation préalable ;

Considérant qu'en outre, à titre surabondant, il convient de souligner que ce moyen de nullité est invoqué pour la première fois par Monsieur A... devant la Cour, alors qu'il a été représenté par un avocat et a présenté une défense au fond devant le tribunal, sans soulever la nullité ; que cette éventuelle nullité se trouverait donc couverte, en vertu des dispositions de l'article 112 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

3) Sur le bien-fondé de la saisie des rémunérations,

a) Sur la signification du jugement fondement de la saisie,

Considérant que l'intimé ne discute plus devant la cour la régularité de la signification du jugement rendu le 31 janvier 1990 par le tribunal de grande instance de DUNKERQUE et partant, son caractère exécutoire ; que d'ailleurs, l'appelante verse aux débats le procès-verbal de recherches infructueuses valant signification de ce jugement, régulièrement établi le 20 août 1990 par la SCP ESPENON ET HACHE, huissiers de justice associés à BOURGES et mentionnant l'envoi à Monsieur A..., à sa dernière adresse connue, d'une lettre recommandée avec accusé de réception comportant copie du procès-verbal et de l'acte signifié ; que par conséquent, ce jugement ayant été valablement signifié, Madame X... veuve Y... et Madame Y... épouse Z..., créancières munies d'un titre exécutoire, étaient recevables à faire procéder à la saisie des rémunérations de leur débiteur ;

b) Sur l'applicabilité de la saisie des rémunérations aux pensions de retraite servies à Monsieur A...,

Considérant qu'aux termes de l'article L.922-7 du Code de la sécurité sociale, inséré par l'article 6-IV de la loi du 8 août 1994, le premier alinéa de l'article L.355-2 du même code s'applique aux prestations versées par les institutions de retraite complémentaire, alors que précisément l'article L.355-2 dispose que les pensions et rentes prévues au titre IV et aux chapitres 1 à 14 du titre V du présent livre sont cessibles et saisissables dans les mêmes conditions et limites que les salaires ; qu'il est désormais de droit constant que les pensions de retraite du régime général et de régimes complémentaires ne peuvent être saisies que par la procédure de saisie des rémunérations, prévue par les articles L.145-1 et suivants du Code du travail ;

Considérant que par conséquent, la Cour infirme le jugement déféré et déclare applicable en l'espèce la procédure de saisie des rémunérations ;

c) Sur le quantum de la saisie,

Considérant que le jugement qui sert de fondement à la saisie, dont le dispositif ne peut être modifié par le juge d'instance qui exerce les pouvoirs du juge de l'exécution en matière de saisie des rémunérations, condamne Monsieur A... à payer à Madame X... épouse Y... et à Madame Y... épouse Z... l'arriéré des loyers échus du 1er avril 1986 au 31 décembre 1987 sur la base de 7.000 Francs par trimestre, avec intérêts au taux légal sur chaque échéance trimestrielle d'avril ; juillet, octobre et janvier de chaque année; que ce titre exécutoire a fixé la créance de l'appelante en capital et intérêts, laquelle ne peut être modifiée dans le cadre de l'exécution ; que de surcroît, le jugement a

interrompu toute prescription en cours pour les loyers et intérêts antérieurs à son prononcé ; que par ailleurs, l'action qui tend au recouvrement d'une créance ayant fait l'objet d'un jugement définitif de condamnation se prescrit par trente ans comme le jugement, même si cette créance était, jusque là, soumise à une prescription particulière ;

Considérant que par conséquent, Monsieur A... n'est pas fondé à invoquer la prescription quinquennale de la créance, tant en principal qu'en intérêts ;

Considérant que par conséquent, la Cour dit bien-fondée la saisie litigieuse et la valide à due concurrence de la somme visée dans la requête initiale, plus les intérêts qui ont couru depuis lors ;

4) Sur les demandes en paiement de dommages et intérêts et au titre des frais irrépétibles,

Considérant que Madame Y... épouse Z... ne rapporte pas la preuve d'un préjudice distinct du retard dans le paiement que lui aurait causé l'attitude dolosive de l'intimé ; que la Cour la déboute de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

Considérant qu'en revanche, eu égard à l'équité, il y a lieu d'allouer à Madame Y... épouse Z... la somme de 3.500 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

DONNE acte de sa reprise d'instance à Madame Y... épouse Z..., qui a justifié de sa qualité à agir ;

REJETTE l'exception de nullité de la procédure soulevée par Monsieur A... ;

INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

ET STATUANT A NOUVEAU :

DIT bien-fondée la saisie des rémunérations de Monsieur A... par Madame X... veuve Y... et Madame Y... épouse Z... et la valide à due concurrence de la somme visée dans la requête initiale et des intérêts courus depuis lors ;

DEBOUTE Monsieur A... des fins de toutes ses demandes ;

DEBOUTE Madame Y... épouse Z... de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

CONDAMNE Monsieur A... à payer à Madame Y... épouse Z... la somme de 3.500 Francs (TROIS MILLE CINQ CENTS FRANCS) sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

LE CONDAMNE à tous les dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés directement contre lui par la SCP LAMBERT DEBRAY CHEMIN, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Et ont signé le présent arrêt :

Le Greffier,

Le Président,

Marie B... EDET

Alban CHAIX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1996-7188
Date de la décision : 25/09/1998

Analyses

JUGEMENTS ET ARRETS - Caractère authentique.

En vertu de l'article 457 du nouveau Code de procédure civile, un jugement a la force probante d'un acte authentique, les mentions qu'il contient font foi jusqu'à inscription de faux. La contestation par le débiteur de la régularité de la saisie de rémunérations dont il est l'objet ayant pour effet d' interdire toute conciliation entre les parties, ce débiteur est mal fondé à soutenir que la procédure diligentée à son encontre serait nulle, faute de tentative de conciliation préalable, alors qu'il résulte des énonciations du jugement que les parties ont été convoquées pour une audience de tentative de conciliation, et qu'après plusieurs renvois, à la demande des parties, l'affaire a été renvoyée et mise en délibéré, en raison même de la contestation précitée. En outre, un telle nullité, soulevé par le débiteur pour la première fois en appel, alors qu'il a fait valoir des défenses au fond devant le premier juge, se trouverait, le cas échéant, couverte en vertu des dispositions de l'article 112 du nouveau Code de procédure civile

PROCEDURES CIVILES D'EXECUTION - Saisie et cession des rémunérations - Articles L - et suivants du Code du travail - Domaine d'application.

Il résulte de la combinaisons des articles L. 922-7 et L 355-2 1er alinéa du Code de la sécurité sociale que les prestations versées par les institutions de retraites complémentaires sont, au même titre que les pensions et rentes prévues au titre IV et V (chapitres 1 à 14) du livre III du même Code, cessibles et saisissables dans les mêmes conditions et limites que les salaires. En conséquence, les pensions de retraite du régime général et de régimes complémentaires ne peuvent être saisies que par la procédure de saisies des rémunérations, prévue par les articles L. 145-1 et suivants du Code du travail. Il y a donc lieu d'infirmer un jugement déclarant, en l'espèce, inapplicable la procédure de saisie des rémunérations


Références :

N1 Code de procédure civile (Nouveau), articles 112, 457
N2 Code de la sécurité sociale, articles L. 355-2, L. 922-7, Code du travail, articles L. 145-1 et suivants

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1998-09-25;1996.7188 ?
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