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25/09/1998 | FRANCE | N°1996-5288

France | France, Cour d'appel de Versailles, 25 septembre 1998, 1996-5288


Suivant acte sous seing privé, la société SLIBAILAUTOS a consenti à Mademoiselle X... la location avec promesse de vente d'un véhicule de marque ROVER, d'une valeur TTC de 109.130 Francs pour une durée de 5 ans, moyennant un loyer mensuel de 2.584,37 Francs ramené à 2.512,34 Francs en raison du changement de TVA.

A la suite d'une mise en demeure de régler des loyers échus impayés, la société SLIBAILAUTOS a notifié à sa locataire, par lettre recommandée avec accusé de réception du 3 juin 1994, la résiliation du contrat, entraînant la restitution immédiate du véhicu

le et le paiement des loyers échus impayés et de l'indemnité de résiliation...

Suivant acte sous seing privé, la société SLIBAILAUTOS a consenti à Mademoiselle X... la location avec promesse de vente d'un véhicule de marque ROVER, d'une valeur TTC de 109.130 Francs pour une durée de 5 ans, moyennant un loyer mensuel de 2.584,37 Francs ramené à 2.512,34 Francs en raison du changement de TVA.

A la suite d'une mise en demeure de régler des loyers échus impayés, la société SLIBAILAUTOS a notifié à sa locataire, par lettre recommandée avec accusé de réception du 3 juin 1994, la résiliation du contrat, entraînant la restitution immédiate du véhicule et le paiement des loyers échus impayés et de l'indemnité de résiliation. La société SLIBAILAUTOS a fait vendre le véhicule aux enchères publiques pour le prix de 28.000 Francs TTC.

Le 25 août 1995, la société SLIBAILAUTOS a fait assigner Mademoiselle X... devant le Tribunal d'Instance de VERSAILLES, afin d'obtenir sa condamnation à lui payer les sommes de 61.127,40 Francs avec intérêts au taux légal à compter du 3 juin 1994, date de la résiliation et de

4.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Mademoiselle X... n'a pas contesté le principe de sa créance mais a fait valoir que l'offre préalable de location avec promesse de vente ne comportant pas de date conditionnant le point de départ du délai de rétractation, la société SLIBAILAUTOS devait être déchue de son droit à intérêts, en application de l'article 23 de la loi du 10 janvier 1978. Concernant la vente du véhicule, elle a fait observer que le prix de vente a été très largement inférieur à la côte argus, qu'aucun constat contradictoire n'a été établi et qu'elle n'a pas été avisée du délai de 30 jours dont elle bénéficiait pour présenter à la société SLIBAILAUTOS une offre écrite d'achat.

Elle a donc demandé au tribunal de ramener sa dette en principal à la

somme de 1 franc et subsidiairement de lui accorder les plus larges délais de paiement, arguant du fait qu'elle bénéficie d'un plan de remboursement établi par le juge de l'exécution, n'incluant pas la dette envers la société SLIBAILAUTOS, qu'elle n'avait pas déclarée, celle-ci ne s'étant plus manifestée après la reprise du véhicule.

La société SLIBAILAUTOS a répliqué que Mademoiselle X... était forclose à invoquer l'irrégularité du contrat en application de l'article 27 de la loi du 10 janvier 1978 ; que subsidiairement, le contrat a bien date certaine (7 mars 1992) et que la débitrice ne peut invoquer son propre manquement, car il lui appartenait de dater elle-même l'offre.

Elle a également souligné que la lettre de résiliation du 3 juin 1994 rappelait à Mademoiselle X... le délai de 30 jours lui permettant de présenter une offre écrite d'achat et que le prix de vente du véhicule, résultant d'enchères publiques, ne saurait être contesté alors qu'au surplus, les dégâts subis par le véhicule ont été régulièrement relevés dans le procès-verbal d'appréhension du 3 janvier 1995.

Enfin, elle s'est opposée à tout délai de paiement, en arguant de la faute commise par Mademoiselle X... qui a omis de déclarer cette dette dans le cadre de la procédure de surendettement et n'a pas restitué spontanément le véhicule.

Par jugement contradictoire en date du 15 avril 1996, le Tribunal d'Instance de VERSAILLES a rendu la décision suivante :

- déclare non forclose l'exception soulevée par Mademoiselle X...,

- dit que la société SLIBAILAUTOS ne doit pas être déchue de son droit à intérêts,

- condamne Mademoiselle X... à verser à la société SLIBAILAUTOS la somme de 59.273,24 Francs avec intérêts au taux légal à compter du 4 juin 1994,

- rejette la demande de délai,

- rejette la demande fondée sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du présent jugement,

- condamne Mademoiselle X... aux dépens.

Le 19 juin 1996, Mademoiselle X... a interjeté appel.

Elle reprend les arguments développés devant le tribunal concernant la date de l'offre préalable de crédit, le montant de l'indemnité et la demande de délai.

Elle demande à la Cour de :

- recevoir Mademoiselle X... en son appel et l'y dire bien fondé,

- infirmer le jugement entrepris,

Vu l'article 23 de la loi de 1978,

- constater que la société SLIBAILAUTOS doit être déchue de son droit à intérêts,

- ramener le montant de l'indemnité de la somme de 1 Franc,

A titre subsidiaire,

Vu l'article 1244 du Code Civil,

- accorder les plus larges délais de paiement à Mademoiselle X...,

- condamner la société SLIBAILAUTOS au montant de la somme de 4.000 Francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - condamner la société SLIBAILAUTOS en tous les dépens qui seront recouvrés par Maître BINOCHE, Avoué, conformément à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

La société SLIBAILAUTOS reprend également ses arguments de première instance. Elle approuve le jugement déféré, excepté en ce qu'il a déclaré non forclose l'exception soulevée par l'appelante quant à l'absence de datation de l'offre. En effet, elle soutient que suivant une jurisprudence devenue constante, le délai de forclusion s'applique aussi bien aux prétentions par voie d'action que

d'exception; qu'en revanche, c'est à juste titre que le premier juge a considéré que la mention de la date de l'offre n'était pas exigée à peine de déchéance du droit aux intérêts, le point de départ du délai de rétractation figurant au demeurant dans l'offre préalable.

Elle demande à la Cour de :

- dire Mademoiselle X... irrecevable et mal fondée en son appel,

- confirmer le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a déclaré non forclose l'exception soulevée par Mademoiselle X...,

- condamner Mademoiselle X... à lui payer la somme de 4.000 Francs en vertu des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

- condamner Mademoiselle X... en tous les dépens et dire qu'ils pourront être recouvrés directement par Maître TREYNET, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

L'ordonnance de clôture a été signée le 9 avril 1998 et l'affaire a été plaidée pour l'intimée à l'audience du 25 juin 1998, tandis que l'appelante faisait déposer son dossier.

SUR CE, LA COUR :

1) Sur la forclusion de l'exception soulevée par Mlle X...:

Considérant qu'il est de droit constant que le délai biennal de forclusion prévu par l'article L.311-37 du Code de la Consommation s'applique aussi bien à l'action de la société de crédit qu'à

l'exception soulevée par le consommateur, sans que puissent être pris en compte ou opposés d'éventuels droits subjectifs substantiels qui auraient été acquis ou non par chaque partie, ainsi que l'a retenu à tort le premier juge ;

Considérant que même si l'offre préalable de location avec promesse de vente n'a pas été datée par Mlle X... lorsqu'elle l'a signée, il n'en demeure pas moins qu'il y est indiqué précisément que cette offre est faite le 7 mars 1992 et est valable 15 jours, soit jusqu'au 22 mars 1992 ; que la facture du véhicule ROVER, objet du contrat, est datée du 11 mars 1992, la fiche du contrat portant la même date, alors que la carte grise est datée du 1er avril 1992 ; qu'il en résulte que le contrat s'est définitivement formé au plus tard le 29 mars 1992, date limite d'expiration du délai de rétractation ; que par conséquent, Mademoiselle X... est forclose à invoquer la déchéance du droit aux intérêts de la société SLIBAILAUTOS, dès lors qu'elle a soulevé cette exception à l'audience du 18 mars 1996, soit plus de deux ans après que le contrat se fut définitivement formé ; que la Cour infirme le jugement déféré sur ce point et déclare irrecevable la demande de l'appelante tendant à voir constater la déchéance du droit aux intérêts de la société SLIBAILAUTOS ;

2) Sur le montant de la créance :

Considérant que la société SLIBAILAUTOS verse au dossier, outre l'offre préalable de location vente, la facture d'achat du véhicule et le plan de location, la lettre recommandée avec accusé de réception de mise en demeure du 10 mai 1994, celle de résiliation du 4 juin 1994, les actes relatifs à la restitution du véhicule et le

décompte des sommes réclamées ; qu'elle justifie ainsi que Mademoiselle X... reste lui devoir, ce que celle-ci ne conteste pas, la somme de 8.307,36 Francs au titre des loyers impayés du 5 février 1994 au 5 mai 1994 ;

Considérant que l'indemnité de résiliation réclamée par l'intimée a été calculée par elle conformément aux dispositions d'ordre public de la loi du 10 janvier 1978 et à celles du contrat ;

Considérant que c'est à juste titre que le premier juge a relevé que la société SLIBAILAUTOS justifiait du mauvais état du véhicule, résultant du procès-verbal d'appréhension établi par huissier le 3

janvier 1995 (et donc faisant foi jusqu'à inscription de faux) et le rapport d'expertise du 4 janvier 1995, de sorte que le prix de vente du véhicule aux enchères publiques (28.000 Francs) s'est avéré raisonnable au regard de la côte argus (44.959 Francs) et des frais de réparation (14.063,16 Francs) ; que par conséquent, le premier juge doit être approuvé en ce qu'il a fixé l'indemnité de résiliation à la somme de 49.699,74 Francs ;

Considérant qu'il convient d'ajouter à ces sommes les frais taxables d'huissier d'un montant de 1.266,14 Francs ;

Considérant que l'appelante n'est pas fondée à prétendre que la

société SLIBAILAUTOS n'aurait pas respecté son obligation de l'informer qu'elle disposait d'un délai de 30 jours pour formuler une offre écrite de rachat, puisque cette possibilité est rappelée en termes gras et encadrée dans la lettre de résiliation du 3 juin 1994, réceptionnée par Mademoiselle X... le 4 juin 1994 ;

Considérant que par conséquent, la Cour confirme le jugement déféré quant au montant de la condamnation à paiement prononcée contre Mademoiselle X..., soit 59.273, 24 Francs outre les intérêts au taux légal à compter du 4 juin 1994 ;

3) Sur la demande de délais de paiement :

Considérant que pour justifier de sa situation financière, Mademoiselle X... ne produit que le jugement rendu le 14 septembre 1995 par le juge de l'exécution du Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES, fixant le plan d'apurement de ses dettes; qu'il y est indiqué que Mademoiselle X... a effectué sa déclaration en vue de l'ouverture de redressement judiciaire civil, au greffe du tribunal, le 4 novembre 1994, soit antérieurement à la restitution du véhicule, mais quelques mois à peine après avoir reçu la mise en demeure de payer les loyers échus et l'indemnité de résiliation ; que l'appelante est donc de mauvaise foi lorsqu'elle prétend qu'elle n'aurait pas déclaré cette dette parce que le société SLIBAILAUTOS "ne s'était plus manifestée depuis la restitution du véhicule" ; qu'elle aurait pu encore déclarer cette créance postérieurement,

puisqu'aussi bien la société SLIBAILAUTOS l'a fait assigner en paiement avant que ne soit rendue la décision du juge de l'exécution ; qu'en ne déclarant pas cette dette, Mademoiselle X... a privé l'intimée de la possibilité de percevoir des versements depuis l'établissement du plan ;

Considérant que par ailleurs, alors qu'elle a d'ores et déjà bénéficié d'un délai de fait de plus de trois ans en raison de la durée de la procédure, l'appelante ne formule aucune offre précise de paiement et n'indique pas comment elle entend régler sa dette dans le délai de deux ans prévu par l'article 1244-1 du code civil, ni même à l'issue de ces deux ans dans l'hypothèse d'un report ; que la Cour la déboute donc de sa demande de délais de paiement ;

4) Sur l'application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile :

Considérant qu'eu égard à l'équité, il y a lieu d'allouer à la société SLIBAILAUTOS la somme de 3.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

PAR CES MOTIFS ;

La COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

INFIRME partiellement le jugement déféré en ce qu'il a déclaré non forclose l'exception soulevée par Mademoiselle X... ;

CONSTATE la forclusion de l'exception soulevée par Mademoiselle X... ;

DECLARE irrecevable la demande de Mademoiselle X... tendant à voir constater la déchéance du droit aux intérêts de la société SLIBAILAUTOS ;

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses autres dispositions, non contraires à celles du présent arrêt ;

Et y ajoutant :

DEBOUTE Mademoiselle X... des fins de toutes ses demandes ;

CONDAMNE Mademoiselle X... à payer à la société SLIBAILAUTOS la somme de TROIS MILLE FRANCS (3.000 Francs) sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

LA CONDAMNE à tous les dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés directement contre elle par Maître TREYNET, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Et ont signé le PRESENT ARRET :

Le Greffier, Le Président,

Marie-Hélène EDET. Alban CHAIX.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1996-5288
Date de la décision : 25/09/1998

Analyses

PROTECTION DES CONSOMMATEURS - Crédit à la consommation - Défaillance de l'emprunteur - Action - Délai de forclusion - Point de départ

Le délai biennal de forclusion prévu par l'article L. 311-37 du Code de la consommation s'applique aussi bien à l'action de l'organisme de crédit qu'au consommateur qui soulève une exception, et ce, sans que d'éventuels droits subjectifs substantiels, acquis ou non par chaque partie, puissent être pris en compte ou opposés. En l'espèce, lorsqu'il résulte des pièces du dossier qu'une offre de prêt datée, valable quinze jours, a été acceptée dans ce délai, il en résulte nécessairement que le contrat s'est définitivement formé, au plus tard, à l'expiration du délai légal de rétractation de sept jours qui a commencé à courir au lendemain du dernier jour de validité de l'offre préalable (soit à 15 J + 7 J). Il en résulte que le débiteur qui soulève par exception, plus de deux ans après la date de formation du contrat, la déchéance du droit aux intérêts du créancier, doit être déclaré forclos


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1998-09-25;1996.5288 ?
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