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24/09/1998 | FRANCE | N°JURITEXT000006934768

France | France, Cour d'appel de Versailles, 24 septembre 1998, JURITEXT000006934768


La société "Imprimerie Mantaise SA" était titulaire de deux comptes dans les livres de la Banque Nationale de Paris (BNP).

Suivant acte sous seing privé en date des 19 juillet 1967 et 23 mars 1973, Madame LE X... et Monsieur Y... se sont portés cautions solidaires des engagements pris par la société Imprimerie Mantaise SA envers la BNP.

Par jugement du 24 mai 1984, la société Imprimerie Mantaise a fait l'objet d'un redressement judiciaire.

Une mise en demeure, adressée aux cautions le 10 juillet 1984, est demeurée infructueuse et, par exploit du 08 novembre 1

994, la BNP a engagé à l'encontre desdites cautions une action en paiement d...

La société "Imprimerie Mantaise SA" était titulaire de deux comptes dans les livres de la Banque Nationale de Paris (BNP).

Suivant acte sous seing privé en date des 19 juillet 1967 et 23 mars 1973, Madame LE X... et Monsieur Y... se sont portés cautions solidaires des engagements pris par la société Imprimerie Mantaise SA envers la BNP.

Par jugement du 24 mai 1984, la société Imprimerie Mantaise a fait l'objet d'un redressement judiciaire.

Une mise en demeure, adressée aux cautions le 10 juillet 1984, est demeurée infructueuse et, par exploit du 08 novembre 1994, la BNP a engagé à l'encontre desdites cautions une action en paiement devant le Tribunal de Commerce de VERSAILLES.

Monsieur Y... a soulevé l'incompétence de la juridiction saisie et Madame LE X... a conclu à la nullité de son engagement de caution.

Par jugement en date du 26 janvier 1996, le tribunal a :

- écarté l'exception d'incompétence soulevée par Monsieur Y... au profit du Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES,

- débouté Madame LE X... de son exception de nullité de l'engagement de caution,

- condamné solidairement Monsieur Y... et Madame LE X... à payer à la BNP la somme de 1.500.389,89 francs, majorée des intérêts au taux légal à compter du 06 mai 1994,

- autorisé la capitalisation des intérêts,

- Condamné Monsieur Y... et Madame LE X... à payer à la BNP une indemnité de 5.000 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ainsi qu'à supporter les entiers dépens.

*

Appelants de cette décision, Madame LE X... et Monsieur Y...

invoquent tout d'abord la nullité de leur engagement de caution au regard des prescriptions des articles 1326 et 2015 du Code Civil. Subsidiairement, ils soutiennent qu'il n'est pas suffisamment rapporté la preuve de leur volonté de s'engager et estiment qu'à cet égard, le premier juge a fait une appréciation erronée des éléments de la cause, ajoutant que même si les actes qui leur sont opposés par la banque valent commencement de preuve par écrit, le preuve complète n'est pas faite au sens des exigences du Code Civil. Ils se prévalent en outre, et à titre plus subsidiaire, de la prescription décennale édictée par l'article 189 bis du Code du Commerce. Enfin, ils réclament à la BNP une indemnité de 5.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

*

La BNP réfute point par point l'argumentation adverse et conclut à la confirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions, sollicitant en outre la condamnation des appelants à lui payer la somme de 30.000 francs en application de l'article 123 du Nouveau Code de Procédure Civile et une indemnité complémentaire de 15.000 francs en couverture des frais qu'elle a été contrainte d'exposer devant la Cour. MOTIFS DE LA DECISION

- Sur la prétendue nullité des engagements de caution

Considérant que Monsieur Y... et Madame LE X... soutiennent à titre principal que les actes de cautions qui leur sont opposés comportent des mentions manuscrites rédigées en termes généraux et imprécis visant "tous engagements (de débiteur cautionné) en principal plus intérêts commissions et accessoires" sans référence aucune dans le texte principal de l'engagement à la garantie des soldes débiteurs des comptes ouverts au nom de la société Imprimerie Mantaise et en déduisent que ces actes, non conformes aux exigences des articles

1326 et 2015 du Code Civil, doivent être tenus pour nuls ; que la BNP objecte que ces actes, souscrit avant la modification apportée à l'article 1326 du Code Civil par la loi du 12 juillet 1980, répondent suffisamment aux exigences de ce texte dans sa version originaire.

Considérant que l'article 1326 disposait dans sa version ancienne que "le billet ou la promesse sous seing privé par lequel une seule partie s'engage envers l'autre à lui payer une somme d'argent ou une chose appréciable doit être écrit de la main de celui qui le souscrit ; ou, du moins, il faut qu'outre sa signature, il ait écrit de sa main un bon ou un approuvé, portant en toutes lettres la somme ou la quantité de la chose".

Considérant que, contrairement à ce que soutient la banque, les actes de caution litigieux ne répondent pas aux exigences prescrites par le 2ème alinéa de ce texte dans la mesure où les mentions manuscrites qu'ils comportent se réfèrent, sans autres précisions, à tous engagements, lesquels engagements ne sont pas davantage définis dans le corps de l'acte, si ce n'est dans les termes généraux ci-après "le présent engagement à une portée générale : il couvrira toutes les obligations du cautionné à l'égard de la banque etc..."

Considérant cependant que de tels actes, souscrits par d'anciens dirigeants ou actionnaires de la SA Imprimerie Mantaise, ne peuvent être tenus pour nuls, du seul fait que les prescriptions de l'article 1326 dans sa version originaire n'ont pas été respectés, et valent en tant que tels commencement de preuve par écrit, à charge pour la BNP de rapporter par tous moyens la preuve complémentaire de la connaissance par les cautions de l'exacte portée de leur engagement au moment ou celui-ci a été souscrit.

* Sur la preuve du cautionnement

a) En ce qui concerne Madame LE X...

Considérant que Madame LE X... soutient que sa qualité de Président du Conseil d'Administration de la société Imprimerie Mantaise ne suffit pas à elle seule à constituer à la preuve certaine de la conscience exacte de son engagement contractuel ; qu'elle fait en particulier valoir qu'elle n'avait aucune connaissance de l'état de la comptabilité de la société qu'elle dirigeait ; qu'elle ajoute qu'elle n'a jamais été relancée par la Banque et que, en réalité, il y a eu substitution de caution puisqu'elle a signé le 11 juillet 1980, en sa qualité de gérante de la SCI les Naffetières, un nouvel engagement tendant aux mêmes fins au profit de la BNP à concurrence de 550.000 francs, ainsi qu'il ressort d'un jugement de condamnation prononcée le 18 décembre 1987 à l'encontre de ladite SCI en vertu de cet acte ; qu'elle déduit de là que, eu égard à ces circonstances particulières, elle ne peut être que déchargée des condamnations prononcées à son encontre d'autant que l'action de la banque est, selon elle, à ce jour prescrite par application de l'article 189 bis du Code du Commerce.

Mais considérant que cette argumentation ne saurait être suivie.

Considérant en effet que le fait d'avoir dirigée la société cautionnée jusqu'à son dépôt de bilan laisse supposer nécessairement que Madame LE X... était informée quotidiennement de la situation de ladite société et qu'elle était ainsi à même de percevoir la portée et l'étendue de son engagement de caution qu'elle n'a jamais dénoncé et dont elle ne saurait soutenir avoir oublié l'existence alors qu'il conditionnait le concours apporté par la BNP ; que l'appelante ne saurait davantage invoquer la caution fournie aux mêmes fins quelques années plus tard par la SCI des NAFFETIERES pour prétendre à l'extinction de son engagement initial alors que cette substitution de garantie ne résulte nullement des éléments de la cause et que la novation implicitement alléguée ne se présume pas ; qu'elle ne peut

davantage se prévaloir de son incompétence en matière comptable qui n'est nullement démontrée.

Considérant par ailleurs, que l'appelante ne saurait invoquer utilement, pour la première fois en cause d'appel, la prescription décennale prévue par l'article 189 bis du Code du Commerce ; qu'en effet, ce n'est que le 08 octobre 1986 qu'a été notifié à la BNP, à l'initiative du Greffe du Tribunal de Commerce, l'inscription sur l'état des créances, seul acte déterminant le caractère de liquidité de certitude et d'exigibilité de la créance de sorte que l'action engagée par la banque à l'encontre des cautions par acte du 08 novembre 1994 l'a été dans le délai de la prescription, celle-ci ayant été en tout état de cause interrompue par les poursuites engagées à l'encontre de la SCI DES NAFFETIERES qui s'est également portée caution solidaire du même engagement, que le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il entré en voie de condamnation à l'encontre de Madame LE X....

b) En ce qui concerne Monsieur Y...

Considérant que l'acte souscrit par Monsieur Y... ne vaut, comme il a été dit, que commencement de preuve par écrit ; que même sous l'empire de l'ancien texte de l'article 1326, la seule qualité d'actionnaire de Monsieur Y... de la société cautionnée ne suffit pas à faire la preuve complémentaire permettant de valider l'engagement de caution souscrit par l'intéressé ; qu'en effet, cette qualité d'actionnaire ou d'associé ne confère à priori aucune responsabilité dans la gestion d'une société, étant observé de surcroît qu'il n'est ni allégué, ni démontré en l'espèce que Monsieur Y... se serait intéressé à la gestion ou à l'administration de la société cautionné ; que le jugement dont appel sera dès lors infirmé en ce qu'il entré en voie de condamnation à l'égard de Monsieur Y... pris en sa qualité de caution.

* Sur les autres demandes

Considérant qu'il n'est pas démontré que Madame LE X..., qui a pu de bonne foi se méprendre sur l'étendue de ses droits, aurait à des fins dilatoires, soulevé pour la première fois devant la Cour, une exception de prescription ; que la BNP sera déboutée de la demande en dommages et intérêts qu'elle forme sur le fondement de l'article 123 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Considérant que l'équité ne commande pas d'allouer en cause d'appel à la banque d'indemnité complémentaire au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile pas plus qu'aux autres parties en cause.

Considérant enfin, que Madame LE X..., qui succombe, supportera les entiers dépens excepté ceux afférents à la mise en cause de Monsieur Y... qui seront laissés à la charge de la BNP. PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

- REOEOIT Madame Claude LE X... née Z... et Monsieur Jean-Paul Y... en leur appel, dit le premier mal fondé et faisant droit au second,

- CONFIRME le jugement déféré en toutes les dispositions concernant Madame Claude LE X... née Z...,

- INFIRMANT pour le surplus et statuant à nouveau, décharge Monsieur Jean-Paul Y... de toutes les condamnations prononcées en son encontre en sa qualité de caution, faute pour la BANQUE NATIONALE DE PARIS " BNP" SA de rapporter la preuve que Monsieur Jean-Paul Y... ait eu une connaissance exacte de l'étendue et de la portée de son engagement,

- AJOUTANT au jugement,

- REJETTE la demande en dommages en intérêts formée par la BANQUE NATIONALE DE PARIS "BNP" SA sur le fondement de l'article 123 du Nouveau Code de Procédure Civile,

- DIT n'y avoir lieu à application en cause d'appel de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, le jugement étant cependant confirmé du chef de la condamnation prononcée à ce titre en première instance à l'encontre de Madame Claude LE X... née Z...,

- CONDAMNE Madame Claude LE X... née Z... qui succombe aux entiers dépens de première instance et d'appel exceptés ceux concernant la mise en cause de Monsieur Jean-Paul Y... qui seront laissés à la charge de la BANQUE NATIONALE DE PARIS "BNP" SA, et autorise les avoués concernés à en poursuivre le recouvrement, comme il est dit à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. ARRET PRONONCE PAR MONSIEUR ASSIÉ, PRESIDENT ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET LE GREFFIER

LE PRESIDENT qui a assisté au prononcé M.T. GENISSEL

F. ASSIÉ


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006934768
Date de la décision : 24/09/1998

Analyses

CAUTIONNEMENT - Preuve - Acte sous seing privé - Mentions de l'article 1326 du code civil - Défaut - Commencement de preuve par écrit.

Un engagement de caution dont les seules mentions manuscrites se réfèrent, sans autres précisions, à tous engagements, lesquels ne sont autrement définis dans le corps de l'acte que par la formule générale " le présent engagement à une portée générale : il couvrira toutes les obligations du cautionné à l'égard de la banque etc. " s'il ne répond pas aux exigences de l'article 1326 du code civil, dans sa rédaction ancienne applicable en l'espèce, ne saurait être tenu pour nul et vaut comme commencement de preuve par écrit, à charge, pour le bénéficiaire de l'acte, de rapporter par tous moyens la preuve complémentaire de la connaissance, par la caution, de la portée exacte de son engagement au moment où celle-ci l'a souscrit

CAUTIONNEMENT - Caution - Action des créanciers contre elle - Prescr.

Le fait, en qualité de président directeur général, de diriger une société que l'on cautionne, et ce, jusqu'à son dépôt de bilan, laisse nécessairement supposer que la caution est informée quotidiennement de la situation de ladite société et qu'elle est à même de percevoir la portée et l'étendue de l'engagement souscrit. Dès lors que l'engagement n'a jamais été dénoncé par la caution, qu'une substitution de garantie par novation ne se présume pas, et que la prescription décennale de l'article 189 bis du code de commerce, invoquée en l'espèce, ne court que du jour de la notification au créancier de l'inscription sur l'état des créances, seul acte déterminant le caractère liquide, certain et exigible de la créance, c'est à bon droit que les premiers juges condamnent la caution

CAUTIONNEMENT - Preuve - Acte sous seing privé - Mentions de l'article 1326 du code civil - Défaut - Commencement de preuve par écrit.

La seule qualité d'actionnaire d'une société cautionnée, dès lors qu'elle ne confère, a priori, aucune responsabilité dans la gestion d'une société, qu'en l'espèce une telle responsabilité n'est ni alléguée ni démontrée, ne suffit pas à rapporter la preuve complémentaire permettant de valider un acte de caution ne valant que comme commencement de preuve par écrit


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1998-09-24;juritext000006934768 ?
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