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18/09/1998 | FRANCE | N°1996-9936

France | France, Cour d'appel de Versailles, 18 septembre 1998, 1996-9936


Par acte d'huissier régularisé le 2 avril 1996, Monsieur et Madame Jacques X... ont fait citer devant le tribunal d'instance de POISSY Monsieur et Madame Régis Y... afin de les faire condamner solidairement au paiement de la somme principale de 36.163,15 Francs au titre de la régularisation de leur situation locative, outre 10.000 Francs de dommages-intérêts pour résistance abusive et 5.000 Francs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

A l'appui de leurs prétentions, Monsieur et Madame X... ont exposé qu'ils avaient donné à bail à Monsieur et

Madame Y... un appartement sis 68, avenue F. Lefebvre le 1er févri...

Par acte d'huissier régularisé le 2 avril 1996, Monsieur et Madame Jacques X... ont fait citer devant le tribunal d'instance de POISSY Monsieur et Madame Régis Y... afin de les faire condamner solidairement au paiement de la somme principale de 36.163,15 Francs au titre de la régularisation de leur situation locative, outre 10.000 Francs de dommages-intérêts pour résistance abusive et 5.000 Francs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

A l'appui de leurs prétentions, Monsieur et Madame X... ont exposé qu'ils avaient donné à bail à Monsieur et Madame Y... un appartement sis 68, avenue F. Lefebvre le 1er février 1988, que cet appartement comportait une cuisine équipée sans électroménager ; que par lettre du 6 février 1995, les locataires avaient sollicité l'autorisation de déposer les éléments de cuisine, mais sans l'obtenir ; que par la suite, ils avaient donné congé des lieux pour le 1er octobre 1995 ; qu'il résultait de l'état des lieux de sortie en date du 3 octobre 1995, que les éléments de cuisine avaient été retirés sans avoir été conservés ; qu'il convient donc d'établir un compte de régularisation prenant en considération la disparition desdits meubles ; que le compte s'établissait donc comme suit :

- loyer septembre 1995 :

4.811,42 F

- provision sur régularisation charges 1996 :

210,00 F

- ordures ménagères 1995 :

680,00 F

- réfection plafond salon :

1.629,73 F

- cuisine :

34.832,00 F

A déduire dépôt de garantie

6.000,00 F

-----------

Solde débiteur :

36.163,15 F

Monsieur et Madame Y... ont constitué avocat et ont fait valoir dans leurs écritures qu'au moment de leur entrée dans les lieux, la peinture du plafond était déjà mal faite et écaillée ; qu'il était donc abusif de faire supporter aux locataires après 7 ans et 9 mois d'occupation, la réfection d'une peinture ; qu'il convenait donc de débouter Monsieur X... de ce chef de demande.

S'agissant de la dépose des meubles de cuisine, deux d'entre eux se trouvaient encore dans l'appartement, cette cuisine ayant été par ailleurs aménagée en 1965 n'avait donc plus aucune valeur aujourd'hui ; en outre, à l'exception de trois meubles et d'une étagère, l'essentiel de la cuisine était constitué de plans de travail.

S'agissant de la provision de charges à hauteur de 210 Francs, il convenait d'enjoindre le bailleur de produire un décompte précis.

Monsieur et Madame Y... ont enfin, à titre reconventionnelle, demandé la restitution intégrale du dépôt de garantie et la condamnation du bailleur au paiement de la somme de 10.000 Francs de

dommages-intérêts et de 5.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Le tribunal d'instance statuant par jugement du 24 septembre 1996 a rendu la décision suivante :

- condamne Monsieur et Madame Y... solidairement à régler à Monsieur et Madame X... les sommes suivantes :

- 14.311,42 Francs avec les intérêts au taux légal à compter du présent jugement,

- 1.500 Francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

- ordonne l'exécution provisoire de la présente décision,

- déboute les parties du surplus de leurs demandes,

- condamne les débiteurs aux entiers dépens de la procédure.

Le 26 novembre 1996, les époux Y... ont interjeté appel.

Ils demandent à la Cour de :

- infirmer la décision entreprise et statuant à nouveau,

- décharger Monsieur et Madame Y... des condamnations prononcées contre eux en principal, intérêts, frais et accessoires,

- ordonner le remboursement des sommes qui auront pu être versées en vertu de l'exécution provisoire de la décision entreprise, en principal, intérêts, frais et accessoires, avec intérêts au taux légal à compter de leur versement,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté les époux X... du surplus de leurs demandes,

- condamner les époux X... à rembourser le trop-perçu du dépôt de garantie,

- condamner Monsieur et Madame X... à porter et payer aux

concluants la somme de 6.000 Francs par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

- condamner Monsieur et Madame X... en tous les dépens,

- dire que ceux d'appel pourront être recouvrés directement par la SCP LISSARRAGUE DUPUIS ET ASSOCIES, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

Les appelants ont en dernier demandé, à titre subsidiaire, à la Cour de réduire à 3.618 Francs le préjudice éventuel subi par les époux X...

Les époux X... forment un appel incident et demandent à la Cour de :

- dire et juger Monsieur et Madame Y... recevables mais mal fondés en leur appel, les en débouter,

- recevoir les époux X... en leur appel incident,

Y faisant droit,

- condamner les époux Y... à payer aux époux X... la somme de :

* 1.629,73 Francs au titre de la réfection du plafond du salon,

* 34.832 Francs au titre de la perte et des frais de remplacement des meubles meublant la cuisine,

* 6.000 Francs à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700

du nouveau code de procédure civile,

- confirmer le jugement pour le surplus,

- et condamner les époux Y... aux entiers dépens et autoriser la SCP LEFEVRE TARDY, avoué, à recouvrer directement ceux la concernant, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été signée le 18 juin 1998 et l'affaire plaidée à l'audience du 19 juin 1998.

SUR CE LA COUR

I)

Considérant en ce qui concerne les meubles de cuisine, qu'en vertu des dispositions de l'article 7)c) de la loi du 6 juillet 1989, applicables en l'espèce, les locataires sont obligés de répondre des dégradations et pertes qui surviennent pendant la durée du bail, à moins qu'ils ne prouvent qu'elles ont eu lieu par cas de force majeure, par la faute du bailleur, ou par le fait d'un tiers qu'ils n'ont pas introduit dans le logement ;

Considérant qu'il est constant qu'aucune de ces circonstances n'est invoquée par les époux Y... qui, délibérément, et sans aucune autorisation des bailleurs ou de l'agence immobilière (qui d'ailleurs n'est que mandataire et n'avait pas reçu le mandat de donner de telles autorisations), ont décidé d'enlever ces meubles de cuisine et

ce, au seul motif, selon eux, qu'il s'agissait d'un mobilier "vétuste", ou encore, qu'il s'agissait de simples aménagements ; qu'en réalité, ces meubles et équipements, pour anciens qu'ils aient été (datant de 1965), étaient cependant en état de fonctionnement ;

Considérant que les époux Y... doivent donc répondre de ces dégradations et pertes ;

Considérant que le dommage-intérêt que réclament les époux X... en réparation de leur préjudice, de ce chef, ne correspondent pas uniquement à la valeur vénale de ce mobilier, certes ancien, mais qu'ils réparent, en outre, le préjudice effectif et personnel, extra-patrimonial, qui leur a ainsi été directement causé par ces actes volontaires de dégradations et de destructions commis par les époux Y..., qui ont porté atteinte à leur droit de propriété ; Considérant que le tribunal a fait une exacte évaluation de ce préjudice en le réparant par l'allocation de 15.000 Francs de dommages-intérêts et que le jugement est donc confirmé de ce chef ; que les époux X... sont déboutés de leur demande en paiement d'une somme de 34.832 Francs de ce chef ; que la dernière argumentation des appelants tendant à obtenir un remboursement de 1.719 Francs, sur ces meubles, est injustifiée ; qu'elle n'avait même pas été formulée devant le premier juge, et qu'elle est donc rejetée ;

II)

Considérant, quant aux réparations locatives, qu'en application de

l'article 7)d) de la loi du 6 juillet 1989, les époux Y... sont obligés de prendre à leur charge l'entretien courant du logement et les menues réparations, ainsi que les réparations locatives définies par le décret n° 87-712 du 26 août 1987 ;

Considérant que le premier juge a exactement comparé les états des lieux, à l'entrée et à la sortie et qu'il a retenu que :

* l'état des lieux, à l'entrée, du 2 février 1988 indiquait que le plafond du salon est peint grossièrement avec une peinture écaillée en de nombreux endroits ;

* l'état des lieux, à la sortie, du 3 octobre 1995 indique que ce plafond présente 23 trous de chevilles ;

Considérant qu'en application du décret du 26 août 1987, les locataires sont tenus de faire les "menus raccords de peintures" et le "rebouchage des trous" assimilable à une réparation ; que les époux X... sont donc en droit de réclamer la réfection de ce plafond pour la somme de 1.629,73 Francs (selon le devis de la société M.C.P. qui n'est pas expressément discuté, ni contesté par les appelants) ; que le jugement est donc réformé sur ce point et que les époux Y... sont condamnés solidairement à payer cette somme justifiée de 1.629,73 Francs ;

III)

Considérant que les époux Y... ne contestent pas qu'ils restaient devoir les sommes de :

- 4.811,42 Francs (loyer de septembre 1995)

- 210 Francs (provision sur régularisation de charges 9/12èmes

- 680 Francs (taxe d'ordures ménagères)

et que le jugement est donc confirmé de ces trois chefs ; que la somme de 6.000 Fracs de dépôt de garantie est à déduire de ces sommes dues et sera donc restituée par les époux X... ;

Considérant que les intérêts au taux légal dus sur ces dommages-intérêts et ces sommes confirmées ou accordées et dus pour une année entière au moins, seront capitalisés conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil ;

Considérant enfin, que compte-tenu de l'équité, les époux Y... sont condamnés à payer aux époux X... la somme de 5.000 Francs en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, le jugement déféré étant de plus confirmé en ce qu'il a, à bon droit, accordé 1.500 Francs en vertu de ce même article ;

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

Réformant sur les réparations locatives :

- CONDAMNE solidairement les époux Y... à payer aux époux X... la somme de 1.629,73 Francs ;

- DEBOUTE les époux Y... de leur appel ;

- CONFIRME le jugement déféré en toutes ses autres dispositions ;

- DEBOUTE les époux X... de leur demande en paiement de 34.832 Francs du chef des dégradations et pertes (meubles de cuisine) ;

- DIT ET JUGE que la somme de 6.000 Francs (dépôt de garantie) est à déduire de ces sommes dues et CONDAMNE les époux X... à restituer ce dépôt ;

Ajoutant au jugement :

- CONDAMNE les appelants à payer aux époux X... 5.000 Francs en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

- CONDAMNE les époux Y... à tous les dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés directement contre eux par la SCP d'avoués LEFEVRE TARDY, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET :

LE GREFFIER

LE PRESIDENT

M-H. EDET

A. CHAIX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1996-9936
Date de la décision : 18/09/1998

Analyses

BAIL A LOYER (loi du 6 juillet 1989)

1) Aux termes de l 'article 7 c) de la loi du 6 juillet 1989, "le locataire est obligé(..) de répondre des dégradations et pertes qui surviennent pendant la durée du contrat dans les locaux dont il a la jouissance exclusive, à moins qu'il ne prouve qu'elles ont eu lieu par cas de force majeure, par la faute du bailleur ou par le fait d'un tiers qu'il n'a pas introduit dans le logement". Dès lors, des locataires qui, sans invoquer aucune des circonstances de l'article 7 c) précité, ni pouvoir se prévaloir d'une autorisation du bailleur ou de son mandataire, procèdent délibérément à l'enlèvement de meubles de cuisine, certes anciens, mais en état de fonctionnement, doivent répondre de ces dégradations et pertes. 2) En pareille occurrence, les dommages et intérêts que le propriétaire est fondé à réclamer ne correspondent pas uniquement à la valeur vénale du mobilier perdu, mais réparent, en outre, le préjudice affectif et personnel extra- patrimonial afférent à l'atteinte au droit de propriété qui résulte directement des actes volontaires de dégradation et de destruction commis par le locataire


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1998-09-18;1996.9936 ?
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