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17/09/1998 | FRANCE | N°1997-4611

France | France, Cour d'appel de Versailles, 17 septembre 1998, 1997-4611


Par contrat en date du 4 juillet 1985, la société EUROCOPTER FRANCE a loué à la SARL Commerciale d'Exploitation de Gestion de Matériels Aéronautiques (ci-après dénommée CEGMA) un jeu de pales pour hélicoptère SE 3130, d'une valeur de 352.071,22 Francs.

Ce jeu de pales a été entièrement détruit dans le "crash" de l'hélicoptère sur lequel celles-ci avaient été montées, alors que la SARL CEGMA n'en avait pas encore réglé le montant à la société EUROCOPTER FRANCE.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 24 septembre 1992 la société E

UROCOPTER FRANCE mettait la SARL CEGMA en demeure de lui régler la somme due.

La SARL C...

Par contrat en date du 4 juillet 1985, la société EUROCOPTER FRANCE a loué à la SARL Commerciale d'Exploitation de Gestion de Matériels Aéronautiques (ci-après dénommée CEGMA) un jeu de pales pour hélicoptère SE 3130, d'une valeur de 352.071,22 Francs.

Ce jeu de pales a été entièrement détruit dans le "crash" de l'hélicoptère sur lequel celles-ci avaient été montées, alors que la SARL CEGMA n'en avait pas encore réglé le montant à la société EUROCOPTER FRANCE.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 24 septembre 1992 la société EUROCOPTER FRANCE mettait la SARL CEGMA en demeure de lui régler la somme due.

La SARL CEGMA a reconnu sa dette par courrier en date du 1er octobre 1992, aux termes duquel elle sollicitait des délais de paiement.

La société EUROCOPTER FRANCE a adressé à la SARL CEGMA de nouvelles mises en demeure par lettres recommandées avec accusé de réception en date des 29 janvier 1993 et 26 mai 1995, mises en demeure restées infructueuses.

Par acte du 14 mars 1996, la société EUROCOPTER FRANCE a en conséquence assigné la SARL CEGMA, en paiement.

Par jugement en date du 31 janvier 1997, le Tribunal de Commerce de VERSAILLES :

- a reçu, en la forme, la SARL CEGMA en sa demande relative à la prescription de l'obligation et l'en a déboutée ;

- a condamné la SARL CEGMA à payer à la société EUROCOPTER FRANCE la somme de 352.071,22 Francs outre les intérêts au taux légal à compter du 1er octobre 1992 ;

- a ordonné l'exécution provisoire de sa décision ;

- a condamné la SARL CEGMA à verser à la société EUROCOPTER FRANCE la somme de 10.000 Francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Pour statuer ainsi, les premiers juges ont estimé que la lettre du 1er octobre 1992, sollicitant l'octroi de délais de paiement, constituait une reconnaissance de dette.

Sur le moyen tiré de la prescription de la dette, les premiers juges ont estimé que le point de départ de celle-ci devait être fixée au jour de l'émission de la reconnaissance de dette précitée, soit le 1er octobre 1992 et qu'en conséquence la SARL CEGMA était "irrecevable" en sa fin de non-recevoir.

Au surplus, le Tribunal a rappelé que l'ordonnance du 29 novembre 1995, pour rejeter l'action conservatoire intentée par la société EUROCOPTER FRANCE, a estimé qu'il n'y avait pas lieu à référer en raison des contestations soulevées par son adversaire, mais ne s'est nullement fondée sur l'acquisition de la prescription de la dette.

La SARL CEGMA a interjeté appel de ce jugement par déclaration en date du 12 mai 1997.

II. PRETENTIONS DES PARTIES

L'APPELANTE, la SARL CEGMA, par conclusions en date des 10 septembre 1997 et 2 Février 1998, sollicite l'infirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions.

La SARL CEGMA fonde son recours sur les dispositions de l'article 189 bis du Code de Commerce, relatives à la prescription.

L'appelante soutient que l'interruption de la prescription s'opère conformément à l'article 2244 du Code Civil et qu'elle ne peut résulter d'une mise en demeure.

En outre, l'appelante prétend que la "reconnaissance de dette" du 1er octobre 1992, qui lui est opposée, n'est pas régulièrement signée par

son représentant légal, qu'au surplus son contenu, dont elle prétend ne pas avoir eu connaissance avant le présent litige, n'en serait pas pertinent.

L'appelante estime qu'il existe un "flou temporel" sur la date du contrat d'origine et que conformément aux dispositions de l'article 189 bis précité, le délai pour agir en paiement prenait fin au plus tard le 7 octobre 1995 alors que l'assignation au fond a été délivrée le 14 mars 1996.

Enfin l'appelante suppute que le bailleur était nécessairement assuré pour ce type de matériel et qu'en conséquence la société EUROCOPTER a dû être indemnisée.

La SARL CEGMA estime que le montant de la créance doit être réduit des sommes perçues à titre d'indemnisation ou bien dans l'hypothèse où son adversaire n'aurait pas été assuré, il y aura lieu de limiter tout de même les prétentions de celui-ci pour sanctionner le fait qu'il aura, par sa négligence, participé à son propre dommage.

L'appelante fait valoir que son recours est dénué de toute mauvaise foi et en conséquence demande le rejet de la réclamation en dommages et intérêts pour procédure abusive formulée par l'intimée.

En conséquence, l'appelante demande à la Cour :

- de la déclarer recevable et bien fondée en son appel ;

- de réformer le jugement en toutes ses dispositions ;

- de débouter la société EUROCOPTER FRANCE de ses demandes ;

- de condamner la société EUROCOPTER FRANCE à lui régler une somme

de 15.000 Francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de

Procédure Civile ;

- de condamner la société EUROCOPTER FRANCE aux entiers dépens.

L'INTIMEE, la société EUROCOPTER FRANCE, par conclusions en date des 15 janvier et 12 février 1998, s'attache à réfuter l'argumentation de son adversaire.

L'intimée soutient qu'il y a bien eu interruption de la prescription dès lors que la reconnaissnce de dette du 1er octobre 1992, dont elle s'empare, émane du débiteur lui même.

Par ailleurs la société EUROCOPTER FRANCE fait litière du grief que l'intimée formule à son endroit selon lequel elle n'était pas assurée, dès lors qu'en application du contrat de location d'origine c'est au locataire qu'incombait l'obligation de souscrire une police d'assurance.

Enfin, l'intimée estime avoir subi un préjudice résultant à la fois de l'ancienneté de la créance d'un montant élevé, et de la mauvaise foi dont fait preuve l'appelante en niant l'évidence. La société

EUROCOPTER demande en conséquence réparation de ce préjudice.

Ainsi l'intimée demande à la Cour :

- de déclarer la SARL CEGMA irrecevable et mal fondée en son appel ; - de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société EUROCOPTER FRANCE de sa demande en dommages et intérêts;

- de condamner la SARL CEGMA à payer à la société EUROCOPTER

FRANCE la somme de 40.000 Francs à titre de dommages et

intérêts ;

- de condamner la SARL CEGMA à verser à la société EUROCOPTER

FRANCE la somme de 20.000 Francs au titre de l'article 700 du

Nouveau Code de Procédure Civile ;

- de condamner la SARL CEGMA aux dépens.

L'ordonnance de clôture de la mise en état du dossier a été prononcée le 17 février 1998, et l'affaire a été examinée au fond à l'audience des plaidoiries le 13 mai 1998.

III. SUR CE, LA COUR

A. SUR LA RECONNAISSANCE DE DETTE

Considérant que l'intimée conteste la validité de la lettre du 1er octobre 1992 (pièce n° 3 du bordereau de pièces communiquées par la SCP JULLIEN-LECHARNY-ROL, Avoués, le 2 février 1998) ;

Qu'il convient toutefois de constater que cette lettre est établie sur papier à en-tête de la SARL CEGMA et que la signature, certes illisible, est apposée sous la mention "Le gérant" ;

Que ce document énonce, après avoir reconnu l'existence de la location des pales détruites :

"En ce qui concerne le règlement de la facture réclamée, actuellement notre entreprise a déjà de grosses difficultés pour poursuivre son fonctionnement...nous ne sommes malheureusement absolument pas en mesure de vous payer une telle somme : sinon en déposant notre bilan et en vendant notre Alouette.

Pour toutes ces raisons je vous prie de voir ce que vous pouvez faire et pour nous aider...attendre la reprise des activités où là nous pourrions espérer tenir un échéancier.

Espérant que vous ne serez pas amenés à d'autres solutions..." ;

Qu'à défaut pour l'appelante de rapporter la preuve d'une fraude ou

de l'erreur sur le destinaire, les circonstances matérielles et commerciales qui sont à l'origine de l'émission de ce courrier, démontrent que seul le gérant de la SARL CEGMA, avait qualité pour signer le document engageant sa société ;

Que ce courrier a d'autant plus les apparences de l'authenticité et constitue effectivement une reconnaissance de dette, que dès la première ligne il précise : "En réponse à votre mise en demeure du 24 septembre 1992, j'ai l'honneur de vous confirmer notre conversation téléphonique..." ;

Que cette référence correspond effectivement à une mise en demeure adressée par la société EUROCOPTER, en recommandé avec accusé de réception, le 24 septembre 1992, à l'attention de X... le gérant de la CEGMA Sarl (pièce n°1 "communiquée", SCP FIEVET, Avoués) ;

Qu'en l'espèce dès lors que la société créancière démontre, par l'ensemble des circonstances de la cause, le caractère de vraisemblance de cette reconnaissance de dette, conformément à l'alinéa 2 de l'article 1315 du Code civil, il appartenait à la société débitrice qui prétend se libérer, notamment par une fin de non-recevoir tirée de la prescription, de détruire absolument cette apparence probatoire, ce qu'elle ne fait pas ;

Que c'est donc à bon droit que les premiers juges ont retenu l'authenticité du document litigieux et qu'ils l'ont qualifié de reconnaissance de dette, émise par la SARL CEGMA ;

Qu'en conséquence, il échet de confirmer le jugement entrepris, sur ce point ;

B. SUR LA PRESCRIPTION

Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 189 bis du Code de Commerce que la prescription des obligations nées d'actes de commerce est de 10 ans, à compter de la mise en oeuvre de ladite obligation ;

Qu'en vertu de l'article 2248 du Code civil, la prescription est cependant interrompue par la reconnaissance que le débiteur fait du droit de celui contre lequel il prescrivait ;

Qu'en l'espèce, il résulte des développements précédents que la SARL CEGMA, en raison de sa reconnaissance de dette en date du 1er octobre 1992, demeure débitrice à l'égard de la société EUROCOPTER FRANCE ;

Qu'en effet il y a lieu de constater, en l'espèce, que la prescription, qui a pu commencer de courir à compter de l'enlèvement

des pales litigieuses, le 25 juin 1985, tel que ce fait résulte d'une mention portée sur le contrat d'origine ou bien au plus tard à compter de la facturation à supposer, pour les besoins du raisonnement, que celle-ci corresponde à une mise à disposition de la chose louée plus tardivement, soit le 7 octobre 1985, a été interrompue par la reconnaissance de dette du 1er octobre 1992 (pièce n°3, SCP JULLIEN, Avoués) ;

Qu'il s'en suit que la créance n'ayant pas été éteinte par la prescrition, c'est à bon droit que la société EUROCOPTER FRANCE a assigné la SARL CEGMA en paiement, le 14 mars 1996 ;

Qu'en conséquence le moyen en défense de l'appelante, tiré d'une fin de non-recevoir mal fondée, doit être rejeté ;

C. SUR LE MONTANT DE LA CREANCE

Considérant que l'appelante sollicite la réduction du montant de la créance au motif que la société EUROCOPTER FRANCE aurait dû percevoir une indemnité si elle avait pris la précaution de s'assurer ;

Qu'il résulte néanmoins des stipulations du contrat de location des pales :

"Le locataire s'engage :

(...)

A - en généralité à :

1 - Assurer le matériel au sol et en vol contre tous risques qu'il est d'usage de garantir (...) " (pièce n°2 SCP JULLIEN, Avoués, page 2/3);

Que contrairement aux allégations de la SARL CEGMA, à qui il revenait de s'assurer, la société EUROCOPTER FRANCE n'a pu du fait de la carence de son cocontractant, être ni réglée de sa facture ni indemnisée par la compagnie de la société locataire ;

Qu'en raison de cette défaillance et au regard du fait que l'appelante ne conteste ni le principe ni le montant d'origine de la créance, celle-ci demeure fixée à la somme en principal de 352.071,22 Francs (facture, pièce n°2, SCP JULLIEN, précitée) ;

Qu'en conséquence le moyen tendant au débouté ou à la réduction de la créance, présenté par l'appelante, doit être rejeté ;

D. SUR LES AUTRES DEMANDES

Considérant que l'appelante qui demeure débitrice de la société EUROCOPTER FRANCE verra ses demandes incidentes rejetées, comme irrecevables, mal fondées ou devenues sans objet, et devra acquitter les dépens d'appel ;

Qu'en outre, il convient de condamner celle-ci à verser à l'intimée, la somme de 20.000 Francs, au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile en cause d'appel, tant il serait inéquitable de laisser à la société EUROCOPTER FRANCE la charge des frais non compris dans les dépens qu'elle a dû engager pour soutenir ses intérêts dans un recours qu'elle n'a pas initié ;

Considérant en revanche, que la société EUROCOPTER qui ne verse aucune pièce nouvelle, aucun justificatif du préjudice qu'elle allègue et dont elle ne démontre pas le caractère distinct de celui réparé par les intérêts moratoires, sera déboutée de sa demande en dommages et intérêts;

PAR CES MOTIFS

Et ceux non contraires des premiers juges ;

Statuant publiquement et contradictoirement ;

Reçoit la SARL CEGMA en son appel, régulier en la forme ;

Le dit mal fondé ;

Confirme le jugement entrepris (n° RG 96F00892) en toutes ses dispositions ;

Et y ajoutant,

Condamne la SARL CEGMA à verser à la société EUROCOPTER FRANCE la somme de 20.000 Francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, en cause d'appel ;

Déboute les parties de toutes leurs prétentions plus amples ou contraires, comme irrecevables, mal fondées ou devenues sans objet ; Condamne la SARL CEGMA aux dépens d'appel, lesquels seront recouvrés

par la SCP FIEVET-ROCHETTE-LAFON, Avoués, conformément à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET :

LE GREFFIER

LE PRESIDENT

M. LE GRAND

J-L GALLET


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1997-4611
Date de la décision : 17/09/1998

Analyses

PREUVE LITTERALE - Acte sous seing privé - Reconnaissance de dette

Lorsqu'une reconnaissance de dettes établie sur papier à en-tête du débiteur comporte une signature, certes illisible, apposée sous la mention "le gérant", que les circonstances matérielles et commerciales à l'origine de l'émission de ce courrier démontrent que seul ce dernier avait qualité pour signer le document engageant sa société et enfin qu'il y est fait référence à une mise en demeure adressée à ladite société et à son attention, ces circonstances sont de nature à établir, conformément à l'article 1315, alinéa 2, du Code civil, le caractère vraisemblable de la reconnaissance de dette litigieuse. Faute pour la société débitrice d'avoir détruit cette apparence probatoire, c'est à bon droit que les premiers juges retiennent l'authenticité du document litigieux


Références :

Code civil 1315

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1998-09-17;1997.4611 ?
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