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17/09/1998 | FRANCE | N°1996-7733

France | France, Cour d'appel de Versailles, 17 septembre 1998, 1996-7733


La SARL ETABLISSEMENTS X... (ci-après dénommée SARL X...), représentée par son gérant, Monsieur X..., était titulaire d'un compte courant à la BANQUE NATIONALE DE PARIS (désignée ci-après, la BNP).

Par un premier acte sous-seing privé en date du 27 novembre 1985, la BNP s'est portée caution pour la SARL X... à hauteur de 180.000 Francs auprès de la Direction Générale des Impôts.

Par actes sous seing privé en date des 12 février et 27 novembre 1992, Monsieur X... s'est porté caution solidaire de la SARL X... à concurrence de la somme de 280.000 Francs en pr

incipal, plus intérêts, frais et accessoires, avec renonciation aux bénéfices de ...

La SARL ETABLISSEMENTS X... (ci-après dénommée SARL X...), représentée par son gérant, Monsieur X..., était titulaire d'un compte courant à la BANQUE NATIONALE DE PARIS (désignée ci-après, la BNP).

Par un premier acte sous-seing privé en date du 27 novembre 1985, la BNP s'est portée caution pour la SARL X... à hauteur de 180.000 Francs auprès de la Direction Générale des Impôts.

Par actes sous seing privé en date des 12 février et 27 novembre 1992, Monsieur X... s'est porté caution solidaire de la SARL X... à concurrence de la somme de 280.000 Francs en principal, plus intérêts, frais et accessoires, avec renonciation aux bénéfices de discussion et de division, en garantie de l'ensemble des engagements de la SARL X... auprès de la BNP.

En outre, la SARL X... a remis à l'escompte à la BNP une lettre de change tirée sur la société FIBRATEL, le 22 avril 1993, pour un montant de 55.149 Francs.

Par jugement en date du 24 juin 1993, la SARL X... a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire, et la BNP a déclaré sa créance le 22 septembre 1993 entre les mains de Maître DIDIER, mandataire liquidateur.

Par lettre recommandée avec accusé de réception, la BNP a mis en demeure Monsieur X... d'honorer ses engagements de caution et de lui rembourser les sommes suivantes, outre les intérêts au taux légal :

- au titre du solde débiteur du compte courant :...................46.806,75F

- au titre de l'effet demeuré impayé à son échéance :.........55.149,00 F

- au titre de l'encours de caution de la BNP/DGI :.................35.878,00 F.

Cette mise en demeure étant restée sans effet, la BNP a, par acte du 3 novembre 1993, assigné Monsieur X... en paiement des sommes dues.

Par jugement du 20 juin 1996, le Tribunal de Commerce de PONTOISE :

- a déclaré Monsieur X... mal fondé "en sa demande de déclaration

d'abus de crédit et en sa demande de sursis à statuer",

- a condamné Monsieur X..., es-qualité de caution solidaire, à payer

à la BNP les sommes suivantes :

* 21.197,13 Francs au titre du solde en principal du compte courant

(n°271.771/89),

[* 35.878 Francs au titre de l'encours de caution, outre les intérêts au

taux légal à compter du 23 septembre 1993,

*] 55.149 Francs au titre de l'effet impayé, outre les intérêts au taux

légal à compter du 31 juillet 1993, date d'échéance de l'effet ;

- a ordonné la capitalisation des intérêts échus conformément à l'article

1154 du Code Civil,

- a ordonné l'exécution provisoire de sa décision,

- a condamné Monsieur X... à payer à la BNP la somme de 3.000

Francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure

Civile ainsi qu'aux dépens.

Pour statuer ainsi les premiers juges ont estimé que Monsieur X... ne démontrait pas la responsabilité de la BNP, dès lors qu'il ne résultait pas du dossier que la situation financière de la SARL X... était réellement compromise, à l'époque des prêts, alors qu'il lui aurait été aisé d'alerter sa banque en lui communiquant les comptes sociaux; que c'est en réalité délibérément qu'il s'est porté caution personnelle, à deux reprises, alors qu'il occupait les fonctions de gérant de la SARL portant son nom.

En ce qui concerne les sommes dues au titre du solde du compte courant, les premiers juges ont prononcé la déchéance des intérêts à compter du 12 février 1992 à hauteur de 50.000 Francs et du 27 novembre 1992 pour les sommes complémentaires, en application des dispositions de l'article 48 de la Loi du 1er mars 1984 dès lors que le Tribunal a constaté la défaillance de la BNP quant à son obligation d'information de la caution, ce qui explique, qu'après avoir procédé à la déchéance légale précitée, le Tribunal a ramené le solde du compte courant dû par la caution, à la somme de 21.197,13 Francs.

Les premiers juges relevant que les autres sommes réclamées l'étaient seulement en principal, a estimé que le moyen tiré de l'article 48 de la loi du 1er mars 1984 n'était pas applicable à ces créances.

Enfin, les premiers juges ont condamné Monsieur X... à payer la capitalisation des sommes dues par la SARL X..., à la BNP, et lui ont refusé le délai de grâce qu'il avait sollicité.

Monsieur X... a interjeté appel de ce jugement par déclaration faite au greffe le 23 août 1996.

II. PRETENTIONS DES PARTIES

L'APPELANT, Monsieur X..., par conclusions en date du 23 décembre

1996, sollicite de la Cour qu'elle infirme le jugement entrepris en ce qu'il a refusé de reconnaître la responsabilité de la banque qui a commis un abus de crédit et manqué à son devoir de conseil, et en ce qu'il n'a pas respecté les dispositions de l'article 48 de la Loi du 1er mars 1984.

Monsieur X... soutient que la jurisprudence a mis à la charge du banquier une obligation d'information et de conseil, tant de la société débitrice que de la caution, et que la BNP, en l'espèce, a manqué à ses devoirs.

L'appelant prétend qu'en raison de cette défection, la BNP lui a accordé des crédits disproportionnés par rapport aux résultats déficitaires de la société, au lieu de lui refuser tout concours.

En ce qui concerne le non-respect des dispositions de l'article 48 précité, l'appelant estime que le Tribunal s'est prononcé sur les actes de 1992, mais qu'il a omis de statuer sur la garantie hypothécaire du 2 mai 1991 alors que la BNP n'a pas informé Monsieur X... au titre de l'année 1991.

En conséquence, l'appelant sollicite de la Cour de céans :

- qu'elle infirme le jugement entrepris en ce qu'il a refusé de retenir la

responsabilité de la BNP,

- qu'elle infirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné Monsieur

X... à payer à la BNP la somme totale de 112.224,13 Francs,

- l'application des dispositions de l'article 48 de la loi du 1er mars 1984 à

l'ensemble des cautionnements souscrits,

- la condamnation de la BNP à lui verser la somme de 10.000 Francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ainsi qu'aux

dépens de première instance et d'appel.

L'INTIMEE, la BNP, par conclusions en date du 11 juin 1997, s'attache à réfuter l'argumentation de son adversaire et affirme qu'en raison de l'ordonnance rendue par le juge-commissaire à la liquidation de la société débitrice principale, le 13 octobre 1994, suite à une contestation de la créance de la BNP soulevée par Monsieur X..., ce dernier ne peut plus contester ni le principe ni le montant de la créance.

Elle fait valoir que cette ordonnance, n'ayant fait l'objet d'aucun recours, a désormais autorité de chose jugée et rend inutile toute discussion sur la responsabilité de la banque.

Surabondamment la BNP précise qu'elle n'était tenue d'aucune

obligation de conseil puisque Monsieur X... connaissait complètement la situation de l'entreprise emprunteuse, en sa qualité de gérant de cette SARL.

Sur le moyen tiré des dispositions de l'article 48 de la Loi du 1er mars 1984, la BNP soutient qu'il n'est pas fondé dès lors qu'elle verse aux débats la lettre d'information du 10 mars 1993 et un listing informatique pour l'année précédente, ainsi que les relevés du compte courant depuis le 31 janvier 1992.

Pour ce qui concerne le prêt accordé le 2 mai 1991, l'intimée affirme que Monsieur X... a procédé au paiement de cette créance et qu'il ne peut donc demander l'application de l'article précité sur celle-ci, aujourd'hui. En outre, l'intimée soutient qu'il s'agit là d'une demande nouvelle en appel qui doit être écartée.

Enfin la BNP fait valoir que l'article 48 précité n'est également pas applicable aux créances résultant de l'effet impayé et de l'obligation fiscale garantie, qu'elle a honorée, dès lors que les sommes litigieuses, outre les intérêts au taux légal, ne sont réclamés qu'en principal.

En conséquence, l'intimée demande à la Cour :

- de déclarer Monsieur X... mal fondé en toutes ses demandes,

- de constater que Monsieur X... ne saurait soumettre à la Cour une

demande au titre de l'acte de prêt notarié du 2 mai 1991, par

application de l'article 564 du Nouveau Code de Procédure Civile,

- de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- de condamner Monsieur X... à lui verser la somme de 10.000

Francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure

Civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture de la mise en état du dossier a été prononcée le 17 mars 1998 et l'affaire a été examinée au fond à l'audience des plaidoiries du 12 mai 1998.

III. SUR CE, LA COUR

A- SUR LA RESPONSABILITE DE LA BANQUE

Considérant que l'appelant estime que la responsabilité de la banque devrait être engagée aux motifs qu'elle aurait manqué à son devoir de conseil et qu'elle aurait accordé des concours à la société X... de façon abusive au regard de la situation financière précaire de la société ;

Considérant que la banque est tenue par un devoir de prudence et de

conseil à l'égard tant de son client direct, la société qui s'apprête à emprunter qu'à l'endroit de la personne physique ou morale qui consent à se porter caution du concours bancaire sollicité ;

Que la présomption selon laquelle le représentant de la société emprunteuse est en possession des informations nécessaires à l'appréciation du bien-fondé des prêts ne dispense pas l'établissement de crédit de satisfaire à ses propres obligations ;

Qu'en effet si la présomption de compétence pesant sur le chef d'entreprise est absolue, en ce qui concerne les activités qu'il développe à titre principal, en l'espèce la "MECANIQUE DE PRECISION, EXECUTION DE PROTOTYPES OU D'ENSEMBLES" (extrait KBis, pièce n°1, SCP LISSARRAGUE, Avoués), le dispensateur de crédit doit, dans le cadre de son obligation générale de discernement et de loyauté, s'assurer que celui qui engage la société cliente tout en concédant sa garantie personnelle a conscience de la portée et des risques financiers qui pourraient résulter de l'octroi de concours, au vu de l'état de sa société au moment où la demande est formulée ;

Qu'ainsi en accordant des crédits, alors que la situation financière de l'entreprise concernée est gravement compromise, qui ont pour effet d'aggraver le passif de celle-ci et de lui permettre de continuer son exploitation sous une apparence de solvabilité, la banque dispensatrice, dans ces conditions, engage sa responsabilité, même partiellement, à l'égard du dirigeant d'entreprise qui s'est porté caution de sa propre société, dès lors qu'il est établi que,

sans la participation de l'établissement de crédit, le dommage ne se serait pas produit dans toute la gravité révélée postérieurement ;

Considérant qu'en l'espèce, il n'est pas contestable que M. X..., en sa qualité de gérant de son ancienne SARL, doit être réputé être au courant de l'état financier et commercial de son entreprise et qu'en se portant garant du remboursement des crédits supplémentaires qu'il a délibérément sollicités, doit en assumer les conséquences, sous réserve de l'appréciation concrète des conditions de l'intervention de la BNP ;

Qu'en effet il convient de relever que la SARL X... a présenté un déficit net, successif en 1991 (- 637 000 f) et en 1992 (- 109 020 f) ;

Que la banque ne pouvait ignorer cette situation, dès lors qu'en sa qualité de banquier habituel de ladite société, la BNP était tenue d'exercer son devoir de prudence qui sous-entend celui de se faire présenter les documents sociaux de synthèse annuels, renseignements qui lui étaient au surplus accessibles, sans l'accord préalable de la société cliente, en raison de la publication légale de ceux-ci au greffe du RCS ainsi que par les moyens télématiques banalisés ;

Qu'en l'espèce il résulte de l'extrait KBis du RCS de la société concernée, que par deux fois l'assemblée générale des actionnaires a été tenue de signaler que le capital social était devenu inférieur à

la moitié, soit inférieur à la somme de 100 000 f, dès le 26 mai 1989, puis le 2 avril 1992 (pièce n°1, SCP LISSARRAGUE, Avoués) ;

Que la banque ne dénie pas le fait qu'elle a accordé un premier concours de 300 000 f, le 2 mai 1991, avec cautionnement hypothécaire de M. et Mme X..., puis les 12 février et 27 novembre 1992, pour 280 000 f, avec cautionnement personnel de M. X... (pièces n°3, 4 , 25, SCP précitée) ;

Qu'il convient de relever qu'à la veille de l'octroi du crédit de 280 000 f, accordé dans les conditions rappelées précédemment (27 novembre 1992, pièce n°4 précitée), le solde dudit compte-courant de la SARL X... était débiteur de "-92 712, 93 f" (relevé du 20 novembre 1992), lequel est redevenu positif à la suite du virement du crédit, durant une dizaine de jours avant de reprendre la position structurellement débitrice, sans interruption, jusqu'à l'arrêté de compte au 20 juin 1993, suite au dépôt de bilan intervenu le 9 juin 1993 ;

Qu'enfin il y a lieu de relever que l'état du passif arrêté au 12 avril 1994 à la somme de 2 321 000 f, puis ramené à celle de 1 664 000 f au 23 juin 1994 (pièces n°22, SCP LAMBERT, Avoués), démontre la gravité de l'endettement de la SARL X..., dont l'origine remonte déjà aux années 1991 et 1992, donc contemporain à l'octroi des crédits, lesquels ont été pour le chef d'entreprise une incitation à maintenir une exploitation notoirement déficitaire (Cf. Extrait KBis), ce qui n'a eu pour effet que d'aggraver le passif final ;

Qu'en conséquence, les crédits accordés par la banque, dans les circonstances précitées, démontrant que la situation de la débitrice principale était gravement obérée et ce de manière récurrente, tant en 1991 (300 000 f), qu'en 1992 (280 000 f), l'ont été dans des proportions plus de cinq fois supérieures au capital social restant ; Qu'au sujet de ce dernier prêt, il y a lieu de rappeler qu'il a été scindé en une première tranche de 50 000 f, avec prise de caution le 12 février 1992, puis par une seconde de 230 000 f, avec prise de caution le 27 novembre 1992 à l'occasion de laquelle la banque a demandé à M. X... de mentionner par écrit que cette dernière somme s'ajoutait "...à celle de 50 000 f faisant l'objet de l'acte en date du 12/2/92 le tout plus les intérêts, commissions, frais et accessoires selon les énonciations du présent acte (...), soit au total la somme principale de 280 000 f, deux cent quatre vingt mille francs" (pièce n°4, SCP LISSARRAGUE, Avoués) ;

Qu'il résulte de ces constatations que, non seulement, la banque avait connaissance de la situation compromise de la SARL X..., mais qu'elle a délibérément accepté de consentir des crédits disproportionnés par rapport à la surface financière réelle de celle-ci, à l'époque de l'octroi desdits crédits ;

Que la BNP ne rapporte pas la preuve qu'elle a mis en garde M.

X... tant en sa qualité de gérant que de celle de future caution, sur la disproportion de l'endettement dèjà accumulé et du défaut de rentabilité évident des nouveaux prêts, découlant de la situation de la SARL emprunteuse à l'époque de l'octroi des crédits;

Que la banque a ainsi manqué à son devoir de conseil et de mise en garde ;

Qu'en l'espèce, constitue une faute d'imprudence le fait pour la BNP d'avoir accordé des crédits excessifs à la société X..., plus en considération des garanties concédées, à sa demande, par M. X... que de la sanité de la situation ou des perspectives d'avenir de la débitrice principale étant relevé qu'un crédit ne peut être justifié par le seul fait qu'il est garanti ;

Qu'il apparaît en l'espèce que la banque, à défaut d'avoir accompli son devoir de prudence, de discernement et de renseignement, a octroyé les crédits querellés en multipliant les garanties ;

Qu'il y a d'ailleurs lieu de constater que la BNP s'est révélée dans l'incapacité de verser au dossier un quelconque document, analyse ou synthèse sur l'état de la société emprunteuse, au moment de l'octroi des crédits, démontrant ainsi qu'elle a failli dans son obligation de prudence et de vigilance ;

Que d'ailleurs la BNP n'allègue ni n'établit qu'elle a accordé les crédits querellés en raison des perspectives de redressement de la SARL X..., ce qui aurait supposé que la banque aurait procédé ou fait procéder à une analyse rationnelle de la situation économique et financière de sa cliente ainsi que des potentialités de ses dirigeants, comme elle en avait le droit et le devoir, afin de remplir pleinement ses obligations de prudence et de conseil; que la banque intimée ne verse aucun pièce sur ce point et s'est gardée de proposer d'en rapporter la preuve ;

Que la BNP a ainsi engagé sa responsabilité contractuelle, laquelle doit être atténuée dans une certaine proportion à concurrence du comportement nécessairement causal et fautif de M. X... qui, en raison de ses fonctions de gérant de la société défaillante a concouru au dommage, lequel sans la participation imprudente et négligente de la banque ne se serait pas produit avec l'ampleur rappelée ci-dessus ;

Qu'en conséquence le moyen de l'appelant bien fondé sur le principe, doit être limité à une allocation de 50 000 f à titre de dommages et intérêts, qui viendront se compenser avec les créances restant dues par M. X... en sa qualité de caution ;

Considérant surabondammment qu'il y a lieu d'écarter l'argument de la banque qui invoque le caractère définitif de la déclaration de sa créance, en raison de l'admission de celle-ci, par le juge

commissaire le 13 octobre 1994, à la suite d'un recours formé par M. X..., alors que cette fixation ne concerne que l'obligation principale et n'interdit pas à la caution de solliciter des dommages et intérêts en réparation d'une faute contractuelle, sinon quasi-délictuelle, qu'aurait commise la banque dispensatrice de crédit ;

B- SUR L'ARTICLE 48 DE LA LOI DU 1er MARS 1984

Considérant que l'intimée sollicite l'application des dispositions de l'article 48 de la Loi du 1er mars 1984 à l'ensemble des cautionnements souscrits et notamment au cautionnement relatif au prêt accordé le 2 mai 1991 ;

Que sur ce dernier crédit, il convient de constater qu'il ne s'agit pas d'une demande nouvelle, dès lors que M. X..., a, dès la première instance, invoqué le moyen tiré de l'article précité ainsi que le prêt querellé (Cf conclusions X... et jugement entrepris); que le moyen est en conséquence recevable en la forme, y compris au sens de l'article 566 du NCPC ;

Que sur le fond il est établi que Monsieur X... a procédé au règlement de cette créance, notamment par la vente de son domicile

conjugal hypothéqué (conclusions X..., du 23.12.1996, p 7, 3) ; Qu'ainsi, à supposer que la banque n'ait pas répondu à son obligation légale, ce qui est effectivement le cas en l'espèce, le texte de l'article 48 de la loi précitée instaurant une sanction autonome quasi-délictuelle s'appliquant en déduction du montant de la seule créance encore due par la caution, à l'origine de la garantie, la créance en cause étant éteinte au jour de la demande, en raison du paiement, l'appelant ne peut obtenir postérieurement le bénéfice de la sanction de l'article 48 de la Loi du 1er mars 1984 ;

Que la demande de M. X..., doit être rejetée ;

Considérant sur les autres créances, qu'en ce qui concerne les sommes dues au titre de la lettre de change tirée sur la société FIBRATEL et au titre de l'encours de caution de la BNP, au bénéfice du Trésor, le Tribunal a souligné à bon droit qu'aucun intérêt, en dehors des intérêts légaux, n'étant réclamés par la banque et qu'il y avait lieu, en conséquence, d'écarter l'application de l'article 48 précité ;

Qu'enfin sur le solde du compte-courant, le Tribunal qui a exactement exposé et qualifié les faits de la cause, répondant aux moyens des parties par des motifs pertinents que la Cour adopte, il échet de confirmer le jugement entrepris qui a appliqué régulièrement la

déchéance légale de l'article 48 de la loi du 1er mars 1984, et a ramené ledit solde à la somme principale exacte de 21 197,13 f ;

Qu'en conséquence, l'appelant est mal fondé en son recours, sur ce moyen ;

C- SUR LES AUTRES DEMANDES

Considérant sur le décompte de la créance de la banque, il échet de constater que M. X... demeure débiteur de celle-ci des sommes suivantes :

- 21 197,13 f et 35 878 f, avec intérêts de droit à compter de la mise en

demeure du 24 septembre 1993 (et non 23, mentionné par erreur

dans le jugement entrepris),

- 55 149 f, avec intérêts de droit à compter de l'échéance de la traite escomptée, revenue impayée, au 31 juillet 1993,

sommes comprenant la capitalisation accordée par le premier juge, desquelles il y aura lieu de compenser la somme de 50 000 f, accordée par la Cour à M. X..., à titre de dommages et intérêts, avec intérêts légaux à compter de la signification du présent arrêt ;

Que l'appelant qui demeure débiteur de la banque, verra ses demandes incidentes rejetées comme irrecevables, mal fondées ou devenues sans

objet, et devra acquitter les dépens d'appel ;

Qu'en revanche, les circonstances de la cause ne rendent pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais non compris dans les dépens qu'elles ont dû engager pour soutenir leurs intérêts réciproques ;

PAR CES MOTIFS

Et ceux non contraires des premiers juges ;

Statuant publiquement et contradictoirement ;

Reçoit Monsieur X... en son appel, régulier en la forme ;

Le dit partiellement fondé ;

Réforme le jugement entrepris (n° RG 94F02216) sur l'action en responsabilité à l'encontre de la BNP, et rectifie l'erreur matérielle sur le point de départ des intérêts légaux appliqué aux

créances relatives au solde en compte-courant et à la traite FIBRATEL ;

Statuant à nouveau,

Dit que la BNP a manqué à ses obligations de prudence et de conseil lors de l'octroi des crédits litigieux ;

La condamne à payer à M. Philippe X... une somme de 50 000 f à titre de dommages et intérêts en réparation, avec intérêts de droit à compter de la signification du présent arrêt ;

Confirme le jugement entrepris pour le surplus, à l'exception du point de départ des intérêts de droit accordés sur les créances relatives au solde du compte-courant et de la traite FIBRATEL, qui doit être le 24 septembre 1993 ;

Ordonne la compensation entre ces sommes, dont le solde sera réglé par M. Philippe X... en deniers ou quittances ;

Et y ajoutant,

Déboute les parties de toutes leurs demandes plus amples ou

contraires, comme irrecevables, mal fondées ou comme devenues sans objet ;

Condamne Monsieur Philippe X... aux dépens d'appel, lesquels seront recouvrés par la SCP LAMBERT-BEBRAY-CHEMIN, Avoués, conformément à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET :

LE GREFFIER

LE PRESIDENT

M. LE GRAND

J-L GALLET


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1996-7733
Date de la décision : 17/09/1998

Analyses

BANQUE - Responsabilité - Ouverture de crédit - Devoir de conseil

Un organisme bancaire est tenu par un devoir de prudence et de conseil à l'égard tant de son client direct, l'emprunteur, qu'à l'endroit de la personne physique ou morale qui consent à se porter caution du concours bancaire sollicité. Si la présomption de compétence absolue du chef d'entreprise (en ce qui concerne les activités qu'il développe à titre principal) laisse présumer que l'intéressé est en possession des informations nécessaires à l'appréciation du bien-fondé des demandes de prêts qu'il formule, elle ne dispense pas l'établissement bancaire sollicité de satisfaire à ses propres obligations. En effet, dans le cadre de son obligation générale de discernement et de loyauté, le dispensateur de crédit doit s'assurer que celui qui engage la société cliente, tout en concédant sa garantie personnelle, a conscience de la portée et des risques financiers susceptibles de résulter de l'octroi du concours, au vu de l'état de la société au moment où la demande est formulée. En l'espèce, l'octroi délibéré d'un concours financier à une entreprise, en totale disproportion avec une situation financière réelle gravement compromise, avec pour effet d'en aggraver le passif en lui permettant de continuer l'exploitation sous une apparence de solvabilité, engage la responsabilité contractuelle du banquier, et ce, même partiellement à l'égard du dirigeant d'entreprise, caution des concours accordés, dès lors que l'organisme préteur ne rapporte pas la preuve d'avoir mis en garde le gérant, et future caution, des risques encourus


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1998-09-17;1996.7733 ?
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