La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/09/1998 | FRANCE | N°1996-2750

France | France, Cour d'appel de Versailles, 17 septembre 1998, 1996-2750


Le 13 février 1991, la société LABORATOIRE 7 B a conclu, avec la société INTERNATIONAL BANKERS aux droits de laquelle se prétend la société BANQUE COLBERT devenue aujourd'hui CDR CREANCES, une convention de compte courant.

Le 20 mars 1991, la société INTERNATIONAL BANKERS a accordé aux LABORATOIRES 7 B une autorisation de découvert de 250.000 francs.

Le même jour, Monsieur X..., dirigeant de la société LABORATOIRE 7 B a accepté de garantir ce découvert en donnant sa caution personnelle à hauteur du même montant augmenté des intérêts, frais et accessoires e

t ce, jusqu'au 5 mai 1992.

Le compte courant laissant régulièrement apparaître ...

Le 13 février 1991, la société LABORATOIRE 7 B a conclu, avec la société INTERNATIONAL BANKERS aux droits de laquelle se prétend la société BANQUE COLBERT devenue aujourd'hui CDR CREANCES, une convention de compte courant.

Le 20 mars 1991, la société INTERNATIONAL BANKERS a accordé aux LABORATOIRES 7 B une autorisation de découvert de 250.000 francs.

Le même jour, Monsieur X..., dirigeant de la société LABORATOIRE 7 B a accepté de garantir ce découvert en donnant sa caution personnelle à hauteur du même montant augmenté des intérêts, frais et accessoires et ce, jusqu'au 5 mai 1992.

Le compte courant laissant régulièrement apparaître un solde débiteur, la banque a, par courrier avec accusé réception du 10 juillet 1992, dénoncé la convention de compte courant et sollicité une régularisation de la situation.

Une copie de ce courrier a été adressée à Monsieur X..., pris en sa qualité de caution.

Le 21 avril 1993, en réponse à un courrier d'information que lui avait adressé la banque, Monsieur X... a fait savoir à celle-ci qu'il se considérait libéré de son engagement depuis le 5 mai 1992.

Par acte du 16 septembre 1993, la banque COLBERT a fait assigner tant la société LABORATOIRE 7 B que Monsieur X..., pris en sa qualité de caution, en paiement de la somme en principal de 327.869 francs.

En cours de procédure la société LABORATOIRE 7 B a été placée en liquidation judiciaire, Maître Véronique BECHERET étant désignée en qualité de liquidateur.

Par jugement rendu le 21 juillet 1994, le Tribunal de Commerce de NANTERRE a statué dans les termes ci-après : - Dit que la BANQUE COLBERT a intérêt à agir à l'égard de Monsieur X... ; - Condamne Monsieur Michel X... à payer à la BANQUE COLBERT la somme de 250.000 francs, à laquelle s'ajouteront les intérêts contractuels du

compte courant cautionné entre le 20 mars 1991 et le 05 mai 1992 et les intérêts au taux légal à compter du 16 septembre 1993 et à laquelle se retranchera le montant de 17.850,95 francs ; - Déboute la BANQUE COLBERT du surplus de sa demande en principal ; - Ordonne l'exécution provisoire, sans constitution de garantie ; - Condamne Monsieur X... à payer la somme de 5.000 francs à la BANQUE COLBERT au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, déboutant les parties pour le surplus de leur demande à ce titre ; - Condamne Monsieur X... aux dépens. *

Appelant de cette décision, Monsieur X... fait essentiellement valoir, comme il l'avait fait devant les premiers juges, que la BANQUE COLBERT, devenue CDR CREANCES, ne rapporte pas la preuve de la transmission universelle des droits et actions de la société INTERNATIONALE BANKERS à son profit, ajoutant que, quand bien même cette preuve serait rapportée, l'engagement de caution est un contrat intuitu personae qui ne se transmet pas sans l'accord de la caution intéressée. Il demande en conséquence à titre principal que la BANQUE soit "déboutée" de l'ensemble des prétentions qu'elle forme à son encontre faute d'intérêt à agir. Subsidiairement, l'appelant fait grief à la BANQUE de ne pas avoir respecté les formalités prévues par l'article 48 de la loi du 1er mars 1984 relatives à l'information de la caution et demande qu'elle soit déclarée déchue de toute demande de paiement des intérêts, entre le 20 mars 1991 et le 05 mai 1992 et condamnée sur le fondement de droit commun, en raison du préjudice qui en est résulté pour lui, à lui payer la somme de 250.000 francs à titre de dommages et intérêts ladite somme venant en compensation de la créance en principal dont il pourrait rester redevable. Enfin, il sollicite une indemnité de 10.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

La société CDR CREANCES, se disant aux droits de la BANQUE COLBERT,

s'oppose point par point à l'argumentation adverse et conclut à la confirmation par adoption de motifs du jugement entrepris sauf à se voir autoriser à capitaliser les intérêts, conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code Civil, et à se voir allouer la somme de 50.000 francs à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et une indemnité complémentaire de 15.000 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Enfin, il convient de relever que, bien que Monsieur X... ait déclaré dans ses écritures se désister de l'appel interjeté à l'encontre de Maître Véronique BECHERET, prise en qualité de liquidateur de la société LABORATOIRES 7 B, il a fait notifier à celle-ci l'ensemble des actes de procédure et que Maître BECHERET n'a pas constitué avoué. *

MOTIFS DE LA DECISION

. Sur l'intérêt à agir

Considérant qu'en raison du régime juridique applicable aux fusions-scissions, l'apport partiel d'actifs emporte transmission universelle et passive du patrimoine de la société absorbée à la société absorbante, ce que ne conteste pas du reste l'appelant dans ses écritures ;

Considérant qu'en l'espèce il ressort d'un procès-verbal de l'Assemblée Générale Mixte du 23 novembre 1992, régulièrement versé aux débats, que la société INTERNATIONAL BANKERS a "fait apport à titre partiel d'apport d'actif placé sous le régime de scission, à la BANQUE FINANCIERE PARISIENNE BAFIP de sa branche complète d'activité bancaire..." ; que, par ailleurs, suite à la modification de l'article 2 de ses statuts, la BANQUE FINANCIERE PARISIENNE a changé de dénomination pour devenir la BANQUE COLBERT, conformément à un procès-verbal de délibération de l'Assemblée Générale du 19 juin 1992

; qu'un avis de changement de dénomination et d'apport partiel d'actif relatif aux accords passés entre la BAFIP et la société INTERNATIONAL BANKERS a été régulièrement publié dans un journal d'annonces légales ; qu'il est donc ainsi suffisamment démontré qu'il y a bien eu transmission universelle du patrimoine de la société INTERNATIONAL BANKERS au profit de la BAFIP, devenue BANQUE COLBERT et aujourd'hui CDR CREANCES, et que cette dernière est bien le bénéficiaire de cette transmission ;

Considérant cependant que, si la transmission a pour effet un transfert de plein droit de la propriété de tous les biens de la société absorbée au profit de la société absorbante, il n'en reste pas moins que les biens attachés à la personne ne peuvent se transmettre et qu'il en va ainsi du cautionnement tenu pour un engagement intuitu personae ;

Mais considérant qu'il est de jurisprudence constante que l'obligation de la caution qui s'est engagée envers la société absorbée est maintenue pour la garantie des dettes antérieures à la fusion et que ce n'est que pour les dettes postérieures à celle-ci qu'une manifestation expresse de la caution de s'engager envers la nouvelle personne morale est requise ;

Or considérant que l'engagement de caution de Monsieur X... avait été souscrit pour garantir un découvert jusqu'au 05 mai 1992, c'est-à-dire antérieurement à l'apport partiel d'actif d'INTERNATIONAL BANKERS à la BANQUE COLBERT ; qu'il apparaît que la créance en principal retenue par le premier juge, dont l'appelant ne conteste pas en cause d'appel le montant, correspond aux sommes dues à la date précitée du 05 mai 1992 ; qu'il en résulte que, si l'engagement de caution de Monsieur X... n'a pas, faute de réitération, été transmis à la BANQUE COLBERT, celle-ci a bien recueilli dans son patrimoine, lors de l'apport partiel d'actif

d'INTERNATIONAL BANKERS, la créance née de l'engagement initial, laquelle ne relève pas de l'intuitu personae, contrairement à l'engagement de caution, et existait déjà dans le patrimoine de la société absorbée qui l'a transmise avec ses autres créances à la BANQUE COLBERT société absorbante ; que, dans ces conditions l'argumentation développée par l'appelant pour contester l'intérêt à agir de la BANQUE COLBERT, devenue CDR CREANCES, ne peut être qu'écartée ;

. Sur le respect de l'obligation d'information de la BANQUE

Considérant que la BANQUE produit copie des lettres d'information qu'elle a adressées à Monsieur X... ; que ce dernier ne peut utilement contester avoir reçu ces courriers puisqu'il s'en est prévalu pour soutenir, dès l'engagement de la procédure, qu'il avait été incomplètement et insuffisamment informé de la situation de débiteur cautionné, reconnaissant ainsi implicitement, mais nécessairement, qu'il avait bien été le destinataire des informations dont s'agit ;

Mais considérant que les lettres d'informations susvisées, adressées à la caution ne précisent pas le montant des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente, comme le prévoit expressément l'article 48 de la loi du 1er mars 1984, n'indiquant sur ce point qu'un renvoi à ses conditions générales ; qu'elles ne rappellent pas davantage le terme de l'engagement fixé au 05 mai 1992 comportant en outre sur ce point, une erreur puisqu'il est indiqué qu'il s'agit d'un engagement à durée indéterminée ; qu'il en résulte que la BANQUE doit être déclarée déchue des intérêts contractuels ayant couru du 20 mars 1991 au 05 mai 1992 et le jugement infirmé de ce seul chef, ladite banque pouvant prétendre en revanche au paiement des intérêts au taux légal ayant couru depuis l'assignation introductive d'instance du 16

septembre 1993, valant mise en demeure de la caution ; que l'appelant qui ne démontre pas l'existence d'un préjudice autre que celui qui vient d'être réparé sur le fondement de la loi précitée, sera débouté de la demande de dommages et intérêts complémentaire qu'il fonde sur le terrain de droit commun de la responsabilité civile ;

. Sur les autres demandes

Considérant que la BANQUE est fondée à réclamer la capitalisation des intérêts de retard échus auxquels elle peut légitimement prétendre et ce, conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code Civil ; qu'en revanche, elle sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts, faute pour elle de démontrer que l'appel interjeté par Monsieur X... aurait dégénéré en abus de droit ;

Considérant par ailleurs que l'équité ne commande pas qu'il soit fait application en cause d'appel de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; que le jugement sera cependant confirmé du chef de l'indemnité accordée sur ce fondement en première instance à la banque ;

Considérant enfin que Monsieur X... qui succombe pour l'essentiel dans l'exercice de son recours, supportera les entiers dépens. * PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

- REOEOIT Monsieur Michel X... en son appel ;

DONNE acte à ce dernier de son désistement d'appel à l'encontre de Maître Véronique BECHERET, prise en qualité de liquidateur de la société LABORATOIRE 7 B ;

- CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement déféré sauf en ce qu'il a condamné l'appelant à payer à la BANQUE COLBERT devenue CDR CREANCES, des intérêts au taux contractuel du 20 mars 1991 au 05 mai 1992 et statuant à nouveau sur ce point, rejette ce chef de demande ;

Ajoutant au jugement,

- AUTORISE la société CDR CREANCES à capitaliser les intérêts de retard courant depuis l'assignation introductive d'instance et ce, conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code Civil ;

- REJETTE les demandes en dommages et intérêts formées par chacune des parties ainsi que celles-ci du surplus de leurs prétentions ;

- DIT n'y avoir lieu en cause d'appel à application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

- CONDAMNE Monsieur Michel X..., qui succombe pour l'essentiel, aux entiers dépens et autorise la SCP d'Avoués KEIME etamp; GUTTIN à poursuivre directement le recouvrement de la part la concernant, comme il est dit à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. ARRET REDIGE PAR MONSIEUR ASSIÉ, PRESIDENT ET PRONONCE PAR MADAME LAPORTE, CONSEILLER ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET LE GREFFIER

POUR LE PRESIDENT EMPÊCHÉ C. DAULTIER

F. LAPORTE, CONSEILLER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1996-2750
Date de la décision : 17/09/1998

Analyses

CAUTIONNEMENT - Etendue - Engagement à l'égard d'une société - Fusion de sociétés.

Il résulte du régime juridique applicable aux fusions - scissions qu'un apport partiel d'actifs emporte transmission universelle et passive du patrimoine de la société absorbée à la société absorbante. Cette transmission a pour effet un transfert de plein droit de la propriété de tous les biens de la société absorbée, à l'exception des biens attachés à la personne ; il en va ainsi du cautionnement, tenu pour un engagement intuitu personae. Si le bénéfice du contrat de cautionnement conclu du chef d'une société absorbée ne se transmet pas à la société absorbante, sauf à la caution de s'engager, par une manifestation expresse, envers la société absorbante, il est de jurisprudence constante que la garantie des dettes antérieures à la fusion reste acquise et est maintenue au profit de la société absorbante. En l'espèce, un découvert bancaire garanti par un engagement de caution échu antérieurement à un apport partiel d'actif constitue une créance de la société absorbée ; si une telle créance a pour origine un engagement intuitu personae, elle perd ce caractère lorsqu'elle abonde le patrimoine de la société absorbée, ou, après l'opération de fusion, celui de la société absorbante

CAUTIONNEMENT - Caution - Information annuelle - Défaut - Effets - Déchéance des intérêts.

Lorsque les lettres d'informations, qu'adresse un organisme bancaire à une caution, ne précisent pas le montant des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente et n'indiquent pas le terme de l'engagement ou de manière erronée, conformément aux dispositions exprès de l'article 48 de la loi du 1er mars 1984, l'établissement de crédit doit, en application du même texte, être déclaré déchu des intérêts contractuels


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1998-09-17;1996.2750 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award