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17/09/1998 | FRANCE | N°1995-8564B

France | France, Cour d'appel de Versailles, 17 septembre 1998, 1995-8564B


Par une convention de fortage conclue le 27 octobre 1988, la société SOFIGRA, venant aux droits de Monsieur X..., a consenti l'exploitation de gisements de sables et graviers, en contrepartie d'une redevance versée par la société G.S.M., exploitante, et calculée sur la base de cinq millions de mètres cubes environ, ladite redevance étant stipulée régulièrement révisable.

Les parties, s'opposant sur l'interprétation à donner à la clause d'indexation, ont désigné un arbitre unique, conformément à l'article 13 de la convention portant clause compromissoire.

Par

une sentence arbitrale en date du 02 septembre 1995, l'arbitre a statué dans l...

Par une convention de fortage conclue le 27 octobre 1988, la société SOFIGRA, venant aux droits de Monsieur X..., a consenti l'exploitation de gisements de sables et graviers, en contrepartie d'une redevance versée par la société G.S.M., exploitante, et calculée sur la base de cinq millions de mètres cubes environ, ladite redevance étant stipulée régulièrement révisable.

Les parties, s'opposant sur l'interprétation à donner à la clause d'indexation, ont désigné un arbitre unique, conformément à l'article 13 de la convention portant clause compromissoire.

Par une sentence arbitrale en date du 02 septembre 1995, l'arbitre a statué dans les termes ci-après :

- Vu la clause d'amiable composition.

- Dit que l'article 6 de la convention de fortage constitue une clause

d'indexation,

-

rejette à ce titre la demande formée par SOFIGRA tendant à obtenir la rémunération pour 45 % de son montant, de la redevance de base

d'exploitation sur le taux de base bancaire.

- Prononce la nullité absolue de l'indice "taux de base bancaire" en ce

que ce dernier contrevient à l'ordonnance n° 58-1374 du 30 décembre

1958 d'ordre public, surabondamment l'annule pour indétermination.

- Décide que les parties devront, avant l'échéance du 1er juillet 1996,

déterminer d'un commun accord un indice qui se substituera pour le

calcul du montant de ladite échéance et des suivantes, à l'indice "taux

de base bancaire" prohibé ; que la base de cet indice sera celle connue

au 1er juillet 1995 ; que dans l'hypothèse où les parties ne parviendraient

pas à s'entendre sur ce point, elles feront application de l'indice G.R.A.

qui s'appliquera en conséquence à 90 % du montant de la redevance de base d'exploitation.

- Octroie à SOFIGRA, nonobstant la nullité de l'indice "taux de base bancaire", le bénéfice de la conservation des sommes issues de la

révision en fonction de cet indice.

- Accueille la demande de SOFIGRA en décidant que lors de chaque

échéance, la "variation négative de chaque indice" doit s'apprécier par

rapport à la valeur de l'indice prise en compte l'échéance précédente.

- Condamne à ce titre G.S.M. à payer à SOFIGRA la somme de globale

de 50.877,81 francs plus intérêts selon les modalités suivantes :

[* 25.740,55 francs majoré des intérêts au taux légal à compter du

1er juillet 1993 jusqu'à parfait paiement et leur

capitalisation dès que dûs

pour une année entière.

*] 16.791,69 francs

majoré des intérêts au taux légal à compter du

1er juillet 1994 jusqu'à parfait paiement et leur

capitalisation

dès que dûs pour une année entière.

* 8.345,57 francs

majoré des intérêts au taux légal à compter du

1er

juillet 1995 jusqu'à parfait paiement et leur

capitalisation dès que dûs pour une année entière.

- Fixe à la somme de 101.500 francs HT les frais et honoraires

d'arbitrage qui seront supportés à concurrence des 3/4 par G.S.M. et d'1/4 par SOFIGRA.

- Rejette comme mal fondé le surplus de toutes les demandes des

parties.

- Ordonne, sans caution, l'exécution provisoire de la présente sentence.

Appel principal de cette décision a été relevé par la société SOFIGRA et la société G.S.M. a elle-même formé appel incident.

Par arrêt en date du 16 octobre 1997, auquel il est renvoyé pour plus ample exposé des éléments de la cause, la Cour d'Appel de ce siège a réouvert les débats, invitant les parties à apporter toutes explications de droit et de fait sur la recevabilité de leurs appels. Les parties ont satisfait à cette exigence et versé aux débats la

convention d'arbitrage qui leur réserve un droit d'appel.

Au soutien de son recours, la société SOFIGRA fait essentiellement valoir que l'application de la clause litigieuse, telle que décidée par l'arbitre, provoquerait une dévaluation en francs constants contraire à la commune intention des parties laquelle entendait, par application du taux de base bancaire, rémunérer sa créance sur la société G.S.M. liée à l'échelonnement des paiements. Elle demande, en conséquence, que la décision arbitrale soit infirmée "des chefs qui lui font grief" et que la clause sorte son plein et entier effet comme l'ont voulu les parties. Subsidiairement, dans l'hypothèse ou la décision d'arbitrage serait confirmée en ce qui concerne la nullité de l'indice "taux de base bancaire", l'appelante demande qu'il soit jugé que, sauf meilleur accord des parties, la révision annuelle du prix de la redevance de base d'exploitation s'effectuera, comme l'a dit l'arbitre, à concurrence de 90 % sur la base de l'indice G.R.A. et des 10 % restant sur la base de l'indice I.N.S.E.E. de la construction. Elle sollicite également la confirmation de la décision arbitrale en ce qu'elle a condamné la société G.S.M. à lui payer la somme de 50.877,81 francs outre les intérêts ainsi que du chef de la répartition des dépens.

*

La société G.S.M. conclut, pour sa part, à la confirmation de la sentence arbitrale en toutes ses dispositions sauf en ce qu'elle l'a condamnée à payer à la société SOFIGRA la somme susvisée de 50.877,81 francs, outre les intérêts et en ce qui concerne les frais et honoraires d'arbitrage qu'elle estime devoir être supportés à concurrence des 3/4 par SOFIGRA et d'un 1/4 par elle-même. Elle réclame également une indemnité de 20.000 francs au titre de

l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. MOTIFS DE LA DECISION

* Sur la recevabilité de l'appel

Considérant que, suivant l'article 1482 du Code Civil, la sentence de l'arbitre qui a statué en amiable compositeur n'est pas susceptible d'appel, à moins que les parties ne se soient expressément réservé cette faculté dans la convention d'arbitrage.

Considérant qu'il ressort de la convention d'arbitrage signée le 30 juin 1994, produite après réouverture des débats, que "le Tribunal Arbitral est investi des pouvoirs d'amiable compositeur, les parties se réservant la faculté d'interjeter appel de la sentence" qu'il suit de là que l'appel principal interjeté par la société SOFIGRA doit être déclaré recevable de même que l'appel incident formé par la société G.S.M.

* Sur le fond

Considérant qu'il sera rappelé que le juge d'appel doit statuer comme amiable compositeur lorsque, comme en l'espèce, l'arbitre avait cette mission.

Considérant que le litige a trait pour l'essentiel à l'interprétation et à la portée qu'il convient de donner à l'article 6 de la convention de fortage intitulé Révision de la Redevance de Base d'Exploitation et qui est ainsi rédigé :

" Toutefois, les parties désirant mutuellement assurer équitablement leur plein effet aux présentes conventions, décident que la redevance précitée (article 5) sera révisable lors de chacune des échéances de paiement prévues (article 7).

La redevance sera ainsi indexée.

* Pour 10 % de son montant, sur l'indice du coût de la construction

I.N.S.E.E. L'indice de base sera le dernier connu le jour de la signature du présent contrat s'établissant à 908 pour le premier trimestre 1988 et sera également le dernier connu audit jour du règlement.

Si ces indices convenus cessaient d'être publiés, venaient à disparaître ou étaient prohibés, les parties devraient se mettre d'accord sur des indices de remplacement.

[* Pour 45 % de son montant sur l'indice pondéré du prix des granulats, dénommé indice G.R.A.

*] Pour 45 % de son montant sur le taux de base bancaire, étant ici précisé que la variation de chacun des ces indices, ne serait pas retenue si elle est de valeur négative".

Considérant que la société SOFIGRA soutient que l'arbitre a dénaturé la commune intention des parties qui était de retenir, non l'indice de base du contrat, mais l'indice de la dernière actualisation rapportée à l'indice du jour de l'actualisation à calculer ; qu'autrement dit, que la redevance de base d'exploitation devait donner lieu à une rémunération annuelle au taux de base bancaire.

Mais considérant que l'arbitre a rappelé qu'une telle prétention conduirait à admettre que la société SOFIGRA serait fondée à percevoir chaque année de G.S.M. une rémunération au titre du différé de paiement de la redevance de base d'exploitation à terme échu pendant 12 ans à compter de la date du premier terme contractuel, alors que la pratique usuelle du paiement à terme échu ou par fraction échelonnée d'un prix n'est pas elle-même génératrice d'une opération de crédit, donnant lieu au paiement d'un intérêt, faute de stipulation expresse ; que l'arbitre a également rappelé qu'il

apparaît que la stipulation d'une telle rémunération n'est pas d'usage en matière de fortage et que la société SOFIGRA, mesurant après l'inconvénient financier attaché au paiement différé, cherche à obtenir un avantage que les parties signataires du contrat n'ont pas envisagé ; que cette analyse ne peut être qu'approuvée dès lors qu'elle est conforme à l'esprit de la convention, et plus particulièrement à celui de l'article 6 qui n'a pour objectif que de maintenir un équilibre du contrat pendant toute sa durée d'application de sorte qu'il ne soit pas affecté par l'érosion monétaire comme le prouve la renonciation des parties à l'application des indices si leur variation s'avère négative, et non d'assurer une rémunération au cédant, contraire aux usages et non expressément voulue par les parties ; que la décision arbitrale, qui répond aux objectifs d'équilibre et d'équité recherchées par les parties, sera donc confirmée sur ce seul point critiqué par l'appelante ainsi qu'en ces autres dispositions non remises en cause, si ce n'est la condamnation au paiement d'une somme de 50.877,81 francs outre les intérêts, prononcée à l'encontre de G.S.M.

Mais considérant que cette dernière ne motive en rien son appel incident sur ce point si ce n'est en faisant valoir sans autre précision que c'est par une inexacte appréciation des faits et éléments de la cause que cette condamnation a été prononcée alors que l'arbitre l'a parfaitement justifiée notamment en équité et au regard des précédentes dispositions arrêtées.

Considérant enfin que l'arbitre a fait une juste appréciation de la répartition des frais d'arbitrage dès lors que G.S.M. a contraint SOFIGRA, en refusant tous compromis amiables, et alors que la clause contractuellement prévue s'avérait inapplicable en raison du choix d'un indice inadapté et imprécis, à savoir le taux de base bancaire, de mettre en oeuvre la procédure d'arbitrage ; qu'en revanche,

SOFIGRA qui succombe dans l'exercice du recours qu'elle a cru devoir exercer, en supportera les frais, l'équité ne commandant pas qu'il soit fait application en l'espèce de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Vidant son arrêt avant dire droit en date du 16 octobre 1997,

DIT recevables l'appel principal et l'appel incident formés respectivement par les sociétés SOFIGRA SARL et G.S.M. SA à l'encontre de la sentence arbitrale rendue le 02 septembre 1995 par Monsieur Y..., désigné comme amiable compositeur,

DIT cependant ces appels mal fondés,

CONFIRME par voie de conséquence en toutes ses dispositions la sentence déférée,

DIT n'y avoir lieu en la cause à application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

CONDAMNE la société SOFIGRA SARL aux entiers dépens d'appel et autorise la SCP d'Avoués GAS à poursuivre directement le recouvrement de la part la concernant comme il est dit à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. ARRET REDIGE PAR MONSIEUR ASSIÉ, PRESIDENT ET PRONONCE PAR MADAME LAPORTE, CONSEILLER ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET LE GREFFIER

POUR LE PRESIDENT EMPÊCHÉ C. DAULTIER

F. LAPORTE, LE CONSEILLER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1995-8564B
Date de la décision : 17/09/1998

Analyses

ARBITRAGE - Sentence - Appel.

Suivant l'article 1482 du nouveau Code de procédure civile, la sentence de l'arbitre qui a statué comme amiable compositeur n'est pas susceptible d'appel, à moins que les parties ne se soient expressément réservé cette faculté dans la convention d'arbitrage.Tel est le cas d'une convention d'arbitrage qui prévoit que " le Tribunal arbitral est investi des pouvoirs d'amiable compositeur, les parties se réservant la faculté d'interjeter appel de la sentence "

INDEXATION - Indexation conventionnelle.

Dès lors que la pratique usuelle du paiement à terme échu ou par fractions échelonnées d'un prix n'est pas, à défaut de stipulation expresse, elle-même génératrice d'une opération de crédit donnant lieu au paiement d'un intérêt et qu'elle n'est pas d'usage en matière de contrat de fortage, le concédant d'une carrière qui soutient que la redevance de base d'exploitation doit être indexée sur le taux de base bancaire cherche, en fait, à obtenir un avantage -la rémunération du différé de paiement- que les parties signataires du contrat n'ont pas envisagé, ce dont il résulte, notamment, de la clause portant renonciation des parties à l'application des indices lorsque leur variation s'avère négative


Références :

N1 Code civil, article 1382

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1998-09-17;1995.8564b ?
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