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11/09/1998 | FRANCE | N°1996-1991

France | France, Cour d'appel de Versailles, 11 septembre 1998, 1996-1991


La Société TAXITEL d'une part et Madame X... et Messieurs Y..., Z..., QUEROLI, A... et B... d'autre part ( ci-après les chauffeurs de taxi) étaient liés par un contrat de bail aux termes duquel la première donnait en location aux seconds un véhicule automobile équipé taxi moyennant le paiement d'un loyer et de "charges sociales".

Les cotisations sociales correspondant à l'affiliation du chauffeur de taxi du régime général de la Sécurité Sociale étaient payées par la Société TAXITEL puis repercutées intégralement sur le chauffeur ; Ceux-ci ont estimé que cette clau

se était contraire aux dispositions de l'article L 241 du Code de la Sécuri...

La Société TAXITEL d'une part et Madame X... et Messieurs Y..., Z..., QUEROLI, A... et B... d'autre part ( ci-après les chauffeurs de taxi) étaient liés par un contrat de bail aux termes duquel la première donnait en location aux seconds un véhicule automobile équipé taxi moyennant le paiement d'un loyer et de "charges sociales".

Les cotisations sociales correspondant à l'affiliation du chauffeur de taxi du régime général de la Sécurité Sociale étaient payées par la Société TAXITEL puis repercutées intégralement sur le chauffeur ; Ceux-ci ont estimé que cette clause était contraire aux dispositions de l'article L 241 du Code de la Sécurité Sociale et ont demandé au Tribunal d'en prononcer la nullité et de condamner la Société TAXITEL à leur rembourser la part patronale qu'ils ont payé en ses lieu et place.

Par jugement du 8 Novembre 1995 le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE a :

- rejeté l'exception d'irrecevabilité de la demande

- déclaré recevable les interventions volontaires de la Chambre Syndicale du loueur de voitures automobile et de la Chambre Syndicale des loueurs d'automobiles de place de PARIS ILE DE FRANCE.

- déclaré nuls le contrat liant chacun des demandeurs à la Société TAXITEL.

- dit que cette nullité ne produit d'effet que pour l'avenir.

- condamné la Société TAXITEL à payer à chacun des 6 demandeurs la somme de 10.000 Frs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Messieurs Z..., Y..., B... et RIBINE et Madame X... ont interjeté appel de ce jugement.

Dans les conclusions récapitulatives Ils ont demandé à la Cour de :

- confirmer partiellement le jugement entrepris en ce qu'il a dit que la clause contractuelle prévoyant la prise en charge des cotisations patronales par le locataire viole les dispotions de l'article L 241-8 du Code de Sécurité Sociale.

- l'infirmer en ses autres dispositions.

- prononcer la nullité de la clause contractuelle prévoyant la prise

en charge des cotisations patronales pour le locataire pour violation de l'article L 241-8 du Code de la Sécurité Sociale.

- condamner la Société TAXITEL à leur restituer les sommes suivantes :

- à Madame X... : 71.443,74 Frs correspondant aux cotisations patronales versées du 3 Avril 93 au 3 Avril 95.

- à Monsieur B... : 164.938,37 Frs correspondant aux cotisations patronales versées du 1er Décembre 88 au 18 Novembre 94. - à Monsieur Y... :

263.130,52 Frs correspondant aux cotisations patronales versées du 1er Avril 88 au 30 Juin 95.

- à Monsieur Z... : 117.353,81 Frs correspondant aux cotisations patronales versées du 4 Mars 91 au 26 Juillet 94.

- à Monsieur A... : 231.734,06 Frs correspondant aux cotisations patronales versées du 1er Avril 87 au 30 Juin 94.

- Dire que ces sommes seront augmentées des intérêts au taux légal à compter du jour de la signature des contrats susvisés et à raison de chaque échéance

- dire que ces intérêts seront capitalisés.

- condamner la Société TAXITEL à payer à chacun des appelant 50.000 Frs à titre de dommages intérêts et 20.000 Frs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Dans des conclusions complémentaires ils ont demandé :

- à titre subsidiaire et au cas où la Cour considererait que la clause 7 a du contrat était déterminante du consentement des parties par ce qu'essentielle à l'économie du contrat, de désigner un expert avec mission d'établir l'impact des cotisations sociales sur l'économie du contrat et la réalité des pertes annoncées par la Société TAXITEL.

- à titre plus subsidiaire et en cas d'annulation totale du contrat de location, de dire que le principe de rétroactivité s'impose et désigne un expert pour établir les comptes de restitution entre les parties.

- à titre infiniment subsidiaire, en cas de confirmation du jugement en ce qu'il a dit que la nullité du contrat n'aura d'effet que pour l'avenir, de dire que les agissements de la Société TAXITEL sont constitutifs de fautes contractuelles d'une gravité exceptionnelle et

de condamner la Société TAXITEL à leur verser, à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subis, le montant des sommes réclamées au titre de remboursement des cotisations patronales de Sécurité Sociale.

Après avoir exposé que les chauffeurs de taxi locataires sont, par application de l'article L 311-3-7 ème du Code de la Sécurité Sociale, obligatoirement assujettis au régime général de la Sécurité Sociale et assimilés à des salariés et par la Société de location qui est, de ce fait, assimilée à un employeur et doit à ce titre supporter seule la contribution mise à la charge de l'employeur, ils ont fait valoir les moyens suivants :

- Le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE était compétent pour connaitre du litige car la clause invoquée par le loueur est une clause compromissive qui est nulle en application de l'article 2060 du Code Civil, les chauffeurs de taxi n'ayant pas la qualité de commerçant.

L'article L 248-1 du Code de la Sécurité Sociale est applicable au contrat de location, car les Sociétés de locations sont des

employeurs au regard de la Sécurité Sociale, comme l'a reconnu le ministère des affaires sociales.

- Le fait que depuis 1973 ni les chauffeurs de taxi, ni les autorités de tutelle n'aient protesté ne peut être considéré comme une acceptation, et l'ancienneté de la violation de la règle légale ne s'analyse pas comme une règle coutumière.

- La clause, contraire aux dispositions de l'article L 241-8 du Code de la Sécurité Sociale est nulle de plein droit, mais elle n'est pas essentielle à l'équilibre économique du contrat de location qui doit être apprécié objectivement et ne peut donc entrainer l'annulation totale de la convention.

- l'annulation totale du contrat avait pour effet de sanctionner davantage le chauffeur de taxi qui s'est imposé une clause illégale et se verrait ensuite privé de son instrument de travail.

- Les prestations versées en application de la clause annulée doivent être restituée intégralement car le principe de rétroactivité ne peut être écarté.

La Société TAXITEL a formé un appel incident pour voir :

- dire que l'action engagée par le chauffeur locataire irrecevable aux motifs que les dispositions de la clause contractuelle de tentative de conciliation préalable n'ont pas été respectées.

- renvoyer les parties à procéder à cette tentative de conciliation avant toute saisine éventuelle ultérieure d'une juridiction.

- Subsidiairement, informer le jugement.

- en ce qu'il a dit l'article L 241-8 du Code de la Sécurité Sociale applicable en l'espèce.

- en ce qu'il a jugé les contrats litigieux nuls comme contrevenant aux dispositions dudit article.

Et en ce qu'il a, au moyen d'une interpretation judiciaire de la Loi contraire à l'interprétation d'une coutume établie depuix 20 ans, prononcé à tort la nullité d'un contrat conforme à la dite coutume.

- à titre plus subsidiaire, confirme le jugement en ce qu'il dit que la nullité ne pouvait avoir d'effet que pour l'avenir.

Dans l'hypothèse d'une rétroactivité de cette nullité, constater que les restitutions à opérer ne peuvent se limiter au remboursement de la part patronale des cotisations sociales versées par TAXITEL à l'URSSAF, mais qu'il convient dans le cadre d'une remise intégrale des parties dans la situation où elles se trouvaient antérieurement à l'entrée en vigueur du contrat, d'ordonner une expertise.

- Condamner chacun des appelants à lui payer une indemnité de 20.000 Frs par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Elle expose qu'en dépit de la terminologie utilisée l'article XIX du contrat est une clause de conciliation préalable et non pas une clause d'arbitrage, qu'une telle clause est valable et qu'elle aurait dû être respectée.

- L'application générale du contrat à l'ensemble de la profession concernée depuis 20 ans sans protestation ni des co-contractants, ni des autorités de tutelle constitue un usage ancien, constant, notoire

et général et s'analyse comme une règle coutumière qui s'impose aux parties et au juge judiciaire.

- en l'absence de texte spécial, l'article L 241-8 du Code de Sécurité Sociale ne s'applique pas aux personnes "assimilées" aux salariés tels les chauffeurs de taxi locataires.

- les dispositions contractuelles ne sont pas contraires à l'article L 241-8, car le chauffeur locataire perçoit directement l'intégralité du chiffre d'affaire résultant de son activité et est un travailleur indépendant.

- La nullité de la cause, si elle est prononcée, doit entrainer la nullité du contrat car l'économie du contrat serait boulversée, le montant de la part patronale des cotisations étant supérieur au

bénéfice réalisé par la Société de location.

- Les chauffeurs locataires n'ont subi aucun préjudice du fait de la contradiction supposée entre la présentation formelle de la situation et les dispotioins de l'article L 241-8 car la part, dite patronale, des charges sociales ne peut être financée qu'à partir de la recette perçue par le locataire.

La chambre syndicale des loueurs d'automobiles de place de PARIS ILE DE FRANCE (CSLVA) est intervenue volontairement à l'instance d'appel pour demander à la Cour d'infirmer le jugement entrepris et de :

- dire que l'article L 241-8 ne saurait s'appliquer à la location de taxis.

- subsidiairement dire que les contrats de location constituent des adaptations nécessaires et licites des dispostions du Code de la Sécurité Sociale.

- plus subsidiairement, confirmer le jugement et dire que les locataires n'ont pas subi de préjudice.

- encore plus subsidiairement désigner un expert, aux fins d'établir le compte entre les parties en raison de l'annulation des contrats après avoir soutenu que son action était recevable car elle tendait à défendre les intérêts collectifs de ses membres, elle a développé des moyens identique à ceux soutenus par la Société TAXITEL et notamment celui tendant à faire juger par l'article L 241-8 du Code de la Sécurité Sociale était inapplicable aux "assimilés" pour des motifs de texte mais aussi parce que, en présence d'un contrat de location ce sera toujours la recette perçue par le chauffeur locataire qui supportera directement ou indirectement les charges patronales ;

La Chambre syndicale des loueurs de voitures automobiles (CSLVA) est également intervenue volontairement à l'instance d'appel pour

demander à la Cour de :

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la nullité des dispositions du contrat de location relatives au paiement des cotisations de Sécurité Sociale obligatoires.

- dire que les dispostions de l'article L -8 du Code de la Sécurité Sociale ne sont pas applicables au contrat de location passé entre les compagnies de taxis et les chauffeurs de taxi travailleurs indépendants.

- subsidiairement, si une telle nullité était encourue, constater qu'elle devait affecter la totalité du contrat compte tenu de la rupture de l'équilibre économique.

- dire qu'une telle nullité doit entrainer à la charge du chauffeur de taxi locataire, restitution de la totalité du chiffre d'affaire réalisé, à charge pour la compagnie de taxis de restituer le montant

de l'allocation perçue.

- constater que les comptes se révèlent d'une extrême complexité

- dire en conséquence que la nullité ainsi prononcée ne saurait rétroagir.

- confirmer le jugement déféré

- condamner les appelants au paiement d'une indemnité de 20.000 Frs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Les appelants ont soulevé l'irrecevabilité de l'intervention volontaire de la CSLVA au motif qu'elle n'avait pas un intérêt

particulier à agir.

MOTIFS DE L'ARRET :

Sur l'intervention volontaire de la SCLVA

Attendu que la SCLVA est une organisation professionnelle qui regroupe des loueurs de voiture et qui a pour objet de défendre les intérêts communs de ses membres et de leur personnel notamment devant les juridictions ;

Attendu que le fait pour les membres de la CSLVA soient individuellement présents dans les différentes procédures en cours, n'enpêchera pas que la CSLVA a un intérêt distinct à faire valoir des moyens communs à tous ses membres pour la défense de la profession;

Que sa représentativité n'est, par ailleurs, pas discutable puisque la CSLVA est signataire du protocôle d'accord du 31 Janvier 1996 et participe, es-qualités, aux réunions organisées par le ministère de tutelle;

Que son intervention est recevable.

Sur la clause d'"arbitrage"

Attendu que l'article XIX des conditions générales du contrat de locataires dispose :

" tous litiges pouvant intervenir entre la Société et le locataire à l'occasion de l'exécution et de la résiliation du contrat seront de la compétence exclusive des Tribunaux dans le ressort desquels se trouvera situé le siège social de la Société, tel que celui-ci figure aux conditions particulière du présent contrat.

Toutefois, préalablement à toute saisine du Tribunal, les parties s'engagent pour tous litige à recourir à l'arbitrage . Les arbitres, l'un représentant les loueurs, l'autre les locataires, étant désignés par les organisations professionnelles.

Les conclusions de l'arbitrage seront communiquées, pour information, aux loueurs de taxis.

Attendu que les chauffeurs de taxi analysent cette clause comme une clause d'arbitrage qui, en tant que telle serait nulle, tandis que les loueurs soutiennent qu'il s'agit d'une clause de conciliation préalable;

Attendu que la qualification de la clause litigieuse ne dépend pas des termes employés dans la convention, mais de la mission confiée aux tiers.

Que l'arbitrage suppose que les parties aient entendu confier aux tiers un pouvoir juridictionnel ;

Attendu

Attendu qu'en l'espèce, non seulement les parties n'ont pas renoncé à la compétence judiciaire étatique au profit d'arbitres auxquels elles auraient donné mission de les juger, mais elles ont défini le Tribunal territorialement compétent pour le faire ;

Que le recours à des tiers n'est qu'un préalable a la saisine du Tribunal et a seulement pour objet de tenter de prévenir le procès en demandant à ces tiers de proposer une solution amiable sans que celle-ci ont un caractère obligatoire ;

Qu'ainsi malgré l'utilisation des termes "arbitre" et "arbitrage" la clause contenue dans l'article XIX du contrat n'est pas une clause compromissoire mais une clause organisant une conciliation préalable; Qu'une telle clause est valable, même à l'égard du non commerçant, et s'impose aux parties.

Attendu que les Sociétés de location n'ont jamais renoncé, même implicitement, à se prévaloir de cette clause ;

Attendu qu'il appartenait aux chauffeur de taxi locataire de mettre en oeuvre une procédure de tentative de conciliation avant de saisir le Tribunal ;

Que le préalable de conciliation n'ayant pas été respecté la demande des chauffeurs de taxi est irrecevable.

Attendu que le jugement sera informé en ce sens.

Attendu que les chauffeurs de taxi qui succombent supporteront les dépens et ne peuvent prétendre à des dommages et intérêts .

Attendu qu'aucune considération d'équité ne justifie l'application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, contradictoirement, et en dernier ressort;

Déclare recevable l'intervention volontaire de la CSLVA.

Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté l'exception d'irrecevabilité de la demande.

Statuant à nouveau de ce chef,

Déclare Messieurs Z..., Y..., B... et A... et Madame X... irrecevables en leur demande.

Les renvoie à se soumettre à la procédure de conciliation préalable. Déboute les appelants de leur demande de dommages et intérêts.

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Nouveau Code de

Procédure Civile.

Condamne les appelants aux dépens de première instance et d'appel, dit que ceux-ci seront recouvrés par les SCP JULLIEN-LECHARNY-ROL, LISSARAGUE et DUPUIS, BOMMART et MINAULT, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Arrêt prononcé par Monsieur FALCONE, Président,

Assisté de Monsieur C..., Greffier Divisionnaire,

Et ont signé le présent arrêt,

Monsieur FALCONE, Président

Monsieur C..., Greffier Divisionnaire.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1996-1991
Date de la décision : 11/09/1998

Analyses

ACTION EN JUSTICE - Intérêt - Association - Intérêt légitime - /.

Une organisation professionnelle, qui est représentative et qui a pour objet la défense des intérêts professionnels de ses membres et de leurs personnels, a nécessairement un intérêt distinct de celui de ses membres pris individuellement, et doit être déclarée recevable dans son intervention volontaire au cours d'une instance où plusieurs de ses adhérents sont parties

CONTRATS ET OBLIGATIONS CONVENTIONNELLES - Interprétation - Commune intention des parties.

Une clause contractuelle, bien que dénommée " clause d'arbitrage ", qui définit la compétence territoriale du tribunal compétent tout en subordonnant la saisine du juge judiciaire à la soumission préalable du litige à des " arbitres " ne constitue pas une clause compromissoire écartant la compétence judiciaire étatique, mais une clause organisant une conciliation préalable ayant pour objet de prévenir une action en justice.


Références :

nouveau Code de procédure civile, articles 328 et suivants

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1998-09-11;1996.1991 ?
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